Nouveau départ
Le quai de la voie 9 ¾ disparu à l’horizon, emportant avec lui l’image de sa famille. Albus se laissa retomber sur son siège à côté de la cage de Safran, son aiglon. Il revoyait Lily, sa petite fleur de lys, courir presque après le train pour pouvoir voir son grand frère préféré le plus longtemps possible, pleurant un peu et riant de sa petite voix aiguë. Que ferait-elle à présent, toute seule à la maison ? Elle serait sûrement au Terrier, ou alors gardée par Teddy, le filleul de son père, le frère adoptif des Potter, et l’ami d’enfance de Victoire. « Le petit ami de Victoire » corrigea-t-il intérieurement en repensant à ce que James était venu raconter tout fier il y avait à peine un quart d’heure.
En face de lui Rose se détacha lentement de la fenêtre, elle aussi. Elle s’assit avec hésitation et croisa les chevilles, l’air préoccupé, son chat couleur de sable roux dans ses bras. Le silence qui s’installait était presque palpable. Albus passa nerveusement sa langue sur ses lèvres sèches.
— Eh bien voilà, on y est.
Il releva la tête. Croisa le regard bleu ciel de sa cousine.
— Oui, murmura-t-il. On y est.
Il n’était absolument pas rassuré, bien qu’il essayât de se repasser les paroles de son père dans sa tête. Il ne voulait pas aller à Serpentard. Réflexion faite, il ne voulait pas aller à Poudlard du tout. Il avait été tellement bien avec ses parents et sa petite sœur, à Square Grimaud. Cette grande maison ne serait plus jamais vraiment la sienne, à présent. Même s’il revenait pour les vacances, sa vie se passerait dorénavant dans ce château. Il ne voulait PAS y aller. Qui sait ce qui arriverait ? Sera-t-il heureux ? Aurait-il des amis ? Ne serait-il pas un sorcier médiocre ? Les repas seraient-ils aussi bons que ceux que préparait sa mère ? Autant de questions ou naïves, ou stupides. Mais inévitables. Sa vie était en train de basculer inéluctablement, comme une monture récalcitrante qui n’empruntait pas le bon chemin, avec lui, bloqué dessus, qui ne pouvait que suivre le mouvement.
Il cligna des yeux et aperçut le ciel limpide des yeux de Rose le fixer avec inquiétude.
— Tout va bien, l’assura-t-il, je me demandais juste… ce qui se passerait quand nous serons enfin…arrivés.
La rouquine sourit doucement et elle caressa distraitement le cou de Potiron qui se mit à ronronner comme une cocotte-minute.
— Dans quelle maison voudrais-tu aller ?
— A Gryffondor, bien sûr ! s'écria-t-il. Et puis, tu as bien entendu ton père...
— Ne t'inquiète pas. Papa ne va pas te déshériter si tu n'y va pas. Il sera bien content que tu aille à Poufsouffle. Et puis de toute façon, tu es bien assez riche sans avoir besoin de son héritage !!
— Il n'y a pas que ça, protesta Albus. Et puis tu trouves vraiment que je devrais aller à Poufsouffle ?
Rose rit.
— Mais non ! Tu es bien trop fainéant pour en faire partie !
Albus lui fit une grimace en roulant des yeux.
— Eh ben merci ! En plus ça ne change rien ! Teddy est bien la personne la plus procrastinée que j'ai jamais vu, alors, tu vois bien. Il y était quand même.
— Un point pour toi, dit Rose en riant. Mais maintenant, sans prendre compte des menaces de mon père et la tradition familiale, où te verrais-tu bien aller ?
— Pas à Serpentard, déjà ! s’exclama-t-il.
— Pourquoi donc ? questionna sa compagne.
— Eh bien…
Il hésita. C’était une très bonne question. Pourquoi, par la barbe de Merlin, ne voulait-il vraiment pas aller dans cette maison ? C’était bien le moment de se poser la question, songea-t-il. James l’avait embêté tout l’été avec ça, et lui avait démenti à chaque fois avec véhémence. Et puis son père lui avait bien assuré qu'il s'en fichait, et qu'il serait même fier de lui.
