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au 31 Mai 21 :
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Afterglow
Par JoRdY
Harry Potter  -  Romance  -  fr
3 chapitres - Complète - Rating : T (13ans et plus) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 2     Les chapitres     2 Reviews    
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Deuxième partie

Disclaimer: Seule la présente histoire m'appartient. Les personnages qui servent à sa construction n'ont hélas pas le même statut.

Je vous prierai d'acclamer la fantastique Ecnerrolf pour la justesse de sa correction, et pour la vitesse de cette dernière.

Afterglow

Ou

L'Ovalie sentimentale

Deuxième partie

Il se passa environ une année avant que je ne le revois, à l'occasion de la demi-finale opposant Clermont à Toulouse. Le demi de mêlée clermontois titulaire, mon supérieur pour ainsi dire, avait sacrifié sa cheville au prix d'une ultime course victorieuse qui nous avait permis d'obtenir la qualification désirée et qui me propulsait donc à ce rang décisif le temps d'un match ou plus si nous atteignions la finale. Une chance inespérée de montrer l'envergure de mon talent dans une rencontre qui faisait déjà frémir les amateurs et les plus fervents supporters.

Ma certitude quant au fait que nous allions nous affronter me venait de l'affairement médiatique dont sa titularisation faisait l'objet dans la plupart des journaux sportifs. Partout, on pouvait lire le compte-rendu de ses exploits en vitesse, les interviews qu'il donnait, les louanges de journalistes et leur émerveillement quant au fait que son talent était inversement proportionnel à son âge. Et plus encore, il avait le soutien d'une formidable équipe et de supporters fidèles qui hurlaient son nom dès lors qu'il s'engageait dans une accélération.

Quand il m'avait fallut une année entière avant de parvenir à la place de titulaire – et encore, c'était grâce à une blessure et avec un brin de scepticisme que le sélectionneur me l'avait offerte – il ne lui avait fallu que cinq mois à peine. Cinq pauvre mois pour effacer les performances de son prédécesseur, pour franchir un cap que seul les plus talentueux parvenaient à dépasser, pour réapparaître à mes yeux avec une terrifiante régularité et donc pour me refaire plonger dans les tourments du manque.

À dire vrai, ce soir-là, mon objectif premier n'était pas tant d'assurer sur le terrain, mais d'assurer mentalement, car je me doutais que la vision de son être me pousserait à ressasser involontairement les ébats qui s'étaient déroulés sur mon lit. Chose dont les conséquences se sentiraient sur mon jeu, et par là, sur mes chances de briller, de prouver que le poste de titulaire ne devrait pas m'être attribué qu'en cas de blessure. Il avait laissé ses sentiments de côté pour sa carrière, j'allais en faire de même.

Et je réussis plutôt bien. En effet, ma concentration ne flancha sur aucune passe et sur aucune course, les transformations s'effectuant par le demi d'ouverture le temps de ce match. Je subissais parfois quelques réminiscences dérangeantes, surtout quand il me plaqua et que nous atterrîmes dans une position très suggestive, mais je parvenais mécaniquement à les contrôler, de sorte que l'action suivante soit toujours parfaitement exécutée, de sorte que je parvins à remplir ce qui me semblait être les critères d'évaluation à de plus fréquentes sélections et de sorte à ce que je me prouve que son absence n'avait pas eu des répercutions si mauvaises.

Néanmoins, l'intensité de mes efforts ne servit pas plus que cela, car bien que sa présence sur le terrain ne me paraissait pas si pesante, ce ne fut guère le cas du reste de son équipe. Ainsi, chaque passe que j'effectuais permettait bien au ballon d'atterrir entre les mains d'un coéquipier mais se voyait quelques secondes après sous un tas imposant de joueurs duquel il me fallait l'extirper, et ainsi, notre accès à la finale nous fut refusé par une défaite, par quatre-vingts minutes épuisantes où nous n'avions marqué qu'une dizaine de points pour une vingtaine encaissée.

