- Hikaru ! Kaoru ! Sortez d'ici, cria Tamaki.
D'un coup de pied bien placé, il les mit à la porte et la claqua violemment. Les jumeaux l'entendirent crier à travers la porte :
- Vous reviendrez quand vous serez calmés.
Ils se regardèrent puis jetèrent un regard blessé en direction de la porte.
- Le baron n'est pas de bonne humeur aujourd'hui, fit Kaoru. - Il veut garder Haruhi pour lui tout seul, pleurnicha son frère.
Son reflet soupira : depuis que Tamaki avait réaliser ses sentiments pour la jeune fille travestie en garçon, l'ambiance au club était électrique. Et même si Hikaru ne disait rien, la concrétisation de leur relation l'avait profondément blessé. Intrigué par un bruit qui lui était étrangé, Hikaru tendit l'oreille et regarda son frère.
- Tu entends ?
Kaoru resta immobile et repéra le son qui avait tant perturbé son frère. D'un commun accord, ils se levèrent et scrutèrent le fond de l'aile droite et repérèrent une porte.
- La salle de musique n°1 ?
Sans bruit, ils avancèrent et collèrent leur oreille contre le battant.
- Un... violon, murmura Hikaru.
La mélodie était vivifiante, dynamique mais à la fois velouté et sensuel. Sans s'en rendre compte, les jumeaux s'étaient mis à taper la mesure avec leur pied. Quand ils le remarquèrent, ils se figèrent, le même constat en tête : eux qui n'avait jamais eu de prédilection pour la musique, ils semblaient attirés comme des abeilles autour d'un pot de miel par l'étrange mélopée. D'un même geste, ils tendirent leur main vers la poignée puis, Kaoru laissa son frère ouvrir la porte, sentant ses mains trembler d’excitation. Avec une dextérité digne d'un voleur, Kaoru baissa la poignée et entrebâilla la porte. Ils passèrent précautionneusement leur tête dans l'embrasure et une nouvelle fois, restèrent tétanisés de surprise - et d'extase.
Ce qu'ils virent en premier, ce fut une cascade de cheveux couleur neige ondulant librement dans le dos d'une jeune inconnue pour se tarirent au niveau des reins. Puis, ils aperçurent la silhouette d'une muse. Bien après, ils écoutèrent le son du violon et gardèrent les yeux grand ouvert, sans oser les fermer de peur de rater une miette du spectacle idyllique auquel ils avaient le privilège d'assister. Jamais musique ne leur paru si douce, si langoureuse.
Ainsi, quand la muse se retourna et posa ses beaux yeux verts sur les deux adolescents, ils ne bougèrent pas et ne remarquèrent pas les signes de contrariété qui marquaient son visage. Agacée par les deux voyeurs, elle baissa son archer, rompant la mélodie et la transe de deux garçons. Décollant le violon de son menton, elle s'adressa à eux d'une voix froide mais polie.
- Vous comptez rester ainsi encore longtemps ?
Les jumeaux tressaillirent en comprenant leur manque de politesse. Kaoru voulut se redresser mais, déstabilisé par la vitesse, il trébucha sur son frère qui s'étala de tout son long. La jeune fille se retint de rire devant les mines défaites des deux garçons et posa délicatement son violon et son archer dans leur étuis.
Tendant une main à chacun, elle les aida à se relever.
- Vous êtes du club d'hôtes, dans la salle de musique n°3, n'est-ce pas, demanda-t-elle avec douceur.
Ils hochèrent la tête, tout deux troublé par l'inconnue, incapable de parler. En une fraction de seconde, son expression changea.
Les sourcils froncés, elle les foudroya du regard.
- Pitoyable, cracha-t-elle, en retirant ses mains de celles des deux jeunes gens, déstabilisés par son changement de comportement aussi soudain qu'incompréhensible. Et puis, que faites-vous là ? Votre salle est à côté, reprit-elle en s'éloignant.
Refermant l'étui, elle récupéra son sac dans l'idée de sortir mais ne put le faire. Les deux garçons étaient à genoux devant la porte, mains jointes, le regard fiévreux.
- Joues encore, supplièrent-il d'une même voix.
Elle écarquilla ses magnifiques yeux de surprise, puis éclata de rire, sarcastique.
- Et pourquoi le ferais-je, répliqua-t-elle. Pour vos beaux yeux ?
Ils échangèrent un regard puis se tournèrent vers elle, un sourire étirant leurs lèvres et lui répondirent avec une innocente assurance :
- Parce que tu es gentille.
Elle les considéra un instant, soufflé de les voir aussi sûr d'eux. “Ils sont débiles ou quoi ?” pensa-t-elle, prise de pitié.
- J'accepte mais pas aujourd'hui, finit-elle par annoncer. - Quand alors, s'écrièrent-ils, pleins d'espoir.
