Dehors, la pleine lune illumine la ville de New-York, un halo transparent et lumineux vient se mêler aux nombreuses lumières des lampadaires de la métropole. Après une mission périlleuse mais réussie, le chauffeur du van nous a conduit jusque dans un quartier résidentiel, très fréquenté et dominé par d’impressionnants grattes-ciels. Si mes souvenirs sont bons, c’est dans l’un d’eux que se trouve Edward, le chef suprême de la confrérie. Tout se déroule comme prévu, hormis peut être ma présence qui n’a cependant pas bouleversée Lana, Rhodes ou un autre membre de la secte. Normalement, tout doit se passer ainsi: la belle asiatique remet le premier morceau de la lance à Edward, précisant que son plan s’est déroulé à merveille puis celui-ci, avant de disparaître de l’écran, admire sa source de convoitise, exprimant une satisfaction brève. Je ne peux pas m’empêcher de penser à la réaction de Edward quand on lui racontera mes prouesses, certes peu héroïque, mais éviter de déclencher une alarme garde tout de même une importance cruciale pour un groupe de voleurs ! Mon intervention peut à la fois m’offrir une entrevue avec celui-ci mais également, et cela reste mon but principal, une évolution positive dans l’estime de Lana.
Dans une pièce sombre, entourée de baies vitrées donnant sur l’extérieur et le centre-ville, un homme se tient dans l’ombre, nous tournant le dos et admirant la vue qui s’offre à lui. Je me trouve au milieu de ce qui semble être comme un appartement, qu’on trouverait dans les grandes villes, par exemple Paris, Lyon ou Marseille. En observant avec plus d’attention le logement, je comprends que mon «supérieur» ne se refuse pas un petit plaisir, en terme de bon goût, et que tout ces anciens agissements ont bien dû lui renflouer ses comptes en banque ! Je reconnais, malgré une visibilité réduite par le manque d’éclairage, un tatouage de serpent ornant le bras de Edward. Quand j’y pense, je ne me suis même pas examiné voir si j’en portais un, faisant parti de la confrérie, je devrais suivre normalement l’exemple comme mes camarades. Je veillerais à ce point sans importance plus tard, pour le moment, Lana s’avance vers son chef, la lance dans les mains puis lui annonce le succès de l’opération comme il l’avait prévu. Fier de l’équipe et du travail accompli, il se contente d’un simple «bien» et admire l’objet de son désir ultime ! Lana lui murmure quelque chose à l’oreille, me désignant discrètement du regard, avant d’incliner la tête et de se retirer. Alors que Rhodes attend, bloquant de sa masse imposante l’encadrement de la porte, la belle se rapproche de moi et là, nos deux corps sont à présent qu’à quelques centimètres l’un de l’autre. Au creux de mon oreille, hormis ses paroles, je sens un souffle chaud et apaisant, venir jouer avec mon tympan. A nouveau, son parfum vient m’enivrer tandis qu’elle me glisse:
- J’ai fais part de tes prouesses au chef et il a l’air très admiratif. Ton profil l’intéresse et il voudrait discuter avec toi. N’oublie pas, c’est un honneur pour un frère ou une sœur de la confrérie que d’être convié à un entretien dans les appartements de Edward.
Elle s’avance vers la porte puis, s’arrêtant brusquement, fait volte-face et marche à nouveau à ma hauteur. Cette fois-ci, elle me toise de haut en bas et son regard exprime une forme de défi mais pas de mépris, ni de colère. Surpris par sa réaction, je m’apprête à recevoir un coup ou, au mieux, une simple gifle. Aurais-je été trop entreprenant avec elle dans la bibliothèque tout à l’heure ? Ou va t-elle me faire une proposition quelconque afin de me juger, voir me défier ? Ce coup-ci, ces paroles doivent être à peine audible pour Rhodes ou Edward, comme si elle se voulait plus discrète qu’il y a quelques secondes.
- Même si tes connaissances en matière de terrain étaient impressionnantes, sache que l’on ne me conquis pas si facilement. Je tolère pour cette fois ton geste. Sache qu’il t’en faudra un peu plus pour…me convaincre, conclut-elle d’une voix tendre et mystérieuse.
