Disclaimer : Tous les personnages/ lieux/ périodes sont issus de ma propre imagination. J’ai cependant utilisé certains personnages pour des forums Rpg, ne vous étonnez donc pas si vous les croisez un jour, au hasard du net. :3 Notes : - Avec une flopée de nouveaux persos, ce chapitre se situe très tôt, le lendemain matin de la rencontre entre Fallnir et Ehissian… Donc, le matin où ce dernier est discrètement rentré chez lui pour prendre un sommeil réparateur, un peu avant qu’il ne se réveille. :p - Je m’excuse par avance pour les fautes de grammaire ou d’orthographe qui m’ont échappée, j’avoue avoir des lacunes dans ce domaine, en particulier sur un ordinateur … _____________________________________________________________________ Chapitre 3 : Un peu avant l’aube Alors qu’il ne songeait pas encore aux soucis de la journée, à l’épicerie et aux absences répétées d’Ehissian, la première chose que voyait Kellnet, le matin lorsqu’il ouvrait les yeux, c’était un dos. Mais alors quel dos. Presque blanc, gracile, délicat, sublimé par une épaule arrondie et une longue chevelure sombre. Parfois nu, parfois protégé par une simple pellicule de tissus, mais jamais trop recouvert pour que sa vue en soit occultée. C’était une vision magnifique, surtout lorsque c’était la toute première de la journée. Et le phénix était fier d’être le seul à pouvoir en profiter. Savoir qu’il était la seule personne au monde, le seul être de l’univers à pouvoir le contempler, tous les jours, toutes les nuits… Le privilège en était presque trop grand. Comme s’il dormait au côté d’une relique sacrée, d’un trésor précieux dont lui seul avait la charge. Kellnet étouffa un bâillement, et jeta un coup d’œil sur le radio réveil, par dessus l’épaule de sa compagne. Pour s’apercevoir qu’il était grand temps pour lui de se lever. Plus silencieux et discret qu’une ombre, il repoussa la couverture et s’extirpa hors du lit. L’obscurité n’était pas un problème pour lui, et il traversa la chambre jusqu’à son placard sans prendre la peine d’allumer la lumière, ne rencontrant aucun objet traître sur son passage, ses yeux perçant sans difficulté la lumière. De toute manière, il préférait s’étaler lamentablement par terre que de réveiller sa chère et tendre en l’aveuglant. De bon matin, ses oreilles ne supporteraient pas l’engueulade. Alors, dans un état semi comateux, il se traîna hors de la pièce, et referma la porte avec une infinie douceur et un silence de plomb. La première épreuve était passée. Maintenant, restait la partie la plus difficile de la matinée. A pas de loup, il se dirigea vers la cuisine. Ses pas étaient feutrés, un très léger frottement s’élevait à peine quand ses pieds effleuraient le sol. La porte de la cuisine ne grinça pas, et s’ouvrit très facilement. Il la referma tout aussi délicatement, et commis à peine un petit cliquetis lorsqu’il appuya sur l’interrupteur de la lumière. Toujours aussi silencieusement, il s’avança vers les placards et les ouvrit du bout des doigts, extirpant un bol sans même faire un bruit. Mais il avait quand même lamentablement échoué à la seconde épreuve. Ce furent de très petits tapotements qui l’avertirent. Des claquements tout aussi discrets qu’avaient été ses propres pas, quoique peut-être à peine un peu plus bruyant, un peu comme la cavalcade d’une petite souris. D’accord, une très grosse souris. Qui tenait un lapin en peluche dans ses bras, portait un pyjama jaune pâle, et souriait comme un bienheureux en poussant la porte de la cuisine de ses petites mains. Kellnet sourit, heureux d’avoir failli dans sa tentative de silence absolu. C’était une sorte de jeu, entre eux. Le premier réveillé devait se faire discret, pour ne pas réveiller l’autre. Ils avaient tous deux un sommeil extrêmement léger, et ils pouvaient parfois s’éveiller au moindre froufroutement de tissu suspect, au moindre murmure de porte. C’était Kellnet qui gagnait le plus souvent, étant toujours soit trop discret, soit trop attentif. Mais les rares fois où c’était son fils qui remportait la victoire, il était inlassablement très heureux d’avoir perdu. Son petit bout trotta jusqu’à lui, tenant sa peluche par une patte, et le phénix s’agenouilla pour l’accueillir dans