Je suis arrivée devant le lycée et c’était partit, je me suis mise à observer toutes les filles que j’apercevais, il doit bien y en avoir une dans ce fichu bahut qui soit homo non ? Je me suis dirigée tranquillement vers mon casier, un mec m’y attendait. Je l’ai ignoré, prenant les affaires dont j’avais besoin, comme si de rien n’était.

                « Alors comme ça on joue les inaccessibles maintenant ? » a-t-il dit en rigolant.

Je sentais que si je ne lui répondais pas vite, ça allait mal tourné.                           

                « J’suis pas intéressée »

J’ai claqué la porte de mon casier et j’ai commencé à marcher vers ma salle de cour, il m’a courue après, m’a attrapé par l’épaule et m’a forcé à me tourner face à lui. Il s’est approché de moi et m’a glissé à l’oreille :

                « Je sais que c’est pas le meilleur endroit pour ça mais ce week-end c’est l’anniv’ d’un pote et il est temps de faire de lui un homme, enfin tu vois quoi. Donc je me suis dit que tu serais d’accord pour me rendre ce petit service, si tu veux je peux te payer. Tiens, mon numéro, appelle moi pour plus d’infos. »

                Il m’a tendu un bout de papier avec son numéro de téléphone inscrit dessus et s’est éloigné en me faisant un clin d’œil, tout sourire. Il me dégoutait ! Pour qui il me prenait ? Une prostituée ? Ah les hommes ! Je commençais à comprendre toutes ces filles qui s’étaient repliées sur une partenaire féminine. Finalement, peut-être que ce petit jeu m’amuserait plus que prévu.

                Je me suis dirigée vers ma salle de classe, me suis assise à une table et je me suis endormie. Une fois les deux premières heures d’écoulées, j’ai enfin pu prendre l’air. Je suis sortie, j’ai pris une cigarette, je l’ai allumée et j’ai fumé jusqu’au moment où quelqu’un est arrivé derrière moi, a posé ses mains sur mes yeux et m’a attiré contre lui.

                « Devine qui c’est ! »

J’aurais pu reconnaitre cette voix enjouée entre mille !

                « Vincent ! »

Je connaissais Vincent depuis que j’étais toute petite. Nous étions voisins avant que ma mère ne décide de déménager. J’avais grandi avec lui et même après mon déménagement, j’étais restée très proche de lui. Je lui disais tout, il savait pour le père qui m’avait abandonné, je lui avais raconté les plans foireux de ma mère, mes histoires avec les garçons, il me connaissait mieux que personne. Il faisait partit des rares hommes qui me respectaient et qui me voyaient autrement que comme une fille facile.

                « Alors ma belle, quoi de neuf ? »

                Evidemment, les récréations étaient beaucoup trop courtes. Je lui raconterais tout à midi. Je finis ma cigarette, l’écrasa par terre et c’était reparti pour deux longues heures ! Les cours ne m’intéressaient plus depuis un moment, je continuais de venir au lycée uniquement parce que c’était le seul endroit où je pouvais rencontrer des gens et que je savais que si j’arrêtais mes études, je finirais vite par m’ennuyer et puis on sait jamais, si j’avais envie de travailler un jour, le bac me serait utile, en admettant que j’arrive à le passer … J’arrivais à avoir des notes passables mais c’était uniquement grâce à Vincent qui m’aidait régulièrement à réviser.

                La sonnerie fut ma libération, j’arrivais à rester éveillée dans certaines matières mais le français n’en faisait définitivement pas partie. J’ai rejoins Vincent qui m’attendait devant le lycée et nous sommes partis manger dans un kebab, parlant de tout et de rien. Une fois assis et servis, je lui ai raconté ma nouvelle idée pour pouvoir partir de chez moi. Il m’a écouté jusqu’au bout avant de réagir.

                « Tu devrais vraiment aller voir un psy ! T’as des idées pas nettes du tout ! »

Il l’avait dit en rigolant mais je savais qu’il le pensait un peu au fond. Enfin je dois reconnaitre qu’on ne pouvait pas vraiment qualifier mes pensées de saines.

