Il la regarda fixement. Elle lui rendit son regard. Il approcha doucement la main de son visage. Elle lui semblait tellement irréelle qu’il craignait que sa main ne traverse qu’un mirage.
Au moment où il allait la toucher, elle recula. Il ne put même pas l’effleurer. Elle lui tourna le dos et s’échappa à travers la prairie. Avant qu’il ne comprenne ce qui se passait, elle était déjà loin.
Il ne comprenait pas. Elle s’enfuyait, et plus encore, elle lui échappait. Il ressentit alors un profond désir pour elle. Il voulait la rattraper, s’emparer d’elle.
Il entama sa course. Il ne mit pas longtemps à la rattraper. Sa robe noire virvoltait sur ses cuisses en vagues de tissu. Elle s’enfuyait telle un courant d’air. Elle le guidait à travers les bois et les chemins isolés. Ses pas laissaient une trace de neige fondue sur le sol.
A chaque fois qu’il pensait l’avoir enfin saisie, elle lui échappait. Elle ralentit et finit par s’arrêter sous un sapin recouvert de plusieurs centimètres de neige. Le vent secoua sa robe et ses cheveux.
Il s’arrêta près d’elle. Enfin, elle s’offrait à lui. Il posa délicatement ses mains sur son corps. Elle se dégagea. Il se résigna.
Il restèrent quelques instants l’un près de l’autre, n’échangeant rien d’autre que des regards. Elle sourit et commença à marcher. Il la suivit.
Il sentit qu’il pourrait la suivre jusqu’au bout du monde, et au-delà. Il traverserait des contrées désertiques ou peuplées de créatures démoniaques pour être avec elle. Il terrasserait les créatures les plus méphistophéliques. Et ça, elle ne le savait que trop bien.
Elle semblait s’envoler à chaque pas qu’elle faisait. Sa chevelure rouge lui faisait penser à des ailes angéliques et démoniques. Que faisait donc cette flamme dans le froid de l’hiver ?
Petit à petit, elle recommença sa course ; cependant, cette fois, elle s’arrêtait de temps en temps pour vérifier s’il la suivait bien. Elle jouait avec lui. Il était contrôlé par une force contre laquelle il ne pouvait lutter.
Elle traversa pendant des heures les bois, les vallées, les ruisseaux gelés, les champs et les prairies argentées. Chaque paysage était plus blanc et plus pur que le précèdant.
Où allait-elle ? Le conduisait-elle à un être mangeur d’hommes ? Un précipice sans fond ? Sous une avalanche intarrissable ?
Il ignorait où elle l’emmenait. Il ne savait qu’une chose : il la désirait avec ardeur.
Ils parcoururent des lieues et des lieues. La fatigue ne semblait pas l’atteindre. Lui, la ressentait, mais l’ignorait. Il ne voulait pas la perdre de vue.
Lorsqu’il ralentissait, elle s’approchait de lui. Elle l’attendait. Il essayait alors de la toucher, mais n’y parvenait jamais. Elle le fixait, d’une expression à la fois impassible et féroce. Il en était sûr : elle était prête à le dévorer, mais c’était un risque qu’il était prêt à prendre.
La nuit tomba, et elle ne s’arrêta toujours pas. Elle avançait sans s’épuiser. Elle le regardait de temps en temps, mais son état l’indifférait.
Ils arrivèrent dans une immense plaine brumeuse et désertique. Rien n’était visible à des dizaines de lieues à la ronde. Au loin, on apercevait la forêt et une montagne. Toute forme de vie semblait avoir abandonné cet endroit. Il respirait la mort.
Il sentit sa nuque se raidir. Elle s’arrêta pour de bon. Elle se touna vers lui, une expression indéfénissable. Il frémit. Elle était tellement désirable et à la fois tellement effrayante.
Il la saisit par la taille. Cette fois, elle ne lui échapperait pas. Il attrapa fermement sa tête. Ses cheveux lui brûlaient presque la main. Son corps dégageait une chaleur surprenante.
Elle ferma les yeux. Ses lèvres sanguinolantes se rapprochaient doucement des siennes. Il se crispa. Voulait-elle réellement de lui ou était-ce un piège ? |