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au 31 Mai 21 :
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Bec d'écaille, croc de plume
Par Jaiga
Originales  -  Romance/Fantaisie  -  fr
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    Chapitre 10     Les chapitres     64 Reviews     Illustration    
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Autochtones

Disclaimer : Tous les personnages/ lieux/ périodes sont issus de ma propre imagination. J’ai cependant utilisé certains personnages pour des forums Rpg, ne vous étonnez donc pas si vous les croisez un jour, au hasard du net. :3

Notes :

- Je m’excuse par avance pour les fautes de grammaire ou d’orthographe qui m’ont échappée, j’avoue avoir des lacunes dans ce domaine, en particulier sur un ordinateur …

 ______________________________________________________________________

Chapitre 10 : Autochtones

Scysios s’assit sur le rebord de son lit, en poussant un énième soupir.

Ehissian était parti avant la mi-journée. La nuit était maintenant tombée depuis plusieurs heures, et personne n’avait toujours aucune nouvelle de lui. Ce n’était pas vraiment inquiétant, ça lui arrivait souvent d’avoir du retard. Le phénix avait généralement un don pour attirer les embrouilles et les contretemps. Il reviendrait probablement le lendemain, épuisé, avec de nouvelles cicatrices peut-être, et surtout, une très longue aventure palpitante à raconter. Ca en était presque effrayant, parfois, de voir à quel point il pouvait lui arriver de choses lors de simples missions de routines.

Le prince était malade, mais son état n’avait rien d’inquiétant. Fièvre, vomissements, il risquait juste de s’épuiser et de prendre un sacré retard dans son travail. C’était certes assez alarmant de voir son estomac refuser d’ingurgiter le moindre aliment, et renvoyer ces derniers illico à leur point de départ, mais il n’en mourrait certainement pas. Et tant qu’il ne mangeait pas, il était relativement tranquille, et passait donc le reste de son temps à dormir, sous la surveillance de son garde du corps. En somme, il pouvait attendre sans problème le retour d’Ehissian.

Scysios, lui, ne le pouvait pas. C’était tout simplement au dessus de ses forces.

Sans vouloir paraître méchant, il songea que pour une fois, la maladie du prince était bien tombée. Pile quand lui-même se retrouvait à court de son remède.

L’apothicaire était au courant, que le démon avait régulièrement besoin d’un ingrédient particulier. Il devait même être l’une des rares personnes qui n’avait pas besoin de rappeler au vieil homme ce dont il avait besoin à chaque visite. Ainsi, dans la lettre qu’il avait donnée à Ehissian pour qu’il la remette à l’elfe, il avait précisé qu’il lui fallait en urgence une grande quantité du produit habituel, en plus du médicament pour le prince.

En urgence, ça signifiait qu’il en avait besoin rapidement. Très rapidement. Le jour même. Pas le lendemain.

Malheureusement, Ehissian ne savait pas à quel point c’était urgent. Et Scysios regrettait à présent de ne pas le lui avoir dit plus tôt. Ce n’était pas vraiment un secret, qu’il avait besoin d’un remède particulier, mais… il évitait généralement d’aborder ce sujet avec les autres résidents.

Tant pis. Il n’arriverait vraiment pas à attendre. Avisant un jean a porté de main, il l’enfila tant bien que mal, et se hissa sur ses deux jambes. La nuit était bien avancée, il arriverait sans doute à se procurer ce dont il avait besoin. Même si la méthode pour l’obtenir ne lui plaisait pas outre mesure.

Son trousseau de clef tinta lorsqu’il referma soigneusement la porte, et le fourra dans la poche de son blouson. A cette heure ci, le couloir était généralement désert, sombre, et silencieux. La majorité des phénix étaient déjà en train de dormir, une minorité s’amusaient encore au Yellow bird, et ce pour encore un bon moment.

La plupart du temps, il parvenait donc à sortir sans croiser personne. Et surtout pas quelqu’un en train de frapper à la porte de son voisin. Surtout pas un dragon en train de frapper à la porte de Shézac.

Il lui fallut quelques secondes pour réaliser.

Le second nouvel habitant, le dragon au cheveu auburn, campé devant une porte désespéramment close, perdait visiblement patience à mesure que le temps s’écoulait. Pour preuve, il ne l’avait même pas encore remarqué. Ce qui était étonnant, pour un dragon.

-Ne vous fatiguez pas, il est partit un peu avant l’heure du repas, dit-il d’une voix calme à l’adresse du dragon.

Ce dernier sursauta, et sembla enfin s’apercevoir de sa présence. Il avait l’air étrangement inquiet, comme si quelque chose le tracassait. Il lui fallut d’ailleurs un bon moment avant de réagir.

-… Oh. Vous savez où est-ce qu’il est partis ?

Scysios haussa les épaules, et sourit d’un air navré.

-J’ai juste entendu sa porte s’ouvrir, je ne l’ai pas vu partir…

L’auburn poussa un soupir, et baissa les yeux. A présent, il avait plutôt l’air désespéré. Par réflexe, Scysios s’approcha de lui. Le couloir état plongé par la pénombre, et la seule source de lumière provenait d’une lampe automatique dans la cage d’escalier, à l’opposé d’eux. Elle ne tarderait pas à s’éteindre, et ils se retrouveraient alors dans le noir total. Vu l’état de son interlocuteur, il ne voulait pas prendre le risque de lui causer une frayeur.

-Quelque chose ne va pas ? Je peux peut-être vous aider ?

Le dragon eut un geste de recul, qui informa le démon de son état de stress avancé. Apparemment, ce soir, il n’était pas le seul à avoir absolument besoin de quelque chose... Ca aurait presque pu être réconfortant, en d’autres circonstances.

-Je… Je ne sais pas… Il faut que je… Je dois lui demander un conseil… Enfin… Je…

Rectification, Fallnir n’était pas désespéré, il était encore plus que ça. Complètement déboussolé, pour ne pas dire paumé.

Le démon poussa un soupir.

-Okay.

Il avait besoin le plus rapidement possible de son médicament. Mais il ne pouvait pas non plus laisser l’auburn comme ça, désorienté, sans personne à qui parler. Du moins, il déduisait qu’il ne devait connaître personne à part Shézac, puisqu’ils étaient arrivés depuis peu. Son instinct professionnel, et aussi son propre sens de l’éthique, lui interdisait d’abandonner quelqu’un dans une misère pareille, même si ce même quelqu’un ne s’en rendait pas compte et prétendait se porter comme un charme.

Autant faire d’une pierre deux coups. Il ouvrit rapidement la porte de son appartement, entra à moitié pour décrocher une veste du portemanteau, et la tendit à Fallnir d’une main, en tournant la clef dans la serrure de l’autre.

-Venez, l’air frais vous fera du bien. Et comme ça, vous allez tout me raconter, et je verrais ce que je peux faire. Sitôt ces mots prononcé, tout en lui lançant un sourire encourageant, il l’entraîna à sa suite dans les escaliers.

Le dragon se laissa faire sans rien dire. Complètement amorphe, rongé d’inquiétude, il ne pouvait que suivre les directives de la première personne venue, sans prendre la peine de réfléchir outre mesure. L’âme charitable qui lui était venue en aide était un démon. Les démons étaient gentils, il pouvait lui faire confiance.

Voilà où s’arrêtait son raisonnement.

