Chapitre III

Je passai le reste de la journée à me balancer sur ma chaise et à regarder la photo. Draco avait la même lueur dans le regard. Il n'a pas du tout changé, mis à part ses cheveux qui étaient devenus plus long et quelques centimètres de plus au niveau de la taille. Le jeune homme du passé semblait se moquer de moi. De temps en temps, il m'adressait un clin d'œil.

Il m'a fait un clin d'œil et m'a tendu un paquet :

- Joyeux noël Harry !

J'étais très surpris, je n'avais rien prévu pour lui.

- Tu ne l'ouvres pas ?

J'ai déchiré le paquet et découvert un appareil photo flambant neuf.

- Oh ! Merci ! je ne sais vraiment pas comment te remercier, je n'ai rien pour toi, je croyais que tu allais rentrer pour noël.

- Ce n'est pas grave.

Il s'est mis derrière moi et a pointé l'objectif vers nous. Il a pris une photo. Puis, il a mis son bras autour de moi. Il était tellement proche que je pouvais sentir son souffle. Ca me mettait mal à l'aise.

- Je crois qu'il y a quelque chose que tu peux faire pour me remercier en fin de compte.

Il s'est littéralement collé à moi .Nos nez se touchaient presque mais il a penché légèrement la tête à droite et m'a embrassé tendrement. Au même moment il a pris une photo. C'était son cadeau de noël.

A 17h, je quittai le bureau une fois pour toute. J'étais troublé et impatient. Troublé parce que je ne comprenais plus ce qui m'arrivait, tout semblait irréel et incroyable. Impatient parce que j'avais hâte de le retrouver, de lui parler de tout ça. Le problème c'est que je lui avais promis que je n'évoquerais jamais le passé avec lui. Je ne voulais pas rentrer à la maison. J'avais besoin d'un peu de solitude. Je décidai de rester un moment dans un jardin public.

Il m'a embrassé puis il est parti et m'a laissé seul, bouche bée dans la salle sur demande. Ca fait maintenant un bon bout de temps que nous nous retrouvons ici, Draco et moi, à chaque fois qu'on le pouvait. Au début on s'entrainait à réaliser des sorts difficiles et on parlait des informations qu'il avait sur Voldemort. Apres, les choses ont pris une toute autre tournure. Je ne peux pas expliquer exactement ce qui s'est passé. C'était rapide et inattendu. Une vraie amitié s'est développée entre nous. Et puis, la complicité s'est transformée en amour, mais je ne m'en suis rendu compte qu'au moment où il a posé ses lèvres sur les mienne. Il a osé le faire. Grace à ça j'ai enfin osé accepter la vérité. Je n'avais qu'une idée en tête : aller le retrouver et demander des explications. Et si c'était un malentendu ? Ou une blague de mauvais goût ? Et puis il avait gardé cette photo. Il pourrait s'en servir contre moi, mais je ne m'inquiétais pas trop car après tout, il était aussi concerné que moi par ce cliché.

Le temps passa vite. J'étais tellement préoccupé que je ne vis pas que le soleil s'était couché depuis longtemps et que je m'étais assoupi sur le banc. L'envie de m'isoler persistait. Le simple fait de penser à rentrer à la maison me donnait des nausées. Retrouver Ginny, dormir dans un lit trop étroit pour nous deux, me réveiller le lendemain, retourner au bureau et côtoyer toutes ces personnes, nécessitaient une force et un courage que je ne croyais pas avoir. Finalement, je décidai d'aller voire Hermione. D'habitude, dans des moments comme ceux-là, c'est avec Ron que je préférais rester mais comment lui expliquer le fait de ne pas passer la nuit avec sa sœur ? Par contre, Je pouvais raconter n'importe quel mensonge à Hermione. Depuis sa rupture avec ce dernier, elle ne gardait plus vraiment contact avec Ginny. Je pourrai en profiter pour lui tirer des informations à propos de Draco. J'allai à son appartement, sonnai trois ou quatre fois sans réponse. Visiblement, elle n'était pas chez elle.

Je passai alors le reste de la nuit à errer. Le lendemain matin, j'étais vraiment exténué et à court d'idée. Je regrettais de ne pas avoir prévenu Ginny. Elle devait être morte d'inquiétude. Je pensai à rentrer enfin mais je me souvins que j'avais l'adresse de Draco. Pourquoi ne pas avancer notre rendez-vous de quelques heures ? Après tout, il avait déjà débarqué à l'improviste à mon travail alors pourquoi je ne ferais pas pareil ?