Il me semble percevoir une fine et douce lueur dans ces magnifiques yeux, accompagné d’un timide sourire, au moment où elle se retourne et quitte la pièce. Comment devais-je interpréter cet échange, alors que je n’avais jamais vraiment eu de grandes histoires de cœur avec une fille de mon école ou de mon village ? Rhodes la suit, ferme la porte et me voilà à présent seul, livré à moi-même, dans un bureau où trônent des centaines de trophées, de trésor et au tout au bout, le grand Edward Wylde, chef de la confrérie du serpent, ancien bibliothécaire, homme habile, intelligent et cruel. Avec, en particulier, un goût très prononcé pour les richesses de notre monde et en particulier les objets magiques ! A présent, il me fait face, son visage est éclairé par une petite lampe qui trône sur son bureau. J’y vois quelques documents, dont je ne peux en comprendre le sens, et une bouteille de whisky avec un verre en cristal rempli du précieux liquide. Je n’ai jamais vécu de secondes aussi longue et aussi stressante dans toute ma vie, même lors d’un examen oral. A quoi devais-je m’attendre de sa part si ce n’était autre que des compliments ? Je sens mon cœur bondir dans ma poitrine, battant un rythme régulier tel la course d’un cheval au galop dans une prairie. C’est immense ce que je vis depuis l’orage qui a précédé et cette incroyable perturbation électromagnétique, émanant de la télévision, qui m’a ensuite entraîné dans le cœur même du film ! Je n’ai pas trop le temps de me poser des questions et je dois jouer mon rôle car sinon, mon comportement pourrait déranger les protagonistes et freiner ma progression dans l’histoire. Mais, là où je me trouve perdu pour la première fois, c’est à ce moment là. Car, dans le scénario original, on aperçoit que quelques secondes Edward en possession de la lance puis après un fondu image, le film reprend avec la vedette Noah Wyle, ou Flynn Carson, qui va prendre son poste à la bibliothèque pour la première fois. D’un côté, je suis bien content de connaître le film par cœur, cela m’offre une chance et me donne un mince espoir de parvenir à mes fins et d’espérer, mais cela j’en suis moins sur, sortir du film et retrouver mon monde !
A présent, ma présence intéresse Edward et je dois avouer que l’intensité de son regard me laisse mal à l’aise. Que pense t-il de moi ? Que compte t-il faire à propos du service que j’ai rendu à la confrérie ? Es-ce que l’avis de Lana à mon sujet va changer la donne ? Il tâtonne un tiroir de son bureau, cherchant quelque chose à l’intérieur puis jette une liasse de billets. J’aurais été un chien couché dans mon panier, recevant un os jeté au sol, cela aurait été la même chose. Mais, quelque chose me dit que cette récompense n’est que le commencement d’un long échange avec le chef. Il me fait signe de la main de me rapprocher et je dois avouer, pour ne pas le contredire, j’exécute sa demande sur le champ. D’un signe de la tête, il me donne l’ordre de récupérer l’argent. Waouh ! Il doit y avoir au moins plus de 500$ à tout casser, je ne connais guère les monnaies étrangères mais il me semble reconnaître la tête d’un des nombreux présidents ayant été élu par le peuple américain il y a quelques siècles. Incroyable, jamais je n’avais reçu autant d’argent. Je commence à ne pas y croire et doute de l’authenticité des billets, pensant qu’une fois dans ma main, ils vont disparaître comme par magie. Mais n’ai-je pas vécu cette histoire, depuis le début, tel un réel acteur qui n’est autre que moi ? Alors je tends la main, saisis l’argent en n’oubliant pas de remercier le chef puis je glisse l’impressionnante somme dans une des poches de mon pantalon. Je dois adopter un comportement exemplaire, ma stupéfaction pourrait bien me jouer des tours et trahir éventuellement ma présence. Que penserait Edward si il me voyait toucher l’argent ou même le sentir ? Il me prendrait pour un fou bien évidemment ! Que ce soit pour Lana, Rhodes, Edward ou bien les autres, je n’étais pas une illusion, ni un fantôme et encore moins invisible. Je faisais parti de l’aventure et de leurs vies, on ne pouvait pas se douter que je venais d’un autre monde que j’avais quitté suite à une terrible tempête à travers un écran de télévision.
- Lana m’a parlé de toi et de ton sens de l’anticipation qui a évité de déclencher les alarmes lors du vol. Ton profil me plaît et je sens en toi l’âme d’un grand mercenaire. Considère cette récompense comme un témoignage de mon admiration et de mon respect. Tu peux t’en aller et rejoindre le reste du groupe, me dit-il d’une voix pénétrante.