Ehissian ne lui avait toujours pas donné de nouvelle, et il ne savait plus quoi faire. A la fois mort de trouille qu’il lui soit arrivé quelque chose, qu’il soit passé à travers la mauvaise fenêtre, par exemple, et terrorisé comme jamais qu’il ait simplement oublié de venir le voir, ce qui signifiait par la même occasion qu’en fin de compte, il n’accordait absolument aucune importance à leur relation. Après tout, « amant », ce n’était pas grand-chose… Il n’aurait su dire ce qui lui faisait le plus peur, mais il pouvait sans problème affirmer que le mélange des deux était presque mortel pour son système nerveux et son état mental. Il aurait voulu voir Shézac, pour lui demander quoi faire, et lui raconter ses craintes. Si sa présence l’avait exaspéré lorsqu’il était venu frapper chez lui, dans l’après midi, il réalisait à présent qu’elle lui manquait cruellement. Il s’en étonnait lui-même, lui qui avait toujours su se débrouiller seul, d’avoir maintenant autant besoin d’une présence amie… Peut-être qu’il se ramollissait.

Aveuglément, il suivit la haute silhouette du démon, qui le conduisait à travers les escaliers jusqu’au rez-de-chaussée. Le bruit de leurs pas résonnait à peine sur les murs de pierres, et à aucun moment, ils n’eurent besoin d’allumer d’autres lumières. Les lanternes bleutées restaient ainsi désespérément éteintes à leur passage. En observant d’un demi œil le décor, il réussit à conclure qu’ils prenaient un chemin plus petit, moins fréquenté, qui devait certainement les conduire à l’arrière du bâtiment. C’était compréhensible, puisqu’à présent que le club avait réellement redémarré son activité, et tournait de nouveau à plein régime, après plusieurs jours de tempête et la fermeture hebdomadaire, une foule d’humain devait se presser dans le hall, à attendre que les videurs daignent les laisser entrer. Ce ne serait donc pas une bonne tactique que d’apparaître, comme des fleurs, d’un escalier qui était censé être fermé en même temps que les boutiques auxquelles il menait. Si lui et Shézac étaient arrivés aujourd’hui, au lieu de deux jours plus tôt, ils auraient certainement été contraints d’emprunter ce passage.

Enfin, ils atteignirent une petite porte, qui n’était pas verrouillée. Scysios la poussa et invita le dragon à le suivre, regagnant ainsi tous deux l’air libre.

Le premier réflexe de l’auburn fut de remonter la fermeture éclair de son blouson. Dans l’état de stress où il se trouvait, la température pas très élevée suffisait largement à lui faire claquer des dents.

Foutue température corporelle.

-Dites, je peux savoir où on va ?

Le démon se retourna, et lui sourit. Ils étaient dans une petite ruelle, à l’arrière du bâtiment. La haute silhouette de la Volière masquait une bonne partie du ciel, ainsi que tous les autres immeubles aux alentours. Les réverbères de l’avenue brillaient à quelques mètres de là, et ils s’empressèrent d’aller les rejoindre, pour bénéficier de leur lumière révélatrice.

- J’ai besoin d’aller chercher quelque chose, et vous, apparemment, vous avez besoin d’un coup de main. Autant relier les deux. Et vous pouvez m’appeler Scysios, ajouta-t-il en souriant toujours. Vous êtes… Fallnir, c’est bien ça ?

Le dragon acquiesça, et fourra ses mains dans ses poches. Il n’avait pas eu d’information précise, mais peu lui importait. Le démon avait raison, le fait d’avoir quelque chose à faire et la morsure du froid lui faisaient un peu oublier son inquiétude. Un peu. Le châtain ralenti le pas, pour se mettre à sa hauteur et parler plus librement avec lui. Il essayait visiblement de faire la conversation, ou tout du moins de détendre un peu l’atmosphère, et de le pousser à se confier. Au bout de la ruelle, la lueur des lampadaires se rapprochait à chacun de leurs pas.

-Hm… Est-ce que par hasard, vous ne seriez pas un cousin de Wilfren ?

Fallnir le regarda avec des yeux étonnés, à l’écoute de ce nom.

-Vous le connaissez ?

Scysios sourit.

-Je prends ça pour un oui, alors. Vous avez les mêmes yeux.

Décontenancé, Fallnir ne put que prononcer une vague réponse, à moitié incompréhensible. C’était la première fois qu’on lui disait ça. Et surtout, c’était étrange, qu’on reconnaisse en lui un cousin qu’il n’avait pas vu depuis des années.

-Je suis médecin, dans l’armée. J’ai eu l’occasion de le croiser une fois ou deux. Et nous avons un grand ami commun, précisa-t-il ensuite en riant.

Fallnir hocha la tête. Dans la communauté dragonne, tout le monde était plus ou moins cousin. Aussi, les liens familiaux étaient plutôt faibles, quand ils n’étaient pas inexistant. Ils entretenaient plutôt de fort lien amicaux, ou de frères d’armes, qui se nouaient généralement dès l’enfance, lors des premiers entraînements en groupes.

Ils débouchèrent dans l’avenue. La lumière était plus vive, ici, et le dragon, put enfin vraiment s’attarder à regarder son interlocuteur. Qui se tourna d’ailleurs à ce moment là vers lui, pour ajouter quelque chose.

- Et vous ? Vous le connaissez beau…

Il ne termina pas sa phrase. Fallnir avait presque bondit en arrière, une lueur terrifiée dans le regard. Scysios comprit tout de suite la raison de sa frayeur, et le fixa sans rien dire, avant de secouer la tête et baisser ses yeux.

-Pardon. Je croyais que vous aviez remarqué, dit-il avec un sourire navré.

Fallnir resta silencieux, encore sous le coup de la surprise.

Un maudit. Le démon était un maudit. Il n’avait pas réalisé, dans le couloir, ni lorsqu’il l’avait entraperçu une ou deux fois peut-être depuis qu’il était arrivé. Les deux pupilles améthyste étincelaient à présent dans la nuit, comme si la mort en personne s’était personnifiée dans ce regard.

Les maudits apportaient la mort et la destruction. On devait les tuer dès leur naissance, pour ne pas qu’ils attirent le malheur sur les autres. La couleur violette était proscrite, surtout chez les dragons, et la croiser ainsi dans les yeux de quelqu’un était le signe d’une mort imminente… Il fixa le démon avec frayeur, reculant encore de quelques pas.

Avant de se ressaisir.

Seuls les humains croyaient encore dur comme fer à ces balivernes. Si tous ceux qui naissaient avec les yeux violets devaient être la personnification même de la mort, alors leur monde ne serait plus depuis longtemps qu’un immense cimetière. Fallnir s’en souvenait, les éminents chercheurs de l’académie de Kalisto affirmaient que cette superstition douteuse, qui condamnait la couleur violette, venait du fait que les anges ou les démons affiliés à la mort avaient souvent les yeux violets.

L’affiliation était une chose typique à ces deux derniers peuples. On disait que cela remontait à l’époque où les dieux, possédant de trop grands pouvoirs pour être contrôlés par eux seuls, choisirent de les répartir entre plusieurs membres des deux peuples les plus opposés de leur monde. Les anges et les démons, qui allaient jusqu’à nier l’existence même de l’autre ethnie, avaient été choisis naturellement… Aujourd’hui, les dieux des anciens mythes étaient tous mort, exterminés par l’Onikam, un être maléfique bien connu des amateurs de fables et de légendes.

En revanche, les êtres affiliés, eux, avaient subsisté.