ses bras. -Papa ! s’exclama joyeusement le gamin. Kellnet le souleva, le serrant affectueusement dans ses bras. -Comment ça va mon p’tit monstre ? T’as bien dormis ? -Oui, j’ai rêvé que j’étais le prince améthyste et que j’allais sauver la princesse des mers qui avait été enlevée par un graaaaand monstre de glace ! -Et tu lui as botté les fesses, j’espère ? demanda le phénix en asseyant son fils dans sa chaise surélevé. Léto n’avait pas l’air d’avoir plus de cinq ans. C’était un petit garçon adorable, à la petite frimousse toute ronde, et aux cheveux noirs. Comme pour tous les phénix, ses yeux avaient la même couleur que sa chevelure, mais Kellnet restait persuadé que ses yeux étaient légèrement plus verts que ses courtes mèches noires. Il adorait les légendes, les vieilles histoires et les contes, un peu trop aux yeux de sa mère, et s’imaginait sans cesse de nouveau jeu. Celui de ne pas faire de bruit en se levant était d’ailleurs son idée, même si c’était au départ pour « ne pas réveiller le démon maléfique qui dormait dans l’appartement du dessous ». Le vrai démon, qui logeait réellement dans l’appartement du dessous, avait été très amusé en apprenant cela, et Léto, très jeune à l’époque, avait réalisé en le voyant sourire qu’il n’était peut-être pas sil maléfique que ça. Surtout lorsqu’il lui avait donné deux immenses pains au chocolat, et un bol de cacao fumant. Depuis ce jour, le petit phénix n’avait plus peur du démon du dessous, mais continuait tout de même à ne plus faire de bruit, cette fois pour ne pas être attrapé par le courageux papa phénix. -Non, avoua le petit garçon d’un air penaud. A la fin, c’est toi qui as dû venir combattre le monstre. Kellnet eut un sourire attendri, et ébouriffa énergiquement la tignasse de son fils. -Tu veux manger quoi, ce matin ? -Un gros bol de chocolat et deux énoooormes tartines de beurre ! s’exclama le gamin en accompagnant ses paroles de grands gestes de bras. -Ca marche, mais ça te coûteras un bisou, dit-il en se penchant et en tendant sa joue. Léto y déposa une bise sonore, et l’instant suivant, un quart de baguette de pain atterrissait miraculeusement entre ses doigts, recouverte d’au moins trois centimètres de beurre et de confiture. C’était bien connu, quand la maman poule n’était pas là, le papa coq et les bébés poussins en profitaient. Autant Kellnet et Léto avaient le sommeil léger, autant Elécy avait besoin de ses neuf heures de sommeil quotidiennes. Tous les matins, quand elle se levait, elle trouvait toujours dans sa cuisine la trace du passage de ses hommes, ne serait ce que deux bols dans l’évier, ou une motte de beurre dont le volume avait considérablement baissé en une nuit. Ca la faisait toujours sourire, même si, au repas suivant, elle ne se retenait pas de tancer vertement le père comme le fils sur la quantité de nourriture qu’ils avalaient au cours du petit déjeuner. -- Lékilam était le prince phénix le plus heureux du monde. D’accord, il était à des dimensions de son royaume et de son monde d’origine. D’accord, sa vie n‘était pas toujours rose, car même sur un monde totalement étranger et ignorant, il avait de lourdes responsabilités. D’accord, il y avait une véritable tempête de neige au dehors, et il allait sérieusement s’ennuyer. Mais… Il avait une couette, un oreiller, et surtout, surtout, un bras protecteur qui entourait jalousement sa taille nue. C’était ça, le bonheur. Un bonheur qui n’était sans doute propre qu’aux princes. Tous les princes avaient un garde du corps, voire plusieurs, ou même tout un régiment de soldat armés jusqu’aux dents, qui ne les lâchaient pas d’une semelle et restaient constamment derrière eux, veillant sans relâche sur leur vie. Tous les princes avaient au moins, autour d’eux, une personne qui était prête à se sacrifier, à souffrir mille douleurs, mille tortures à la place de leur maître. Quelqu’un qui leur obéissait aveuglément, leur faisait confiance plus que de raison, et se battait avec fureur et ténacité dans le seul but de les protéger. Un individu surentraîné, une véritable armurerie vivante, une sorte d’homme à tout faire, qui pouvait vous servir le thé d’une seule main tout en égorgeant trois garnisons de soldats rebelles de