manyfics
     
 
Introduction Les news
Les règles Flux RSS
La Faq Concours
Résultats ManyChat
Plume & Crayon BetaLecture
Nous aider Les crédits
 
     

     
 
Par date
 
Par auteurs
 
Par catégories
Animés/Manga Comics
Crossover Dessins-Animés
Films Jeux
Livres Musiques
Originales Pèle-Mèle
Série ~ Concours ~
~Défis~ ~Manyfics~
 
Par genres
Action/Aventure Amitié
Angoisse Bisounours
Conte Drame
Erotique Fantaisie
Fantastique Général
Horreur Humour
Mystère Parodie
Poésie Romance
S-F Surnaturel
Suspense Tragédie
 
Au hasard
 
     

     
 
au 31 Mai 21 :
23295 comptes dont 1309 auteurs
pour 4075 fics écrites
contenant 15226 chapitres
qui ont générés 24443 reviews
 
     

     
 
Afterglow
Par JoRdY
Harry Potter  -  Romance  -  fr
3 chapitres - Complète - Rating : T (13ans et plus) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 3     Les chapitres     2 Reviews    
Partager sur : Facebook | Twitter | Reddit | Tumblr | Blogger
Troisième partie

Disclaimer: Seule la présente histoire m'appartient. Les personnages qui servent à sa construction n'ont hélas pas le même statut, tout comme les paroles utilisées qui sont la propriété de la fantastique Vanessa Carlton

Merci à Ecnerrolf pour sa correction

...

AFTERGLOW

Ou

L'Ovalie sentimentale

Troisième Partie

Peu sont ceux qui croient au destin car peu sont ceux qui ont le courage nécessaire d'affronter sa réalité. Ils s'en défendront, ils vous hurleront que ça n'a rien à voir, qu'il s'agit juste d'éluder l'absurdité qu'aurait la vie si son cheminement était prédéfini depuis son apparition et, finalement, l'énergie qu'ils mettront à défendre cette idée les persuadera qu'elle est bonne. Mais ce n'est que la peur, ce n'est que les mauvaises appréhensions et leur résultante qui alimenteront et renouvèleront ladite énergie.

Cette peur inévitable queriende ce que l'on fait n'a pour fin ce que l'on désire autrement que par un propre mérite. Cette peur que tout acte a une signification particulière. Cette peur de la contrainte, de l'absence d'une liberté qu'on pensait induite à notre être. Cette peur que la route du bonheur nous soit interdite par la décision d'une quelconque entité supérieure, etc. Et si l'on s'attarde suffisamment dessus, on remarque aisément que la flamme habitant les yeux de celui poussant l'argumentaire, n'est pas animée de fougue et de persévérance, mais animée de crainte.

Cependant, quand son écartement se fait par la peur, sa croyance, elle, s'instaure par la joie et par l'expérience. Interrogez un couple qui existe depuis cinquante ans et dont les membres se sont rencontrés sur les bancs de l'école, le tout dans une ville qui en contient un nombre infini, et ils ne tarderont pas à vous dire que le destin les a réuni. Parce que seul quelque chose de mystique et d'incontrôlable a pu préméditer avec une étonnante exactitude, là ou le cerveau humain se serait perdu, un rassemblement si parfait.

En effet, l'expérience qui découle d'une rencontre hasardeuse qui se finit par un diner, par d'autres rendez-vous, par une première fois, par un emménagement et par le passage d'une bague autour d'un annulaire gauche peut autoriser une telle conviction. Car on aurait pu arriver dix minutes plus tard, car on aurait pu être découragé par la pluie torrentielle et ne pas s'arrêter sous cette entrée pour s'abriter le temps qu'elle calme son ardeur, car on aurait tout simplement pu être dans une humeur si détestable qu'elle nous aurait interdit le moindre échange cordial avec la personne s'abritant avec nous.

Mais ce qu'il y a de fâcheux avec le destin, c'est qu'il a parfois d'étranges méthodes. Parfois, sa démarche s'écarte de la simplicité et suit des pentes aussi savonneuses que dangereuses. Peut-être pour que les personnes qui sont concernées par celle-ci tissent des liens encore plus puissants, peut-être pour qu'elles savourent encore plus le plaisir de s'être dépêtrées d'un tas d'ennuis, et sans doute pour que plus rien ne leur paraisse insurmontable, ce qu'ont généralement tendance à faire les gens dont la vie n'est qu'une succession d'emmerdes en tout genre.

Quoiqu'il en soit, le destin n'agit jamais par caprice ou par amusement. Ses façons peuvent être discutables, mais ses résultats sont incontestables. Ceux qui en sont effrayés ne remarquent pas sa présence ou l'ignorent volontairement. Même s'il y a de fortes probabilités pour qu'ils aient déjà subi ses influences. Même s'il y a de fortes probabilités pour qu'ils soient sous son joug. Même s'il y a de fortes probabilités pour qu'ils le restent encore longtemps, leur ignorance leur empêchant d'en contrer le pouvoir et d'en discuter la raison, notamment vis-à-vis des susnommées « méthodes étranges ».