J'arrivai devant chez lui. Une femme ayant à peu près la quarantaine m'ouvrit la porte :

- Excusez-moi, Draco Malfoy habite içi ?

- Oh, mais cette maison n'appartient plus aux Malfoy depuis longtemps !

Ses paroles raisonnèrent dans ma tête comme une décharge électrique. Je partis sans rien dire. Et s'il comptait me poser un lapin ? Alors je ne le reverrai plus jamais. Draco serait introuvable pour toujours.

Pendant toutes les vacances, Draco restait introuvable. Depuis l'incident du baiser, je n'ai pas eu l'occasion de parler avec lui. Au début parce qu'il était tout le temps entouré par une bande de Serpentards et qu'il évitait clairement mon regard , et puis il a complètement disparu. Je me suis dit qu'il était surement rentré pour noël mais je ne pouvais pas m'empêcher de penser à lui. Et si quelque chose de grave lui était arrivé ? Il me manquait énormément. Je voulais lui dire que j'avais apprécié ce baiser. Mon soulagement était à son comble quand je l'ai enfin revu dans la grande salle. Il a quitté la table avant la fin du diner. Je l'ai suivi discrètement. Quand on s'est retrouvé seuls dans le couloir, je l'ai appelé. On s'est regardé puis il a décidé de briser le silence :

- Ce soir même heure même endroit ?

- Bien sûr.

Je n'ai pas pu lui parler de l'incident mais je n'en avais pas besoin car dès qu'on s'est retrouvé le soir à la salle sur demande, on s'est longuement embrassé.

J'étais sûr d'une chose : même si j'avais perdu la mémoire et que ne me rappellait pas de notre relation en détails, j'avais vraiment aimé Draco. Je crois que cet amour était tellement fort qu'il résistait à mon oubli et que je n'avais qu'une obsession en tête, le retrouver et le serrer contre moi. J'étais sûr qu'il sera au rendez-vous ce soir. Peu importe si j'avais une fausse adresse, il s'était surement trompé. C'est Pour ça que je me retrouve maintenant dans un cimetière qui me semble étrangement familier.

Il se fait tard. Je commence à avoir vraiment froid. Le soleil va presque se coucher et je suis seul dans un cimetière au milieu de nulle part. Je sais qu'il va venir. Il m'a dit qu'il viendrait et je ne doute pas de sa parole. Je lui fais confiance. Il faut que je lui parle. Je crois entendre un bruit. Je me retourne. Je retiens ma respiration. C'est juste un chat, assis sur une pierre se relève et s'éloigne. Je peux lire avec effroi le nom écrit dessus avec des lettres gothiques :

'Draco Malfoy '

Je regarde la pierre tombal pendant un moment, il y a surement une explication logique. Il s'agit d'un autre Draco Malfoy, ou alors je suis dans un rêve et je vais me réveiller en sursaut en chassant toute cette histoire de mon esprit. C'est allé trop vite, beaucoup trop vite pour que je puisse assimiler tout ça : ma rencontre avec Draco, l'effet qu'il a eu sur ma mémoire, notre partie de Quidditch, la photo qu'il m'a envoyée et puis le fait que je me trouve ici en ce moment, dans cette situation. Soudain, tout me revient d'un coup, rapidement et douloureusement. Je prends ma tête entre mes mains comme pour lutter contre la migraine qui m'assaille. Mes jambes ne me soutiennent plus et je résiste contre l'envie de m'écrouler. Comment j'ai pu oublier tout ça ? C'est vrai que je n'aurais jamais réussi à vivre avec ce qui s'était passé, mais maintenant je me retrouve face à la réalité que j'ai fuie, et j'ai du mal à réaliser que j'ai ignoré ça durant toutes ces années. C'est comme si J'avais dormi pendant dix ans. Un sommeil très profond dont j'émerge pour retrouver agressivement les souvenirs de la veille.

J'ai déjà été dans ce cimetière, j'ai déjà versé ces mêmes larmes qui me brulent les joues et ce n'est pas la première fois que je me tiens devant cette tombe. Sauf que les autres fois je savais à l'avance que je venais la retrouver, j'avais toujours avec moi de quoi la fleurir. Aujourd'hui, j'ai été pris au dépourvu, je n'ai que de la douleur.