Il prend son verre d’alcool, se retourne et marche vers la baie vitrée, dégustant le liquide d’un air pensif. Comprenant bien qu’il vient de mettre un terme à notre échange, je fais de même et quitte la salle d’un pas lent mais déterminé. Car je ne cesse de penser à ce qui va suivre et ce qui m’attend dans cette palpitante aventure qui est celle de retrouver les morceaux de la lance du destin.
A présent, je me retrouve complètement perdu, désorienté dans cet immeuble où aucune autre scène apparaît durant le film. Mais heureusement, j’aperçois Rhodes qui m’attends devant l’ascenseur, appuyé contre le mur, les bras croisés et affichant une mine sérieuse. Ce qui est évident et même logique, c’est que je vais devoir progresser la plupart du temps seul, sans l’aide du scénario original, et quand on y pense, cela peut être très intéressant à expérimenter. Mais à la fois, certaines situations pourront bien me rendre la tâche difficile et freiner ma progression dans l’histoire ! Je rentre le premier dans l’ascenseur et mon gorille, comme je le surnomme, appuie sur le bouton pour faire descendre la cabine au rez-de-chaussée de l’immeuble. Durant notre descente , personne ne parle, je me permets un regard discret sur Rhodes, ses mains croisées, poings serrés, les traits de son visage donne l’impression d’un homme usé, épuisé par tant d’épreuve. Et pourtant, il dégage l’impression d’un homme ferme, sérieux, plein de sang-froid et rude ! Je suis en train de penser que Edward n’a pas évoqué la mission qui nous attendait par la suite, celle qui allait nous conduire en Amazonie. Il est sûrement plus sage de ne pas évoquer le sujet à la montagne de muscle, qui se trouve à mes côtés, et de faire comme si je savais le plan, qu’ils doivent certainement tous connaître en plus !
Il est temps de sortir et de suivre Rhodes qui me mène à l’extérieur du bâtiment. Pour la première fois, je perçois dans l’homme sans faille et sans peur quelques signes d’inquiétude. A mon avis, il veille à ce que personne nous suive et observe le moindre recoin de rue où l’on passe. Aucun alarme n’avait été déclenché durant notre infiltration mais deux gardes avaient été assommé et Judson n’était pas apparu, contrairement à ce qu’il devait se produire. Cela m’avait laissé très perplexe, songeur et je trouvais étrange que l’homme au crâne dégarni et à la mine sympathique ne s’était pas manifesté. Mon intervention dans l’histoire avait peut être causé plusieurs perturbations et cela allait probablement se poursuivre en fonction des décisions que je prendrais. Était-il possible que le directeur avait été retardé par un imprévu ? Si je m’écoutais, je m’arrêterais dans une pharmacie et achèterais par précaution une boite de paracétamol car avec toutes ces questions, il était fort probable que j’y gagne des maux de tête. La devanture d’un pub s’offre à nous et Rhodes vient de changer de cap, poussant la porte et pénétrant dans un lieu peuplé, où la lumière artificielle peine à dominer et où les odeurs de tabac, de sueur viennent se mêler aux rires, aux discussions et autre source de bruit. A en croire le budget dédié à l’éclairage et la propreté, on pourrait presque penser que le patron de ce trou cherche à préserver l’intimité de ces clients et à attirer une population peu recommandable.
Tel un slalomeur, je tente de me frayer un passage au milieu de toute cette foule, très compacte, évitant de peu de recevoir le contenu d’un verre de la part d’un homme complètement bourré. Je peux remercier mon brave Rhodes, qui devient une sorte de chasse-neige, déblayant pour moi le chemin. L’ambiance ne m’attire guère mais après tout, je n’ai pas trop le choix et je dois me plier à la volonté du groupe qui a sûrement trouvé cet endroit plus intime qu’un bar placé sur une avenue plus réputée. Je n’ai jamais vraiment eu l’habitude de fréquenter les bars, cela m’est arrivé à quelques reprises pendant ma scolarité au lycée ou durant les vacances d’été, en particulier lors d’événements particulier tel que la coupe du monde de football ! En tout cas, l’atmosphère d’un pub n’a rien à voir avec celle d’un bar français. Après, je ne serais dire si les patrons sont anglais, irlandais ou bien américain, mais on est bien dans une ambiance anglo-saxonne, ce que j’apprécie sans pour autant vouloir m’éterniser dans le coin. Il me semble que Rhodes veut à tout prix éviter le centre de la pièce, même le bar et souhaite se rapprocher d’une petite aile du bâtiment, un emplacement plus à l’étroit, presque lugubre. Cet endroit a bien dû réunir quelques groupes de malfrats, du genre comme le notre, car il me semble que le reste des assoiffés évitent le coin et ne cherchent pas à nous observer. Même la commère du quartier n’oserait pas tendre l’oreille et s’en aller colporter des rumeurs sur nos agissements.