Le match s'étant déroulé à Toulouse, j'imaginais déjà que le retour en bus ne serait pas très prolixe en réjouissances ou conversations. Mais, heureusement, le mariage de mon frère Bill, qui habitait dans cette ville, se célébrant à la fin de semaine, j'esquivais ledit retour et m'accordais la joie de dormir sur un lit douillet, bien que cela sous-entendait que je devais, le lendemain matin, me coltiner une belle-sœur, certes gentille et attentionnée, mais par moment, franchement lourde.

De ce fait, après un dernier salut envers mes camarades, après quelques autographes signés, et après un rapide coup d'œil involontaire vers la porte des vestiaires toulousains, je me mis à marcher vers l'appartement de Bill, qui se situait à une vingtaine de minutes à pied. Marcher m'avait toujours aidé à décompresser, et la défaite que je venais de subir ajoutée à une surconsommation d'arrière rouge et noir avait eu raison des dernières fonctions apaisantes que possédaient mon esprit, au point que la douleur normalement située dans mes jambes après un effort aussi intense ne se manifesta guère.

Mais c'était sans doute trop lui demander que de s'en tenir à une poignée de main énergique en fin de match. C'était trop lui demander, comme une année auparavant, de se contenter du silence apaisant, de se satisfaire à n'être plus masochiste et à venir chercher des emmerdes facilement plus puantes. Et c'était probablement tout aussi impossible pour moi de restreindre un sentiment puissant qui venait se mêler à une curiosité mortifiante. Pouvait-on trouver personnes plus parfaitement associées pour se détruire mutuellement ?

« Tu montes ? » furent ses seules paroles, tandis qu'il avait arrêté sa voiture et baissé sa vitre à un mètre à peine de mois.

À dire vrai, ce ne furent pas ses seules paroles mais les seules paroles. Le reste ne fut que silence, regards brefs et suggestions ineffables. Je ne fis que regarder l'architecture toulousaine qui défilait sous mes yeux, que me plonger dans sa contemplation afin de retenir ma bouche dans la formulation d'un ordre d'arrêt visant à me faire fuir de ce bolide. Car je savais déjà parfaitement ce qu'il allait se passer, car j'ignorais si c'était la bonne chose à faire et que je savais une grande sagesse à ma mère, en particulier lorsqu'elle me conseillait de n'agir qu'une fois sûr à cent pour cent.

Pourtant rien ne retint mes pas à suivre les siens, alors que nous pénétrions le hall de son immeuble et que nous montions les escaliers menant à son appartement. Rien ne retint les attentes qui s'accumulèrent dans mon esprit. Comme celle de me voir simplement proposer un verre, comme celle de voir s'engager entre nous une discussion amicale qui rattraperait le temps perdu et qui me ferait comprendre qu'en m'emmenant ici, il ne cherchait pas juste à tirer son coup. Et il me prouva encore une fois que ce que j'avais connu de lui avait disparu pour de bon.

Tout se déroula comme la première fois, à la différence que la fougue prit cette fois-ci des proportions supérieures. Il n'y avait plus grand-chose de doux, cet argument s'étant vu remplacé par la frustration d'avoir eu à attendre une année entière pour se retrouver complètement, par l'envie brulante qui donna au rapport une petite note de violence forte agréable, par une défaite qui entrainait un désir de changement et par une victoire qui méritait bien quelques célébrations. Pendant encore des heures et des heures, pas le moins du monde restreins que nous étions suite au match titanesque que nous avions livré.

Tout se déroula comme la première fois, à la différence que cette fois, je fus celui qui partit sans prendre le soin d'informer l'autre.