— Je pense, commença-t-il, je… c’est parce que, ils n’ont pas bonne réputation là-bas. Il parait que tous les mages noirs étaient à Serpentard, et aussi que tous les élèves y sont stupides, méchants, cruels, laids, sadiques, énuméra-t-il en comptant les informations sur ses doigts.
Le rire frais de Rose le coupa dans son bel élan au moment où il allait encore rajouter « psychopathes ». Interloqué, il la dévisagea, en se demandant ce qu’il y avait de drôle à se retrouver avec de tels spécimens, et en faire partie. À côté de lui, Safran commença à donner des coups de bec sur les barreaux de sa cage, demandant en vain une attention un peu plus grande.
— Voyons Albus, comment peux-tu être influençable à ce point ! Les Serpentard ne sont pas stupides, ils sont très malins et rusés au contraire. Dans ce cas, il est normal que la plupart des mauvais mages y soient allés, d’autant plus que je suis sûre qu’il y en avait aussi à Serdaigle, et peut-être même à Gryffondor. La seule maison presque totalement exempte de mages noirs est Poufsouffle.
» Après, la beauté, c’est subjectif, je suis certaines que tu trouveras des filles de Serpentard très jolies bientôt. Albus rougit, surpris, mais elle ne s’en aperçut pas et continua sa tirade.
» Toutefois il peut être vrai qu’ils soient parfois cruels ou sadiques – bien que ces termes soient un peu exagérés – mais cela fait partie de leurs traits de caractère, tout comme les Gryffondor sont impulsifs, les Serdaigle trop prévisibles, ou encore les Poufsouffle un peu trop affables – quoiqu'il ne faut jamais pousser un Poufsouffle à bout si on tient à ses fesses.
Elle s’arrêta, légèrement essoufflée.
— Qui t’a raconté ça ? James ?
— Je… non, c’est ce que j’ai entendu dire. Et souvent papa en parle avec oncle Ron, entre autres…
— C’est normal, tu sais, à leur époque la rivalité entre maison était très forte, et Gryffondor et Serpentard n’ont pas étés très tendres entre eux. Mais je doute qu’ils ne les aient jamais traités par ces termes.
Albus se mordilla la lèvre, décontenancé. Safran, lui, poussa un cri strident comme pour approuver ses paroles.
— Aussi, ajouta sa cousine, n’oublions pas que les deux fondateurs étaient au départ les meilleurs amis du monde, et ne se sont séparés que à cause d’une dispute puérile. À présent, ces temps sont révolus et…
— Et n’oublions pas que toute dispute peut se solder par une réconciliation ! lança une voix claire d'un ton joyeux.
Ils se tournèrent tous deux d’un bloc vers la porte du compartiment soudain ouverte, tenue par une jeune fille noire magnifique, aux jambes interminables.
— Bonjour les nouveaux, lança-t-elle bien fort de la voix de celle qui n’a pas peur des moqueries des autres — et dont de toute façon, on n’avait aucune envie de se moquer. Ne vous inquiétez pas, tout se passera bien je vous assure. Je vous présente Melinda Anderson, elle aussi est nouvelle, je vous laisse faire connaissance tranquillement. Le chariot de sucreries ne va pas tarder à passer, vous aller pouvoir vous faire des provisions pour le reste du voyage. À ce propos, il nous reste encore plus de huit heures de route alors soyez patients, mais surtout n’attendez pas la dernière minute pour mettre vos uniformes ! Je vous laisse, à présent, j’ai encore beaucoup à faire. Ah au fait, je m’appelle Samantha ! Samantha Zabini, préfète de Serpentard !
Elle avait dit cela très rapidement en leur souriant largement et en poussant devant elle une fille de petite taille encore plus noire qu’elle avec des lunettes rectangulaires perchées sur le bout de son nez et qui semblait très intimidée.