Enfin, nous retrouvons le groupe autour d’une table, à quelques pas d’un jeu de fléchettes, en train de partager une tournée de bière. Si Lana est bien présente, l’identité du reste du groupe m’est inconnue. Comme dans le film, il me semble qu’ils sont tous de simples figurants, sans script et sans importance dans l’avancée de la confrérie. Si il y avait une chose que je n’avais jamais compris auparavant, c’était qu’entre les apparitions dans l’avion, la jungle, le temple bouddhiste et la pyramide, le réalisateur avait changé complètement d’acteurs secondaires pour jouer ces rôles. Seul Lana, Rhodes et le professeur de Flynn, qui apparaît à la fin, gardaient une certaine importance pour des personnages de ce genre. Bref, je crois qu’il faut vraiment que j’arrête de me lancer dans des analyses trop poussées. Cette réflexion détend inconsciemment les traits de mon visage et un petit sourire s’affiche. Rhodes l’a remarqué et me regarde étrangement, une bouteille dans la main gauche et une deuxième tendue dans ma direction. Je la saisis et commence à en boire le contenu pétillant, qui je dois l’admettre, m’apporte une dose de réconfort !
- Qu’es ce qui te fais rire ?, me demande mon collègue, l’air étonné.
- Non rien ! Je pensais au coup que l’on avait réussi dans la bibliothèque, répondis-je avec un ton assuré.
J’ai eu chaud, bon j’ai dû passer pour l’abruti de service mais je m’en moque. A présent, tout le monde est regroupé autour de la table, assis sur des tabourets, les bouteilles au centre et les oreilles sont à l’affût des premières paroles. J’ai le droit à un regard de la part de Lana, j’ai comme l’impression qu’elle est réticente à m’offrir un sourire et à la fois, ces yeux brillants et son regard profond pourraient bien signifier quelque chose. C’est elle qui ouvre le bal avec la discussion qui était l’ordre du soir, responsable de notre rassemblement.
- Les ordres viennent d’en haut. Le chef est satisfait de notre infiltration mais la mission ne s’arrête pas là. Avec une autre équipe, dit-elle en regardant les quelques sbires hormis Rhodes et moi, nous allons embarquer dans le prochain avion pour l’Amazonie et trouver le deuxième morceau de la lance.
- Et comment allons-nous le découvrir ?, demanda Rhodes, l’air perplexe.
- D’après nos renseignements, ils ont trouvé quelqu’un pour remplacer le patron suite à sa disparition mystérieuse. Apparemment, l’homme est un ancien étudiant en archéologie, fils à maman, peu débrouillard et en manque d’expérience. Notre informateur a appris qu’il va se rendre dans la forêt amazonienne. Il aurait avec lui une sorte de livre, un truc du genre le langage des…des…
- Des oiseaux. Sa traduction devrait permettre de trouver les deux autres morceaux de la lance. Mais surtout, avec ce décodage, la personne pourra résoudre et ouvrir des sortes de coffre-fort, qui donneront accès au fabuleux artefact.
- Charmant et en plus intelligent. Il faut espérer que tu continus à mettre à profit ton talent pour notre cause. Donc, nous avons qu’à suivre le conservateur et le capturer afin que celui-ci nous aide.
- Crois-tu qu’il va coopérer ?, demande Rhodes à Lana.
- Il n’aura pas trop le choix. Et connaissant le chef, il est bien capable de trouver la corde sensible de notre ami pour qu’il obtempère.
