Elle se réveilla en sursaut. Un cauchemar qui un temps fut réalité, était venu s'insinuer dans son esprit. En s'asseyant sur son lit, elle remarqua qu'on l'avait changé. Elle ne portait plus ses vêtements de fortune. Ils avaient été remplacés par une simple robe beige. Son corps ne lui faisait plus mal, elle avait été lavée, ses cheveux démêlées et sa blessure soignée. Un doute s'installa en elle. Il n'y avait personne dans sa tente. Elle avait espérer trouver l'elfe qui l'hébergeait. La jeune elfe inspira un coup afin de se donner du courage.
Les elfes blonds qui travaillaient dehors la regardèrent immédiatement. Elle baissa les yeux. Ils savaient. Elle ne savait combien de temps elle avait dormi mais suffisamment pour que tout le monde ait pu comprendre. Elle aurait préféré – aurait dû ! - continuer son chemin sans s'arrêter et après, prendre le temps de se reposer. Elle allait devoir s'expliquer.
Elle s'avança jusqu'à la grande tente centrale. Un elfe se tenait près de l'entrée. Elle lui demanda si elle pouvait avoir une entrevue avec son chef. Il s'éclipsa à l'intérieur et revint quelques secondes plus tard en la priant d'entrer. La tente n'avait rien à voir avec celle qu'elle venait de quitter. La décoration était plus élaborée, plus fine. Un grand tapis vous accueillait et vous proposait différentes salles. Devaient se trouver parmi elles, les chambres de Thranduil et de Legolas. Ces derniers se tenaient sur le côté gauche, dans la salle de réunion. Tous deux avaient le même regard perçant, espérant trouver sur le visage de la nouvelle arrivante toutes les explications.
L'elfe tenta de garder la tête haute, de soutenir ces regards bien qu'elle n'avait qu'une envie : partir le plus vite possible. Thranduil prit enfin la parole, à son grand soulagement.
- Que voulez-vous ?
La voix de son interlocuteur était aussi tranchante et autoritaire que ses yeux.
- Je voulais vous remercier d'avoir pris soin de moi.
Surtout ne pas montrer qu'elle était sur le point de défaillir. Son corps était guéri, pas son esprit.
- Cela ne vous dérangerait-il si nous vous posions des questions ?
Contrairement à son père, Legolas la mit plus en confiance. Elle fit signe que non. Toutefois, elle aurait préféré s'expliquer en une fois.
- Que fuyez-vous ? Comment expliquer votre état ?
- On devrait peut-être commencer par les présentations ? fit remarquer Legolas.
- Elle n'a, de toute évidence, aucune envie de rester. Autant aller au point primordial.
- Je m'appelle Cyllène, commença la jeune elfe pour couper court au début de la dispute. Je fuyais mon clan, les elfes bruns. Mon père, Okla, en est le chef et... Cyllène respira un coup avant de reprendre, il a laissé les autres elfes faire ce qu'ils voulaient de moi car je n'avais aucun intérêt à ses yeux. Hier, j'ai eu l'occasion de m'échapper mais ils ont vite découvert ma disparition.
Le regard de connivence entre les deux elfes ne plaisait pas vraiment à Cyllène. Avant qu'elle ne puisse poser sa question, Legolas continua.
- Où vouliez-vous aller ? À part notre clan, il n'y a pas grand-chose par ici.
- Il existe une montagne non loin. Un troupeau de chevaux s'y trouve et je voulais les retrouver.
- Comment savez-vous cela ?
- Plus jeune, je les avais rencontrés par hasard. Mon père en a profité pour les capturer. Je les ai libérés et l'un des chevaux venait souvent me voir.
Thranduil resta silencieux quelques secondes, sûrement pour analyser la situation.
- Nous vous donnerons de quoi vous restaurer et vous protéger. Vous pourrez partir quand vous voulez.
Cyllène se retira et retourna dans la tente de Kaliia. Cette dernière arriva, accompagnée de deux autres elfes, afin de préparer son départ.
Dès que l'elfe aux cheveux châtains partit, Legolas se tourna vers son père.
- N'avez-vous aucune conscience ? Il lui faut une escorte pour arriver à destination.
- Dois-je te rappeler que je ne peux lui en fournir ? Sois reconnaissant que je lui offre des armes.
- Il n'empêche qu'elle ne peut y arriver seule !
