Disclaimer : JK. Rowling n'étant pas décédée depuis des décennies, elle possède toujours les droits de ses écrits.
Petit mot de l'auteur : Ce chapitre est peut-être un peu plus court que le précédent, mais il est plus révélateur - sans doute - de la longueur des prochains chapitres - sauf si tout à coup, mes doigts sur le clavier ne peuvent plus s'arrêter. C'est l'avant dernier chapitre que j'ai déjà écrit donc, il faut que je me bouge le popotin pour rédiger les prochains, mais ne vous inquiétez pas !
Petit remerciement : toujours un grand merci à Nenashka - allez lire ses fanfictions, c'est un ordre - qui corrige gentiment mes écrits qui en ont souvent bien besoin. (ouai, je la remercie même si elle considère que la fin de ce chapitre est digne d'un film français : compliment, insulte ? Allez savoir ... )
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Psychologiquement, c’était dur. Mais elle n’avait franchement pas le choix. C’était soit ça, soit rater sa vie. Et bien qu’elle tienne à lui comme à un frère, elle n’avait pas l’intention de ruiner son existence. Dans le fond, elle se sentait égoïste. Mais où qu’elle regarde, elle ne voyait rien pour l’aider à faire ce choix cornélien. Comme si Ron pouvait être de bon conseil, elle ne pouvait décemment compter sur lui pour lui montrer le bon chemin. Seule, elle se sentait irrémédiablement seule quand il s’agissait d’Harry, et elle avait peur que ce dernier ne se rende compte de leur solitude commune. Enfin, elle se doutait qu’il n’était pas stupide, et qu’il avait rapidement compris qu’elle était la seule à se préoccuper de son cas. Enfin, dans l’absolu, c’était faux, nombreux étaient ceux qui demandaient de ses nouvelles. Mais l’absence de Ron, même si Harry n’en avait pas réellement conscience, se faisait lourdement ressentir.
Hermione entrait pour la énième fois dans cet appartement qui lui apparaissait comme étant de plus en plus lugubre. C’était la dernière fois qu’elle venait avant la reprise de ses cours, et elle était angoissée à l’idée de laisser Harry isolé dans ce lieu sinistre, de le laisser s’occuper de lui-même alors qu’elle s’était comportée comme une mère poule ces derniers temps, jusqu’à l’étouffer, jusqu’à le rendre fou parfois, jusqu’à déclencher sa colère. Elle riait souvent de ses éclats, pas du tout impressionnée par sa verves, mais elle pouvait facilement comprendre qu’il en ait assez d’être dorloté comme un bébé. Elle pouvait comprendre, certes, mais elle ne pouvait empêcher son instinct maternelle de s’éveiller en présence de son ami. Un stupide réflexe féminin, sans doute.
Elle découvrit le jeune homme brun avachi sur son canapé, une des jambes posé sur le dossier du meuble, tandis que l’autre touchait terre. Elle fronça les sourcils, ayant l’envie subite de le réprimander. Mais pour une fois elle put se contenir, se rappelant qu’il lui faudrait être conciliante avec lui pour obtenir tout ce qu’elle voulait de lui, pour se rassurer sur son sort lorsqu’elle ne serait plus sur son dos. Elle avait remarqué qu’il se comportait la plupart du temps comme un horrible adolescent, mais c’est qu’elle oubliait à quel point il avait pu l’être dans le passé. En effet, inconsciemment, elle faisait une nette différence entre le Harry d’aujourd’hui et celui d’hier, alors qu’elle s’efforçait de faire comprendre à son petit ami que c’était la même personne. Elle contourna le canapé, se mettant face à lui. Dès qu’il la vit, il soupira.
« Je vois que ma visite te fait plaisir … »
Pour toute réponse, il lui envoya un regard noir. Elle savait exactement pourquoi il était aussi désagréable avec elle, mais il se faisait toujours un plaisir de lui expliquer le fond de sa pensée.
« Oh oui énormément ! Puisque tu es la seule personne que j’ai le droit de voir … A part les gens à la télé, ils comptent pas ceux-là. »
Elle n’avait même plus envie de rire à ses petites blagues. Parce qu’elle avait vite compris que ce n’était pas de l’humour, juste une façon de relativiser les choses qui montrait à quel point cet isolement pouvait le ronger. Elle enleva ses jambes du canapé, le faisant grogner, s’asseyant à ses côtés.