Je ne rêve pas, Lana vient de me faire un compliment et mes connaissances l’ont impressionné. C’est assez intense de posséder un avantage tel que celui-ci. Je peux me comparer à un homme possédant une machine à remonter le temps et qui userait de son savoir afin d’aider les personnes qu’il croise. Comme si par exemple l’homme moderne apprenait à nos ancêtres des cavernes à allumer un feu avec un briquet ! Pour survivre, je compte bien exploiter toutes mes connaissances sur l’aventure que j’ai visionné des dizaines de fois. Je termine ma bière et voilà qu’un membre du groupe me prend à partie dans une discussion. Par chance, il est en train de parler avec un autre des derniers résultats du championnat de soccer. Je ne connais que les équipes d’Europe et pas celle du nouveau continent mais j’arrive toutefois à échanger avec eux sur le sujet. Je fais en sorte d’approuver, la plupart du temps, par quelques hochements de tête. Lana m’observe, souriante, et me fait signe de la tête. L’invitation est bien trop belle pour être refusée, malgré qu’elle soit en présence de Rhodes à côté du jeu de fléchettes. Sous prétexte de ressentir le besoin de prendre l’air, j’échappe à une long et interminable débat entre deux passionnés de sport.
Je me trouve face à la masse imposante du mercenaire, surpris par une invitation, sans en être informé, à une partie de fléchettes. Et en plus, j’ai le droit à une tape dans l’épaule, comme il en a le secret, manquant de peu de me faire tomber. J’ai pratiqué à plusieurs reprises ce sport de bar mais durant mes heures de pause quand j’étais au collège ou même au lycée, que ce soit à la cafétéria ou au foyer des jeunes. Il est le premier à se placer, en position, une fléchette à la main, deux dans l’autre puis lance une première fois, une deuxième et conclut par un troisième tir. Pas très convaincant pour un homme comme lui. Dorénavant, je compterais plutôt sur sa force pour me défendre que sur sa précision si il devait avoir une arme entre les mains ! Lana rigole de sa piètre performance, s’attirant un regard noir et une remarque de Rhodes la mettant au défi de faire mieux que lui. Je n’attends pas qu’elle récupère les fléchettes et m’avance jusqu’au jeu, prenant les flèches et stoppant ma marche au trait de lancer. Derrière moi, je sens que la réflexion de la douce a effleuré un point sensible chez le gorille, touchant son orgueil d’homme fort de la bande. Avec la chance ou le talent, je parviens à faire plus de 80 points en seulement une mène. La mine dépitée, Rhodes lâche un soupir qui en dit long sur sa déception et celui-ci se prépare à nouveau à lancer.
Au bout d’une vingtaine de minutes, la partie est pliée et je sors victorieux de ce duel face au mercenaire, qui trouve l’excuse de se rendre au bar pour payer sa tournée plutôt que de me féliciter ou de m’adresser un signe amical. Le reste du groupe se lève et vient nous saluer, chacun préférant s’en retourner chez lui et se reposer après la dure soirée qu’ils ont vécu suite au cambriolage dans la bibliothèque. Je ne les reverrais probablement jamais, leurs rôles secondaires s’arrêtent là, dans ce bar, alors que d’autres allaient prendre leur place d’ici peu. La chance est avec moi ce soir, Lana est encore présente et le moment est propice à un échange amical. Elle se lève de son tabouret, finissant sa bière, et me rejoint là où se tenait Rhodes durant notre partie. A quoi dois-je m’attendre à nouveau avec elle ? Que compte-elle faire ?La réponse arrive très rapidement dès l’instant ou elle récupère les fléchettes et, imitant notre posture de toute à l’heure, se tient prête à frapper dans la cible.
- L’aide d’un expert ne serait pas de refus, dit-elle d’un ton chaud.
Sa voix est comme une douce caresse, effleurant ma joue et me procurant un bien-être jamais ressenti dans tout mon corps. Entre frisson et chaleur, mon être entier est traversé par cet incroyable courant, pénétrant dans chacun de mes organes. Je ne rêve pas et je crois bien comprendre que ceci est une sorte d’invitation, un prétexte pour que je me rapproche d’elle durant l’absence des membres de la bande. Piètre professeur lorsqu’un de mes amis me demandait de l’aide en cours, je dois être à la hauteur et ne pas la décevoir si elle veut tenter quelque chose avec moi, ici, à l’instant même ! Autant, il me suffit simplement de lui expliquer comment faire, tout en exécutant les gestes avec elle, et le tour est joué !
