J'avais été virée. Par mon propre père, en plus. Il m'avait annoncé, furieux, que suite au nombreuses catastrophes que j'avais provoquée, j'étais "déchue de mes fonctions". J'aurais dû me réjouir. Être heureuse de pouvoir passer des vacances normales à me prélasser et partir en voyage, mais non, ce n'était pas le cas. Ils allaient me manquer, tous. Dimitri, Tsukasa, Gabriel, Sebastian, et même Jeremy. J'avais beau tout louper, nous passions de bons moments ensemble, non ? Quoi qu'il en soit, je dus me rendre à l'appartement des Lemonade Lords, pour leur annoncer mon licenciement. Ce fut Dimitri qui m'ouvrit la porte. Je lui adressait un sourire triste. 

- Salut, lançais-je. 

- Qu'est ce qu'il y a ? demanda-t-il. 

Ah, il avait remarqué que je n'étais pas bien. Je me mordis la lèvre. 

- Je ne viendrais plus travailler ici.  

Il fut surpris, laissant un léger silence durant lequel nous nous fixâmes. Répondant à son regard interrogatif, je lui expliquais :  

- Après tout, je vous pourris la vie depuis plusieurs jours. Ca vaut mieux, non ?  

Dimitri sembla réfléchir quelques instants, puis il saisit une veste posée sur une chaise à côté de lui, sortit et fermait la porte derrière lui. Souriant, il vint m'ébouriffer les cheveux. 

- On va à la fête foraine, ça te remontera le moral. On verra pour toute cette histoire après. 

J'en étais bouchée bée, je ne m'attendais pas du tout à cette réaction. J'avoue que j'imaginais qu'il allait me dire "Tu vas me manquer" ou quelque chose du genre, mais vraiment, ça, c'était surprenant.  

- Et... Et les autres ? bégayais-je. 

- Tsukasa est parti tourner une publicité, Sebastian et Gabriel participent à une oeuvre caritative et Jeremy est en séance photo. 

- Oh, d'accord. 

Une demi-heure plus tard, nous entrions dans la fête foraine. J'avais l'enthousiasme d'une gamine de quatre ans en voyant tous les stands et les manèges. Dimitri, malgré le fait que l'on soit en plein été, portait un foulard, un bonnet des lunettes de soleil. Ca le faisait plus remarquer qu'autre chose, mais il était sûr d'être incognito. Mouais. Nous partîmes nous asseoir à la terrasse d'une petite crêperie, après tout, nous n'avions pas déjeuné. Nous nous mîmes à discuter gaiement en attendant notre commande. 

 - Comment va Sebastian ? osait-je finalement demander en détournant le regard. 

 - Il souffre le martyre, il pleuré tout seul hier soir dans son lit, avec sa peluche de la princesse Lumpy Space dans les bras.

 - Pardon ? demandais-je, choquée.

 Il se mit à rire.

 - Je rigole ! 

 - Pff, abruti, pouffais-je. 

 - Il va bien, ne t'inquiète pas. 

 Un silence suivit ses paroles. Nous nous regardâmes un instant, puis les crêpes arrivèrent. Tout en mangeant, je relançait la conversation.

 - Raconte des secrets compromettants sur les autres membres, réclamais-je, un sourire aux lèvres.

 - Oh, il y en a tellement ! Tu savais que Jeremy avait un ami imaginaire, quand il était petit ? Il s'appelait Frédéric, et c'était un balai magique. 

 Je me retins d'éclater de rire.

 - Vraiment ? J'y crois pas !

 - Si, je t'assure ! Il avait même dessiné un visage sur une feuille, qu'il avait scotchée sur le manche du balai. Et il se baladait avec dans toute la maison, il parlait même avec lui ! 

 - Si les médias savaient ça... Comment t'es au courant ? 

 Il prit un air mystérieux.

 - Ah, j'ai mes sources...

 - Non, sérieux, comment ?

 - Jeremy a tendance à raconter un peu trop de choses quand son taux d'alcool a dépassé le seuil d'une coupe de champagne. 

 Je me mis à rire franchement. Cela me faisait du bien de m'amuser avec Dimitri, et j'espérais que même si je n'allais plus travailler chez les Lemonade Lords, nous allions tout de même rester amis et passer d'autres journées comme celle-ci. Une fois notre crêpe engloutie, nous nous mîmes à déambuler dans les allées, passant d'un stand à un autre, pour finalement s'arrêter devant le tir à la carabine. Une peluche en forme de donut attira mon regard.

 - Oh, regarde ! dit-je à Dimitri. Elle est pas trop cute, cette peluche ? 

 - Tu la veux ? demanda-t-il. 

 - Oui ! 

 Je le regardais avec les yeux plein d'espoir. J'étais nulle au tir, mais si il pouvait me la gagner, je lui en serait reconnaissante à vie ! Dans mon enfance, je possédait la même peluche et je l'emmenais toujours partout, malgré sa taille immense. Un jour, je l'ai oubliée dans les toilettes d'un fast-food, la femme de ménage devait être folle de joie. Dimitri, l'air très concentré, tira avec précision et gagna sans peine la peluche tant convoitée. Au comble du bonheur, je lui sautait au cou. 