Oui, le destin a de farfelus procédés, mais on ne lui en tient jamais rigueur si leurs conclusions apportent ce qu'ils promettent. Même si pour cela il provoque un drame qui nous donne l'impression qu'on ne les vivra jamais du fait que la frayeur issue dudit drame menace de nous tuer.

O(+RW/HP+)O

Il fut difficile de ne pas replonger, le premier mois. Ma main n'avait pas cessé de se diriger vers mon téléphone portable afin d'y sélectionner le numéro d'Harry, tout comme mon esprit avait raccourci mes nuits en m'envoyant des souvenirs bouleversants, des images de partage et d'amour qui venaient augmenter ma tentation. Moi qui n'avait jamais touché à une cigarette ni à la moindre drogue de toute ma vie, j'en venais pourtant à éprouver les horribles symptômes du manque et à comprendre l'acharnement destructeur des pires junkies.

J'étais toutefois décidé. Je connaissais mes faiblesses, je connaissais les emportements faciles auxquels mon cœur pouvait se livrer si, dès lors, je recroisais un élément me rappelant son existence. Les souvenirs, je pouvais les supporter parce que mon esprit avait au moins la gentillesse de ne me confronter qu'aux bons, d'autant que l'immatérialité d'un souvenir rend sa perception parfois difficile. Mais son visage, ses mains, son corps, tout ce qui était à la portée d'un appel, à la portée d'une entente de sa voix demeuraient, me rendant éprouvé au possible, perdu.

Et j'aurai pu, sans doute, continuer dans cette direction, continuer ma quête d'effacement si je n'avais pas reçu ce message de la part de ses parents, si je n'avais pas entre mes mains le portable maudit où s'affichait des mots qui faillirent me provoquer une crise de tachycardie. Oui, j'aurai probablement tenu jusqu'à pouvoir le revoir lors d'un match si ce foutu SMS n'était pas arrivé, si je l'avais supprimé du fait que le numéro de l'expéditeur m'était inconnu, si j'arrêtais de le lire et de le relire avec des yeux dont le dilatement atteignait des records peut-être jamais égalés. J'aurai pu…

Mais qui peut décemment rester de marbre quand il est informé que l'homme qu'il aime vient de subir un accident grave qui l'a plongé dans le coma ? Qui peut supporter la vision inquiétante d'un corps inanimé s'étalant sur un lit d'hôpital ? Qui, encore, peut restreindre la répétition des suggestions quant à l'impossibilité d'un réveil ? Et qui, enfin, peut refuser le pardon qui découle d'une méconnaissance quand à la durée de vie de celui à qui on souhaite l'accorder ? Certainement pas moi.

J'étais là, immobile sur mon canapé, à me demander ce que je devais faire. D'un côté, mon inquiétude voulait me forcer à prendre mes clefs de voiture et à rouler aussi vite que possible vers l'hôpital toulousain. De l'autre, il y avait cette autre appréhension de la visite, cette peur un peu folle que quelqu'un me surprenne à rendre visite à Harry quand il ne faisait ni partie de mon équipe, ni de mes amis connus. Un choix difficile qui, en somme, se résumait à privilégier soit ma souffrance, déduite d'une crainte insupportable, ou la sienne, extraite d'un amalgame douteux que pourrait formuler quelqu'un entre ma visite et une quelconque relation.

La réponse ne mit cependant pas un temps fou à venir, pour la simple et bonne raison que la réflexion m'y amenant s'avéra assez fructueuse. En effet, lorsque je m'étais dis qu'une mort lente et douloureuse m'attendait si je plaçais Harry dans une situation délicate, je m'étais souvenu que celui-ci était dans un état qui ne garantissait même pas l'application de cette sentence. Je m'étais rappelé que, n'ayant guère d'informations supplémentaires sur son état, je ne pouvais m'assurer que son coma soit court ou long. Et je me doutais également que ses parents m'auraient informé plus en détail de son état dans le message s'ils ne souhaitaient pas que je vienne m'en rendre compte par moi-même.

Je pris donc les clefs de ma voiture, celles de mon appartement et sorti en toute vitesse, manquant presque de renverser la voisine qui quittait le sien à ce moment. À peine le contact enclenché, j'appuyai sur l'accélérateur en remerciant le ciel qu'aucun véhicule ne se trouve garé en face de moi vu que mon état de stress m'aurait empêché de faire la manœuvre adéquate pour m'extirper, la défonçant sans scrupule afin d'y parvenir. Me moquant bien des éventuels policiers qui pourraient me barrer le chemin, présageant de toute manière qu'ils me reconnaitraient et oublieraient mon infraction en échange d'un autographe, j'atteignis des records de vitesse en ville que les plus gros caïds n'osaient pas effleurer.