C’est tout de même incroyable et à la fois étonnant. Je suis coincé dans un monde, certes que je connais, mais totalement différent du mien, et au lieu de paniquer, d’angoisser ou de me lamenter sur mon triste sort, je cherche à continuer l’aventure et même à draguer une des protagonistes. Je sors de mes pensées et reviens à l’instant présent, cette fois-ci, Lana est à quelques centimètres de moi et se tient en position. D’une main, je lui explique comment se placer, de sorte à ce qu’elle soit prête à tirer. L’autre est pour le moment libre mais elle va bientôt intervenir, d’ici très peu de temps d’ailleurs ! Quelques courtes explications plus tard, je passe enfin à la respiration, le dernier point et sûrement le plus important au moment du lancer. J’ai comme l’impression que nous ne sommes plus que tout les deux, dans une bulle increvable, ou personne n’est capable de pénétrer et de rompre cet instant si magique. Autour de nous, c’est comme si les conversations sont à peine audible. Son parfum délicat fait de moi un homme ivre, l’instant d’une seconde, je ferme les yeux et savoure cet instant.
- Et maintenant ?, me demande t-elle en me sortant de ma rêverie.
- Pour conclure, tu va prendre un maximum d’air par les narines puis bloquer ta respiration, en gonflant ton ventre. Et quand tu te sentiras prête, tu n’auras pas beaucoup de temps, tu pourras lancer.
Lana exécute parfaitement la moindre de mes consignes et réalise le mouvement à la perfection. Si, quelques secondes avant, ma main droite attendait le bon moment, à présent, elle se pose sur une zone de son corps plus intime: la taille. Par peur de la brusquer et de recevoir une gifle en signe de protection, je ne la bouge plus et continus ma leçon avec ma soi-disant élève. Mais, inconsciemment selon moi, ma paluche se glisse délicatement près de son nombril, seule partie de peau visible avec le haut qu’elle porte. Et, comme une réaction en chaîne, avant que pleins de sentiments inconnus se mélangent, avant de pouvoir savourer cet instant si…intense…magique, Lana tourne sa tête et m’observe. Sa respiration reprend un rythme normal, je la sens avec son ventre qui prend de l’ampleur puis en perd. En même temps, je ressens une sorte de frisson qui traverse la paroi épaisse de ma main et qui passe dans les nerfs de mon bras, se transformant en une sorte de décharge électrique. C’est la belle mercenaire qui, selon moi, vient d’exprimer par un tremblement, un ressenti de cet échange inattendu. Entre son regard intense, où ses yeux se plongent dans les miens, et ma main qui reste collée à sa peau douce, si chaude, je me sens libre et à la fois enchaîné à cet étrange sentiment de bien-être, de plaisir. Est-il possible que nos deux corps se rapprochent encore plus, que nos visages ne fassent qu’un et que nos lèvres s’unissent, juste un court moment si il le faut, et que l’on sente alors une chaleur se propager dans tout notre corps dès l’instant où l’on se sera embrassé ? Je n’ai jamais été trop sur de moi dans la vie de tout les jours mais là, il est impossible qu’elle me repousse quand j’observe sur son visage des signes qui en disent long sur ce qu’elle désire à ce moment précis !
- Désolé, je suis tombé sur un serveur qui préfère discuter avec sa clientèle et flâner entre les tables plutôt que de me servir ! Il pourra se vanter en rentrant chez lui qu’il a échappé de peu à une rouste de ma part ! Si je ne faisais pas parti de la confrérie, il ne serait plus capable de finir son service, conclut-il dans un murmure accompagné d’un ricanement.
L’homme nous observe, le temps de poser les verres sur la table, comme si il se doutait de quelque chose, intrigué par notre posture devant le jeu. Hochant les épaules, j’ai l’impression qu’il préfère ne pas faire d’allusion, ni poser de question et celui-ci m’invite à venir boire. Même Lana n’a pas eu le temps de réagir quand il est arrivé, nous avons été pris la main dans le sac sans de réelle preuve de notre méfait. Car, il ne sait rien passé mais si Rhodes n’était pas intervenu, aurions-nous osé conclure notre rapprochement par un baiser ? Je m’assois sur une chaise, l’air triste et désemparé, buvant sans réelle envie cette bière que d’habitude, je termine assez rapidement avec une sensation de plaisir. Lana tire sur son tricot, cachant son ventre, puis elle me regarde, comme perdue, désemparée. On dirait qu’elle veut me dire quelque chose ou peut-être me demander de la suivre, de quitter ce lieu et de se retrouver dans un endroit au calme. Mais le pense t-elle vraiment ? Ou es-ce que la présence de Rhodes la dissuade totalement de tenter une nouvelle approche ? A contrecœur, je la laisse s’en aller et termine ma bière d’un trait, la mine abattue, me plongeant dans mes pensées. Il vient me donner une tape dans le dos, s’asseyant à mes côtés et regardant la belle s’en allait, perdue au milieu de la foule. La situation semble bien le faire rire et malgré le peu d’intelligence dont il dispose, contrairement à sa force, je me doute bien qu’il a dû y voir clair dans notre jeu.
