« Anna » répéta-t-il effleurant ma main de bout des ses doigts gantés. Il m’adressa un petit sourire, remarquant sans doute le pourpre s’emparant de mes joues. « Je… Je n’ai pas l’habitude. » éludais-je. Il hocha la tête retirant aussitôt sa main de la mienne. J’avais envie de me jeter sur lui, de lui dire de ne pas arrêter. Non, de lui hurler dessus et de lui supplier de ne surtout pas arrêter. Pourtant, je ne fis rien. « Est-ce que tu sens capable de te lever ? » me demanda-t-il en illustrant ses propos en quittant mon lit. J’hochais la tête bien que je ne savais absolument pas si j’étais en capacité de me tenir début, j’avais déjà eu suffisamment de mal à me redresser pour être assise. Cela me rappela que si je m’étais effondré à terre et qu’ils m’avaient retrouvés inconsciente, ce n’était pas pour rien. D’un geste doux, comme s’il avait capté mes pensées, il s’empara du drap et le fit glisser sur mes jambes couvertes de bandages. « Tu n’as rien de cassé. Juste d’énormes coupures et hématomes. Je suppose que si tu t’es effondrée c’est en parti à cause du froid et de la fatigue. » J’allais lui demander combien de temps j’étais restée inconsciente mais mon ventre prit le dessus, se réveillant et criant aussi fort que possible à l’aide. J’avais faim. Terriblement faim. Et s’était terriblement gênant. M’empourprant, je le regardais sourire. « Et de la faim ! Nous t’avions mis sous perfusion pour que tu reprennes des forces… Mais j’imagine qu’un véritable repas serait plus approprié. » Une nouvelle fois j’hochais la tête, complètement déplacé par la facilité dont il faisait preuve à m’adresser la parole. Avec lui, je me sentais humaine et non monstrueuse. S’était à la fois touchant et déconcertant. Il ne devrait pas se montrer aussi gentil avec moi. « Tu n’as pas mangé de puis quand ? » me demanda-t-il en prenant ma main dans la sienne, et m’aidant avec précaution à me glisser au bord du lit. « Combien de temps je suis restée inconsciente ? » Il glissa son autre sous mon bras, m’aidant à me hisser sur mes jambes. Perdant l’équilibre, je me rattrapais avec lui, prenant bien soin d’agripper ses vêtements et non sa peau. Un moment, il parut quelque peut effrayer avant de masquer le tout par un petit sourire. « Désolée » m’excusais-je comprenant qu’il avait eu autant peur que moi que je ne le touche. Il haussa brièvement les épaules. « Trois jours. » Hhhm. Trois jours. Et je n’avais rien remarqué ? Pire encore, j’avais l’impression d’être encore plus fatiguée. « Je me nourrissais de neige ou de ce qui me tombé sous la main, mon dernier vrai repas, si on peut appeler cela un repas remonte à il a une semaine. » M’appuyant toujours à lui je sentis la tête me tourner. Pourtant, je tenais bon, hors de question de resté alité à ne rien faire. J’avais bien trop de chose à apprendre et à comprendre pour me permettre de rester une minute de plus dans ce lit. « Tes jambes vont tenir le coup ? » me demanda-t-il remarquant que je peinais à tenir debout, mais jambes flageolantes sous mon poids. C’est là que je remarquais que je portais une blouse blanche, rien que ça. Couvrant le haut de mon corps, s’arrêtant en haut de mes cuisses. Tâtant mon dos, je remarquais qu’elle était ouverte, dévoilant ma peau pâle et probablement parsemé de cicatrices et de bleus. Laissant glisser ma main, je ne sentis rien sur mes fesses. Gênant. Trop gênant pour moi. N’importe qui serait gêné non ? Et quant on n’a pas eu le droit à de contacte aussi humains depuis bien longtemps, ça l’était encore plus. « Si tu veux tu peux rester ici et je te fais ramener un repas » proposa-t-il constatant que je n’étais visiblement pas prête à quitter la pièce. « Non ! » m’exclamais-je sans retenu. « C’est juste que… Je crois que ça serait risqué que je sorte comme ça ? Non ? J’ai… J’ai déjà fais souffrir suffisamment de personne ici. » Ne se privant pas pour regarder mes jambes nues, bien que bandées, puis mon dos, il opina. « Hhhm. Tu m’attends deux minutes ? » me demanda-t-il m’aidant à me rassoir sur le lit. « De toute façon, j’imagine que je n’irai pas bien loin… » répondis-je en riant. L’humour, cette chose qui fait passer des messages avec temps de légèreté. Devant lui, je venais de rire du fait que j’étais plus ou moins incapable de me déplacer seule. Intérieurement, ça me rendait folle de rage. Vraiment. M’appuyant sur la table de chevet, je me relevais, me dirigeant à petit pas, tout en m’appuyant aux meubles et aux murs vers la fenêtre. Le décor qui s’y dévoila me sembla à la fois familier et très lointain. Je ne connaissais pas cet endroit. Pourtant, le manteau neigeux sous lequel le paysage se cachait m’était