A un moment j'en ai eu marre. J'ai le surréalisme mauvais, presque méchant. Violent ? Pour moi au moins. Ca me ressemble pas. Les mots qui surgissent comme ça, en boulette de rage à jeter à la figure... de rien. Ca sort pas ça reste dedans, les mots naissent, s'enroulent et tournent toujours loin d'un stylo, le cri se perd en boucles sur lui-même, il reste là, fumée de la douche, merde c'est à perdre, ça ne survivra pas, je m'y accroche mais ça grandit, se développe, c'est fantastique, merveilleux. Superbe, superbe, et à moi ! A moi mais ça me nargue, ça s'enfuit je le perds, je le perds... Mais c'était rien d'autre que moi ! Moi sans rien pour le fixer, moi qui change à chaque seconde ? Moi qui me fait visiter ? Putain, laisse une trace ! Livre d'or, ça te dit rien ? Je laisse les mots naître, mais c'est une bande d'ingrats, dégagez, merde je vous voulais... Agitez ma tête, vous pourriez bien vous poser ? Loin du stylo... Pleutres. D'autres trucs viennent à l'encre. Ca vient, ça vient sans cesse, c'est déjà ça, mais ça ne revient pas... Ca fait quoi ? Ca dégage vraiment ou ça reste, enfermé ? Ca va pourrir là-haut alors, oh mais alors ! Perpétuellement hantée, merde quoi, et on pourrait même pas le dire, avouer son nom ? Mourir sous une cataracte d'eau brûlante sinon, sans stylo sans rien, mais mourir avec les mots là, mourir en sachant ! En les voyant tous, tel que c'est possible que dans l'esprit ! Tous en même temps, pas posés, pas découpés sur des lignes, enroulés, liés, deux dimensions, trois dimensions, quatre ! Une bobine non, oui ! Ah mais non ! Plein de fils, des fusions de pelottes, effusions... Mais concentrées, implosées, des trous noirs qui absorbent, voilà, des mots qui s'absorbent eux-mêmes, indicibles et nombreux, nombreux ; on peut les explorer, les parcourir, spectacle formidable que soi-même ! Mais secret à garder ! Interdits, pudeur, merde ! Foutu cache-cache, foutue réserve, interdit de s'ouvrir pour faire sortir le truc tel quel, on ne fait que vomir des bouillies dégueulasses, indistinctes. Fait chier. Un pauvre fil ou du vomi à la place de trous noirs implacables. Sale prison que ma tête. Fuyez, mots ! Fuyez tous, et entiers ! |