Son coeur battait la chamade. Enfin, elle était à lui. Ses efforts étaient enfin récompensés.
Leurs visages étaient si proche l’un de l’autre…
La lame pénétra la chair. Il ouvrit les yeux. Le sang coulait le long de son flanc et de sa hanche. Elle le regardait, ses lèvres déformées par un sourire satisfait et perfide sur le visage. Le sang coulait le long de la dague.
Il se glaça, pressa une main sur la plaie. Il s’écroula dans la neige. Il brûlait de l’intérieur. La neige lui semblait pourtant étonnement incandescente. Le sang coulait sur la neige et formait une flaque autour de lui.
Il se retourna et la regarda une dernière fois. Son rictus scinique s’était transformé en une expression impassible. Son regard était à la fois glacial et ardent : elle s’impatientait de le voir mourir. La dernière chose qu’il vit fut sa silhouette s’éloignant furtivement, laissant quelques gouttes de sang là où elle avait marché.
Elle courut aussi loin qu’elle le pouvait, le cœur vide. Elle passa entre les arbres, les fougères et les terriers enneigés, seule. Ses cheveux de flammes luisaient comme des astres néfastes. Elle était un ange de la mort, un démon céleste, une nymphe néfaste.
Il sentait la vie s’échapper de son corps. Ses paupières se fermèrent lentement. Il repensa à son foyer qu’il avait égaré et qu’il ne reverrait jamais. Ses membres se raidissaient petit à petit, et devinrent aussi durs que des rochers.
C’est alors qu’une lumière aérienne l’entoura. Son sang pénétra la roche de la plaine comme de l’acide. Il s’enfonça dans les entrailles de la roche jusqu’à atteindre le coeur.
Il devenait roche. Chaque seconde qui passait, il devenait plus grand, plus solide. Il atteignait des centaines de mètres. Il devenait aussi de plus en plus large. Ses organes se transformèrent en cavernes chargées de trésors, d’or et de joyaux.
Il était devenu une montagne solitaire, impressionnante, brumeuse, sans aucun arbre ni forme de vie. Ses pics, hauts et acérés, étaient secs, recouverts de rocs anguleux et sombres, de neiges éternelles inhospitalières. Il était à présent immortel.
Elle était retournée dans la prairie où tout avait commencé. Elle observait le trou béant qui séparait les montagnes, à présent comblé par une montagne nouvelle, sauvage.
Elle ferma les yeux. Une larme roula le long de sa joue, laissant une trace de brûlure. Elle s’excusa et remercia l’homme qu’elle venait de tuer dans une langue inconnue.
Elle prit son élan. Ses ongles devinrent des griffes tranchantes comme des lames ; ses dents, des crocs acérés. Sa peau se recouvrit d’écailles rouges, solides comme des boucliers. Ses yeux devinrent or, luisants et effrayants.
La créature s’envola vers la montagne isolée. L’homme avait perdu son foyer, le dragon venait d’en faire le sien.
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