J'avais l'impression d'avoir marché une éternité lorsque je m'arrêtais finalement. J'étais arrivée devant une aire pour enfants, et je m'assis sur une des balançoires abandonnées. Il devait être environ trois heures du matin, et l'endroit était désert. Je m'en voulais énormément de n'avoir prévenu personne, et de ne pas être rentrée à la maison, mais j'en avais assez de décevoir tout le monde. J'avais juste besoin de rester un peu seule pour réfléchir. Je frissonnais, frappée par une brise glaciale, et commençait à regretter de n'être pas chez moi, dans mon lit, à cette heure-ci. Il était grand temps de rentrer, aussi je me levais, lorsque j'entendis des bruits de pas précipités derrière moi, et je me retournais. Jeremy se tenait devant moi, l'air essoufflé comme si il courait depuis des heures. Il essaya de parler, mais dût reprendre sa respiration quelques secondes avant de pouvoir sortir une seule parole. Il posa sa main sur mon épaule et me regarda dans les yeux : 

- Crystal... lança-t-il, sa respiration encore saccadée. 

- Euuuh... Oui ?

Était-il venu me chercher ? Je n'en avais aucune idée, mais si c'était le cas, j'allais encore plus culpabiliser. Embêter les autres et déranger leurs vies est ma spécialité, après tout. Néanmoins, j'attendis qu'il s'explique. Au lieu de ça, il me saisit par les épaules et me secoua.

- Non mais ça va pas bien dans ta tête ? hurla-t-il. T'imagines combien de temps je t'ai cherchée ? Combien de temps je me suis inquiété ? Tout le monde est parti à ta recherche, on s'est séparés pour te retrouver... Arrête de faire des conneries, bon sang, Crystal ! 

Les larmes me vinrent aux yeux tandis qu'il me criait dessus. J'étais partie pour ne plus les embêter, et au final c'était le contraire qui s'était produit. J'éclatais en sanglots : j'avais déprimé toute la nuit, et là, c'était l'apothéose. 

- Je suis désolée... dis-je.

Jeremy, mal à l'aise, ne savait que faire devant mes pleurs. Il me prit doucement dans ses bras et caressa mes cheveux comme si j'étais une petite fille, pour me calmer. Je lui en étais reconnaissante et nous restâmes ainsi quelques minutes, le temps que mes larmes se tarissent. Au bout d'un moment, je me décollais de lui et le regardais dans les yeux.

- Je suis désolée, répétais-je.

- T'inquiète. Je comprends que t'en ai marre quelques fois, et je sais que tu fais pas exprès. On passe tous par ce genre d'état d'esprit où on a envie de s'isoler, tout seul. Mais ne recommence pas : ton père était tellement inquiet que j'ai cru qu'il allait faire une crise cardiaque ! La prochaine fois, enferme toi juste dans ta chambre quand t'as envie de t'isoler, ce sera plus simple pour tout le monde !

Je baissait la tête.

- D'accord... Promis, j'le referait plus. 

Il m'ébouriffa les cheveux et lorsque je relevais la tête pour le regarder, je pus le voir afficher un joli sourire. Il paraissait soulagé de me retrouver et cela me fit plaisir : même si j'avais l'habitude de l'embarrasser et de lui pourrir la vie, semblait-il qu'il m'aimait bien quand même ! 

- Allez, te tracasse pas. Je vais appeler ton père, lança-t-il.

- Q-quoi ? Mon père ? 

Je pris soudainement conscience qu'il allait être furieux. 

- T'inquiète pas. (Il sortit son portable, composa le numéro et le porta à son oreille.) Allô ? Patron ? J'ai des nouvelles de Crystal. Elle m'avait envoyé un message à 19h, je viens de le recevoir à cause d'un bug de mon téléphone : elle m'a dit qu'elle est partie dormir chez une amie et qu'elle n'a plus de batteries dans son portable donc qu'il ne sera pas allumé plus tard. Elle me demandait de vous prévenir puisqu'elle sait qu'à cette heure là vous travaillez et qu'elle ne voulait pas vous déranger. Il n'y a plus aucune raison de s'inquiéter, elle a dit qu'elle rentrait demain. 

J'écoutais avec une attention infinie tout ce que disait Jeremy. Une fois qu'il eut terminé, je demandais : 

- Alors ? 

- Il m'a un peu crié dessus pour le coup du bug de portable parce que tu l'as beaucoup inquiété, mais il a eu l'air trèèèès soulagé. Donc tout est réglé !

Je pris soudain conscience d'un détail.

- Hey, mais tu as dit que je rentrais demain, sauf que je ne suis pas chez une amie... Je vais dormir où ?

- Eh bien, chez le groupe !

Je faillis m'étrangler.

- Quoi ? 

- Ca va, on va pas te manger. Allez, on y va !

Il me prit la main et commença à marcher dans la direction de l'appartement. Nous marchâmes un moment en silence, sans qu'il me lâche la main. J'étais un peu mal à l'aise, mais nous arrivâmes rapidement, et j'entrais dans l'appartement sous les regards de Dimitri, Tsukasa, Sebastian et Gabriel, qui étaient tous arrivés avant nous, puisqu'ils m'avaient cherchée aussi. A peine ai-je posé le pied sur le parquet ciré de l'appartement, tous me sautèrent dessus et me firent un gros câlin collectif.

- Crystaaaaaaaaaal ! lança Tsukasa. T'es vivante, tu t'es pas faite kidnapper et assassiner ! 

- Mais t'étais où ? M'interrogea Gabriel. T'étais quand même pas allée acheter de la drogue ou quelque chose comme ça ?

- Je suis sûr que non ! le corrigea Sébastian. Crystal est bien trop raffinée pour ce genre de choses.

- Mouais... 

Je n'eus pas le temps de leur répondre tant ils parlaient tous en même temps. Dimitri s'avança vers moi, et me sourit, mal à l'aise.

- Je suis heureux que tu ailles bien. Et je suis désolé, tu sais... Je me suis un peu énervé, je ne pensait pas ce que j'ai dit.

- Ne t'en fais pas, répondis-je. C'est oublié. 

- Dites, nous interrompit Tsukasa. Crystal était pas censée dormir chez une amie ?

- Non, répondit Jeremy. Elle dort ici ! 

- Oh. D'accord, lui répondit-il simplement.

- Mais, euuuuh, je vais dormir où ? Vous avez un lit en plus ? 

- Dans ma chambre, dit Jeremy. Je dormirais dans la chambre de Dimitri !

Dix minutes plus tard, j'étais allongée dans le lit de Jeremy, la lumière éteinte. L'environnement ne m'était pas familier, mais je m'endormis rapidement tant j'étais épuisée.

*Point de vue omniscient*

Jeremy et Dimitri étaient tous deux dans la chambre de ce dernier. Le blondinet sortait un matelas en plus et le posait par terre, tandis que Dimitri était assis sur son lit, pensif. Il brisa finalement le silence. 

- Dis. Tu l'as trouvée comment ?

- Oh ? Euh, je l'ai cherchée vraiment partout, en fait. J'étais tellement inquiet que je n'ai pas arrêté une seule seconde de courir. Je me disait que si je perdais ne serait-ce qu'une minute, elle risquait de se faire enlever ou agresser ! (Il rit.) Au final, je suis soulagé. Pourquoi ? 

- Tu l'aimes bien, pas vrai ?

Surpris par cette question, Jeremy laissa passer un instant de silence. 

- Autant que toi, je dirais, répondit-il.

Sans rien rétorquer d'autre qu'un "Bonne nuit", Dimitri se coucha, tandis que Jeremy faisait de même.