Durant les deux heures et demie qui me séparaient de Toulouse, mon esprit fulmina d'une manière semblable à celle ressentie avant de pénétrer les locaux de Têtu. J'imaginais avec une détresse immense les traits droits de son visage inactif, froid et presque mort. Je me souvenais avec un affreux plaisir de ces moments de partages qu'il m'était possible de ne plus jamais revivre. Je regardais avec une avidité certaine les panneaux routiers indiquant le nombre de kilomètres que j'avais parcouru. Et, bien entendu, je contenais avec une force étrange vu les circonstances les larmes légitimes qui menaçaient mes yeux.

Enfin arrivée à destination, je m'arrêtai et envoyai un message aux parents d'Harry afin qu'ils m'indiquent dans quel hôpital me rendre, et quoique je pardonnais la lenteur de leur réponse, j'eus une furieuse envie de les tuer pour se l'être autorisé. Une fois le nom connu, je demandai mon chemin à quelques passants qui réussirent à me l'indiquer avec plus ou moins de précision. Ma vitesse ralentit cependant du fait que ma méconnaissance de la ville ne me permettait pas de connaitre avec exactitude la fréquentation des rues que j'empruntais, et du fait que rejoindre l'hôpital en y envoyant quelqu'un ne me plaisait pas vraiment. Et finalement, l'architecture massive dudit hôpital m'apparut.

Bien que le trottoir d'en face n'offrait pas un stationnement gratuit, je laissai ma voiture sans prendre le temps de déposer une pièce dans le parcmètre. Elle pouvait bien se prendre une amende entre ses essuie-glaces et son pare-brise, elle pouvait bien se faire embarquer à la fourrière ou encore attirer la haine d'une personne qui lui infligerait un traitement peu favorable à son bon fonctionnement, il n'importait rien d'autre que le parcours invisible dessiné devant moi. Il n'importait que la destruction de l'inquiétude, du stress qui me rapprochait d'un ulcère inévitable.

Je rejoignis l'étage de la chambre d'un pas décidé, ayant en même temps que le nom de l'hôpital, demandé aux parents d'Harry de me l'indiquer, traversant à une allure intolérable dans un tel lieu les couloirs blancs constituant ce dernier. Et ce parcours n'avait rien de rassurant vu le nombre de corps visibles sur les lits se trouvant dans chambres ouvertes, dont certains se démarquaient par leur piteux état. Mais je décidais de faire front et de balayer tout cela d'un revers de main, supposant que les Potter n'avaient pas besoin d'une couche supplémentaire de larmes et de lamentations.

Pourtant, je ne réussis pas à entrer. Je ne réussis pas à simplement franchir le seuil de la porte, à pénétrer dans une chambre blanche où seraient détruites mes craintes ou alimentées. Figé tel une personne à qui on venait d'injecter un tranquillisant pour baleine, je restais incapable de poser ma main sur la poignée et de la tourner, incapable de franchir une putain de porte. C'était comme si je me retrouvais soudainement avec un œil de voleur capable de repérer les portes verrouillées sans avoir à tenter de les ouvrir, mais sans les outils nécessaires pour forcer la serrure gênante. Juste immobile, juste tétanisé, juste stupide.

Et je savais parfaitement pourquoi ce geste m'était interdit. Cette maudite et pourtant indispensable barrière que j'avais dressée autour de mes sentiments afin de, lentement, les étouffer, j'en avais perdu les plans de construction, de sorte qu'il m'était impossible de la détruire même partiellement. Je subissais les caprices de ma propre prudence, de ma propre peur, et la connexion entre mon esprit et mon corps se perdait une fois encore dans un endroit inaccessible. Assis finalement sur une des chaises présentes dans le couloir, je sombrais vainement dans sa recherche.

Comment étais-je devenu si désastreusement pathétique ? Moi qui avais toujours pris le parti de ne jamais agir sans réfléchir, je me retrouvais depuis trois ans à subir chaque conséquence de mon cruel manque d'objectivité. Moi qui m'étais de tout temps méfié de ces choses dont on faisait des descriptions changeantes, j'avais laissé et je laissais des sentiments prendre le contrôle de mon existence, décider de ce que seraient mes actions et mes pensées… Cette foutue chaise était bien trop confortable pour que je me lève et retente une ouverture.

« Ronald ? » fit une voix devant moi.