plus que familier. C’est dans cette neige que je m’étais trainée pendant je ne sais combien de jours pour m’échapper. Et la clarté que cette neige amenait avait le don de m’éblouir. Si bien que je me demandais si la lumière du soleil était aussi puissante ou non. Quand j’étais au centre, je n’avais pas eu le droit à une fenêtre. La seule lumière que j’avais jamais connue, quand on jugeait bon de m’éclairé, car la plupart du temps, c’est dans le noir que je vivais, était celle de la vieille ampoule qui trônait au plafond. Le bruit de la porte me fit me retourner. Tellement vite, que ma vue se brouilla et que mon corps s’effondra comme une masse. Je me préparais psychologiquement à retomber mollement sur le sol, mais une paire de bras puissant me rattrapa et me reposa sur le matelas. Revenant peu à peu à moi, je vis que Vassili était de retour, tenant un morceau de tissu en main, mais il n’était plus seul. Un autre homme, plus jeune que moi se tenait à ma gauche. Il avait lui aussi les mains gantées. Je l’examinais, me demandant si s’était lui ou Vassili qui m’avait empêchait de gouter au sol. « Je crois que ça serait mieux si tu restais encore au lit » m’assura Vassili en pausant le morceau de tissu à mes pieds. « C’est toi qui m’a porté ? » questionnais-je, feignant d’ignorer ce qu’il venait de me dire. Pour toute réponse, il lança un regard en direction du deuxième garçon. La peau foncée, le crâne rasé de près. On pouvait deviner ses muscles sous les manches longues de son pull. « Lucléo est comme nous. Il fait preuve de beaucoup de rapidité et de force. Sans quoi tu te serais probablement effondré au sol. Une chance qu’il ait prit la précaution de porter des gants » m’expliqua Vassili. « Merci » soufflais-je à l’intention dudit Lucléo –prénom étrange- qui prenait déjà ses distances et alla se positionner derrière Vassili. Malgré ses muscles, et la sagesse dont il faisait preuve par son regard, on devinait encore un visage quelque peu enfantin, il ne devait pas avoir plus de 16 ou 17 ans. Silencieuse, je penchais pour prendre ce que venait de ramener Vassili. Un pull à capuche à manche longue trois fois trop grand et un bas de jogging assortis. Une paire de chaussette, un boxer pour homme et une paire de gants. « Nous n’avons pas de vêtements féminins, tu devras te contenter de ça pour le moment » annonça-t-il. Cela signifiait-il que j’étais la seule femme présente ? Probablement. Désignant la paire de gants, il continua. « Je me suis dis que ça serait peut-être plus logique que toi aussi tu porte des gants dans l’hypothèse ou c’est toi qui est à l’origine du mal. » J’hochais la tête, silencieuse. Bien sur, s’était moi le monstre. Evident. Pourtant l’espace d’un moment, le temps de discuter avec lui, avec eux, j’en avais presque oublié ce que j’étais. « Euh… Est-ce que vous… » commençais-je gênée en désignant les vétements. « Oh oui bien sur ! » articula Vassili faisant signe à Lucléo de le suivre. Il s’arrêta cependant devant la porte et se retourna. « J’ai à faire. On se retrouve à table ? Lucléo t’aidera… » J’acquiesçais remuant ma tête au même rythme que celle dudit Lucléo. Sur ces mots, ils sortirent tous les deux, me laissant seule. Mince tâche que de m’habiller quand on sait que j’arrive à peine à tenir debout. Motivé par l’idée de pouvoir quitter ce lit, j’entrepris pourtant d’enfiler les vétements, commençant par le boxer. Je me suis sentais à la fois ridicule mais reconnaissante envers Vassili de m’avoir prêtait ces habilles. Les siens ? L’idée qu’il ait pu porter ses vêtements, contre sa peau, son corps, avant moi, me fit rougir de plus belle. Après une bon quart d’heure de bataille à enfiler mes vétements, je laissais retomber mollement mes bras sur le matelas, essoufflait. « Lucléo ? » appelais-je pensant qu’il ne m’entendrait probablement pas. Pourtant, à peine avis-je prononcé son prénom que la porte s’ouvrit, laissant en train l’adolescent basané et baraqué. Il s’approcha de moi, et esquissa pour la première fois un sourire. « Je peux te porter ou tu préfère marcher ? » J’étais embarrassé de devoir faire mon entrer dans cet endroit dans les bras d’un autre, mais je savais aussi parfaitement que si je le faisais pas mes propres moyens, je ne tiendrais pas très longtemps. « Si tu ne crains pas de m’approcher… » Ignorant cependant ma remarque, il se pencha et me prit dans ses bras comme il aurait prit un bébé et me plaqua contre son torse. C’est bien la première fois que j’étais aussi proche d’un homme, ou bien même d’un être humain tout court, si on oublie le fait que l’autre baraqué, dont je ne me souviens plus du prénom, m’ait sauté dessus avant. |