l’autre. Seul un prince pouvait comprendre ce que c’était, le bonheur de se réveiller tous les matins dans les bras de son garde du corps. D’accord, tous les princes ne couchaient pas non plus avec ce dit garde du corps, et les sentiments devaient quand même être un peu différent. Et puis, les personnes qui se réveillaient dans des bras aimants, et pas forcément ceux de leur protecteur attitré, devaient certainement mieux comprendre ce bonheur qu’un prince esseulé. Mais Lékilam ne pouvait s’empêcher de penser, sans doute par orgueil, que c’était différent. Car les bras dans lesquels il était blotti n’étaient pas seulement amoureux et tendres, mais aussi terriblement dangereux, jaloux, et près à faire passer leur mission bien avant leurs sentiments. C’était la reine Emélcya en personne qui avait ordonné à Pavel de veiller sur le jeune prince, dès que celui-ci avait été en âge de marcher. Il s’acquittait de cette tâche depuis des siècles, sans jamais faillir une seule fois. Il avait vu le prince grandir, devenir adulte, acquérir une sagesse que bien peu avaient à son âge. Il l’avait vu apprendre, d’abord à lire et écrire, puis à se battre, puis à gérer un royaume, quelles que soient les situations. Il l’avait aussi vu mémoriser par cœur le protocole, prendre des cours de danse et de bonnes conduites, commencer à courtiser et flatter les prétendantes –ou prétendants- potentiels. Sans jamais le lâcher du regard. Et ils étaient tombés amoureux, l’un de l’autre. Pour leur bonheur, ce n’était arrivé que bien après que la reine ait envoyé son fils loin de la guerre et des affrontements de leur monde. C’était entre ces murs qu’étaient maladroitement nés leurs amours, il y avait des siècles de cela. C’était leur maison, en quelque sorte. Ici, personne ne pouvait les juger. D’accord, personne n’était non plus réellement au courant de leurs sentiments, même si aux regards jaloux que posaient parfois les yeux dorés du garde du corps sur un gêneur potentiel, certains avaient des doutes. Eux mêmes ne se l’étaient en fait jamais vraiment avoués. Lékilam répétait sans cesse, le sourire aux lèvres, que c’était une manière comme une autre de veiller sur lui, beaucoup plus efficace que les autres méthodes. Ce à quoi Pavel répondait que c’était aussi pour le prince une manière de s’assurer de sa fidélité sans faille. Et, entre deux rires, ils finissaient généralement par s’embrasser… La sonnerie du réveil leur déchira les tympans. Rapidement, presque invisible, un poignard fusa de dessous l’oreiller, et alla directement se planter dans le pauvre appareil innocent, le faisant taire à jamais. Lékilam se bouina un peu plus contre son blond favori, un sourire satisfait aux lèvres. En plus d’être un amant formidable, Pavel était aussi un redoutable tireur. C’était génial, d’être amoureux de son garde du corps. -Il faudrait peut-être se lever, non ? Sauf quand celui-ci faisait des excès de zèle. Le prince grimaça, et s’enfonça un peu plus sous la couette. Il devina le sourire de son amant, tout comme il sentit le bras autour de sa taille raffermir sa prise, et l’attirer un peu plus vers son protecteur. Alors, instinctivement, Lékilam tendit les lèvres, et Pavel l’embrassa. Comme tous les matins, alors qu’ils n’avaient même pas encore ouvert les yeux. C’était un peu leur manière de se dire bonjour. Le baiser se prolongea, s’approfondit, devint plus intense. Le prince se mit inconsciemment à prier pour qu’il dégénère vraiment, et qu’ils aient une excuse pour traîner au lit encore quelques heures. Mais non. Le problème, avec les gardes du corps, c’était qu’ils prenaient vraiment leur travail très à cœur. Trop à cœur. Il grogna une phrase inintelligible lorsqu’il sentit les lèvres se détacher des siennes, puis le bras le relâcher, et enfin tout un poids quitter le lit. Ce fut encore pire quand une vive lumière éclaira subitement la chambre. -Grmblmpblmfpajuste. Comment est-ce que son amant parvenait à se réveiller aussi vite tous les matins, ça, c’était un mystère qu’il ne résoudrait probablement jamais. Sans doute à cause de son passé en tant que chevalier, ou de son entraînement intensif, ou tout simplement de ses insomnies chroniques. Certaines fois, Lékilam se disait