Mes mains, si confortables au maintien de ma tête, la lâchèrent avec lenteur, lui permettant d'armer une remontée vers l'interlocutrice. Et mes yeux s'écarquillèrent, mon cœur se mit à battre frénétiquement quand je vis la mère d'Harry me fixant avec un air inquiet et des traces de larmes le long des joues. Je réussis néanmoins à me lever et à la saluer par une étreinte, car même si nous n'entretenions pas de rapports particuliers, c'était la moindre des choses en ces circonstances. Elle s'assit ensuite sur la chaise à ma droite.

« Que s'est-il passé ? » demandais-je une fois retourné à ma place initiale.

« Il était en train de s'entrainer avec l'équipe et… » Répondit-elle avant s'interrompre pour ce qui semblait être la retenue d'une larme. « Et un coéquipier, sans doute dans le feu de l'action, lui a fait une cathédrale(1)… Il a atterrit sur la tête et… »

Mes mains se mirent à trembler tandis que je pensais déjà à acheter un flingue pour loger une balle dans la tête de l'abruti qui avait placé Harry dans ce lit. Comment un joueur professionnel, d'autant plus lors d'un simple entrainement où l'adrénaline, la tension et le stress de la compétition n'interviennent pas, pouvait-il commettre une faute aussi magistrale, une manœuvre aussi dangereuse ? Je l'ignorais, et alors que je m'apprêtais à demander le nom du joueur, elle me devança.

« Vous ne voulez pas rentrer le voir ? »

Le silence retomba et mes réflexions s'accaparèrent leur déroulement de nouveau. Je n'envisageais pas de quelle manière je pouvais informer cette femme de mon incapacité à franchir cette porte, tout comme je n'imaginais pas sa réaction face à l'éventuel aveu. Le temps où ma relation avec son fils n'était encore qu'amicale ne s'étant déroulé la plupart du temps que chez moi, je n'avais jamais vraiment eu de contact avec elle me permettant de lui attribuer un caractère précis.

Alors je me tus, me mettant à réfléchir à une parade qui éluderait sa question et qui nous ferait rebondir sur un sujet. Mais je compris bien vite qu'en ce moment de détresse commune, ladite détresse ne pouvait pas prendre une place moins importante dans la conversation. Ainsi, je me mis à hocher la tête de façon négative, sachant bien qu'elle garderait ses questions de peur d'ajouter à l'atmosphère pesante un peu plus de poids.

« Pourquoi m'avoir contacté ? » enchainais-je afin d'adoucir l'atmosphère en question.

Elle me lança alors un regard plein de sous-entendu, et qui m'obligea à préciser ma pensée.

« Je veux dire… Pourquoi moi ? Vous savez bien que nous n'avons plus de contact depuis qu'il a rejoint Toulouse. »

Et à ma grande surprise, là où j'avais pensé entendre un long discours sur l'importance des amitiés adolescentes, je ne reçus qu'un rire fort en pleine tronche. Un rire moqueur, libérateur, dont personne n'aurait pu deviner l'intervention, moi le premier, ce qui s'expliquait facilement par la forme interrogative de mes yeux.

« Mon pauvre Ronald, vous me pensez aveugle à ce point ? C'est mon fils dont nous parlons ! Pensez-vous vraiment que je n'avais pas remarqué l'étrangeté de votre relation quand vous étiez encore adolescents ?... Et puis il est venu nous voir une semaine après que vous ayez fait cette interview, ce qui est, vous en conviendrez, une coïncidence assez explicite.»

Je la rejoins alors, mais avec un sourire plus timide ainsi qu'une pensée pour ma propre mère, tout aussi apte qu'elle à sonder mon esprit.

« Je ne pensais pas que vous viendriez, cependant… Depuis un mois, j'ai compris par le comportement d'Harry que tout n'allait pas pour le mieux entre vous. »

« Nous avons rompu, » répondis-je amèrement.

Je vis ensuite la surprise se dessiner sur son visage. Visiblement, elle avait soupçonné un problème mais n'avait pas envisagé que celui-ci ait entrainé des dégâts d'une telle ampleur. Elle poussa pour finir un soupir dont la signification égala ceux que j'avais moi-même expulsé une fois ce fait survenu.

« Lui et sa carrière… Quel imbécile ! »

Cette fois, le sourire laissa place au rire, l'euphémisme employé étant bien trop grand pour me laisser indifférent. Mais il retomba bien vite et ramena avec lui l'habituel silence. Je savais, elle savait, et la terre entière savait que je ne pourrai pas rentrer dans cette chambre, et que le fait d'avoir été mis au courant du pourquoi de la présence d'Harry me suffirait pour le moment. Alors je lui demandai de veiller sur lui, de veiller à ce qu'il n'ait ni vent de ma venue, ni vent de la peine visible me marquant, avant de me lever, d'étreindre cette femme une dernière fois et de partir.

De retour à ma voiture, une contravention luttait contre les bourrasques en s'accrochant désespérément à mes essuie-glaces, ce à quoi je répondis par des larmes plutôt que par un juron légitime.