“ C'est sûr maintenant : ils n'ont pas plus de QI qu'une huître” conclut-elle avec frayeur.
- Quand vous aurez 5 minutes, parce que là, si je ne m'abuse, vous êtes en train de sécher votre club, je me trompe ?
Hikaru regarda sa montre et pâlit, puis se releva, ravi :
- Kaoru, restes là, je reviens.
L'intéressé hocha la tête et regarda son clone s'éloigner en courant, sachant très bien ce qu'il allait faire. Il reporta son attention sur l'étrange jeune fille qui lui tournait à présent le dos, fouillant dans son sac en fredonnant, composant une nouvelle mélodie dans son esprit.
- Excuses-moi, l'interpella-t-il timidement.
Elle se tourna et lui sourit amicalement, le mettant en confiance.
- Tu accepterais de venir jouer au club d'hôtes ? - Que voudrais-tu que je joue pour des filles à papa, complètement nunuches et qui ne comprennent rien à la musique, demanda-t-elle tranquillement.
Kaoru ne sut quoi répondre. Son ton était devenu glacial et il ne put retenir un frisson lui remonter le long de la colonne vertébrale. Mais, il se reprit et fit abstraction du caractère lunatique de son interlocutrice :
- Pourquoi ne pas venir jouer pour ceux qui savent l'apprécier, alors, demanda-t-il. Le président du club joue lui-même du piano. Oublies les filles à papa, comme tu dis. - Elles me dégoûtent, avoua-t-elle. Elles se voilent la face et essayent de se convaincre qu'elles sont amoureuses de vous, alors qu'elles ne vous connaissent pas.
Il hocha la tête, touché par ses propos. Elle s'était mis à leur place et avait tenté d'analyser la situation.
- Ta théorie se tient, dit-il. Mais notre club est là pour les divertir, pas pour leurs apprendre à nous aimer réellement. En rentrant dans le club, je savais tout ça, alors, ça ne me fait rien... - Je trouve ça triste et puéril, répliqua-t-elle, une pointe d'agressivité dans la voix. - Tu n'essayerai pas de faire couler notre club, par hasard, demanda-t-il, enjoué.
Elle rit en comprenant son malaise et sortit son violon et son archer en lui faisant un clin d’œil.
- Bon, je devrais commencer à choisir les morceaux que je vais jouer, annonça-t-elle. Tu m'aides ?
Il applaudit, ravi qu'elle accepte de se joindre à eux. Déjà, quand le baron jouait, il était hypnotisé par les sons qu'il entendait naître sous ses doigts habiles. Alors, si la muse participait...
- Attends, s'exclama-t-il. Les dernières clientes s'en vont dans cinq minutes. Tu pourrais jouer à ce moment-là. - Je ne vais pas déranger, s'enquit-elle, d'un air gêné. - Non, au contraire, répondit-il. Ils seront enthousiasmés à l'idée de rencontrer une musicienne de ta trempe.
Elle hocha la tête et sourit, touchée par e compliment même si elle devinait que l'intérêt du jeune homme n'allait pas plus loin que son violon.
"C'est déjà ça" pensa-t-elle, fataliste.
- Dis-moi une seule chose, Kaoru, murmura-t-elle. Combien de tes clientes savent te différencier de ton frère ?
Kaoru sursauta. La muse l'avait appelé par son prénom. Il se retint de sauter de joie et répliqua avec un sourire enjoué :
- Et toi, saurais-tu nous différencier ? - Tu es plus discret que ton frère, plus calme, réfléchis, déclara-t-elle sans l'ombre d'une hésitation. D'après ce que j'ai vu, ajouta-t-elle devant l'air abasourdi du jeune homme. Après tout, je ne vous connais que depuis cinq minutes...
Il sortit de son mutisme et rit doucement devant la jeune fille qui ne savait plus sur quel pied danser tellement elle était mal-à-l'aise. Il était réellement stupéfait qu'elle soit parvenue à les cerner aussi facilement. Jusqu'à ce jour, seule Haruhi y était parvenue. Cela voulait-il dire que les autres ne faisaient vraiment pas attention à eux ?
- Pourtant, tu ne t'es pas trompée, lui annonça-t-il posément. Un point pour toi : tu as là une preuve accablante du manque d'intérêt manifeste de nos clientes quant à savoir qui est qui.
Soudain, il éprouva du dégoût pour ces adolescentes qui défilaient tous les jours dans le salon, qui criaient ou qui s'évanouissait quand il entamait son manège de frères incestueux avec son jumeau.
- Vous ne leurs facilitez pas la tâche que je sache, répliqua-t-elle.