« Ecoute Harry, ça ne me fait pas plus plaisir qu’à toi de t’enfermer ici. Mais c’est vital, ok ? »
« Je suis recherché par la mafia ou quoi ? »
« Ahah très amusant. N’empêche que ce serait plus simple si c’était seulement ça. Et non, ne pose pas de question, tu sais très bien que tu n’auras aucune réponse. »
« Je ne sais même pas ton nom … »
« Harry, s’il te plait, on en a déjà discuté mille fois, je ne peux rien te dire, c’est tout. J’ai autre chose à te dire aujourd’hui. »
« Oh joie, un peu de nouveauté ! »
Elle lui lança un regard sévère, appréciant moyennement son ironie provocante.
« Et je sens que tu vas être encore plus content ! Tu vois, je reprends mes études, et donc j’aurai moins le temps de venir tous les jours … »
« Ô liberté, je t’attendais et tu as enfin répondu à mon appel ! »
« Harry ! Non mais tu te rends compte ! Je me suis mise en quatre pour toi, tu entends, je me suis démenée pour toi ! Je suis inquiète, mince ! Si ça ne tenait qu’à moi, je te payerai une nounou pour qu’elle te surveille vingt quatre heures sur vingt quatre. »
« Rassure-moi, tu vas pas faire ça, hein ? »
« Non, c’est bon … On va dire que je vais essayer de te faire confiance, ok ? Je vais essayer de croire que tu es assez mature pour ne pas te mettre en danger. Oh mon dieu, plus j’y pense et plus je me dis que je ne devrais pas … »
« Roh ça va, hein. Je pense pouvoir me débrouiller tout seul. Je le faisais avant. Et jamais personne ne s’est inquiété si je le faisais bien. »
« Et bien moi je m’inquiète, point. Bref, je n’ai pas le choix … Par contre je veux que tu me promettes … »
« D’être sage ? De ne pas ouvrir la porte aux inconnus ? D’être poli avec les voisins ? De ne pas raconter ma vie au premier passant ? Oh mais j’oubliais ! Je suis condamné, de toute façon, à rester éloigné de toute société. »
« Hum … Je n’ai pas fini. Une autre nouveauté encore : tu as le droit de sortir. »
« Mais ? … Allez, dis-le, à quelles conditions ? »
Elle soupira, consciente qu’elle allait contre toutes ses angoisses, toutes ses idées.
« Aucune, tu as carte blanche. »
« Tu es malade, c’est ça ? Ou alors Dieu t’est apparu pendant la nuit ? C’est ça, une intervention divine ? Un miracle ? »
« Appelle ça comme tu veux. J’en ai assez de me battre, et de toute façon, je préfère te défaire de tes chaînes puisque je sais très bien que même si je t’impose des règles, tu t’en affranchiras. »
« Pas bête. »
Elle découvrit alors pour la première fois depuis des semaines un vrai sourire sur le visage de son ami. Elle eut un pincement au cœur, sachant très bien à quel point la situation devait être difficile à vivre pour lui. Mais elle ne pouvait pas faire plus que ça. Elle avait déjà tellement peur de lui rendre sa liberté.
« Juste … Juste prends soin de toi, Harry. »
Il eut tout à coup une mine plus sérieuse, sûrement conscient de l’angoisse de la jeune fille. Même s’il était heureux de pouvoir enfin sortir d’ici, il savait que cela devait lui en coûter.
« C’est bon, ne t’inquiète pas. Je te promets de ne pas trainer dans des allées sombres, de ne pas manigancer avec la mafia, de ne pas fumer des joins, de ne pas commettre de meurtre même involontaire, de ne pas … »
« C’est bon, c’est bon Harry, arrête d’énumérer tout ce qui pourrait se passer ou je vais vomir. »
* * * * * *
Harry riait peut-être en parlant de liberté avec Hermione, mais ce fut tout à fait ça qu’il ressentit lorsqu’il sortit pour la première fois depuis de longue semaine. Malheureusement, à peine eut-il fait quelques mètres plus loin qu’il se sentit déjà fatigué. Agacé par son propre manque d’endurance, il se fit la promesse de faire tous les jours une promenade pour se remettre d’aplomb. Il détestait ce qu’il était devenu : une sorte de mollusque sans passé distinct, sans proches, sans lendemain. Il pouvait au moins changer sa condition de mollusque alors il le ferait. Fort de cette décision, il perdit peu à peu sa carapace de sarcasme pour retrouver sa ténacité d’avant. La transformation était d’autant plus facile que pour une fois à Londres il faisait beau.
