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Narcissa Malfoy les attendait. Elle était passée du bureau au couloir du premier à sa chambre sans cesse toute la soirée. Les seules pièces où elle jouissait encore d'une relative vie privée dans son propre manoir. Elle se tenait dans l'embrasure d'une des fenêtres qui occupait tout un mur comme quelqu'un qui admire le paysage sous la lune.

Nerveusement, elle tripotait l'embrasse de ses rideaux, la soie s'accrocha à ses ongles. Elle observa les deux hommes qui étaient en conversation à ses pieds. Elle lutta contre le désir, le besoin de descendre les rejoindre afin de leur demander des nouvelles, de leur partager son angoisse.

« Ecoutez mère », lui avait dit Draco, 16 ans, encore imprégné de l'odeur enfantine qui lui collait à la peau, « je fais ce qu'aurait souhaité père et surtout j'obéis au Lord. Je suis de même suffisamment âgé pour savoir ce que je veux, et ce que je veux, c'est servir notre Maître et faire honneur à sa mission. Comme père l'a fait avant moi. Alors pourquoi vous mettre dans un état pareil ? »

Il avait dardé sur Narcissa le regard clair de ses yeux d'acier, si troublant, si déterminé. Il avait retiré sa cape de cérémonie, avait sommé un elfe d'aller la lui plier et ranger sans froisser ne serait-ce qu'un millimètre de tissu, puis s'était retiré dans sa chambre. Tandis qu'il passait devant sa mère pour entrer dans le couloir, l'odeur si caractéristique de son fils, son odeur d'enfant n'avait fait que s'accentuer. Narcissa en aurait été asphyxiée. Il ressemble tellement à son père, avait-elle pensé.

Il suit le chemin de son père, lui chuchota une petite voix intérieure. Narcissa se détourna de la fenêtre. Elle ne pouvait rester là à guetter derrière la fenêtre comme une simple servante, comme une intruse dans sa propre maison. Elle était la maitresse des lieux.

Délaissant le premier étage, elle descendit gracieusement les larges escaliers, sa main effleurant légèrement la rampe à chacun de ses pas. Sa robe caressait le nez des marches. A l'entente de son apparition, Nott et Goyle cessèrent leur conversation pour se retourner et la saluer. Malgré l'absence de Lucius, le noble nom de Malfoy inspirait toujours autant de respect. Narcissa s'en enorgueillit et tout à la fois aurait préféré un peu plus de discrétion pour son fils, il n'aurait ainsi pas eu cette mission à remplir. Encore quelques mois et il aurait doucement pris le chemin de son père aux côtés des plus fidèles.

Elle se raisonna. Tout serait bientôt fini. Elle jeta un coup d'œil à l'horloge massive de l'entrée. Non, avec de la chance, tout était déjà terminé. Mission remplie et son fils pourrait enfin rentrer à la maison libéré de ce poids. Elle entra dans le petit salon tout près du grand hall, somma un elfe de lui apporter une tasse de thé brûlante en vue de son attente. Elle n'eut même pas le temps de congédier proprement le misérable être en haillons, la tasse chaude posée délicatement devant elle, sur la table basse, que déjà les bruits caractéristiques de plusieurs transplanages. Aussi dignement que son impatience le lui permit, elle s'élança hors de la pièce.

Dans le grand hall, les Carrow, le grand blond Rowle et la plupart des Mangemorts affectés à la mission de ce soir étaient là, chez elle, encore tous couverts de poussières et de sang. Normalement, elle aurait déjà dû ordonner à son personnel de venir immédiatement nettoyer la terre tombée sur le marbre de l'entrée. Mais là, son regard ne cessait de bouger de droite à gauche, partout. C'est à peine si elle faisait attention à tous les Mangemorts présents. Le Manoir était devenu le point de passage presque obligé de tous les transplanages mangemorts. Il n'y restait pas longtemps, non. Juste le temps de repartir vers leur destination finale. Très souvent la demeure du Lord. Mais ce soir, ces visites impromptues qui l'insupportaient tant n'occupaient pas une once de son esprit. Juste l'inquiétude. Soudain un autre pop la fit se retourner précipitamment. Severus Snape venait enfin d'apparaître. Son attitude était toujours aussi impassible, mais le voutement inconscient de son dos trahissait une grande fatigue. Elle ferma les yeux quelques secondes, empressée d'entendre l'arrivée inévitable de son fils. Mais rien ne vint. Elle rouvrit lentement les yeux pour croiser le regard du Maitre des Potions pour la première fois ce soir-là. Dans ses yeux noirs dénués de chaleur, elle y lut son désespoir de mère. Puis Severus secoua la tête négativement. Sa main se porta à sa bouche pour étouffer le cri qui n'allait pas tarder. Severus dut le remarquer, s'avança rapidement vers elle, lui attrapa douloureusement le bras et la précipita à nouveau dans le petit salon. Il la força à s'asseoir, lui resta debout face à elle.

« Draco n'est pas mort. »

Il savait que cela ne la calmerait pas totalement, mais espérait que cette information lui empêchait de subir une crise d'hystérique féminine. Il n'avait jamais pensé que Narcissa serait de celle-là. Mais après tout la famille Black était si... folle. Alors une petite crise d'hystérie parce que son fils de 16 ans ne revenait pas d'une attaque contre le sorcier si puissant qu'était le Directeur de Poudlard n'était peut-être pas exagéré.

« Dumbledore lui l'est. »

Elle leva vers lui un regard d'incompréhension flagrant. Severus s'agaça. Le dire serait douloureux. Mas peut-être devrait-il alors l'énoncer pour la première fois à un autre que Voldemort lui-même.

« Albus Dumbledore est mort. »

Elle soupira de contentement. « Draco a réussi. »

« J'ai tué Dumbledore. » rectifia immédiatement le Mangemort.

