Ecriture : janvier 2012. Arrangements : janvier 2013. J'ai terminé ce carnet, et je me suis rendue compte qu'il y avait des choses sympathiques au tout début... ______________________________________________________________________________
Tu ne sais pas trop pourquoi tu as accepté de prendre un verre. Tu n'es même pas sure de savoir ce que tu en penses, assise dans ce café en face de Selena. Elle n'engage pas la conversation et tu te sens vaguement mal à l'aise, alors tu la regardes un peu, comme pour passer le temps. Elle n'a pas vraiment changé physiquement depuis deux ans, ou presque, que tu ne l'as pas vue, mais tu ne sais rien de ce qu'elle a vécu entre temps. Tu ne sais même pas ce qu'elle fait ici. La dernière fois que tu lui a parlé elle partait moins d'une semaine plus tard à des centaines de kilomètres de là, déménagement dans le Sud avec Gustave. Tu te demandes si elle est encore avec lui, mais tu ne poses pas la question. Ca te ronge un peu, mais tu as peur de sa réaction, ou de la réponse, mais c'est bête parce que tu n'es pas certaine de ce que tu aimerais entendre. Finalement c'est elle qui brise le silence.
- Tu vas bien ?
- Oui.
A une époque tu l'aurais regardée dans les yeux avec un sourire et tu lui aurais pris la main ou tu l'aurais touchée d'une quelconque manière pour lui répondre "oui", mais là tu n'as rien fait de tout ça, tu as répondu oui par automatisme. C'est stupide d'être si habitué à dire qu'on va bien, ça finit par n'être plus que des paroles en l'air. "Ca va", c'est mieux. Ca ne veut réellement rien dire, alors ça marche tout le temps. "Ca va." Avec ou sans toi, le temps passe.
- Et toi ?
C'est débile. Etre courtoises, polies, ça ne vous ressemble pas.
- Bien aussi.
Il y a un silence inconfortable, que tu considères avec un peu d'amertume, quand tu penses à tous les silences que vous avez connus et qui n'étaient pas inconfortables, eux. Tu les aimais même, ces silences.
- Tu vois, tu t'en es sortie sans moi.
Tes mains se crispent sur ta tasse et tu bois une gorgée pour cacher tes yeux qui piquent. Ce n'est même pas vrai. Tu t'en es pas vraiment sortie sans elle. Retour à la case arrivée, tu as l'impression que ce n'était rien cette année presque deux. Tu relèves les yeux vers elle, tu te rends compte qu'il s'est passé deux ans, deux ans, et tu l'as même pas oubliée une seconde. Tu t'en es sortie comme t'as pu, parce que faut pas déconner, l'amour ça tue que dans les tragédies, mais tu t'es pas sortie d'elle, et s'en est pitoyable.
- Pense pas que tu me manques pas.
- Tu m'as manqué aussi.
Tu ne réponds rien parce que tu sais que c'est vrai, mais tu voudrais lui faire comprendre que c'est pas la même chose, parce que toi tu as besoin d'elle, parce que toi tu souffres. Faudrait penser à arrêter d'aimer cette fille.
La pensée te choque même pas. Savoir que tu n'es pas maso jusqu'au bout est plutôt rassurant, et voilà, peut-être qu'il est temps que t'avances. D'un autre côté, ça t'étonne même pas de t'apercevoir, là comme ça, que Selena t'es pas sortie de la tête avec le temps. T'as pas rencontré mieux, plus. Que ce soit sa personne elle-même ou ce que vous êtes capables de créer entre vous, tu n'es pas sure, mais le fait est là, tu traînes un amour trop lourd depuis trop longtemps.
- Gustave et moi c'est fini.
Et quelque chose en toi est content. Parce que ça veut dire que l'autre c'était temporel. Toi c'est éternel, tu le sens comme ça, et au fond, ça devrait te suffire, avec un peu d'efforts. |