Il rentrait chaque jour un peu plus tard de sa marche à pied, toujours exténué, mais un sourire plaqué sur les lèvres. Il avait même fini par se faire connaître de certaines personnes, mais à part un signe de main, il n’allait jamais à leur rencontre. Peut-être parce qu’il sentait qu’au fond, avant de connaître qui que ce soit, il devait se rappeler de ceux qu’il connaissait déjà, avant. Cependant, il n’avait jamais eu l’envie non plus de discuter avec ces étrangers. Il préférait bénéficier de sa liberté seul. Sûrement que les visites régulières d’Hermione lui permettaient de garder un contact humain suffisant pour l’instant.
Ce qu’il ne supportait plus, en revanche, c’étaient ces longues heures passées à attendre le sommeil. Chaque nuit, c’était le même combat : ses paupières largement ouvertes, il attendait fermement le marchant de sable, ou Morphée, n’importe qui, mais quelqu’un qui pourrait lui administrer le précieux filtre du sommeil. Il voulait dormir. Longtemps. En tout cas, plus de cinq heures par nuit. Mais non, il était toujours là, les deux yeux ouverts, dans cette chambre sombre, dans ses draps doux. Au comble de l’agacement, il avait même essayé de se chanter des berceuses, de lire des ouvrages soporifiques. La seule solution qui lui restait était de s’assommer contre l’armoire en chêne, mais il hésitait à le faire. N’était-ce pas un peu extrême ?
* * * * * *
Son regard scanna la pièce. Un gros soupir suivit cette analyse superficielle. Elle n’en avait vu qu’un échantillon mais elle savait très bien que tout l’appartement devait se trouver dans cet état. Au bout de la cinquième tasse lavée et rangée, elle commença à se poser des questions, naturellement. Comment pouvait-il humainement boire autant de café ? Très franchement, elle était bien incapable d’en boire la moitié. En fait, elle se demandait pourquoi il avait besoin d’en consommer. Bien qu’elle n’aime pas être médisante, elle ne pensait pas qu’il en avait besoin, puisqu’il ne faisait rien de sa journée, ce ne devait pas être le repos qui lui manquait. Etait-il devenu accro ? Même si elle avait entendu certains cas d’addiction à la caféine, ça lui semblait absurde. Et plus les tasses commençaient à s’empiler à côté de l’évier, plus elle devenait curieuse.
Lorsque la porte s’ouvrit sur le jeune homme, Hermione se retint tant bien que mal de ne pas lui sauter dessus pour l’assainir de question. N’avait-elle pas dit un jour qu’elle cesserait d’être une vraie mère poule ? Elle se contenta donc de lui faire un petit signe, alors que lui grimaçait en constatant qu’elle était en plein ménage, et qu’indéniablement, elle allait lui en parler dans quelques instants, quelques secondes. Il décida donc de la devancer.
« Je prévoyais de faire le ménage un peu plus tard. Mea culpa. »
Il la vit froncer les sourcils, comme si elle ne s’attendait pas du tout à ce qu’il en parle. Apparemment, ce n’était pas le sujet le plus important à cet instant. Et ça n’augurait rien de bon pour lui.
« Harry, je peux savoir pourquoi tu bois autant de café ? Non, parce que là ça devient démentiel ! »
Il leva les yeux au ciel, la conversation l’exaspérait déjà.
« Ecoute, tout va bien, ok ? C’est juste du café … »
« Arg ! J’en ai vraiment marre de ton attitude nonchalante, tu sais ça ? Mince, Harry, si tu pouvais au moins une fois me dire ce qui ne va pas, ça m’éviterait de t’engueuler joyeusement, et on serait tous les deux gagnants. Vas-y, maintenant, raconte. »
Pour le forcer à parler, elle s’essuya les mains puis prit son bras et le fit asseoir sur le canapé à côté d’elle avec autorité. Elle le regardait dans les yeux, impatiente de savoir, et ne lui donnant absolument pas la possibilité d’échapper à l’interrogatoire. Il sembla vouloir résister quelques secondes, puis finalement il se résigna laissant échapper à soupir.
« C’est juste … Que je n’arrive pas à dormir. Alors à défaut de pouvoir me reposer quelques heures, je carbure à la caféine. C’est tout. »
« C’est tout ? Mais c’est pas vrai Harry ! Je t’ai dit mille fois que si quelque chose n’allait pas, il fallait me le dire ! »
Il la dévisagea, clairement désabusé.