On ne savait trop comment les répertorier, tellement ils étaient nombreux : ange de la lumière, de la vie ou du silence, démon de la mort, de la vitesse ou de la lune, il existait des dizaines d’affiliations différentes. On ne savait pas vraiment non plus selon quels critères ils étaient désignés en tant qu’affiliés ; un jour, un bébé venait au monde, et un affilié sentait que ce nouveau né serait son successeur.

Il y avait des traits physiques et moraux que l’on retrouvait beaucoup chez les détenteurs d’un certains pouvoirs, et d’autres qui ne se transmettaient que de père en fils, dans une même lignée.

A ce que l’auburn savait, Shézac par exemple, à cause de ses cheveux blonds et de ses yeux bleu marine, possédait certaines des caractéristiques physiques propres aux démons de l’eau. L’un de ses proches ancêtres avait donc très probablement hérité de ce titre, bien qu’il lui ait lui-même affirmé n’être affilié à aucun pouvoir.

Tout cela pour en conclure que l’origine des maudits ne provenait que des rumeurs, et de stupides questions d’hérédités. Il n’avait rien à craindre d’un prétendu maudit. Même si c’était dur de se maîtriser devant quelque chose qu’on lui avait appris à craindre depuis sa plus tendre enfance.

-Je… Non, c’est moi qui suis désolé… Excusez-moi, j’ai seulement été surpris.

Scysios eut une expression peu convaincue, qui mit Fallnir dans l’embarras. La vie d’un maudit ne devait pas être simple, si tout le monde réagissait ainsi en croisant son regard.

-J’ai l’habitude, vous savez. Vous pouvez rentrer chez vous, si jamais… Enfin, je ne vous force pas à rester avec moi.

Le médecin détourna les yeux, et fixa le bout de l’avenue, prêt à se remettre en marche seul. Le dragon se mordit la lèvre.

-Non… Je vous assure, ça m’a seulement étonné… Tout va bien, assura-t-il avec un sourire confiant.

Et pour approuver ses dires, il se remit à marcher, faisant signe au démon de faire de même.

A présent que l’étau qui lui comprimait les entrailles se desserrait à peine, il n’avait pas envie de retourner dans son appartement trop vide pour se ronger les sangs. S’occuper les jambes et l’esprit était beaucoup plus intelligent. D’autant plus qu’ainsi, lorsqu’il rentrerait, il serait peut-être suffisamment fatigué pour s’endormir tout de suite, et se réveillerait ensuite en pleine forme. Ainsi, quand il reviendrait le voir, Ehissian le retrouverait frais et dispo, au lieu de malade et rabougri au fond de son lit.

Oui, il essayait de s’auto convaincre. On ne pouvait pas le lui reprocher. Chacun luttait contre le stress à sa manière…

Un silence gêné s’installa ensuite. Scysios n’osait apparemment pas reprendre la discussion, comme s’il avait peur de provoquer une nouvelle réaction de rejet. De son côté, Fallnir cherchait en vain quoi dire, sans réussir à trouver de sujet potable. Ils marchaient toujours à travers les rues et les avenues, et bientôt, les hauts immeubles perdirent en taille, devinrent en béton plutôt qu’en verre, perdirent aussi beaucoup de charme. Ils s’enfonçaient apparemment dans les quartiers populaires, aux façades décrépies et vieilles de plusieurs années, aux volets rouillés et cassés, et aux innombrables bandes de jeune qui devaient roder la nuit en quête d’agitation.

Instinctivement, Fallnir se rapprocha très légèrement du démon, pour ne pas se faire distancer. Il avait de longues jambes, le bougre.

-Sans paraître indiscret, vous venez chercher quoi, au juste ?

Sa voix enrouée, dans la nuit, le surpris lui-même. Dans l’obscurité et le silence nocturne, tous les sons étaient amplifiés, et on n’osait parfois élever la voix dans les rues calmes et tranquilles, de peur de déranger quelqu’un.

Le démon se tourna vers lui, et sourit.

-Une sorte de… médicament.

-Oh. Et vous allez trouver une pharmacie ouverte, à cette heure ci ? S’enquit-il soudain en fronçant les sourcils.

Il réalisait seulement l’heure très tardive qu’il était, et à quel point la promenade du démon était étrange et insolite. Ce dernier, cette fois, garda le regard rivé face à lui, et eut une petite grimace.

-Disons que… Ce n’est pas exactement dans une pharmacie que je vais…

Et Fallnir comprit immédiatement ce qu’il voulait dire.

Il résidait dans ce monde depuis pas mal d’année. Il savait, pour en avoir rencontré, qu’un autre peuple un peu particulier vivait ici depuis toujours, en cohabitation avec les humains.

Lors de l’arrivée des phénix, qui avait marqué le grand début de l’immigration, cette peuplade était largement minoritaire. Beaucoup s’accordaient à dire qu’elle disparaîtrait même au fil des siècles, du fait de son assez forte fragilité. Aussi, on les avait relégués au second plan, et ignorés pendant de très, très nombreuses années.

A tort.

Aujourd’hui, ils étaient des milliers à travers le monde, organisé archaïquement, se faisant la guerre entre eux, régnant sur la nuit et les quartiers dangereux. Ils étaient les barons de la drogue et les contrebandiers les plus féroces, une sorte de mafia particulière, qui n’avait absolument aucun code d’honneur si ce n’était la vengeance et la loi du plus fort. La volonté de se nourrir, l’instinct du chasseur, était leur principale motivation.

Fallnir appris plus tard qu’ils partageaient cette ville en quatre, chaque partie sous l’influence d’une sorte de chef, qui avait ainsi sous son contrôle le marché noir et les principaux criminels de toute sa zone. La zone de la Volière était un peu à part, du fait de la présence des phénix. Elle était enclavée dans le territoire du plus influent des quatre leaders de la ville.

Il y avait quelques années de cela, ce peuple de l’ombre avait organisé une gigantesque vendetta, visant tous les étrangers qui s’étaient installés sur leur monde sans leur permission, en les chassant ainsi à l’époque de leurs terrains légitimes, et les privant de leur nourriture. Ils n’avaient osé s’attaquer au phénix, mais c’était autant dû au talent de négociateurs du prince que par une peur réelle des représailles. Ils avaient beau être des milliers, l’armée phénix pourrait sans problème les traquer et les exterminer tous jusqu’au dernier, si cela s’avérait absolument nécessaire. Cependant, jusqu’à présent, il n’y avait jamais eu de problème majeur concernant la Volière, et beaucoup souhaitaient que cela continue ainsi. L’un des principaux arguments étant que c’était excellent pour le commerce.

On pouvait tout se procurer, chez Ader et ses hommes. Il tenait sa zone d’une main de maître, et personne n’osait lui tenir tête. Nombreux étaient ceux qui s’imaginaient à sa place, mais rares étaient ceux qui se risquaient à le défier ouvertement.

-… Ce n’est pas un peu dangereux ? Je veux dire… Là où je vivais avant, c’était risqué de s’adresser à eux.

Scysios lui sourit d’un air assuré.

-Tout va bien. Ils n’ont aucun intérêt à se brouiller avec nous.

En frissonnant, le dragon songea que si, justement, ils pourraient très bien les tuer tous les deux sans aucun remord. Ils n’étaient ni l’un ni l’autre des phénix, et donc, des résidents légitimes de la Volière. Leur disparition n’entraînerait sans doute aucune conséquence politique.

-Ils sont là bas, murmura le démon en indiquant le croisement d’une ruelle.

Adossés à un mur, plongé en grandes conversations, un petit groupe de vampires patientait dans la nuit.

--

-Ader ! Ader ! Y a deux mecs qui te demandent, en haut !

