Termes japonais :
Yukata : Kimono léger en coton, porté lors des festivals et des fêtes entre amis Furisode : Kimono très formel avec de longues manches, très rarement porté (Sauf par Érika !) Geta : Sandales avec des semelles en bois, portées avec les yukatas
* * *
« Je suis sûre qu'il t'ira comme un gant ! » me rassure Érika.
Je suis dubitative, mais prends quand même le yukata qu'elle me tend (J'ai catégoriquement refusé de porter un furisode comme elle !), ainsi qu'une paire de geta, un sac et une broche assortis. Je tire le rideau de la cabine d'essayage pendant qu'elle continue à parler :
« Tu ne portes jamais de kimono ?
— Non, je réponds. J'aime bien porter des tenues courtes, je ne sais pas pourquoi, ça me donne confiance en moi. Et j'aime les capes, comme tous les Dracologues.
— Je vois. C'est vrai que tu t'habilles plutôt bien. Mais pour le festival d'été, il vaut mieux porter un kimono, non ? Ne t'inquiète pas, je m'y connais, ça t'ira à merveille. »
Nous discutons encore un peu de vêtements, puis soudain, la championne change totalement de sujet et demande :
« Dis Sandra, tu as un petit ami ?
— Hein ?! je m'exclame, surprise. N... Non.
— Tu es amoureuse ? »
Pourquoi ses deux questions me troublent autant ? Je jette un coup d'œil à la glace dans la cabine et m'aperçois que mes joues ont pris une teinte cramoisie.
« Heu... ben... en fait, commencé-je d'une voix mal à l'aise, je... je suis tombée amoureuse d'un garçon... une seule fois... il y a longtemps. Et... ben...
— Il ne t'aimait pas, devine-t-elle avec compassion. C'était vraiment un imbécile alors, tu es une fille merveilleuse.
— M... Merci, c'est gentil.
— Et tu n'as plus jamais...
— Retenté ? Non, le râteau qu'il m'a mis ça m'a... je sais pas, je me suis mise à en vouloir à tous les garçons, et l'idée de sortir avec l'un deux ne m'a plus jamais traversé l'esprit. »
Je n'avais jamais réfléchi à tout ce que je viens de lui dire auparavant. Mais maintenant c'est très clair pour moi, c'est à cause de Peter que je n'ai plus jamais songé à avoir un copain. Les hommes ne m'intéressent plus du tout.
« Et toi Érika ? »
Elle garde le silence un moment puis déclare :
« Je déteste les garçons. Ils sont vulgaires et ne pensent qu'à se battre, je ne pourrais pas vivre avec l'un d'eux. Les filles sont bien plus belles, raffinées et sensibles.
— Tu veux dire que tu es... ?
— Oui... »
Je ne sais pas pourquoi, mais je me sens bizarre. Bon, Érika aime les filles, et alors ? On est plus au Moyen-Âge, c'est... enfin ça n'a rien de choquant, n'est-ce pas ?
J'ouvre le rideau pour couper court à cette étrange sensation. Je dois avouer que le yukata choisi par mon amie est très beau, blanc et orné de fleurs dans diverses nuances de bleu. Elle a très bien cerné mes goûts... mais je suis quand même un peu gênée.
« Érika... ce style... ça ne me va pas du tout, protesté-je. Je... j'irais au festival habillée normalement.
— Mais tu es ravissante ! objecte la championne. S'il te plaît Sandra, porte-le juste une fois... Il te va tellement bien !
— Tu... tu crois ?
— Oui ! Et je ne dis pas que parce que je t'adore ! »
Mon visage s'empourpre à nouveau sans raison. C'était quoi cette phrase bizarre qu'elle vient de me dire ? « Je t'adore »... Elle affirme notre amitié d'une façon particulière. Je m'enferme à nouveau dans la cabine et me change.
« Bon... alors je vais le prendre, accepté-je enfin.
— Hi hi ! Tu vois, j'avais raison. »
Je glisse le vêtement et ses accessoires dans un sac en papier et nous nous dirigeons vers la caisse sans faire la file (Youpi !).
« Sandra... commence Érika, soudainement timide.
— Oui ?
— Tu... te souviens de la tulipe que je t'ai offerte le premier jour ? Comment... as-tu compris ça ? »
Pour la énième fois depuis que je la connais, je ne peux m'empêcher de me dire que cette fille est bizarre. Je souris et réponds :
« J'y connais rien, mais pas la peine d'être super calée pour comprendre que c'est une demande d'amitié ou un truc du genre, non ? »
Elle garde le silence, ce qui est un tantinet inquiétant. Je paye ma tenue pour le festival et nous nous éloignons. Enfin, elle ouvre la bouche.
« Les tulipes s'utilisent pour les déclarations d'amour...
— Heeeeein ?! »
Elle a les joues écarlates et ne me regarde plus en face. Mon cœur bat très vite, et je suis sans doute encore plus rouge qu'elle. Je ne comprends pas pourquoi. Comment peut-elle être amoureuse de moi ?! Et comment ça se fait que je sois aussi gênée ?
« Oh, Sandra, ne me déteste pas s'il te plaît ! implore-t-elle. Je... je t'aime depuis la première fois que je t'ai vue, mais... mais on peut rester amies comme avant. J'avais besoin de te le dire, mais c'était une mauvaise idée... »
Je trop abasourdie pour répondre. Érika m'appelle plusieurs fois pour tenter d'obtenir une réaction, en vain. Pourquoi on ne pourrait pas rester amies, c'est vrai ça ? Pourquoi je n'arrive pas à lâcher le moindre mot ? Et, bordel de merde, pourquoi je rougis autant ?!
Est-ce que je l'aime ? Peut-être, un tout petit peu... Je n'ai pas envie que notre amitié prenne fin. Mais c'est une fille ! C'est... c'est trop différent. Enfin, c'est juste que... je... il y a... je... Rah, j'y comprends rien à la fin !
Je décide enfin de dire quelque. Enfin, je vais essayer.
« Heu... en fait je... »
Ma voix est étrange, mal à l'aise. Soudain, je croise ses yeux noisette, et le peu de courage que j'avais accumulé s'évapore en un clin d'œil. Je recule d'un premier pas, puis d'un deuxième, puis je lui tourne le dos et m'enfuis pour de bon. Je suis une lâche. Il faudra bien que je lui donne une réponse un jour. Je n'ai qu'un délai de cinq jours, jusqu'au festival auquel je serais forcée d'assister. Mon amie ne tente rien pour me retenir, elle me laisse gagner Safrania afin de prendre le prochain train.
Qu'est-ce que je vais lui dire ?
C'est vrai, je l'aime. Un peu. Un tout petit peu. Peut-être. Mais est-ce que c'est de l'amitié ou de l'amour ?! |