« Ce ne sont que des insomnies … »
« Je m’en fous que ce ne sont que des insomnies ! Tu vas arrêter de prendre tout à la légère, ça m’agace terriblement. »
« Prendre tout à la légère ? Parce que tu crois que je n’en ai strictement rien à faire de n’avoir aucun souvenir de sept années de ma vie ? Tu crois franchement que ça ne m’énerve pas d’avoir des insomnies, de ne pas pouvoir dormir ? J’essaye juste de relativiser, ok ? J’essaye juste de ne pas me plaindre de mon sort … »
Elle se mordilla la lèvre, consciente de l’avoir accablé pour rien. Elle chercha tout de suite une solution au problème, voulant l’aider au moins pour son manque de sommeil, étant totalement impuissante en ce qui concernait sa mémoire.
Elle en trouva enfin une, même si ce n’était peut-être pas la meilleure.
« Des somnifères. »
« Quoi des somnifères ? »
« Et bien pour pouvoir dormir. Je ne suis pas sûre que ce soit … une très bonne idée, mais soit, je n’en vois pas d’autre, et puis, on s’en fiche, hein, des répercutions … »
« Quelles répercutions ça pourrait avoir ? Je prends aucun médicament à ma connaissance, et je ne suis pas enceinte, tu sais … »
Ils se regardèrent, clairement amusés pour la première fois depuis le début de la conversation. Harry ne savait pas très bien ce qui l’attachait à la jeune fille, mais il savait intuitivement que c’était fort. Il se sentait proche d’elle sans même connaître son nom. Il en était frustré d’ailleurs, mais elle était déterminée à ne pas le lui dire. Il y avait tant de choses qui l’agaçaient …
« Ok, ok, c’est bon, je vais t’en acheter tout de suite, je reviens. » Elle se leva, pressée, prenant juste le temps de mettre sa veste et de lui faire un signe de la main avant de se précipiter au dehors. Et il était à nouveau seul. Ca aussi, ça commençait à lui peser, même s’il n’osait pas le lui dire.
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Le vert, le bleu, le brun, le rouge. Le sol, le ciel, un bâton, une cape. Beige. Sa peau. Et surtout cette sensation incroyable. Comme s’il avait tout à coup des ailes. Comme s’il ne pesait plus rien. Comme si avoir les pieds sur terre ne faisait plus partie de son vocabulaire. Comme si le ciel était à lui. Comme s’il pouvait atteindre les nuages, juste en tendant son bras. Et puis ce fourmillement dans le ventre, cette intense joie. C’était la liberté. C’était l’échappatoire tant attendu. C’était la première fois qu’il ressentait tout ça. Un instant précieux. Et il ne voulait jamais l’oublier.
* * * * * *
Il l’entendit déposer ses affaires dans l’entrer. Il ferma brièvement les yeux, avant de se lever pour l’accueillir. Il lui fit un merveilleux sourire, mais il savait très bien que ça ne suffirait pas à éviter ce qui allait suivre. Ca se passait invariablement ainsi, tous les soirs, la même ritournelle alors qu’elle rentrait. Mais que pouvait-il y faire ? Rien. De toute façon, il avait pris une décision, et têtu comme il était, il s’y tiendrait. Il s’était fait une sorte de promesse avec lui-même. Le couloir était sombre et aucune lumière ne venait l’éclairer. Mais il pouvait très bien voir la courbe fine de ses hanches et ses gestes précis et nets qu’elle faisait pour se débarrasser de son manteau et de son écharpe. Il avait peur de la décevoir aussi. Immensément peur qu’elle ne décide de partir. Il voulait pouvoir apprécier ce spectacle pour toujours.
« Oh Ron ! Tu m’as fait peur, je ne t’avais même pas entendu arriver.
- Tu vois, quand je te dis que je ne mérite pas d’être insulter de lourdaud de première ! s’exclama-t-il, cherchant à l’éloigner de tous sujets épineux. Mais elle sentait toujours lorsqu’il fuyait.
- Ronald, tu devrais arrêter d’être aussi prévisible … Et aussi de chercher des problèmes là où il n’y a pas … Tu devrais juste …
- Oui, je sais ce que tu vas dire : je devrais juste aller le voir, la coupa-t-il. Maintenant qu’on a abordé le sujet, comme toujours, on peut passer à autre chose ?