- Il me semble qu'elle n'a rien demandé de plus. Et n'oublie pas une chose : elle a amené jusqu'ici les elfes bruns, réveillant ainsi d'anciennes querelles et fournissant le prétexte qu'il fallait à Okla de nous attaquer. J'aurais très bien pu la rendre à son père.
- Je sais que vous voulez protéger notre peuple mais vous êtes parfois trop radical dans vos décisions. Je ne crois pas qu'elle voulut être traiter ainsi.
- Legolas, tu apprendras que pour être chef, il te faudra penser au bien de la majorité et non pas à celui de quelques individus étrangers qui plus est.
Thranduil, ayant mis fin à la conversation, il sortit à son tour de la tente pour s'informer de l'avancement des elfes bruns. Legolas comprenait son père. Cependant, comment lui faire comprendre que sa nature altruiste lui imposait d'aider Cyllène.
Il attendit que la jeune elfe sortit de la tente. Elle ne mit pas longtemps avec le peu de préparatifs à faire et l'aide qu'elle avait reçu. Il la vit s'approcher de lui d'un pas légèrement incertain mais plus déterminé que les précédentes fois.
- Ne voulez-vous point attendre demain pour partir ?
- Je vous ai suffisamment causé de tords ainsi. Je voulais juste vous prévenir avec votre père de mon départ.
- Il est parti et ne reviendra pas pendant un bon moment. Restez au moins cette nuit que je puisse me préparez aussi.
Bien qu'il est ponctué sa fin de phrase avec un sourire, Cyllène perdit le sien tout en blêmissant.
- Qu ! Quoi ! Mais... je... 'fin...
Cyllène finit par rougir de honte devant son infructueuse tentative d’aligner les mots correctement. Au moins, cela faisait rire son interlocuteur... à son grand dam.
- P-Pourquoi voulez-vous venir ? Vous en avez fait assez.
Elle avait déjà une dette envers le peuple des elfes blonds, pas la peine non plus de l'alourdir. Mais la mine sérieuse de Legolas l'empêcha de continuer.
- Je ne vous laisserai pas y aller seule. Vous n'êtes pas encore totalement remise des sévices que l'on vous a infligés. Et ce n'est pas avec ce qui se passe en ce moment...
- Que se passe-t-il ? interrogat Cyllène. Ils n'auraient quand même pas...
L'acquiescement du blond confirma ses craintes. Ils avaient osé la suivre jusqu'ici. Et peut-être est-ce pire... Okla avait-il prévu qu'elle s'échappe ? Plus son effroi grandissait quand elle comprit qu'elle avait été manipulé, plus il devait se lire sur son visage car Legolas l'amena s'asseoir.
- Ce n'est pas votre faute. Vous n'avez jamais voulu ça.
- Je participe quand même malgré moi. Tout ceci pour une terre que mon père veut récupérer...
- Récupérer ? Cette terre n'a jamais appartenu aux elfes bruns.
Après Legolas, ce fut au tour de Cyllène de s'étonner.
- Les elfes blonds se sont emparés de cette terre alors qu'elle était aux elfes bruns... non ?
- Il semblerait que les elfes bruns aient perverti la véritable histoire, soupira le blond. Mon clan a trouvé cette terre immense et inhabitée il y a fort longtemps. Lorsque les bruns apprirent qu'elle regorgeait de richesses et de nouvelles plantes, ils voulurent nous l'acheter.
- Et quand vous avez refusé, ils se sont mis en colère et ont inventé cette histoire... Maintenant, Okla a le prétexte rêvé pour une guerre.
Alors qu'elle pensait enfin pouvoir avoir une vie tranquille sans créer de vagues, voilà qu'elle apprenait que par sa faute, le clan des blonds allait devoir se battre contre des bruns enlisés dans la tromperie et la violence. Son constat était là...
- Je n'aurai jamais dû exister.
Ce murmure prononcé du bout des lèvres était inondé de tristesse. Le cœur de Legolas rata un battement en l'entendant. Bien qu'il se doutait de ce qu'elle avait pu vivre, il était loin d'imaginer que son mal être était plus profond encore. Comment pouvait-on pousser quelqu'un à penser ça ? Pire : qu'un père puisse causer tant de malheurs à sa propre fille ! Legolas attrapa le menton de Cyllène et la força à le regarder dans les yeux.
- Ce n'est pas votre faute. Une fleur ne choisit pas où elle pousse comme les enfants ne choisissent pas leurs parents ni leur clan. Mais la fleur s'épanouit toujours malgré les difficultés...
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