O(+RW/HP+)O

Chaque homme est familier avec la forme du cercle et chaque homme l'a sans doute déjà couché quelque part. Que ce soit sur une toile pour un peintre, que ce soit sur une feuille dégueulasse pour un enfant qui découvre les joies du dessin, que ce soit sur une table pour un élève qui décide que le cours d'histoire ne mérite pas toute son attention, que ce soit sur un gâteau pour un pâtissier qui tente d'ajouter des couleurs ou des saveurs à sa création, que ce soit sur un tableau pour un professeur de maths ou que ce soit sur une tête par une mère inquiète, tout le monde connait le geste qui permet de la faire apparaître.

Et quand bien même quelqu'un serait incapable de la définir par un mot, il serait capable de la reconnaitre. Elle hante tout ce que l'on touche et tout ce que l'on écrit, ne serait-ce qu'au travers d'une lettre ou d'un chiffre. Elle symbolise l'infini, elle symbolise le commencement, la création, tout un tas d'autres trucs auquel l'homme est confronté au moins une fois dans sa vie, et, souvent, elle se démarque dans sa capacité à réunir les gens dans une ronde joyeuse et festive.

Mais il est des cercles qui n'ont rien de festifs, parce qu'ils réunissent les mauvaises personnes. Des cercles si parfaits en apparence et si destructeur en vrai. Car le désavantage d'une ronde, c'est que la décision doit-être unanime pour en autoriser la sortie, et fatalement, si elle ne le devient pas rapidement, on s'y perd. Mettez un train sur des rails de forme cycloïdale et il ne tardera pas, à force de répéter indéfiniment ce mouvement et d'abîmer ses roues ainsi, à dérailler, à se détruire dans une phénoménale explosion et à provoquer des dommages collatéraux pour toutes personnes ayant l'habitude de l'emprunter. On les appelle communément « cercles vicieux », car piégeant ceux qui les tracent dans un système infini duquel il est difficile de s'extirper.

Difficile, oui, mais certainement pas impossible, et cela parce que la plus grande force comme la plus grande faiblesse de ce type de cercle est d'être basé sur un esprit humain. Ainsi sa puissance croit à mesure que ce dernier se perd, et inversement. Un cercle vicieux demeure donc toujours compliqué car l'esprit l'est, car rien ne semble par moment tant satisfaire un homme que sa propre perte, car le plaisir qui fait office d'encre pour tracer le cercle vaut bien cette même perte, car la solitude combattue à l'aide des personnes façonnant la ronde est un sentiment que chacun cherche à esquiver et dont la simple suggestion tétanise.

Alors on s'y engouffre pendant un, deux, trois mois un, deux, trois ans. On se réveille chaque matin en se promettant de ne plus y penser, en se promettant que l'on ne retombera pas dans ses tours, et fatalement, comme ordinairement tout ce à quoi on se prépare avec minutie et clairvoyance, on y reprend goût. On y ressent une joie fugace qui atteint par moment de telles proportions que ce n'est plus le cercle qui vient à nous, mais nous qui venons au cercle par un nombre incalculable de pas, par un nombre incalculable de battements cardiaques frénétiques.

Puis on réalise, avec célérité pour les plus chanceux et avec lenteur pour les plus malheureux, que notre état se dégrade, par exemple lors d'une sortie plus brutale qu'à l'ordinaire de la ronde, alors qu'on déverse ses tripes et son dégout dans la cuvette la plus proche. On réalise, alors que l'odeur nauséabonde atteint nos cavités nasales, alors que notre gorge brûle, que notre esprit fulmine, alors que nos membres engourdis arrivent à peine à nous maintenir à hauteur des toilettes, combien on a pu être con, combien on a perdu notre temps inutilement et douloureusement.

On réalise, alors que chaque détail des danses effectuées nous revient par images subliminales, alors qu'un œil avisé s'est étonnement joint à l'analyse de ce kaléidoscope, alors qu'on peut enfin écarter la joie pour distinguer la peine, qu'il est temps que cela cesse.

Et pour de bon.