La voix de son subalterne lui parvint à peine, étouffée par la porte verrouillée, et couverte par les grincements du matelas. Il n’y répondit pas. Sous le sien, le corps d’albâtre d’un jeune vampire bougeait au rythme de ses coups de reins, et une litanie de gémissement s’échappait de sa gorge. Agenouillé sur le matelas, son partenaire à quatre pattes devant lui, il ne voyait que son dos, et ses muscles fins qui roulaient sous son épiderme presque incolore.

Il pressa un peu plus ses mains sur ses hanches, pour s’immiscer plus brutalement en lui. Autour de son membre gonflé, l’étau de muscle était délicieusement chaud et étroit, accueillant. Il en grogna de plaisir, ses ongles s’enfonçant jusqu’à marquer la chair délicate du jeune vampire. Ce dernier crispa ses mains sur les draps, tant sous le coup de la souffrance que du plaisir qu’il ressentait. Ses bras se tendirent ensuite, alors qu’il cambrait ses reins sous un mouvement plus puissant que les autres. Le jeune vampire savait qu’Ader adorait le voir faire ça, et il était prêt à tout pour le contenter.

Effectivement, l’aîné des deux hommes était satisfait de ce qu’il voyait. Devenant plus brutal et rapide encore, il savait qu’il devait en finir bientôt. On ne faisait pas attendre un client. Le plaisir qu’il prenait était intense, de plus en plus fort. Son partenaire ne tiendrait sans doute pas non plus très longtemps. Tant mieux pour lui, ça lui éviterait peut-être de se finir à la main. D’ailleurs, si ce n’était pas le cas, songea-t-il tout en donnant un autre coup de rein qui lui arracha un semblant de gémissement étouffé, il pourrait même lui ordonner d’attendre son retour, afin qu’il s’assouvisse devant lui. Cela promettrait un charmant petit spectacle.

Juste à cet instant, le plus jeune eut un gémissement plus fort que les autres, presque un cri de délivrance, et se libéra sur les draps. Ader grogna de nouveau, mais ne ralentit en rien son rythme. Tant pis, le spectacle serait pour une autre fois. Pressé d’en finir, conscient que le temps passait, il oublia tout le peu de considération qu’il lui restait pour son jeune partenaire, et se fit plus violent encore, dans le but de s’assouvir plus vite.

Le plaisir vint rapidement, le submergeant totalement, le laissant vide et pantelant quelques secondes. Des étoiles dansèrent une farandole colorée devant ses yeux, l’espace d’un instant, et un léger râle lui échappa. Il resta immobile un moment de plus, le temps que l’air retrouve la voie de ses poumons, et que les cellules de son cerveau redescendent de leur nuages pour se remettre à fonctionner normalement. Enfin, reprenant vaguement ses esprits, il se retira, et se nettoya rapidement avec un bout du drap. L’autre vampire n’aurait qu’à les changer.

Ce dernier se laissa tomber sur le lit, le corps en sueur, le souffle bruyant et erratique. Sans un regard pour lui, l’aîné ramassa ses vêtements qui gisaient au sol, et les enfila rapidement.

-Ader…

La voix était faible et suppliante. Ader savait ce qu’il voulait, et y réfléchit un court instant. Le jeune vampire avait bien travaillé, il ne voyait pas de raison de ne pas consentir à sa demande. Glissant une main dans la poche de sa veste en cuir, il sortit un petit sachet de poudre blanche, qu’il lança négligemment à la silhouette alanguie sur les draps. Ce dernier, qui semblait si épuisé tout à l’heure, recouvra soudain suffisamment de réflexe pour attraper l’objet au vol.

Avec ça, il aurait de quoi s’envoyer de nouveau en l’air pendant un petit moment. Mais qu’importe, c’était son problème, pas celui d’Ader. S’approchant quelques secondes de son cadet, il le tira par la nuque et l’embrassa possessivement, avant de le relâcher et de disparaître.

Dehors, un homme l’attendait, les mains dans les poches de son jean élimé. Il n’avait rien dû perdre de la chanson du jeune vampire, à en voir ses gestes nerveux. Cela lui arracha un sourire, et en lui lançant à peine un regard, Ader se dirigea directement vers le fond du couloir.

Il était à présent parfaitement détendu, comme sur un nuage de bien-être. Il sortit une cigarette d’une autre de ses poches, et la porta à ses lèvres, l’allumant pratiquement du même geste. Dans la lumière blafarde des sous-sols, les volutes de fumées prenaient une dimension étrange.

-Qui est ce ? S’enquit-il auprès de son subalterne, sans ralentir le pas.

Le vampire haussa les épaules.

-Le grand type qui crèche chez les phénix, et un autre que j’ai jamais vu.

Il tira une bouffée de sa cigarette, alors qu’ils gravissaient les marches menant à l’extérieur.

Les vampires occupaient principalement les sous-sols de la ville, qu’ils avaient transformé, au fil des siècles, en une sorte de bunker souterrain, reliant chaque zone par des dédales de couloirs et de portes en aciers. C’était leur domaine, une micro ville sous la ville, où ils résidaient le jour, jusqu’au soir où ils prenaient le contrôle du monde de la nuit.

Ces vampires là étaient particuliers. Ils ne craignaient pas vraiment l’ail et le soleil, contrairement aux croyances populaires, et quant aux crucifix et à l’eau bénite, il s’agissait là de symboles de la religion chrétienne, qui étaient complètement inconnue ici. Ils pouvaient en revanche vivre un bon nombre de siècle, à condition de se nourrir régulièrement de sang frais. Mais rares étaient ceux qui dépassaient les deux cents ans, en raison de toutes leurs guerres intestines.

Il suffisait d’un seul coup de lame, porté au cœur, pour qu’ils perdent le peu de vie qu’il leur restait.

Ils ne se considéraient d’ailleurs pas comme des morts vivants. Ce qu’ils n’étaient de toute manière pas. C’était plutôt une sorte de changement d’état, une mutation génétique. Ils perdaient le besoin de se nourrir d’aliments normaux, en échange d’une plus grande longévité, d’une meilleure capacité physique, et d’une toute nouvelle sensibilité.

Et si ils ne sortaient que la nuit, ce n’était pas parce que le soleil les brûlait ou les réduisait en poussière. C’était juste parce que leurs yeux voyaient mieux à la lueur de la lune, et que, d’une manière générale, une personne retrouvée morte dans une ruelle en pleine nuit, ça attirait beaucoup moins l’attention sur eux qu’un meurtre en plein jour, quand les rues étaient bondées.

Les échelons en fer sonnèrent quand Ader les gravit, et la plaque d’égout grinça lorsqu’il la repoussa, s’extirpant souplement du monde souterrain pour regagner l’air libre. Il épousseta soigneusement son blouson en cuir, et tira une nouvelle bouffée de la cigarette coincée entre ses dents, son regard gris et perçant sondant la ruelle dans laquelle il venait d’émerger.

Un petit groupe de vampire stagnait là, en quête de clients potentiels. Filles en mini jupes et bottes à talon, outrageusement maquillées, hommes en perfecto et bardés de cicatrices, lançant des regards menaçants, prostitués ou receleurs de drogue, tous les moyens étaient bon pour attirer un steak ambulant et se remplir l’estomac. Comme une nuée de corbeau, ils étaient tous vêtus de noir et de couleurs sombres, autant par goût que pour disparaître plus rapidement dans la nuit en cas de danger. En le voyant passer, certains s’écartèrent légèrement, baissèrent les yeux, ou lui firent des signes de la tête en guise de salut. Ceux qui ne bougeaient pas étaient soit occupés avec un client, soit des humains en pleine transaction avec un membre de la communauté. D’un pas assuré et détendu, Ader remonta la longue ruelle, jusqu’au bout, ou un petit groupe de vampire faisait le guet pour tout le reste de la bande. Debout près d’eux, deux silhouettes vêtues de manières plus claires se détachaient dans la lumière des lampadaires.