O(+RW/HP+)O

Ron,

Je me doutais que tu n'aurais pas l'envie ou pas le courage de décrocher le téléphone si je t'avais appelé, alors j'ai préféré écrire, bien que l'écriture ne soit pas mon fort. J'espère que tu excuseras cette méthode un peu fourbe, cependant il m'était impératif de te parler dans l'immédiat, et je ne m'indignerai pas si tu n'offres à cette lettre aucune réponse.

Te parler de quoi, ça, c'est une question à laquelle je ne peux pas encore répondre. Tu te souviens de la fois où tu m'avais demandé pour quelle raison je quittais Clermont et que je t'avais répondu que je l'ignorais, mais que cela m'était pourtant apparu comme un devoir ? C'est un peu la même chose. Je commence cette lettre sans trop savoir où je me dirige, sans trop savoir ce qu'elle contiendra et sans trop savoir de quelle manière tu la prendras. Ce qu'il s'est passé dernièrement me fait envisager que ce ne sera pas de la meilleure manière puisque tu m'as clairement fait comprendre que tu ne souhaitais plus avoir le moindre contact avec moi, mais j'espère plus que tu la verras comme un simple remerciement.

Premièrement, pour être venu à l'hôpital pendant que j'étais dans le coma. Tu pensais vraiment que ma mère ne m'en parlerait pas, elle qui s'est toujours immiscé dans mes problèmes de cœur ? Il ne lui a pas fallu plus de trois minutes pour me reprocher la rupture alors que je venais enfin de me réveiller, et pas plus de cinq pour m'en tenir responsable. Mais je ne l'en blâme pas. Elle n'a que trop raison, malheureusement.

Je crois comprendre pourquoi tu es venu. Beaucoup dirait que c'est assez évident, néanmoins j'ai appris qu'avec toi, il fallait mieux chercher plus loin que le bout de mon nez. Parce que pendant deux ans, j'ai cru que ce que nous avions te suffirait, tout comme j'ai cru que cela me suffirait, à moi. Cet aveuglement ne légitime pas ma déplorable attitude, j'en ai conscience désormais, toutefois je pense que tu peux la comprendre et en partie l'excuser vu que tu en as aussi subi les frais. Sauf que moi j'ai été aveugle en te pensant satisfait, et que toi tu l'as été en me croyant capable de changer.

Je me rends compte, malheureusement de la mauvaise manière, que ce que je croyais m'être indispensable ne l'est jamais tant que ça. Je me rends compte que ce contre quoi je me suis prémuni peut tout de même survenir malgré ma vigilance. Je me rends compte que, finalement, tu avais raison sur toute la ligne, et que mon entêtement, ma persévérance, ne sont pas nécessairement des alliés de poids dans certaines circonstances. Et je m'excuse pour la lenteur avec laquelle cette constatation m'est parvenue, car je doute fort qu'elle serait survenue si je n'étais pas tombé dans le coma, si je ne m'étais pas aperçu que tu n'étais pas une menace à une carrière capable de s'arrêter par la stupidité d'un coéquipier. J'aurai pu rester ainsi des années durant.

Je ne te supplierai pas pour que nous nous remettions ensemble je crois que ce serait t'insulter. Je veux juste te faire comprendre que j'ai changé, que je vois à présent pourquoi tes reproches étaient justifiés et que je souhaiterais garder un semblant de contact avec toi, même si ça ne se résume qu'à un verre de temps en temps, lors des rencontres de nos équipes par exemple. C'est très égoïste, je le sais, mais j'ai déjà du mal à me faire à l'idée que je dois faire une croix sur toi en tant que compagnon, alors ne m'oblige pas à le faire sur le peu d'amitié qu'il reste entre nous.

S'il te plait.

Harry

O(+RW/HP+)O

Voilà tout ce qui me revient en tête alors qu'un nombre impressionnant de joueurs toulousains me font face, attendant que j'extirpe le ballon du tas et que je l'envoie vers un coéquipier qu'ils se feront un plaisir de plaquer. Voilà ce qui fulmine dans mon esprit alors qu'il ne reste à l'équipe qu'à peine trois minutes pour marquer un essai rattrapant les points encaissés et les dépassants si j'opère bien la transformation qui suivra. Voilà ce qui m'obsède alors que la victoire, alors que cette putain de coupe est à portée de main, alors que je suis censé ne prêter ma concentration qu'à l'exécution d'une passe décisive. Cinq années de souvenirs qui se plaquent sur le visage de celui qui a aidé leur création et qui attend impatiemment mon geste.