Le dire était si irréel. Comme si cette soirée n'avait été qu'un cauchemar. Comme s'il n'avait pas prononcé l'irréparable.

« Et Draco... » balbutia-t-elle.

La voir si hésitante l'irrita.

« Draco a été fait prisonnier en quelque sorte. »

« En quelque sorte ? » s'étrangla-t-elle.

Il haussa les épaules. « Potter avait l'air d'y tenir. Ton fils n'a pas réussi à s'échapper. Il était sous Petrifius quand j'ai été obligé de transplaner. »

Narcissa se redressa soudain, furieuse, les gestes désordonnés vers Snape.

« Tu l'as laissé là-bas ! A leur merci ! A leurs tortures ! »

« Tous ses crétins de Gryffondors et compagnie ne torturent pas les prisonniers. »

« Nous sommes en guerre ! Tout le monde va torturer tout le monde ! C'est à celui qui aura le plus de moyens de briser l'autre qui gagne ! Et Draco sera un de ses moyens ! Surtout s'il a participé à l'assassinat de Dumbledore. Tu avais juré de protéger mon fils, tu en avais fait le Serment ! » accusa-t-elle.

« Qui consistait à l'aider à remplir sa mission. Ce qui est fait. Si Draco ne parvient pas à se défendre seul, il fallait le laisser conclure son cycle scolaire avant qu'il ne devienne un Mangemort de second rang. Je ne suis pas sa nourrice ! » termina Snape en haussant le ton pour la première fois.

« Un Malfoy n'est pas un second choix ! » s'indigna Narcissa. « Mon fils suivra les traces de son père parmi les serviteurs du Lord ! »

Elle toisa Severus, qui se mit à ricaner. Elle se décomposa intérieurement en comprenant. Dans les yeux onyx se lisait Lucius Malfoy croupissant dans les geôles d'Azkaban. « Je vois ça ! » cracha-t-il méprisant. Il quitta la pièce sans saluer Narcissa Malfoy comme son rang l'aurait exigé. Elle comprit immédiatement que la disgrâce pointait. Et qu'elle était seule.

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L'ombre chancelante se faufila. L'impasse du Tisseur était aussi déserte que d'habitude. Personne ne songeait donc à venir le débusquer ici. Pourtant son adresse d'été n'était pas un secret gardé précieusement. Peu la connaissait, mais il ne l'avait jamais non plus dissimulée. Dumbledore y était le plus souvent son unique visiteur durant les deux longs mois de solitude. Dumbledore... Ne pas penser à lui. Ne plus penser à lui. Du moins cette nuit. Car demain commencerait la suite de la mission. De sa mission. Terminer son œuvre. Ne pas rendre inutile son sacrifice.

Il tomba lourdement sur son canapé mité. La poussière en sortit. Il toussa, chassant le nuage d'une main tremblante. Ce soir, un de ses Maitre avait disparu. L'autre jubilait.

Habituellement, Severus détestait les réunions chez le Lord, mais s'en accommodait comme il le faisait avec pléthore d'événements ou d'individus. Pourtant ce soir, il l'avait abhorré son air suffisant à l'annonce, il avait suffoqué à l'air vicié de la grand salle du Manoir de Voldemort, il avait pris sur lui pour supporter les rires gras des autres Mangemorts, il avait failli vomir à l'explosion de joie du Lord lorsqu'il avait été obligé de relater en détail les derniers instants du vieux Directeur. Puis était arrivé le moment de parler de Draco Malfoy. Draco Malfoy absent de cette joyeuse réunion. Draco Malfoy qui aurait mérité les Doloris. Ceux-là même que Snape avait enduré à sa place.

Assassin de Dumbledore. Héros des Mangemorts qui en remerciement était barder de Doloris...

En cette minute, il serait presque prêt à en regretter les pompeuses cérémonies du Ministère. Eux et leur Ordre de Merlin au moins ne l'empêcherait pas de s'asseoir tranquillement pour espérer voir se conclure cette maudite journée. Les nausées étaient enfin passées mais pas les douleurs lancinantes dans chacun de ses muscles. Les colères du Lord il connaissait malheureusement trop bien. Celles de Dumbledore n'avaient jamais été de la lecture de la déception dans son regard.

Grognant de douleur et de colère, il se releva pour se traîner jusqu'à la cuisine. L'eau fraiche sur son visage et glissant sur ses poignets fut la bienvenue. Il n'aurait rien pu avaler sans le régurgiter aussitôt, mais sa gorge complètement sèche lui implorait de boire. Puis il glissa lentement – chaque geste était une torture – vers son laboratoire. Il attrapa une potion calmante sur l'étagère. Sa spécialité lui permettait au moins d'un peu réparer les dommages du Seigneur des Ténèbres. Une nuit de sommeil et il n'y paraitrait plus. Un sommeil, et, ce jour maudite, cette nuit sans fin auraient disparu. Dans la chambre, il fit le tour de ses possessions. Heureusement qu'il avait commencé des semaines auparavant à ramener quelques affaires et des ingrédients précieux de Poudlard. Là-bas, il ne lui restait plus que des choses sans importances. Après tout, il ne savait même pas s'il lui serait donné de retourner à Poudlard un jour.

Sous les draps noirs, Snape revécut encore et toujours le meurtre de Dumbledore. Son meurtre... La fuite... Severus n'avait pas menti à Narcissa. L'Ordre ne ferait aucun mal à Draco – quelques petites privations tout au plus. Mais Potter... Snape se remémora avec une appréhension détestable la froide expression du gamin Potter dans le parc. Rage, colère et pas une once de frayeur. Ce gosse avait trouvé une raison de se battre encore plus forte que le devoir ou le courage griffondorien : la haine...

à suivre

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