O(+RW/HP+)O

Voilà. Je faisais la première page du Têtu de juin et rejoignait désormais Gareth Thomas(1) dans le club très restreint des joueurs professionnels encore en activité à avoir fait leur coming-out. Dans mon maillot, coiffé comme si je venais d'enchainer vingt matchs, mes yeux déjà bien bleus normalement photoshopés au point de faire mal à quiconque les regarderait, quelques taches de rousseurs étrangement disparues pour que cela ne forme pas un amas trop répulsif, un peu de terre sur les joues et les jambes… Bref, on me vendait beau en occultant un peu la raison de ma présence sur cette pochette.

Mais qu'importe. Je venais d'accomplir ce qui semblait être encore hélas pour beaucoup de joueurs un acte digne d'internement. Je venais par ce que beaucoup considéreraient comme une preuve flagrante de courage d'ouvrir un passage vers ma vie privée aux fouineurs les plus avisés. Je venais, non sans une once plutôt énorme d'ironie, de devenir un modèle pour des tas de jeunes rugbymans qui, comme moi, s'étaient plus d'une fois inquiétés que leurs coéquipiers ne découvrent leur véritable nature. De devenir quelque chose d'autre qu'un simple demi de mêlée, alors que je ne le méritais vraiment pas.

Pourquoi ? Mais parce que cette action n'était qu'une réponse lâche à la souffrance qui m'étreignait depuis plus de trois ans ! Elle n'était en rien la conclusion logique de la peine, de la frustration qu'entrainait le silence, qu'entrainait le devoir implicite d'éviter l'apparition de préjugés et autres. Elle n'était pas non plus la suite d'un entretien familiale, ni la fin d'un chantage médiatique auquel des clarifications s'imposaient. Toutes ces propositions auraient sans doute étés ce qu'il pouvait se faire de mieux vu la merde dans laquelle je m'étais engouffré.

Non, ce coming-out ne faisait qu'office de gomme, de blanc correcteur ou de bave servant à effacer un cercle tracé par la luxure et la stupidité. Il n'était que la résultante directe de mon manque de courage, de mon incapacité à mettre fin, avec pour seul usage la parole, à un échange régulier. Il n'était qu'une tentative que j'espérais concluante d'effrayer Harry et de le faire fuir loin de moi, une subite idée qui m'était apparue comme suffisamment brusque pour le dégager à grand coup de pompes de ma vie, là où mon esprit n'avait guère réussi à trouver le moindre mot.

Pendant trois ans, ce qu'il s'était passé ce soir de demi-finale se reproduisit un grand nombre de fois. Dès que nous nous affrontions de nouveau sur un terrain, dès que nous nous rencontrions dans des sélections nationales, dès qu'il venait rendre visite à ses parents à Clermont-Ferrand, dès que je partais en vacances chez Bill. Pendant trois ans, il n'y eut que regards, vagues paroles, sexe. Et j'aurai largement pu me satisfaire de ces éléments si l'amour et la passion ardente ne s'y étaient pas mélangés. J'aurai pu me contenter du plaisir bestial, si je n'avais pas été humain.

Mais je l'aimais. Aussi dégoutant, libérateur, guimauve et cliché que cela pouvait apparaître, cet amour fut la cause de ce qui me fit lentement sombrer. Pas parce qu'il n'était pas partagé, car il était, par moment clair, qu'Harry ressentait aussi de puissants sentiments pour moi, mais parce qu'il était partagé avec la mauvaise personne, parce que l'ambition de Harry atteignait des sommets proportionnels à son talent. Moi, je partageais cette ambition mais savais me contenter du simple fait de jouer, de la simple possession du ballon lors des matchs.

Voilà pourquoi j'avais choisi de déverrouiller la porte du placard et d'en sortir : la surcharge médiatique qui affluerait autour de moi l'effraierait trop pour qu'il ose m'approcher à moins de quinze mètres. Bien sûr, le coming-out de Gareth Thomas nous avait prouvé que la communauté rugbystique n'était pas si homophobe qu'elle pouvait sembler. Néanmoins ce dernier l'avait fait à trente-cinq ans, autrement avec un bagage phénoménal, avec une carrière vertigineuse et une coupe des six nations en poche.