 - Merci ! T'es le meilleur. 

 Il baissa légèrement ses lunettes pour que je puisse le regarder dans les yeux, et il m'adressa un sourire, tandis que je prenait la peluche dans mes bras.

 - Y'a pas de quoi.

 La jeune femme qui tenait le stand nous interrompit, une expression d'intense admiration sur le visage. Elle criait presque : 

 - Oh mon Dieu ! Mais c'est Dimitri, des Lemonade Lords ! 

 Toute la foule présente se retourna vers nous. Dimitri, qui n'avait plus aucune raison de se cacher, laissa tomber ses lunettes, et me prenant la main, nous partîmes en courant. Surprise par les événements, j'avais lâché ma peluche, qui était retombée sur le sol. Une dizaine de minutes plus tard, nous avions réussi à les semer, et nous retournions à l'appartement. Une fois que nous fûmes en sécurité dans l'ascenseur, Dimitri m'adressa un air contrit.

- Désolé, dit-il. Quelques fois, la célébrité est vraiment difficile à supporter.

Je lui souris gentiment.

- Ce n'est pas grave, c'est pas ta faute.

Nous sortîmes de l'ascenseur pour entrer dans l'appartement. Je repris la parole.

- La seule chose que je regrette, c'est que j'ai perdu la peluche...

Je me mordis la lèvre. Je la voulais tellement ! Dimitri, qui était prêt à rentrer, s'arrêta sur le seuil de la porte, en me regardant.

- Tu l'as faite tomber quand nous sommes partis ?

- Oui, pourquoi ?

- Reste-là, je vais la chercher.

Il tourna les talons, mais je ressortis instantanément de l'appartement, le suivant dans le couloir.

 - Non ! Ce n'est pas la peine. Je te laisserait pas retourner là bas, avec cette bande d'hystériques. Il va faire nuit, et en plus ils ont annoncé un orage.

 Je pris un air qui se voulait décidé et qui ne fonctionna pas du tout. Calmement, il s'avança vers moi, m'attrapa par la taille, et malgré mes protestations, me porta sur son épaule, jusqu'à l'appartement. Une fois à l'intérieur, il me posa sur le canapé et ressortit très vite. Je me remis sur mes pieds, et tentait d'ouvrir la porte qu'il avait refermée... A clé. Je lâchais un soupir. Je n'avais pas besoin qu'il retourne là bas, je pouvais parfaitement me passer de cette peluche. Résignée, je partis sur la terrasse, dans l'espoir de l'apercevoir sortir de l'immeuble. Et en quelques secondes, je me retrouvais totalement trempée : il tombait des cordes, et le tonnerre grondait. Dimitri était dehors par ce temps là ! Et je ne pouvais rien faire pour l'empêcher de retourner à la fête foraine. Heureusement, ma bonne étoile veillait sur moi, j'entendis la porte d'entrée s'ouvrir, pour accueillir tout le reste du groupe qui rentrait de leurs activités respectives. Sans leur expliquer quoi que ce soit, je les bousculais et sortit en trombe de l'appartement. Il fallait que je retrouve Dimitri. Je me mis à courir comme une folle dans la rue, dans la direction de la fête foraine, lorsque je me pris quelqu'un de plein fouet. Je relevais les yeux.

 - Dimitri ? 

 Il était complètement trempé, de l'eau dégoulinait de son visage et de ses cheveux. Il tremblait mais affichait malgré tout un gentil sourire. Il me montra la peluche, dans un sale état.

 - Je l'ai retrouvée, m'annonça-t-il. Mais bon, elle est un peu décousue par endroit et elle est pleine de boue. Je vais la remettre comme neuve, ne t'en fait pas.

 - La prochaine fois que tu me fais ça, lui dis-je avec colère, je met le feu à l'appartement ! Non mais quelle idée de m'enfermer. 

 Il prit un air surpris, visiblement, il ne s'attendait pas  ça.

 - Tu-tu n'est pas contente ? Ca ne te fait pas plaisir ? 

 - Bien sûr que non ! rétorquais-je. Je me suis inquiétée pour toi. (Je me calmais un peu.) Mais maintenant que je sais que tu vas bien, oui, ça me fait plaisir. 

 Il sembla immédiatement rassuré. Nous étions tout les deux debout sous la pluie, complètement trempés et grelottant de froid. Dimitri se pencha soudainement vers moi et s'accrocha à moi, à deux doigts de tomber. Il tremblait énormément alors je me posait ma main sur son front.

 - Tu as de la fièvre ! m'écriais-je. Viens, on rentre vite.

 Je passait son bras autour de mes épaules pour le soutenir de mon mieux, et retournait à l'appartement. Gabriel vint nous ouvrir la porte, et écarquilla les yeux en nous voyant.

 - Il a beaucoup de fièvre, expliquais-je. Il a dû attraper froid. 

 Ils vinrent tous s'occuper de Dimitri, ce qui me rassura. Il était entre de bonnes mains, après tout. Il avait gardé la peluche, refusant que je l'emporte. "Je te la donnerais quand elle sera parfaite", m'avait-il dit. Très bien, j'attendais ce moment avec impatience.