Jeudi 14 Mars 2013, 15:57

J'ai dormi. Enfin. Quand j'ai réussi à fermer les yeux, ils étaient là. Tu ris ? Tu ris bien ? Tant mieux. Ris fort. Tu me diras, depuis cinq jours que je ne t'ai pas écrit, heureusement que j'ai dormi. Quoi que, venant de toi, ça devait plutôt être « dommage que tu aies réussi à dormir », parce que c'est vrai que ça aurait été plus drôle. Mais je me demande si tu m'aurais cru, en fait. Môsieur le scientifique, futur excellent chirurgien, premier de sa promotion, m'aurait probablement démontré par « a+b » que non, il est impossible que je n'aie pas dormi au moins un peu en cinq jours. Enfin bref. Ne pas dormir assez est une de mes spécialités, depuis quelques mois. Ne pas dormir tout court. Mais qu'est-ce que t'en as à foutre, hein ? Absolument rien. Tu ne lis pas, et si tu le fais, tu te fous de moi. Je ne vois pas pourquoi ça pourrait être autrement.

De toute façon, y a toujours eu un tas de conneries, entre nous. Toujours des non-dits, des tabous. Des choses qu'on a jamais abordées, qu'on a toujours tues. Et j'pourrai jamais rien faire pour changer ça. Ça me fait putain de chier. T'as jamais voulu que j'arrange quoi que ce soit, parce qu'il paraît que c'était très bien comme c'était. Surtout pour toi, en fait. Putain t'en as toujours eu rien à cirer de ce que je pouvais penser, de comment je pouvais me sentir. T'as toujours pensé qu'à ta gueule, et je vois que c'est toujours le cas.

En fait je me demande pourquoi je t'envoie ces messages. Pour te faire rire, sûrement. Pour que tu saches que je suis vivant, contrairement à ce que t'as toujours voulu. Vivant, malheureusement. Pour toi, pour moi. Pour te faire chier, toi qui as rejeté mon existence sans une putain d'explication.

J't'en veux, putain. Mais tellement. Égoïste. T'as prouvé, une nouvelle fois, que tu pensais qu'à ta gueule. Lâche et sans cœur. T'as envoyé valser ma présence, mon amitié, comme on jetterait une merde, sans la toucher. Tu t'es barré, du jour au lendemain, parce que j'suis persuadé que ça te faisait rire. Me faire crever t'a toujours fait marrer. Me faire chier était une de tes spécialités.

Tu répondras jamais, hein ? Ces messages resteront toujours sans réponses, pas vrai ? J'y ai cru, pourtant. Je m'étais pas encore fait à l'idée que c'était définitivement tiré. Le trait sur toi et moi. Mais qu'importe.

Hier, je suis sorti. Ouais, Hermione m'y a forcé. Elle a débarqué chez moi, comme une foutue lumière trop vive, avec ses sourcils froncés, ses poings sur les hanches et ses cheveux ébouriffés. Et elle a crié. Elle a dit que j'étais con de me laisser crever pour des conneries, que j'avais intérêt à me bouger, que j'étais ridicule et pathétique. J'lui ai pas parlé des messages que je t'envoie. Tout simplement parce qu'elle te déteste, et que j'avais mal à la tête de l'entendre gueuler pendant trois heures.

D'abord, elle a ouvert les volets. Ça m'a niqué les yeux. En fait j'crois bien que j'ai vécu comme un vampire, jusque là. Genre j'évitais la lumière du soleil pour pas brûler comme une torche vivante. C'est marrant parce qu'en fait, tu vois, j'ai pas besoin du soleil pour me consumer... Après, elle a tout aéré. Semble que j'étais vraiment pathétique, en fait. Elle m'a forcé à me lever, à m'habiller. M'a fait sortir. Toute la journée. La subtilité, ç'a jamais été son truc. Comme toi.

J'me dis souvent, en ce moment, que j'ai bientôt touché le fond. Surtout avec toutes les conneries que je fais. Si la semaine dernière, j'étais au tiers du chemin qui mène aux abysses, j'ai l'impression qu'aujourd'hui j'en suis presque à la fin. On dirait que j'me noie dans la vie. Elle me submerge, elle m'étouffe et je suffoque, comme un con.

L'ennui c'est que j'ai plus d'boulot, tu vois. Rien pour me changer les idées. Alors à force de vivre dans l'obscurité, j'ai les idées un peu noires qui vont avec... Elles s'incrustent dans mon esprit. Elles chuchotent, elles aspirent mon âme. Pourtant j'arrive encore à m'foutre de ma gueule. Je ris. J'me regarde dans mon putain de miroir, tu vois et...

… et je l'ai brisé. Je t'avais dit que j'en mourais d'envie. Il était là, en face de moi, et il me narguait, il riait, ce connard ! Alors j'lui ai balancé mon poing dans la gueule. Après, ça pissait l'sang. J'ai une plaie longue et profonde dans la main droite, maintenant. Ça fait genre blessure de guerre, du coup. Classe. Hermione va adorer, quand elle réapparaîtra pour m'engueuler. J'réponds jamais à ses appels, c'est pour ça. Elle croit toujours que j'vais m'suicider.

Bref. C'était marrant, de voir le sang, comme ça. Ça faisait un putain de mal de chien. Ça surpassait tout le reste, du coup. J'pensais plus à rien d'autre qu'au fait que j'avais jamais eu aussi mal à la main. T'aurais vu ça, t'aurais explosé de rire. T'aurais regardé ma main, et tu te serais foutu de ma gueule : Saint Potter a encore voulu se la jouer ! Saint Potter voulait attirer l'attention sur lui !

Bah, raté. Tout le monde s'en fout, tu sais. Tu le sais.

Pas besoin de dire au revoir.

Putain de connard.