Lui n'avait que vingt trois ans et bien qu'on ne tarissait pas d'éloges à son sujet, il lui restait encore tout à prouver. La seule perspective qu'une personne ne prenne pas la nouvelle bien lui faisait automatiquement envisager qu'elle réussirait à convaincre tout le monde d'en faire de même, et venait en conséquence lui flanquait des sueurs froides. Le moindre frein, la moindre hésitation s'exagérait, prenait des proportions proches de la paranoïa, et ce fut en partie à cause de cela que je fus certain de ses sentiments, dans la mesure où je demeurais l'unique risque qu'il s'accordait.

Alors, ce dimanche matin où Bill, Fleur et Charlie étaient exceptionnellement venus se joindre à l'habituel repas de famille, j'avais tout révélé. Je m'étais assis, je les avais tous observé manger, discuter de qu'il s'était passé durant leur semaine, rire, me prouver que la famille est une chose merveilleuse et m'interroger sur mon sentiment de cette fin de saison encore une fois remportée par Toulouse. Puis j'avais lâché la bombe de but en blanc, profitant d'un silence inespéré entre deux conversations, priant pour que la brusquerie de l'annonce n'ajoute pas une possible animosité aux réactions.

Mais, fort heureusement, tout se déroula bien. Maman fit mine qu'elle le savait depuis le début, Papa m'offrit un sourire rassurant, Bill explosa de rire, Fleur le suivit, preuve qu'ils avaient déjà dû discuter de cette possibilité, Charlie me tapa sur l'épaule d'un air de dire « mon grand, t'en as du courage de nous le dire », Percy conserva son habituel silence, signe que cela ne changeait pas grand-chose, les jumeaux trouvèrent une blague à la hauteur de leur humour et Ginny s'extasia d'enfin pouvoir parler de garçons avec quelqu'un qui ne l'aurait pas mis au monde en dehors de ses amies. Bref, un dimanche assez habituel chez les Weasley, où se mêlent aux petits riens, des phrases bien plus symboliques.

Il m'avait semblé impossible de leur laisser découvrir ceci par un bout de papier plutôt que ma bouche, tout comme il m'avait été impossible de leur expliquer la raison de mon geste. Je me doutais de toute manière que ma mère, et peut-être Percy, de par son sens pointu de l'analyse, n'ignorait pas que quelque chose s'était passé avec Harry. Quoi exactement, je savais qu'elle ne possédait pas assez de détails pour éluder des certitudes, mais je connaissais suffisamment bien sa facilité quant à la lecture de mon esprit pour ne pas écarter cette possibilité. Aussi étais-je partis assez vite afin d'éviter que ne soient posées des questions auxquelles les mensonges recevraient des rougeurs révélatrices.

Voilà où j'en étais, tandis que le soleil installait un sentiment de bien être, tandis que j'entendais déjà les pas précipités d'un arrière mécontent se diriger vers mon appartement.

O(+RW/HP+)O

« Tu te fous vraiment de ma gueule ! »

Il ne mit qu'une semaine avant de venir labourer ma porte à coup de poing, sans doute le temps de réaliser ce que je venais vraiment de faire, ce que je sous-entendais dans chacun de mes propos et que je lui reprochais. Une semaine avant qu'il ne vienne me confronter. Quatre ans après notre première fois, il lui fallait toujours le même temps.

« Est-ce que tu te rends compte de ce que tu viens de faire ! »

« Tout le monde n'est pas aussi lâche que toi, Harry. »

La remarque eut au moins le mérite de stopper les allers-retours qu'il effectuait sous mes yeux, à défaut de m'attirer le peu de sympathie qu'il lui restait.