Il la fixa en silence, devinant qu'elle ne tarderait pas à se justifier, le croyant vexé par ses propos. Cela ne rata pas : quelques secondes plus tard, visiblement très mal à l'aise, elle lui expliqua d'une voix qu'elle voulut détachée mais qui tremblait tout de même :
- D'après ce que je sais, il vous arrive de jouer à ... Zut. Comment s'appelle ce jeu bizarre, murmura-t-elle, songeuse. - "Qui est Hikaru", lui souffla Kaoru, amusé par la moue pensive et enfantine de son interlocutrice.
Il se fit la réflexion qu'elle semblait vraiment différente d'il y a quelques minutes à peine, où elle semblait à deux doigts de les jeter sans cérémonie à la porte. Là, elle paraissait plus douce que jamais, innocente et naïve à souhait.
Elle lui sourit et joua un court morceau, improvisée sur l'instant, en guise de remerciement. Kaoru ferma les yeux, envoûté par ce monde, entraperçu à travers les notes, langoureuses et tentatrices du bel instrument. Quand elle abaissa son archer, il enchaîna, d'un air enchanté :
- Tu sembles bien nous connaître alors que j'ignore jusqu'à ton nom...
Elle lui sourit, partagée entre amusement et émois.
- Yuna... - Yuna, répéta-t-il d'une vois suave. Yuna comment ?
A ses yeux, Yuna devina que sa curiosité était à présent piquée à vif et se pencha vers lui, son visage à quelques centimètres du sien, ses yeux, rappelant à s'y méprendre les falaises verdoyantes d'Irlande, plongé dans les siens, bruns, leurs nuances faisant penser à l'écorce d'un vieux chêne. Déconcerté, l'adolescent n'osa pas esquisser un geste et vit les lèvres roses et tentatrices bouger tandis qu'elle lui parlait d'une voix à peine audible, sur le ton de la confidence :
- Je te laisse le découvrir par toi-même.
Sentant ses joues le brûlaient, Kaoru comprit qu'il était en train de rougir violemment. Dans un mouvement brusque et désordonné, il s'écarta de la jeune fille qui sursauta, surprise par son empressement à s'écarter d'elle. Elle fronça les sourcils mais ne dit rien tandis que le jeune homme tentait de reprendre contenance et de calmer les battements affolés de son cœur.
C'est ce moment que choisit Hikaru pour faire son apparition, ouvrant la porte d'un large geste, la faisant claquer contre le mur. Remarquant son frère et la muse aussi proches l'un de l'autre, il fronça les sourcils une fraction de secondes, si bien, que seul son jumeau le remarqua. Reprenant son sang-froid, il sourit à la jeune fille et lui annonça d'une voix chaleureuse que "Ze King l'invitait à se joindre à eux pour le thé et ajouta devant sa mine craintive que le club était fini pour aujourd'hui.
Elle lui sourit et le remercia poliment. Rangeant son violon, elle récupéra son sac et s'avança. La voyant partir, Kaoru sortit de son mutisme et se précipita pour l'aider et lui offrit son bras après s'être incliné de manière exagéré, sourire aux lèvres. Elle émit un discret rire de gorge et accepta son offre.
- Mademoiselle Yuna, l'appela-t-il avec cérémonie. - Monsieur Kaoru, fit-elle sur le même ton.
Hikaru, les attendant à la porte se figea, vert de jalousie. Son frère se permettait de l'appeler par son prénom sans marque de politesse. Celui-ci, arrivé à son niveau, s’adressa à lui, rayonnant et ignorant le trouble de sa moitié :
- Frérot, Yuna nous a lancé un défi pendant que tu étais parti. - Vraiment, s'exclama celui-ci, la jalousie laissant provisoirement place à la curiosité. - Il faut qu'on trouve son nom de famille !
Sans se l'avouer, Hikaru éprouva un immense soulagement : son frère appelait la jeune fille par son prénom par nécessité, vu qu'elle avait refusé de lui donner son nom.
- Je vous donne deux heures, claironna-t-elle. Et pas le droit de demander à Morinozuka !
Hikaru sembla réellement surpris qu'elle connaisse Kyoya alors qu'elle ne l'avait vu mettre les pieds au club et qu'il se doutait qu'elle le ferait jamais en tant que cliente vu le mépris apparent qu'elle éprouvait pour les jeunes filles qui le fréquentaient. Son frère, lui ne semblait pas étonné mais faisait la grimace en s'adressant à lui :
- Zut, râla-t-il. Moi qui comptait lui demander, je me suis fait grillé...
Devant la mine dépité du jeune homme, Yuna éclata de rire. La porte n'était plus loin mais elle ne parvenait pas à se calmer. Elle partit de plus bel quand Hikaru qui marchait à reculons se prit les pieds dans le tapis et tomba au sol dans une position plutôt ridicule. Kaoru observa son frère avec surprise puis le voyant rougir, éclata à son tour de rire. |