Scysios et lui se reconnurent avant même de vraiment se voir.

Ader était un homme d’apparence assez jeune, grand, et aux épaules larges. Mais à l’instar du reste de son peuple, pas tellement très rembourré. Sans autant n’avoir que la peau sur les os, on avait tendance à douter de la présence de ses muscles, jusqu’à ce que l’on fasse connaissance avec la détente exceptionnelle de son crochet du droit. Ses cheveux, coupés courts, étaient de cette couleur particulière qu’on ne parvenait pas vraiment à définir, entre le blond et le châtain, peut-être même le gris, à la lumière de la lune. Le point rouge de sa cigarette se balançait doucement au rythme de ses pas. Lorsqu’il arriva au niveau des deux hommes, il la jeta au sol et l’écrasa sous sa semelle, avant de sourire d’un air avenant.

Sourire que Fallnir trouva aussitôt irritant. Aguicheur, sûr de lui, un peu trop railleur pour être sincère. De plus, il laissait apercevoir, au coin de ses lèvres, l’éclat argenté de deux canines pointues.

-Scysios ! Ca faisait longtemps mon vieux ! J’allais finir par croire que t’avais oublié le chemin pour venir me voir !

Le démon, l’air morne, leva les yeux aux ciels.

-Malheureusement non, Ader. Toujours pas poignardé dans un coin sordide, à ce que je vois.

Le vampire éclata de rire, et fit signe à ses subalternes de s’éloigner un peu. Ils se connaissaient depuis pas mal d’année. Depuis qu’un soir, par accident, le médecin était tombé sur une chose en train d’agoniser dans le caniveau, et par un élan de bonté, avait décidé de lui sauver la vie. A présent, il arrivait souvent au démon de regretter son geste, surtout en voyant jusqu’où était arrivée la dite chose agonisante, qui se portait à merveille. De son côté, Ader était conscient d’avoir une dette énorme envers le maudit. C’était pour cela qu’il veillait particulièrement à ce que les relations entre les phénix et les vampires restent impeccablement bonnes.

-Navré de te décevoir, alors. Mais je crois que tu es plutôt content de me voir en parfaite santé, non ? dit-il en haussant un sourcil ironique.

Souriant toujours de manière aguicheuse, presque carnassière, il fit un clin d’œil à Fallnir, qui resta de marbre et lui répondit par une expression lasse. Le vampire n’en sourit que plus.

-Et lui ? C’est qui ? T’as déjà trouvé une autre loque humaine à secourir ?

Ce coup ci, le dragon vit rouge, et faillit lui lancer une pique salée. Le démon fut néanmoins plus prompt à réagir, comme pour éviter la confrontation.

-Juste un ami. T’avises pas de t’approcher trop près de lui.

Ader leur fit une moue innocente, qui sonna horriblement faux. Ils avaient à peine échangé quelques phrases, et Scysios se sentait déjà à bout de nerf. Il avait hâte de repartir, le plus rapidement possible. Avant que le dragon ne saute à la gorge de leur vis-à-vis. Quoique, avec un peu de chance, il ne le raterait pas, et évacuerait ses tensions en même temps qu’il débarrasserait le monde d’une sacrée épine. Il faudrait y songer.

- Ader, on n’a pas toute la nuit. J’ai besoin de ce que tu sais, en urgence. Tu pourrais m’en trouver rapidement ?

Le vampire renifla dédaigneusement, comme offensé par ses paroles, ce qui eut pour effet d’excéder encore plus l’auburn.

-Peuh, tu me déçois. Tu sais très bien qu’on a toujours tout, mon petit Scysios.

Plongeant un regard de chasseur dans les yeux du démon, il claqua des doigts pour faire venir l’un de ses hommes.

-Hey, toi, tu sais ce dont mon ami a besoin ? Soit gentil et rapporte nous en en vitesse.

L’interpellé déguerpit, et les yeux gris du vampire se posèrent ensuite sur le dragon. Ce dernier le trouvait de plus en plus détestable. Tout, dans ses gestes comme dans son comportement, lui donnait la nausée.

-Alors, quelles sont les nouvelles, du côté de la Volière ? Ca fait longtemps qu’on ne vous a pas vu, par ici. Vous avez eu des empêchements ? Demanda avec un sarcasme non feint le vampire, croisant les bras sur son torse, et prenant une pose détendue.

-Peut-être que l’on voulait simplement éviter de voir vos faces d’abrutis.

C’était Fallnir qui avait répliqué. Quelque chose en lui avait cédé, et Scysios n’avait pas été assez rapide pour l’empêcher de parler. Ce n’était pourtant pas faute d’avoir essayé. Ader ouvrit deux yeux ronds comme des billes, et le fixa un moment, comme s’il découvrait qu’il avait une énorme tomate rouge en plein milieu du nez. Et puis, sans prévenir, son sourire revint, plus grand et amusé que jamais.

-Eh, mais c’est qu’il a de la répartie, le petit bonhomme ! Tu aurais dû me le présenter plus tôt, Scy !

Le démon bâillonna l’auburn juste à temps. Ader éclata de rire, et lorsqu’il le lâcha enfin, Fallnir jeta un regard meurtrier au médecin. Même s’il avait conscience qu’effectivement, il valait mieux se taire, plutôt que de donner de nouvelles occasions au vampire de les railler. Une effusion de sang de leur chef à quelques pas de tout un groupe de vampire, ce ne serait peut-être pas l’idéal pour la diplomatie. Et il avait dit qu’il ne voulait pas attirer d’ennuis à Ehissian.

-S’il te plait, Ader, soupira Scysios en se passant une main sur le visage. Ce n’est pas le soir.

Le vampire grimaça, et secoua légèrement la tête de gauche à droite, les yeux levés vers le ciel.

-Alala… Tu as perdu ton sens de l’humour, mon grand… Tu devrais vraiment venir me voir plus souvent.

Le sourire qu’il eut à ce moment là en disait long sur le genre de visite qu’il souhaitait avoir. A nouveau, le dragon fut prit de l’envie de sortir une réplique cinglante. Mais, et de son propre gré cette fois, il préféra laisser le démon s’en occuper. Après tout, l’invitation lui était principalement adressée.

-Non merci, je n’ai pas envie d’attraper des puces.

-Tsss. Comme tu voudras, renifla dédaigneusement le vampire.

Fallnir se désintéressa ensuite complètement de la discussion, qui était en fait plutôt une succession de piques et de réparties plus ou moins recherchées, il fallait l’admettre. Le vampire et le démon semblaient être des connaissances de longue date, et conversaient, si on pouvait réellement appliquer ce mot là pour désigner leur échange de gentillesses, des dernières nouvelles qu’ils avaient manqués depuis qu’ils ne s’étaient vu. En somme, un débat qui ne l’intéressait nullement, si ce n’était pour apprendre de nouvelles répliques acerbes et particulièrement efficaces pour moucher certains enquiquineurs. Ses yeux clairs préférèrent se poser sur le groupe de vampire, protégés dans l’obscurité de la ruelle. De temps en temps, ils leurs jetaient des regards mornes, désintéressés, avant de retourner à leur surveillance ou leur transaction. Quelques humains se frayaient ainsi un chemin à travers la noirceur de l’étroite ruelle, sans peut-être réellement savoir qui étaient ses gens avec qui ils faisaient affaire. De temps en temps, une fille ou un jeune homme repartait avec l’un d’eux, et la rapidité avec laquelle certains revenaient tendaient à penser que le pauvre humain, qui croyait certainement passer un très bon moment en compagnie de cette jeune personne, était très probablement évanoui à quelques rues d’ici, dépouillé d’une bonne partie de son sang et de son argent.