                « Mais bon, j’avoue que c’est recherché comme plan ! Par contre, tu comptes faire quoi si ta mère le prend bien, enfin tu vois, si elle a rien contre le fait que t’aimes les filles ? »

Ce qu’il y a de bien avec Vincent, c’est qu’il trouve toujours les faiblesses dans mes stratégies. Ca a un côté agaçant mais la plupart du temps ça se révèle très utile.

                « J’y avais pas pensé à ça … c’est vrai que connaissant ma mère, même si elle est pas super open, elle va refouler tout ça pour « le bien de sa fille chérie ». C’est vraiment une plaie les parents trop attentionnés »

Vincent arrêta de sourire. J’avais gaffé. Il avait été abandonné étant bébé et ses parents adoptifs n’avaient jamais été très présents pour lui. Du coup, le fait que je me plaigne de ma mère trop  souvent là. 

                « Désolé Vinc’, je sais que c’est pas facile pour toi non plus. Et moi comme une conne, je parle tout le temps de moi et de mes problèmes, sans jamais faire attention aux autres. Je suis vraiment trop bête ! »

Il a sourit de nouveau. J’adorais son sourire. C’était surement le seul mec au lycée avec qui je n’avais pas couché mais c’était surement le plus mignon.

                « C’est bon, y a pas de mal, allez finit de manger, on va arriver en retard »

                On a vidé nos assiettes, on a payé et on est retourné au lycée. C’était la première année où Vincent et moi  n’étions pas dans la même classe et sa présence constante me manquait. Au final, je n’avais pas vraiment continué de chercher ma cible. Je me suis dit que je laisserais tomber et que je verrais bien le lendemain. Je suis arrivée en histoire et me suis vite endormie. Comme d’habitude, la voix de la prof a interrompu ma petite sieste improvisée.

                « Et bien Mlle Elena, encore en train de dormir ? »

J’ouvrais à peine les yeux qu’un mec de ma classe a répondu sur un ton sarcastique :

                « Mais laissez la dormir madame, vu ce qu’elle fait la nuit, elle doit pas avoir beaucoup de temps pour se reposer ! »

Je l’ai regardé, il s’est tu, c’est vrai que je peux être intimidante des fois.

                « Je fais ce que je veux de ma vie ok ? »

J’avais crié à moitié, la classe était silencieuse. C’est à ce moment que j’ai eu une idée, vu que je n’avais pas réussi à trouver une petite lesbienne, que je savais que les rumeurs se répandaient comme une étincelle dans un nid de poudre, et que plus vite cette histoire serait réglée, mieux je me porterais, je n’avais qu’à faire un faux coming out devant les autres élèves ! Si je ne pouvais pas venir à elle, j’allais faire en sorte qu’elle vienne à moi. Après tout, ma réputation ne pouvait pas être plus entachée qu’elle ne l’était déjà. Donc je me suis levée sur ma table, j’ai regardé tout le monde, prit une grande bouffée d’air et je me suis lancée :

                « Ok les gens, je sais ce que vous pensez de moi et à vrai dire, je m’en fou mais voilà, faut que je vous avoue un truc … j’ai beau me taper tous les mecs qui passent, je crois … je crois que j’aime les filles ! »

Tout le monde m’a regardé comme si je venais de tirer sur quelqu’un. Je suis descendue de ma table, me suis rassise et j’ai regardé ma prof. Sur le coup j’ai cru qu’elle allait s’évanouir et ça m’a fait sourire. J’avoue avoir moins rigolé quand je me suis rendue compte qu’elle avait vraiment fait un malaise. J’ai du aller chercher l’infirmière, les autres élèves se sont précipités dans le couloir, me remerciant de les avoir libérés d’une heure de cours. Ne me demandez pas pourquoi, mais après ce petit incident, je me suis retrouvée dans le bureau du proviseur, exclue pendant 3 jours pour mauvaise conduite. Vive les lycées privés !