- Crois moi, cette fille a tout pour plaire. Entre son charme et sa force de caractère, elle n’ai pas faite pour un homme ordinaire. Mais, écoute bien ce conseil: prends garde à elle, c’est le genre de cœur perdu qui ne sait pas faire la différence entre le bien et le mal et…
- C’est à dire ?, en demandant à celui-ci. Je vois bien où il veut en venir avec sa remarque. Même si Rhodes n’est pas au courant de l’attirance que va éprouver Lana pour Flynn, cela a bien dû lui arriver plusieurs fois.
- Il y a longtemps, elle était tombée sous le charme d’un de nos acolytes. Ils savaient faire la différence entre leur relation et le travail pour la confrérie. Puis, quand elle a croisé notre ennemi, en particulier un homme moins charismatique, Lana a tenté de le séduire et de le rallier à notre cause.
- Qu’es ce qu’il s’est passé ensuite ?
- Elle a failli y passer ! Une mercenaire, avant que Nicole Noone arrive, aimait cet homme. Par jalousie, elle a tenté de tuer Lana. Et heureusement que nous étions là pour la secourir et fuir avec le butin. C’est pour ça, fais bien attention à elle. Je ne sais pas ce qui nous attends dans cette aventure mais si tu tiens à elle, alors pris pour que les dirigeants de la bibliothèque n’est pas engagé un homme !
Je suis très surpris d’apprendre tout ça. Même si cette conversation ne doit jamais avoir lieu dans la version originale, en tant que spectateur, on ne sait rien de la vie de Lana. Si William n’a jamais été surpris de la fin, moi je l’ai toujours été. A entendre Rhodes, on peut croire qu’il connaît le sort qui attend la belle à la fin de l’aventure, lorsqu’elle va tenter d’offrir une place dans la confrérie à Flynn. Dois-je m’attendre à perdre du terrain quand nous rencontrerons, si rien de fâcheux nous arrive, le bibliothécaire et sa charmante garde du corps ? Lana oubliera t-elle tout ce qui s’est passé entre nous ? Cette révélation me bouleverse, pas tant sur le plan sentimental mais plutôt sur le lien entre les propos du colosse et ce qui doit réellement se passer dans le film. Quoi qu’il advienne, je jure, à cet instant même, du plus profond de mes entrailles, que je vais tout faire pour préserver Lana et la sauver du destin qui l’attend. Rhodes voit bien que tout cela me travaille et j’ai l’impression que la situation l’amuse. Je n’ose lui lancer un mauvais regard, par peur de l’agresser et qu’il devienne peut être agressif envers moi.
Au bout d’un moment, alors que plus personne ne parle, il regarde sa montre et me fait signe vers l’entrée du pub. Je comprends bien, du fait de l’heure tardive, qu’il est temps pour nous de partir et je dirais même d’aller nous coucher. Car, je pense que la journée de demain sera rude et que le départ pour l’Amazonie sera imminent, si j’en crois la suite du film. En principe, Flynn doit prendre l’avion, seul, avec le livre sur le langage des oiseaux. Quant à Nicole, celle-ci s’invite mais ne se présente pas à l’homme, veillant à ce que la confrérie du serpent ne soit pas présente. Cela ne sera pas le cas, car Lana, habillée en hôtesse de l’air, tentera avec les autres d’administrer un produit très invasif au bibliothécaire afin de lui soutirer d’importantes informations sur la localisation du temple où se situe le deuxième morceau de la lance du destin. Je dois avouer que je suis à la fois excité et curieux d’être dans cet avion mais surtout de savoir comment je vais réagir face à la situation et si je vais changer quelque chose au scénario original.
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