A ce que le dragon savait, les vampires ne tuaient pas leurs proies, du moins pas toujours. Leur appétit se contentait de quelques litres de sangs pour deux ou trois jours, et si jamais un petit creux survenait durant ce laps de temps, il leur suffisait d’aborder une personne et de lui voler la petite quantité de fluide qui leur manquait pour être repu. Ainsi, un vampire pouvait avoir une ou deux proies par nuit, et ce à raison d’environ deux fois par semaine. Etant une population malgré tout assez réduite, c’était juste ce qu’il fallait pour ne pas éveiller les soupçons ou semer la panique dans la ville.

Des pas raisonnèrent dans la ruelle, se rapprochant lentement mais sûrement d’eux.

Sans un instant perdre son sourire, Ader jeta soudain un œil derrière eux, dans l’étroite venelle. Quelqu’un s’approchait, tenant un objet dans ses mains. Mais ce n’était pas l’homme qu’avait envoyé le vampire, quelques instants plus tôt. Ils ne l’auraient certainement pas oublié.

Une petite silhouette, toute fine et menue, d’un gamin d’à peine seize ans. Son jean, taille basse, suivait le mouvement sensuel de ses hanches, et son haut, en plus d’être moulant, ne cachait pas grand-chose de son torse imberbe et plat. Lorsqu’il émergea à la lumière plus vive des lampadaires, le dragon comme le démon furent frappés par la pâleur de sa peau, presque translucide. L’épiderme des vampires ne se colorait que lorsque du sang frais coulait dans leurs veines, et restait d’une blancheur effrayante le reste du temps. Celui-ci ne devait pas avoir bu depuis un long moment. A moins qu’il ne soit déjà pâle par nature ?

Il s’arrêta à leur hauteur, et dans une pose très probablement calculée pour être aguicheuse, tendit l’objet qu’il tenait à son supérieur. Ce dernier l’attrapa avec un haussement de sourcil.

- Déjà debout ? Je croyais que tu allais rester au pieu plus longtemps.

-J’avais envie de te voir, répondit le plus jeune avec une petite moue adorablement sexy, posant deux doigts innocents sur le torse d’Ader.

Ce dernier sourit de plus belle, de manière clairement carnassière. Possessivement, il passa un bras autour de la taille frêle du nouveau venu, et l’attira contre lui. Ce ne fut qu’une fois le corps hautement désirable de son amant contre le sien, qu’il releva le regard vers ses interlocuteurs et leur tendit la boîte.

-Cadeau, dit-il avec un large sourire ravi.

Fallnir se mordit fortement la joue. La manière dont ce type se comportait avec ce gosse devenait vraiment insupportable pour lui.

-Tu es sûr ? Je ne te dois rien ?

Scysios attrapa l’objet qu’on lui tendait, et l’examina en quelques secondes, sans que le dragon puisse en voir le contenu. Il releva ensuite ses yeux violets vers Ader, en attente d’une confirmation.

Ce dernier haussa les épaules, et secoua la tête.

-Eh, pour toi, tout est gratuit, mon vieux. C’est le moins que je puisse faire.

-Mon Ader est un gentil, ronronna le jeune vampire en se retournant, collant ainsi son dos – et une partie plus basse de son anatomie, l’auburn en était persuadé- contre l’abdomen de son aîné.

Ce dernier ricana, comme pour se moquer de lui, mais glissa toutefois une main possessive dans son pantalon, le long de ses flancs. Ce à quoi le plus jeune répondit en levant et nouant ses bras autour de son cou, pour caresser sensuellement la nuque de son ainé et se laisser aller contre son corps. Le gosse n’était peut-être pas si gosse que ça.

-… Merci, finit par dire Scysios d’un ton faussement aimable, en fourrant la boîte dans sa poche. Ravi de t’avoir revu, Ader. Nous n’allons pas nous attarder plus longtemps, il commence à se faire tard.

Sans relever le ton extrêmement convaincu de son interlocuteur, le vampire lui fit un large sourire.

-A bientôt, mon vieux. Et la prochaine fois, reviens aussi avec ton copain, qu’on puisse faire connaissance tous ensemble !

Sans attendre plus longtemps, Fallnir tourna les talons. Scysios le suivit une seconde plus tard. D’un pas presque pressé, ils sortirent complètement de la ruelle, et disparurent derrière l’angle du mur.

Contre Ader, le jeune vampire poussa un soupir déçu.

-Sont pas marrants, tes amis.

Sans pouvoir résister à l’attrait de cette peau trop blanche, l’aîné des deux hommes se pencha, et déposa un baiser passionné dans la nuque délicate. Il sentit le corps contre le sien frissonner, et hésita à pousser sa main, immobile depuis tout à l’heure, plus loin sous le jean moulant de son cadet. Mais il se retint.

-Eh, Maerys, depuis quand tu t’es pas nourri ? Ta peau ressemble à la came que je viens de te filer.

Le jeune vampire se raidit légèrement, et ôta ses bras de la nuque de son supérieur. Un regard mutin, noir comme de l’encre, fixa un moment le sien.

-C’est important ? Finit-il par demander d’une voix boudeuse.

Agacé, Ader le relâcha, et ébouriffa au passage les courtes mèches du jeune homme, aussi noires que ses yeux. Son sourire resta inchangé, peut-être avec une lueur de défi en plus dans le regard.

-Assez, oui. J’aimerais pas que tu me claques dans les doigts.

Renfrogné, Maerys renifla et croisa les bras quelques secondes, comme un enfant qui faisait la moue. Puis, lançant son regard ébène vers lui, il répondit avec un air malicieux.

-Ta frustration en prendrait un sacré coup, si je crevais.

Ader eut un sourire sanguinaire, et ne le quitta pas des yeux, de manière très explicite. Le gamin ne croyait pas si bien dire.

-Plutôt, oui, murmura-t-il en s’approchant dangereusement de lui, pour l’embrasser sans plus de retenue, sous les regards désintéressés de quelques autres vampires.

--

-Ce type est affreux, grommela Fallnir dès qu’ils furent à une distance raisonnable de la ruelle et de ses dangereux occupants. Comment avez-vous fait pour le rencontrer ?

Scysios sourit, et secoua la tête. En fin de compte, ils n’avaient passé qu’une petite demi-heure, peut-être même moins, en compagnie des vampires. C’était beaucoup moins que ce qu’il osait espérer, à croire qu’un miracle venait d’avoir eut lieu. En comptant les minutes de trajets, leur petite escapade ne durerait au final pas plus d’une heure. En se forçant un peu, il arriverait certainement à tenir jusque là. Dans ses poches, ses doigts se refermèrent instinctivement autour de la petite boîte en carton.

-Par accident, dit il en riant légèrement. J’aurais mieux fait de me faire écraser par un train, ce jour là.

Le dragon marmonna une réponse, qui devait probablement être quelque chose approchant un « je ne vous le fait pas dire ».