Le coach hurle, la foule le suit, l'arbitre est aux aguets, conscient que c'est souvent dans les moments décisifs que la tension entraine la faute, et moi, je scrute machinalement derrière moi tout en vociférant à mes collègues de se positionner convenablement. Nous n'aurons jamais, sur un laps de temps aussi court, une nouvelle occasion et il est impératif que leur action soit aussi rapide que puissante. Alors je secoue vivement la tête, je me débarrasse de ces maudites réminiscences, et je fais un signe de tête à Damien, la troisième ligne et numéro huit, lui indiquant qu'il sera la cible de mon jet.

Avec une force qui m'entraine sur le sol, j'effectue la passe vers une ligne qui avance à grands coups de jambes, manquant de faire trembler le stade tout entier. Damien réceptionne parfaitement la balle et la renvoie une seconde à peine avant de se faire plaquer vers un autre joueur placé à sa gauche et que je ne distingue pas. Il parvient à faire quelques pas, mais, avant qu'il ne puisse faire une passe, pressé par l'arrivée imminente sur lui d'un toulousain plus massif, Harry surgit avec une vitesse folle et le plaque, suivit d'un de ses amis. Ainsi, un nouveau tas se forme et je me précipite vers lui.

La forme ovale en ressort rapidement, mais la formation d'attaque peine à se remettre en place. Les secondes défilent et je ne vois aucune ouverture sur le côté vers laquelle orienter ma passe. Un drop(2), quoique la distance est idéale et que j'ai largement les capacités pour en faire un, n'est pas envisageable du fait qu'il ne nous permettrait pas de l'emporter. Et le coach, qui fait de grands gestes en abimant sa gorge pour me faire comprendre que le temps n'est pas à la réflexion mais à l'action, n'est pas réellement d'un grand secours. Bordel Ronald, réfléchis, réfléchis et réfléchis !

Une minute et demie s'écoule avant que je me décide à faire une passe sur le flanc droit, à la différence que la distance qu'elle demande ne m'oblige pas à manger le gazon, et que je peux ainsi repartir apporter un soutient à mes compagnons de jeu. Comme une minute auparavant, je vois le récepteur de ma passe transmettre le ballon avant de se faire mettre au sol, mais cette fois, le récepteur suivant parvient de justesse à éviter le plaquage et transperce la défense un instant. L'amas d'adversaires qui se précipite sur lui l'oblige à dégager le ballon vers Damien, qui le redirige automatiquement sur moi, qui ai rejoins la diagonale mouvante.

C'est là que je m'aperçois que je suis le dernier point de cette ligne, et qu'aucune passe ne pourra me sauver, me décharger de la triste responsabilité qui pèse sur les épaules de celui qui précipite son équipe vers la défaite. Ma course est effrénée, je la devine capable d'atteindre la ligne d'essai dans le temps imparti si seulement personne ne se dresse devant moi. Or, là, je ne vois pas devant moi une ligne de sprint, mais Harry et un de ses coéquipiers prêts à me barrer le chemin.

Alors j'exécute la première action qui me passe par la tête. Je donne un coup de pied au ballon de sorte à m'en désister et à interdire à mes ennemis de me stopper, tandis que je continue de courir en espérant que la forme ovale ne fasse pas de mauvais rebond et en priant pour que j'arrive à l'aplatir avant qu'elle ne franchisse les délimitations du terrain. Puis je me rends compte que ce n'est peut-être pas la meilleure solution du fait que ma vitesse de course n'a jamais égalé celle d'Harry et que la surprise de mon geste ne servira pas à combler l'écart.

Mais une force, plutôt inhabituelle en fin de match, arme mes jambes. Je ne sais pas si cela provient plus du désir de victoire ou de désir de dépasser Harry, de n'être plus celui qui suit mais celui qui est suivi. Je ne sais pas si l'origine de cette puissance musculaire se décuple à chaque foulée afin de suivre les octaves grandissantes de la foule ou afin de réduire l'augmentation des souffles de cet arrière maudit. Je ne sais rien, si ce n'est que je ne dois sous aucun prétexte m'arrêter, si ce n'est que le ballon est encore rattrapable et que je peux m'apporter la gloire parallèlement à la victoire, éléments qui remonterait mon moral défaillant de ces derniers mois.

Et, finalement, je plonge. Finalement, je me rends compte que c'est l'unique action à accomplir si je veux pouvoir aplatir le ballon avant qu'il ne franchisse les limites du terrain. Du moment où je prends appui sur ma jambe droite à celui ou j'ai l'impression d'être figé dans les airs, préparant mon torse au choc violent de l'atterrissage, je tends mon bras avec l'impression qu'il va s'arracher. Finalement, je prie pour que ma grande taille me serve pour une fois à autre chose qu'à aider les vieilles qui ne parviennent pas à attraper leur boite de haricot en haut d'un étalage. Finalement, je ne me soucis même plus d'Harry.