- Tu ne trouves pas ça étrange de nier jusqu’à son existence, de ne plus parler de lui, alors que tu as toi-même décidé d’habiter, pour, je cite, ‘garder sa maison en état jusqu’à ce qu’il revienne à la raison’ ?
- On en a parlé mille fois … Après tu vas me reprocher d’être contradictoire, et ensuite ça va dégénérer jusqu’à ce que tu me traites d’inhumain. ‘Mione, on pourrait juste éviter d’en discuter ? Ca ne nous avance en rien …
- Parfois tu me dégoûtes …
- ‘Mione …
- Non, Ron, c’est bon. Tu as raison, cessons d’en parler, clôtura-t-elle froidement, avant de le dépasser pour atteindre la cuisine. »
Il leva les yeux au ciel. Mais en même temps, il se sentait coupable. Et il savait très bien – même s’il essayait de l’oublier – que ce sentiment empirerait avec le temps. Pourtant, il ne voulait rien y faire pour y remédier. Comme s’il avait décidé à l’avance qu’il fallait faire avec. Observant une dernière fois, les murs sombres du vestibule et le lourd rideau cachant l’horrible tableau de Madame Black, il tourna des talons et rejoignit sa petite amie qui fit comme si elle avait oublié leur conversation.
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La vitesse. Le vent qui lui brûlait le visage, qui lui griffait la peau, qui le glaçait, mais le vivifiait en même temps. La brume qui l’entourait, compacte, le rendant totalement aveugle. Mais une confiance éperdue. Comme si la chute était impossible. Comme si rien de mal ne pouvait lui arriver, ici, dans les airs. Juste lui et sa témérité. Son insouciance proche de l’inconscience. Mais surtout, un sentiment intense d’euphorie. Il éclatait de rire, seul face à lui-même, comme seul spectateur l’horizon.
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Harry était sorti, cherchant sans en avoir conscience à ressentir toutes les sensations qu’il percevait en rêve. Mais il avait beau s’exposer au vent, s’habiller seulement de fins vêtements. Il avait beau courir pendant des heures, sans s’arrêter, espérant que le vent s’engouffrerait de la même manière jusqu’à sa peau. Il n’y avait rien à faire. Ca ne ressemblait à aucun de ses rêves. Ce n’était pas même un quart de ce qu’il recherchait avec tant d’ardeur. Exténué, désabusé aussi, il s’était allongé dans l’herbe du parc qui faisait face à l’immeuble où il habitait, où il vivotait. C’était peut-être la grande classe à l’intérieur. Il ne manquait de rien certes. Mais il avait remarqué maintenant à quel point tout était vide. Extrêmement vide, sans personnalité. Comme lui. Il ne se connaissait plus. Alors il s’accrochait à cet infini souffle d’espoir, ce sentiment d’allégresse qui ne l’atteignait que dans ses songes. Comme une sensation perdue.
L’herbe était fraiche et humide, et le peu de couche qu’il portait n’empêcha pas le froid de l’atteindre comme une morsure. Mais il fit la sourde oreille à son inconfort et resta allongé, le regard sondant le ciel comme s’il pouvait y trouver quelque chose, n’importe quoi. Il devait faire peine à voir. Mais il s’en fichait. Il n’avait pas l’intention de rentrer avant des heures, avant que la nuit succède au jour. Son ventre grognait fortement, si bien qu’il se décida tout de même à se lever, pour retourner dans son appartement, les mains dans les poches. Il contempla avec un soupir les murs trop propres, trop vides, qui l’accueillirent lorsqu’il franchit le seuil. Son regard effleura le mobilier. Il se mordilla la lèvre, essayant de se contenir, de ne pas hurler pour combler le vide. Il ferma la porte, ne la verrouilla pas cependant. Il n’avait pas peur que quelqu’un vienne le surprendre dans son sommeil, lui vole quoique ce soit, de toute façon il ne tenait à rien ici. Il espérait même surprendre la personne, se battre avec elle, même. Un peu d’action. Autre que dans le songe.
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La chute. La vraie. L’incontrôlée. La peur. La vraie. La palpable. L’intense. Plus rien ne retenait son corps. Il ne se sentait plus léger. Juste lourd, trop lourd. Il n’avait pas d’ailes. Il y avait cru pourtant. Il aperçut du coin de l’œil ce qui lui avait donné l’impression de voler. Un simple bout de bois. Un balais tout au plus. Comment avait-il pu croire un seul instant qu’il défierait les lois de l’apesanteur indéfiniment seulement assis sur cet objet fin ? De toute façon, c’était fini.