Je suis seul, comme toutes les autres fois ou je suis venu parce qu'aucun de mes amis n'avait compris son importance pour moi. Ils lui étaient tous reconnaissant mais pas assez pour venir le voire deux fois par semaine comme je faisais ou pour rester des heures et des heures à son 'chevet' à l'attente d'un miracle ou d'un signe quelconque qui m'aiderait à mieux vivre. Je ne leur en veux pas, ils ne connaissaient pas mon secret à ce moment-là. Il ne savait pas que Draco et moi on s'était aimé pendant presque deux ans, qu'on a tout fait pour que personne ne l'apprenne.

Ma tête me fait de plus en plus souffrir. Je sens un filet de sang couler de mon nez. Je n'ai pas dormi pendant plus de 24H. Je ferme les yeux une fraction de seconde et je le revois.

Il avait un sourire triste, inhabituel. Il m'a entouré de ses bras et je me suis senti en sécurité.

- Je t'aime Harry.

C'était l'une des rares fois où il me l'a dit. D'habitude, il n'utilisait pas les mots pour l'exprimer. J'ai tout de suite su que quelque chose clochait. Mais je n'ai rien demandé.

- Moi aussi je t'aime

On était ensemble depuis presque deux ans et je ne me suis jamais senti aussi bien ni aussi proche de quelqu'un. J'avais peur. Le perdre était une des choses que je craignais le plus. Sa présence avec moi au quartier géneral de l'ordre du phénix me rassurait mais j'étais inquiet pour lui un jour sur deux, quand il retournait au manoir espionner Voldemort. Ron me reprochait la confiance que j'avais en cet agent double et Hermione me conseillait d'être prudent. Mais moi, je ne pouvais pas douter de lui.

Ce jour-là, il savait que Voldemort l'avait démasqué. Le seigneur des ténèbres lui a refilé une fausse information. Quelque chose qu'il n'a dite qu'a Draco. Il lui a fait croire que ses serviteurs allaient attaquer la banque Gringotts. Les coffres les plus importants ont été très vite vidés et Voldemort avait tout compris. Draco a décidé de s'enfuir. Partir le plus loin possible protégé par deux aurores. Il m'a laissé une lettre afin de m'expliquer cela. Mais quand j'ai lu sa lettre il était déjà trop tard. Il est parti, mais dans un autre monde. Des mangemorts les ont poursuivis et les ont abattus. Dès que je l'ai su, j'ai perdu la tête. Personne n'a compris ma réaction. Je me suis enfermé dans un mutisme effrayant. Une seule chose comptait désormais : me venger.

La vengeance vint assez rapidement mais ne me soulagea pas vraiment. Tout cela n'avait plus de sens sans lui. La bataille de Poudlard, la mort de Voldemort, la joie de ceux qui m'entoure. J'aurais pu me réjouir de m'être enfin débarrassé de mon ennemi mais il a déjà pris tous ceux que j'aime. D'abord mes parents et puis lui… j'étais peut être encore vivant mais selon moi, c'est le seigneur des ténèbres qui a gagné la bataille. J'ai vécu ainsi pendant un bout de temps et puis un jour ma peine est devenue beaucoup trop grande pour continuer. J'ai raconté mon secret et j'ai décidé de tout arrêter.

La chambre de l'hôpital était pleine de visages familiers. L'infirmière a prié tout le monde de partir mais on ne voulait pas me laisser tranquille. J'ai entendu le médecin dire que je m'en suis sorti de justesse, j'aurais pu mourir si j'avais bu un peu plus de cette potion. On lui a demandé si cela aurait des effets secondaires, il leur a dit que j'étais prédisposé à perdre la mémoire. J'ai raté mon suicide. J'étais encore vivant. Je savais exactement que j'avais bu le poison de mon plein gré mais je ne savais plus pourquoi.

C'était il y a dix ans. J'ai tenté de le rejoindre mais je n'ai pas réussi. Je l'ai oublié, puis il est revenu pour me rappeler qu'il existe, pour qu'il continue à vivre à travers moi. Draco ne viendra pas à ce Rendez-vous. C'était juste un fantôme, le fantôme d'un souvenir. Désormais je viendrai ici toutes les semaines et je graverai sur sa tombe :

' La mort ne détruit pas ceux que nous aimons, au contraire, elle les gardes et les fixes dans leurs jeunesse adorable…'

FIN