« Pitié, ne me sors pas tes grands discours, Ron ! » maugréa-t-il « Ça n'a rien à voir avec la lâcheté ! Tu sais parfaitement pourquoi je ne peux rien dire, alors ne prends pas tes aises à venir me dicter ta morale parfaite. Elle ne s'applique pas au monde dans lequel nous vivons. »

Oui, je connaissais parfaitement les raisons de son mutisme, je les comprenais et les partageais encore. Cependant, pendant plus de trois ans, c'était son égoïsme qui avait pris les décisions et le mien qui s'était caché, ce même égoïsme qui avait détruis tout ce qui était né de ce jour de sélections, six ans plus tôt. Et il n'était plus question que je me fasse marcher sur les pieds.

« Tu ne connais pas le monde dans lequel nous vivons, Harry, tu te contentes d'y habituer. Tu te contentes de jouer, juste de briller, d'exposer ton talent afin d'en recevoir les éloges qu'il mérite. Tu ne sais pas ce que ça fait de partager plus que ça avec des amis, avec des coéquipiers, sinon tu n'aurais pas si peur de ce que j'ai fait. »

Je n'en savais rien, à dire vrai, mais je l'imaginais. En deux ans de partenariat, j'avais été l'unique personne à partager un lien avec lui, et ce parce que nous n'étions encore rien. Alors maintenant que la notoriété devenait son objectif premier, maintenant que la célébrité lui montait à la tête, je ne l'imaginais pas s'enquérir d'un poids qu'il jugeait probablement trop lourd au vu de sa faible utilité.

« Et alors ? Tu crois que ça te permet de me foutre dans la merde comme ça ? Tu crois que ça légitime ton action ? Tu crois que ça t'autorise à m'imposer quoi que ce soit ? »

« Je ne me souviens pas avoir mentionné ton nom quelque part. »

Les veines sur sa tempe doublèrent de volume, et, frénétiquement, il s'avança vers la commode à coté de lui où était déposé le magazine maudit. En tournant les pages avec une vivacité qui manqua presque de les arracher, il parut arriver au passage recherché.

« Je l'ignore, » lit-il, « mais je sais que je ne suis pas le seul joueur, étant donné que j'en fréquente un. »

C'était la réponse que j'avais formulé quand le journaliste m'avait demandé s'il me semblait possible qu'un autre rugbyman vienne grossir les rangs des sportifs ouvertement homosexuels. Je n'avais bien sûr rien répondu à la suivante qui me demandait de révéler l'identité du susnommé joueur.

« Tu veux me faire croire que ça, ce n'est pas me foutre dans la merde ? »

« Comme à peu près tous les joueurs de la ligue. »

« Tu n'as pas formé un duo avec tous les joueurs de la ligue ! »

Je poussai un petit rire à la mention du mot « duo », si obsolète et lointain, désormais.

« Harry, cesse de psychoter deux secondes, tu veux ? » dis-je avec un calme qui m'étonna. « Si jamais quelqu'un se met en tête de savoir qui est cette personne, je pense qu'il concentrera plus ses recherches sur les membres de mon équipe, et non sur une autre aussi ancienne que le rugby. Et quand bien même il s'y intéresserait, il ne trouvera rien de plus qu'une amitié ordinaire visible chez la plupart des adolescents.»

Je vis bien qu'il voulut rétorquer, mais il ne trouva pas les mots nécessaires, ou du moins des arguments assez valables. Soupirant, il tira une chaise de sous la table, la retourna dans ma direction et s'assit dessus, instaurant un silence bien familier. C'était comme si le lit de Ginny accueillait son postérieur et que le mien redevenait le centre de l'attention.

« Pourquoi Ron ? Qu'est-ce qui n'allait pas dans ce que nous avions ? »

Et je ne pus retenir mon éclat de rire devant tant d'illusions, devant un tel manque de discernement ou devant une telle mauvaise foi. Car je voyais bien qu'il avait deviné la véritable motivation de mon geste et qu'il se demandait d'où cette dernière pouvait surgir.