L’autre point positif était que, par rapport au moment où ils avaient quittés l’immeuble, l’auburn s’était largement détendu. Comme si un poids s’était ôté de ses épaules, qu’une forte pression avait soudainement disparu. Ou qu’il avait tout simplement oublié la raison pour laquelle il allait mal, trop occupé à se plaindre du comportement irritant d’Ader.

-Jamais vu quelqu’un d’aussi hypocrite.

Le démon poussa un soupir. Particulièrement remonté, Fallnir faisait savoir tout son ressentiment envers le peuple vampire, et ne semblait pas prêt de s’arrêter. A défaut de pouvoir faire baisser toute l’inquiétude qu’il éprouvait, il utilisait un autre moyen pour apaiser ses nerfs à vif. Scysios se surprit à souhaiter que le voyage de retour soit rapide et sans incident.

-Et la façon dont le gosse se comportait… Pas normal d’être comme ça à son âge… On aurait dit un… une sorte d’objet de décoration.

Le médecin secoua la tête.

-Lui, on ne peut pas vraiment le blâmer, il n’a pas eu le choix.

Fallnir fronça les sourcils. Il avait un peu de mal à le croire. Et surtout, énormément besoin de dénigrer tout ce qui pouvait l’être, quelles que soit les raisons.

-Que voulez-vous dire par là ? Vous le connaissez ?

-Pas spécialement, répondit le châtain en secouant la tête. Seulement à travers Ader. Je sais qu’il est arrivé un jour, complètement affamé, et qu’il l’a prit sous son aile. Et un membre de sa famille était originaire de notre monde, je crois, ajouta-t-il en levant les yeux au ciel comme pour chercher ses mots.

Fallnir émit un sifflement dédaigneux, et grommela de nouveau.

-Ca n’explique pas qu’il se comporte comme ça.

Scysios haussa de nouveau les épaules. Il n’avait pas envie d’aborder ce sujet maintenant. Il préférait oublier Ader et tout ce qui se rapportait à lui le plus rapidement possible, et le seul moyen pour cela était de changer de sujet. Aussi, il profita de l’occasion pour rebondir, et régler à présent le problème du dragon.

-Quand on a peur, on peut se comporter de beaucoup de manières différentes, vous savez.

Il y eut un moment de silence.

Fallnir sentait que cette réplique lui était adressée. Quand il leva les yeux vers le démon, ce dernier le regardait fixement, avec un sourire tranquille.

Il soupira.

- Je … Je ne sais pas si je peux vous raconter ça…

-Pourquoi ? Quand quelque chose ne va pas, il faut mieux en parler. Ca soulage, et parfois, le problème se règle plus rapidement, lorsqu’on est plusieurs à travailler dessus.

L’auburn baissa ses yeux clair, regardant fixement le sol. Il sentait toujours le poids du regard violet sur lui, ce qui l’aurait certainement mis dans un état de panique profonde, dans d’autres circonstances. Mais il savait qu’il pouvait faire confiance au démon, du moins sur ce point là ; il n’allait pas lui sauter soudainement dessus pour l’égorger brutalement sous un lampadaire, contrairement à ce que racontait la légende.

-C’est que… Ca concerne quelqu’un de proche, à qui je ne voudrais pas causer de problème.

Leurs pas résonnèrent dans la grande avenue silencieuse. Le vent nocturne était léger, frais, et chatouillait leurs visages en même temps qu’il piquait parfois leurs yeux. Ils parlaient presque à voix basse, tant pour ne pas faire de bruit en cette nuit muette que parce que ce n’était pas nécessaire.

-Je vois. Et sans briser l’intimité de cette personne, que pouvez vous me dire ?

Fallnir se mordit la lèvre. Il ne voulait pas qu’Ehissian ait des ennuis. S’il racontait au démon qu’il s’était mis dans un état d’inquiétude pareil juste parce qu’il n’avait plus de nouvelle, il ignorait quel genre de bruit pourrait courir ensuite sur eux deux, à la Volière, dans les jours qui suivraient. Après tout, il ne connaissait réellement le médecin que depuis moins d’une heure…

-Disons que… Nous avons une relation plutôt… légère. Et comme je n’ai pas eu de nouvelle de cette personne depuis quelques temps, j’ai eu peur que… qu’elle soit partie…

Il garda les yeux baissés vers le sol, fixant le bitume qui se déroulait sous leurs pieds. Face à eux, les hautes tours du quartier de la Volière se rapprochaient. On pouvait même distinguer, si on plissait les yeux, un pan de mur en pierre, qui se détachait légèrement dans la pénombre.

-C’est à cause d’elle que vous avez emménagé ici ? Et vous vous êtes mis dans un état pareil juste pour ça ? Vous devez être sacrément amoureux, sourit le démon avec un regard amusé.

L’auburn s’empourpra instantanément.

-N… Non, je ne suis pas…

Le démon se mit à rire, et lui ne parvint pas à ne serait-ce que balbutier une ébauche de réponse potable. Amoureux ? Est-ce qu’il l’était vraiment ? Et s’il ne l’était pas, qu’est ce qu’il était, au juste ? Il l’ignorait.

Il releva les yeux vers la lune, qui commençait à devenir un léger croissant. Elle était pâle, d’une couleur presque ocre. Elle éclairait le sommet des immeubles en verres, et se reflétait sur les innombrables vitres.

Non, en réalité, il le savait parfaitement. Mais il avait peur de l’avouer. Parce que ce serait avouer une faiblesse énorme, une faille qui pourrait mettre en danger jusqu’à sa propre vie. Et celle d’Ehissian.

-Dites moi… commença doucement le démon.

Il détourna l’espace d’un instant le regard droit devant eux, le temps qu’ils tournent au coin d’une rue, se rapprochant un peu plus de la Volière. Puis, ses pupilles violettes se posèrent sur Fallnir, les sourcils froncés.

-Rassurez moi, cette personne qui ne vous a pas donné de nouvelle…

Fallnir sentit son cœur défaillir. Scysios était le voisin d’Ehissian. Il le savait, en se rendant chez Shézac, il était d’abord passé frapper chez le phénix, plein d’espoir. Ce qui expliquait aussi la panique subite qui l’avait gagné en l’absence de réponse de ce dernier.

-Puisque vous étiez devant sa porte… Ce ne serait pas Shézac, au moins ?

D’un seul coup, là, tout de suite, malgré les heures d’angoisses qui l’avaient assailli durant la journée, malgré la peur sourde qui lui tenaillait toujours le ventre, il crut qu’il aller éclater de rire. La crainte que le démon sache quelque chose disparut, et il se détendit légèrement. Non, évidemment, Scysios n’avait aucun moyen de savoir.

Ce dernier perçut d’ailleurs son amusement, et sourit à son tour.

-Vous me rassurez. Les démons ne sont pas des gens faciles à aimer.

Et à nouveau, Fallnir s’empourpra, et resta muet de gêne jusqu’à ce qu’ils atteignent la Volière.

Avec un sourire intérieur, le médecin songea que s’il n’avait apparemment pas réussi à dissiper les craintes de l’auburn, ce dernier passerait au moins une nuit à peu près calme. Ce n’était pas grand-chose, mais c’était déjà ça.

--

Un homme marchait en silence dans la rue tranquille, les mains enfouies dans les poches de son imperméable. Il faisait un froid glacial, par cette nuit d’hiver, et il ne tenait pas à s’attarder. Parti précipitamment de chez lui, il n’avait pris ni de gants ni d’écharpe, et sous son manteau de marque, il n’était pas particulièrement vêtu.