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Hermione était là depuis des heures, le regardant dans le blanc des yeux, attendant. Et lui aussi attendait. Il n’allait pas lui faire le plaisir de tout lui expliquer. Même si sa présence le soulageait terriblement, il ne voulait pas se montrer faible face à elle. Pas à nouveau. Elle en avait déjà assez vu. Et l’inquiétude que reflétait son regard lui montrait à quel point il avait pu ne lui susciter que de la pitié. Et il ne voulait plus. Il voulait juste qu’elle le regarde comme quelqu’un en parfaite santé. Ce qu’il n’était pas, évidemment. Il baissa les yeux, ne supportant plus la lueur inquisitrice qui brillait dans les siens. C’était insupportable. Il sentait déjà les mots s’accumulaient à la frontière de ses lèvres. Encore quelques secondes de silence, et il lâcherait tout. Il ouvrirait les vannes. Mais par chance, elle lui donna l’occasion de ne pas se montrer vulnérable. Du moins, pas autant qu’il ne l’était réellement.
« Raconte moi, lui demanda-t-elle avec douceur, et pourtant il savait bien que ce n’était pas une demande. J’ai … J’ai remarqué que tu ne prenais plus les somnifères. Pas besoin de me mentir, si tu les prenais toujours, tu ne serais pas déjà réveillé à l’heure qu’il est, Harry …
- Je n’ai pas envie de rêver. » Maintenant qu’elle lui avait fait le plaisir d’amorcer la conversation, il se sentait moins coupable de se plaindre. Après tout, elle le lui demandait. « C’est comme si, ça va te paraître stupide, comme si j’étais prêt d’atteindre quelque chose, un truc monumental, du genre qui éclairerait ma vie. Un truc fondamental. Mais aucun moyen de le retrouver ici.
- Mais de quoi rêves-tu ?
- Je … Je vole. C’est complètement stupide, hein, mais ce n’est qu’un rêve. Dans un rêve tout est possible. Je vole sur … sur un balai. »
Il crut apercevoir le regard de la brune s’assombrir. Il fronça les sourcils en voyant qu’elle était tendue. Qu’avait-il dit qui pouvait la mettre dans cet état ? Il avait juste décrit son rêve. Alors soit, ça ressemblait plus à un songe d’enfant qu’à celui d’un adulte, mais on ne choisit pas ses rêves.
« Mais ce n’est qu’un rêve … Juste un rêve. Et ça m’obsède toute la journée …
- Non, Harry, ce n’est pas ‘juste un rêve’. Bon sang Harry ! C’est bien plus que ça ! commença-t-elle à s’agiter.
- Comment ça ? Arrête, tu veux, arrête de gigoter comme ça … la pria-t-il, passablement nerveux face à l’attitude de la jeune femme ; il ne comprenait plus rien.
- Ca va te paraître dur à avaler, mais il faut que tu saches que … Que c’est un souvenir.
- Un souvenir ? Tu te fous de moi ? ricana-t-il, avec raison. Voler sur un balai ? Un souvenir ? On ne t’a pas dit que c’était mal de profiter de la faiblesse des autres ? Je ne suis pas encore assez fou, ou assez amnésique pour croire que voler sur un foutu morceau de bois c’est possible !
- Harry, crois moi, s’il te plait. C’est un souvenir.
- C’est bon, j’en ai assez entendu. Je vais me coucher …
- Prends un somnifère.
- Non. »
Elle le regarda partir, impuissante. Comment pouvait-elle lui prouver que c’était vrai ? Elle n’en avait aucune idée, malheureusement. Il fallait qu’il se fasse à l’idée tout seul, qu’il l’accepte. Mais déjà elle voyait plus loin que ce simple souvenir. Elle songea que les somnifères n’étaient pas étrangers au retour de ce bout de mémoire. Et après une bonne partie de la nuit à être assise sur une chaise inconfortable dans une pièce baignée d’une lumière trop forte, Hermione en vint à la conclusion que bientôt, ce ne serait pas un simple agréable vol en balai qui peuplerait ses rêves.
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J'espère que ce deuxième chapitre vous plait tout autant que le premier, si ce n'est pas le cas (ou si c'est le cas, hein), n'hésitez surtout pas à laisser une petite review. |