« Putain, mais comment peux-tu seulement poser la question ? Nous n'avons jamais rien partagé, Harry ! Nous n'avons jamais rien eu d'autre que des coups par ci par là, rien d'autre qu'une saloperie de relation occasionnelle ! Et encore, le mot relation n'est pas le qualificatif le plus juste ! »

Ma voix s'était perdue dans des tonalités inexplorées jusque là, adversaire puissant à la suggestion d'Harry comme quoi nous avions été « quelque chose », et comme quoi nous pouvions sans doute l'être encore.

« Ça va te paraître très orgueilleux de ma part, Harry, mais je pense mériter quelqu'un de mieux que toi, quelqu'un qui n'aura pas peur d'assumer le fait qu'il m'aime… Quelqu'un qui arrêtera systématique de faire passer sa carrière avant moi. »

« Parce que tu crois que je n'ai pas essayé ? Bon sang Ron, j'ai autant souffert que toi de devoir me cacher, j'ai autant souffert que toi de ne pas avoir eu plus souvent l'occasion de partager un moment en ta compagnie… Alors ne me fais pas endosser l'entière responsabilité de cet échec. »

Je perçus avec assez de facilité la peine qu'il transmettait avec ces mots, quand il tentait de la dissimuler sous une colère légitime face à mes accusations. Et je faillis flancher, devant ce regard triste, devant ces mains légèrement tremblantes, devant cet esprit qui réalisait enfin qu'il avait perdu ce qu'il possédait de plus cher au fond de son cœur. Je faillis me lever et le rejoindre, l'étreindre, lui accorder une seconde chance, mais mes lèvres se mouvèrent d'elle-même, sans que je ne prémédite leurs gestes.

« Ça fait trois ans, Harry. Trois ans que j'espère te voir faire un choix définitif, trois ans que, moi, je sais ce que je veux et que toi aussi. Tu as juste peur de me perdre, de perdre la seule chose qui t'écarte de tes efforts constants, qui t'apaise un tant soit peu. Mais j'en ai marre de n'être que ça, tu comprends ? Je suis juste… Épuisé… »

« Je peux… »

« Tu ne peux plus rien, Harry, c'est trop tard. Là, la seule chose dont j'ai envie, c'est de me reposer… C'est vrai qu'il existait de meilleurs moyens de le faire, mais avec celui-ci, j'étais au moins sûr que tu ne serais pas tenter de revenir, ni moi. »

Un petit sourire marqua ses lèvres, sans doute confrontées à l'euphémisme que j'employais dans ma phrase.

Puis le silence revint hanter mon salon. Il se leva et s'assit à côté de moi, me caressa la joue et les cheveux, sans que je ne m'y oppose. Je savais qu'après mon discours, il n'oserait rien tenter de peur de reprendre goût à ce qui lui était interdit maintenant, et je savais que ces gestes étaient sa manière de prononcer des excuses informulables. Et, enfin, après les avoir exécutés pendant cinq bonnes minutes, il se leva, écarta les cheveux barrant l'accès à mon front où il déposa un chaste baiser.

« Je suis désolé. »

De m'avoir involontairement fait trop espérer, d'être trop ambitieux pour son propre bien, de ne pas m'avoir aimé comme il fallait, de m'avoir peut-être privé d'un petit-ami exceptionnel en m'imposant une fidélité amoureuse, de n'avoir su m'offrir ce que j'attendais alors que je le méritais, d'avoir gueulé alors que j'avais raison sur toute la ligne, de m'avoir aimé, de ne pas être apte à fournir des paroles concrètes. Voilà tout ce que contint son baiser, le dernier d'une longue romance imparfaite.

Et quand la porte claqua, je revins à la même conclusion qui m'avait frappée lorsque j'étais sorti des locaux de Têtu : plus rien ne serait pareil.

TBC

(1) Je précise que je n'invente rien. Gareth Thomas est bien à ce jour l'unique joueur professionnel à être sorti du placard.

 
 
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