Il fallait dire, aussi, séduire une jeune femme en portant un gros pull difforme, c’était un tour de force dont il était bien incapable.

Quoiqu’à présent, il regrettait. La demoiselle lui avait poliment fait faux bon, en lui expliquant en fin de soirée et en terme édulcoré qu’il n’était tout simplement pas son type, et qu’il pouvait aller chercher quelqu’un d’autre dans la salle bondée du night club, si du moins il lui en restait le temps et l’envie. Et effacer son numéro de téléphone portable, aussi. De toute manière, il ne s’en était servi qu’une fois, pour inviter cette charmante personne à sortir ce soir là. Ce ne serait pas une grande perte, bien au contraire. Une place de libre dans le répertoire de son portable.

Il aurait mieux fait de le mettre, son pull difforme.

Bref, dépité d’avoir été éconduit par une pimbêche sophistiquée, il rentrait à présent dans son appartement, au centre ville, en songeant amèrement aux draps froids qui l’y attendaient. Il était encore trop tôt pour se projeter jusqu’au lendemain matin, où il devrait se rendre au bureau pour passer une énième journée à traiter des dossiers. Il avait un poste au placé et fort bien rémunéré, pour son jeune âge, mais ennuyeux au possible. Une nuit passée en charmante compagnie aurait peut-être pu…

Au bout de la rue, une silhouette négligemment avachie contre un mur, sembla lui faire un appel muet. Il la détailla un moment.

C’était un jeune homme, aux vêtements sombres et très explicites quant au métier qu’il devait pratiquer. Il songea que lui aussi, il devait avoir froid, par cette longue nuit d’hiver. Peut-être qu’ils pourraient se réchauffer mutuellement. Après tout, il était autant sensible aux charmes des hommes qu’à ceux des femmes. Il suffisait juste que cela ne s’ébruite pas trop, dans son entourage, et que cela ne reste qu’une attirance discrète.

En se sentant observé, le jeune homme releva son regard, et se décolla du mur. Il fit une œillade alléchante, et quelques pas en sa direction, ondulant délibérément des hanches, avant de s’adresser à lui de manière enjôleuse.

-Hey, beau brun, envie de réconfort ? Je peux être encore meilleur qu’une fille, tu devrais essayer…

Esquissant un sourire, l’humain sortit légèrement les mains de ses poches, et ralenti peu à peu sa marche au fur et à mesure qu’il s’approchait de lui. Arrivé à sa hauteur, il s’arrêta, et le toisa d’un regard.

-Meilleur qu’une fille ? Ca, j’en doute. Tu n’as pas les trous et les bosses là où il faut pour ça, railla-t-il d’une voix amusée.

-Tu veux que je te montre ? répliqua le prostitué avec une lueur de défi, dans les yeux et le sourire. Tu pourras plus jamais coucher avec la moindre fille, après moi…

Il se colla lascivement contre lui, un éclat affamé au fond des yeux. L’homme sentit qu’il allait bien s’amuser. Une vraie beauté, et joueuse avec ça. Il aurait dû passer plus tôt par ce quartier.

-J’aimerais voir ça. Mais je t’en prie, donne moi donc un aperçu de ce que tu sais faire…

Le jeune homme haussa un sourcil, et lui fit un sourire amusé. Jouant l’innocence, il porta son index à ses lèvres, et fit une moue contrite. Affreusement sexy.

-C’est que ce n’est pas gratuit, vous savez. Les temps sont durs, tout à un prix, même les plus petites choses.

Il n’y avait pas que les temps qui étaient durs, songea l’homme à imperméable. De manière presque outrée, il sortit un porte feuille de sa poche, et y dénicha un billet, qu’il lui tendit ensuite.

-Ca pour ici, plus si on va ailleurs et que je suis satisfait.

Le prostitué lui fit un sourire radieux, et attrapa l’argent d’un geste fluide, presque affamé.

- Dans ce cas…

Et il se colla lascivement contre lui, ouvrant lentement son imperméable, glissant ensuite une main habile sur sa ceinture, qu’il défit d’un geste expert. Sa seconde main se posa sur la nuque de son client, l’attirant à lui.

Rapprochant son cou rosé près de son souffle, de ses lèvres, qu’il posa dans un langoureux et passionné baiser sur la chair tendre.

Avant de refermer sa mâchoire et d’y planter ses crocs.

L’homme poussa un cri, et Maerys perçu la main qui se posa et se crispa dans son dos, essayant de le repousser en vain. Un liquide chaud jaillit dans sa gorge, par la blessure qu’ouvraient ses canines. Il sentit le sang couler à flot, puissant, entêtant, se rependre dans son être au fur et à mesure qu’il abandonnait celui de l’humain. Ce dernier poussa un gémissement rauque, et ses genoux faillirent. Le vampire le maintint contre lui, usant de la force insoupçonnée que lui procurait son statut. Comme une longue jouissance, le plaisir et la sensation de vie le submergeaient, peu a peu, au rythme de sa peau qui reprenait des couleurs, devenant de plus en plus rosée. L’humain devait ressentir le même plaisir, si ce n’était plus. Maerys ne pouvait le dire, il n’avait été mordu qu’une fois, et cela remontait à tellement d’années à présent qu’il avait oublié les sensations que l’on éprouvait à être ainsi vidée de son sang. Mais à en voir les réactions de chacune de ses proies, presque comme pour celui qui buvait, on en tirait une profonde satisfaction, proche du l’acte charnel, qui faisait perdre la tête au point que beaucoup s’évanouissaient et perdaient tout souvenir de cet échange.

Il ouvrit ses paupières, fermées le temps que ses dents percent la chair, et ses prunelles noires perdirent peu à peu de leur couleur, devenant progressivement brunes, puis marrons, marron qui devint vert, vert qui devint bleu, et enfin gris, d’un gris acier aussi perçant que le regard d’Ader, le gris des vampires rassasiés. Une dernière gorgée brûlante coula en lui, et poussant un gémissement de plaisir, il relâcha l’humain. Ce dernier tomba comme une poupée désarticulée, et s’effondra sur le pavé, inconscient.

Maerys s’essuya les lèvres du dos de la main.

Il lui avait pris tellement de sang qu’il s’était repu en une seule fois. Ader avait raison, il ne s’était pas nourri depuis longtemps, et était véritablement affamé. L’homme était encore en vie, mais il ne se relèverait pas avant l’aube, et conserverait deux petites marques à la base de son cou. Sans doute penserait-il être tombé ivre mort dans une ruelle. Peu lui importait.

A présent, son corps avait une autre envie, une autre addiction. Ce sang neuf qui coulait dans ses veines réclamait d’urgence le contenu d’un sachet, que lui avait laissé Ader un peu plus tôt. Il réprima un juron en réalisant qu’il avait de nouveau mordu un junkie.

Mais plus encore que l’envie de drogue, le désir charnel qu’avait réveillé son repas devait au plus tôt être assouvi. Et il était certain que son aîné se ferait une joie de l’y aider.

A suivre…

ooo

Ce chapitre introduit un peuple qui était au placard depuis longtemps, et qui pourtant, va être déterminant pour la suite. : 3

J’aime bien les personnages d’Ader et Maerys, même si ce passage ne les montre pas vraiment sous leur meilleur aspect…

N'hésitez pas à me laisser une review, ou même m'envoyer un mail, pour me faire part de votre avis ou de quelque chose qui vous aurait frappé. :3

Voilà, merci mille fois d’avoir pris la peine de lire jusqu’ici, et à bientôt !

 
 
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