Le contact brutal avec le sol me fait mécaniquement fermer les yeux, tout comme il coupe ma respiration et m'extirpe du monde réel quelques instants. Mais quand j'y reviens je sens au bout de mes doigts un contact, quelque chose. Est-ce la douleur qui parle, est-ce un fantasme illusoire ? Je l'ignore. La réponse m'effraie autant qu'elle m'attire, les conséquences des deux possibilités qui se présentent à moi s'envisagent avec célérité dans mon esprit, et la surdité qui accompagne le manque d'air suite au choc ne me permet pas d'entendre une réaction de la foule qui m'indiquerait si ma tentative est concluante.

Alors très, très lentement, j'ouvre les yeux. Mes paupières s'écartent, mon cœur s'arrête de battre, et mon souffle se perd encore plus. Et tout revient subitement quand je m'aperçois, tandis que mes oreilles redeviennent opérantes, qu'au bout de mes doigts, qu'au bout d'un bras engourdis par la tension qu'il subit, se trouve un ballon qui évite la délimitation à quelques centimètres. Une association qui offre à mon équipe une victoire presque assurée, une association qui offre à la foule l'occasion de s'époumoner et une association qui offre aux toulousains des sueurs froides.

Mes coéquipiers me félicitent tout en m'aidant à me relever et tout en m'encourageant pour la transformation. Je remercie le ciel d'avoir rendu mon cœur solide, et pour m'avoir permis de supporter le stress de la course ainsi que son effort, et pour me permettre d'endurer celui qui précède mon tir. Le seul problème, c'est que la concentration qu'il met à me garder en vie me fait un peu tituber et donc rejoindre l'emplacement du tir avec une lourdeur qui s'accompagne de regards inquiets.

Au loin, la petite voiture apporte le plot que j'installe. Une fois la balle posée dessus, le silence s'installe dans le stade. Ce dernier arme d'ordre mes pensées et me permet d'évaluer la situation plus clairement : la distance qui me sépare de l'embut n'est pas infranchissable, le vent souffle dans ma direction et l'univers semble vouloir se rattraper de toutes les crasses qu'il m'a fait subir dernièrement. Néanmoins, aucune de ces certitudes rassurantes ne parvient à calmer les tremblements de mon corps, ne parvient à faire valdinguer l'épée de Damoclès qui trône au dessus de mon crane et qui menace de s'y enfoncer brutalement. Je voudrais hurler, demander à quelqu'un de tirer à ma place, épuisé par ma dernière poursuite, mais il est trop tard.

Puis là, ma peur s'achève subitement. Car en face de moi, parmi ces adversaires qui me regardent méchamment et me déconcentrent, un visage se distingue par le sourire qui marque ses lèvres, par le sourire qui m'est adressé. Un visage aux yeux verts que j'ai crains de croiser si longtemps et qui s'avère être au final le remède évident à ce qui me tracasse. Un visage qui devrait normalement me haïr, qui devrait normalement porter la haine d'une possible défaite et d'un récent rejet, et qui pourtant ne cesse de me sourire. Un visage qui prend le risque qu'on s'interroge sur la raison de son geste, qui prendenfinle risque espéré depuis plus de trois et quelques mois.

Et je tire. Et je marque. Et je m'effondre littéralement de joie.

Cependant, mon contact avec le sol ne dure pas très longtemps. Je me retrouve soudainement relevé par des coéquipiers qui manquent de me casser les os de par les étreintes puissantes sous lesquelles ils me placent. Trainé de force à me rapprocher des tribunes pour saluer un public qui m'acclame désormais, la joie ressentie se décuple quand je croise dans la foule le regard admiratif de ma famille, puis quand j'intercepte celui du coach. Mais je me détache rapidement d'eux pour retourner sur le terrain et serrer énergiquement les mains fair-play des joueurs adverses.

« Très belle transformation, » fait une voix familière derrière moi alors que je croyais avoir salué tous les toulousains, alors que la joie m'a fait oublié le plus important d'entre eux.

J'esquisse un sourire et me retourne vers Harry, remarquant immédiatement ce satané sourire qui n'a pas disparu. Sourire qui m'a tant aidé que je ne peux pas m'empêcher d'y répondre.

« Très belle poursuite, » fais-je d'un ton amusé. « Dommage cependant qu'elle n'ait pas abouti selon tes prévisions. »

Nous restons ainsi quelques minutes. À se regarder, à se sourire bêtement comme si nous venions de nous enfiler quinze bouteilles ou quinze joints. Je redécouvre, quand mon esprit avait pris soin de les effacer, ses yeux trop verts, ses cheveux encore plus en bataille qu'à l'ordinaire, ses jambes puissantes, ses mains larges, puissantes, ses pectoraux visibles par l'étroitesse de son maillot, ses dents trop blanches, trop droites, ses bras épais, etc. Et, au milieu de cette contemplation ininterrompue, une seule et unique conclusion vient me frapper : il est beau.