La belle brune ferma la porte et disparut comme elle était arrivée. Rose et Albus se regardèrent, interloqués. Un toussotement les fit se retourner vers la jeune fille qui rougit sous sa peau noire de se voir ainsi dévisagée.
— Bonjour, souffla-t-elle.
Elle souleva avec difficulté sa valise pour la hisser sur le filet à bagage, puis s’assit timidement sur la banquette de Rose en lissant son chemisier. Potiron se leva, étira son dos, et s'approcha de la nouvelle venue. Cette dernière esquissa un sourire gêné et dit :
— Je ne m’appelle pas Melinda Anderson. Melinda était la fille blonde de deuxième année qui s’était perdue en revenant des toilettes. Et elle s’appelait Becket, pas Anderson ; Anderson, c’était Lilian, un troisième année venu tout droit des USA. Elle croisa ses mains sur ses genoux. J’ai la vague impression qu’elle est débordée, ajouta-t-elle avec un petit rire. Puis sans attendre de réponse, elle renchérit ; Je m’appelle Melody Abecrombie, enchantée. Et vous êtes ?
— Rose Weasley.
— Albus Potter.
Melody hocha la tête. À moitié sur ses genoux, le chat roux se mit à la renifler consciencieusement.
— Ton nom me dit quelque chose, déclara-t-elle à Albus.
— Tu as peut-être entendu parler de mon père, il est directeur du bureau des Aurors, et un des meilleurs qui soient, lui répondit-il, plutôt fier.
— Je ne pense pas que ce soit ça, je suis née Moldue, dit-elle après quelques secondes de réflexion. Je ne sais même pas de quoi tu parles, ajouta-t-elle en rougissant.
— Les Aurors sont des sorciers qui font la chasse à la magie noire, expliqua Rose. Où as-tu entendu parler de Harry Potter alors ?
Melody sursauta.
— Oui, c’est exactement ce nom-là ! Mais je serais incapable de te dire qui m’en aurait parlé. Peut-être Samantha Zabini…
— Ou le sorcier qui est venu t’expliquer Poudlard après que tu aies reçu la lettre, suggéra Rose.
— C’est possible.
Albus grogna.
— Je suis sûr qu’il n‘est pas célèbre que de par son travail. Il y a autre chose, je le sais, et pour tes parents aussi, Rose. On n’arrête pas de nous reconnaître dans la rue et de nous regarder avec des yeux émerveillés, déclara-t-il d’un ton amer. On nous cache quelque chose.
La rousse ne répondit rien, car elle savait que c’était vrai, et la brune ne pipa mot, gênée, Potiron sur ses jambes. Un nouveau silence, pesant cette fois, s’installa ; pendant lequel chacun essaya de trouver un sujet de conversation.
.
— Tu connais le Quidditch ? demanda Rose à leur nouvelle amie.
— Non, avoua cette dernière. Qu'est-ce que c'est ?
— Le jeu le plus fantastique du monde, répondit Albus. Tu y joues sur des balais volants !
— Ce n'est pas dangereux ?
— Penses-tu ! Si tu sais voler, tu sais voler !
— Vous y jouez, vous ?
— A la maison oui, dit Rose. On n'a pas encore de balais à nous, les première année n'ont pas le droit. Car à Poudlard, on y joue aussi ! Il y a plusieurs équipes qui s'affrontent chaque année. J'espère bien qu'on pourra en faire partie.
— Et si vous m'expliquiez les règles ? lança la Noire.
Les yeux de ses amis se mirent à briller en même temps et Albus démarra son discours.
— Alors, comme je te l'ai dit, on y joue sur des balais. Trois joueurs doivent se passer un souaffle, qui n'est pas enchanté, comme par exemple le vif d'Or. Celui-là, c'est un joueur qui doit l'attraper. Et il faut faire attention aux cognards, que deux adversaires t'envoient. Ah oui, au fait, il y a sept joueurs dans une équipe. Et donc, le souaffle alors, doit passer dans des buts, tandis que le vif, non attends, le gardien et ses buts...
Melody, qui sentait venir le mal de tête, se demanda alors si cela avait été une bonne idée de lui proposer ça.
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