« Qu'est-ce que ça fait ? » me demande-t-il.

Son sourire s'est perdu pour laisser place à une expression sérieuse. Avant que je ne puisse répondre, il lit dans mes pensées et me corrige.

« Pas de remporter la coupe. Je sais ce que ça fait pour l'avoir tenue entre mes mains l'année dernière. »

« Que veux-tu dire, alors ? »

Il hésite. Ses yeux, jusqu'ici plantés dans les miens, se rivent sur le gazon vert et se perdent probablement à analyser les images d'une réflexion.

« De tout dire, » poursuit-il en relevant la tête. « De tout balancer. De prendre le risque. »

And if you could see what's come over me, then you will know

Je le regarde fixement. Je sais parfaitement ce qu'il sous-entend avec cette question. Il me faut savoir s'il ne n'agit pas d'une supercherie qui aurait pour fin de juste me remettre dans son plumard. Il me faut savoir si son accident, si, comme il l'a dit, le fait de réaliser que tout pouvait s'arrêter sans que je n'y mette mon grain de sel, a au moins eu des avantages, à défaut d'améliorer sa santé. Il me faut savoir si, en cas de supercherie, du fait que mon coming-out est déjà fait, j'aurai le courage suffisant pour la stopper. Il me faut savoir…

'Cause I'm walking free

Putain, Ron, ferme ta gueule.

« Un bien fou. C'est comme s'ôter une écharde du pied… sauf que là, l'écharde était si grosse qu'elle t'empêchait de marcher»

Son regard se fait soudain plus dur.

« Tu es sûr ? »

« Absolument. »

The wind at my back

Inévitablement, le vent se lève. Je le sens fouetter mon dos, me faire lentement avancer vers lui. Parce que je sais qu'il a changé mais qu'il lui faudra encore du temps avant d'accomplir les actions de son propre chef, parce qu'il a besoin de courage, et qu'avec un coming-out national et une coupe de même statut, j'en ai à revendre, je m'approche de lui. Je franchis, sans le lâcher du regard, une lueur combative dans les yeux, le pas qui nous sépare. Nous sommes presque torses collés, lui les yeux un peu en l'air et moi un peu en bas.

Inévitablement, je me penche et j'opère la règle des quatre vingt dix pour cent de chemin, lui laissant l'occasion de faire le reste du chemin ou de me rejeter. Un léger pincement au cœur survient, non pas à cause d'une hésitation concernant la certitude qu'il franchira les dix pour cent, mais parce que je sais qu'un stade plein à craquer a les yeux fixés sur ce qui peut ressembler pour quiconque ignorant notre ancienne liaison – donc tout le monde – à une confrontation risquant fort de finir en bagarre, parce que je sais que le danger est d'autant plus grand dans l'esprit d'Harry.

Et pourtant, ses lèvres rentrent en contact avec les miennes. J'ai l'impression de me retrouver cinq ans plus tôt, sur mon lit, car les choses actuelles suivent le même processus. Il est au départ timide, doux et tendu. Puis, à mesure que sa confiance en lui se revigore, à mesure qu'il pompe mon courage par ses lèvres, il devient plus énergique et n'hésite pas à laisser trainer ses mains sur les bas de mon dos, sur mes omoplates, dans mes cheveux.

C'est drôle, quand j'y pense. Cinq années se sont écoulées depuis ce jour, et pourtant rien et tout a changé. Cinq années se sont écoulées depuis notre première fois pour qu'une autre première fois survienne : celle de notre échange public. Cinq années se sont écoulées. Cinq putains d'années éprouvantes au possible, et pourtant, mes sentiments sont toujours les mêmes, alors qu'une foule siffle affectueusement devant ce geste, alors qu'une panoplie d'amis/ coéquipiers confirment leurs théories ou restent simplement bouche-bée, alors que le soleil se couche sur une journée bien éprouvante.

Bathed in afterglow

FIN

(1) «La cathédrale ou plutôt le plaquage cathédrale, est un plaquage dit retourné. C'est le fait de prendre son adversaire par les jambes et de la faire passer « cul par-dessus tête ». Le joueur plaqué se retrouve ainsi les pieds en l'air et la tête en bas jusqu'à ce qu'il retombe de tout son poids sur ces jolis petites cervicales. »

(2)Dans ce cas là, le drop consiste à frapper le ballon pour le faire passer entre les poteaux et marquer un point. À la différence de la transformation, la drop s'effectue en pleine action et n'a pas l'avantage de donner au tireur un terrain dégagé.

Merci d'avoir pris le temps de lire

 
 
Chapitre précédent
 
 
Chapitre suivant
 
 
 
     
     
 
Pseudo :
Mot de Passe :
Se souvenir de moi?
Se connecter >>
S'enregistrer >>