qu’il aurait bien aimé savoir comment il faisait. Et d’autres, qu’il était finalement très bien comme ça, avec sa paresse chérie. Il se retourna brusquement de l’autre côté, fuyant la trop forte lumière qui lui abimait les yeux. Il entendit clairement les pas de son amant dans la pièce, son tâtonnement dans le placard, puis la porte de la salle de bain qui s’ouvrait. Ce ne fut que lorsqu’il entendit l’eau couler qu’il ouvrit un œil, et observa longuement la porte face à lui. -- Pavel était un plutôt bel homme, grand, athlétique, musclé, et sans un gramme de graisse ou un centimètre de rondeur superflue. Ses cheveux mi longs étaient séparés en de très nombreuses mèches distinctes, qui retombaient ou bifurquaient dans le sens qu’elles voulaient, sans ce soucier des autres. Comme presque tous les autres habitants de l’immeuble, il était un phénix de pure souche, bien qu’on le confondait assez souvent avec un démon, à cause de sa grande taille et de ses yeux vifs. Ses cheveux étaient aussi dorés que l’étaient ses pupilles, sans aucune variation de couleur entre ces deux parties de son anatomie, comme pour tous les autres phénix. L’eau chaude ruisselait sur son corps, apaisant et nettoyant sa peau. La douche qu’il prenait était presque brûlante, mais cette chaleur dès le matin était encore plus efficace, pour le réveiller, qu’un bain dans un bac de glaçon. Et aussi nettement plus agréable, il devait l’avouer. Mais mois plaisante, toutefois, que cette main experte, et très passionnée, qui se mit à aider les gouttes d’eau à explorer chaque petite aspérité de la peau de son dos. Pavel sourit. -Mon prince souhaiterait-il me savonner le dos ? Il entendit un gloussement derrière lui, et il se retourna pour faire face à son amant, se dégageant par la même occasion de la faible étreinte de son amant. Autant le garde du corps était grand et musclé, autant Lékilam était petit et filiforme. Il avait un visage ovale, délicat, et la même chevelure si particulière que sa mère, à qui en réalité, il ressemblait beaucoup. Comme elle, il était très mince, quoique tout de même un peu plus remplumé, et d’une beauté à couper le souffle. Comme elle, il avait un sourire franc, et de longs doigts agiles. Et comme elle, son regard violet en avait déjà déstabilisé plus d’un, et ce n’était pas parce que Pavel faisait une bonne tête de plus que lui qu’il n’était pas parfois troublé par ces yeux si insistants. Doucement, le protecteur attrapa le menton de son prince, l’eau coulant toujours sur eux. Lékilam se hissa sur la pointe des pieds, et posa ses lèvres sur les siennes. Un grand bonheur s’empara de lui lorsqu’il sentit son amant répondre au baiser, et qu’il passa une main autour de sa nuque pour l’empêcher de s’enfuir encore. Ce fut avec une immense satisfaction que le prince se laissa plaquer contre le mur de la douche, et que des lèvres fiévreuses commencèrent à dévorer son cou avec avidité. Finalement, il les aurait, ses quelques heures en plus. Il aurait juste préféré qu’elles se passent dans le lit, plutôt que sous la douche, mais en y réfléchissant bien, ce n’était peut-être pas si mal. -- -T’as mis ton pull ? -Oui papa. -Et ton bonnet ? -Oui papa. -Et ton écharpe ? -Oui papa. -C’est bien Libellule qui s’occupe de vous jusqu’à ce que maman soit levée, il n’y a pas de problème ? Le petit phénix roula des yeux, et soupira. C’était vraiment casse pied, un adulte, ça posait toujours des tas de questions inutiles et ça s’inquiétait pour un rien. Certains plus que d’autre, même. Léto sauta de la chaise sur laquelle il était monté pour que son père achève de l’habiller. Un gros bonnet, une écharpe et une paire de gants dormait au fond de son sac, en attendant le moment où ils iraient jouer dans la neige. Mais ce ne serait pas avant le début d’après midi. Il y avait une petite école, dans l’immeuble. Ils n’étaient pas nombreux, à peine une douzaine, et aucun d’entre eux ne dépassait physiquement les six ou sept ans. C’était sa mère, Elécy, qui jouait les institutrices. Elle n’était pas vraiment enseignante, car la croissance des phénix était très longue, et que les enfants de la tour savaient déjà tous lire et écrire depuis bien longtemps. Mais ils avaient encore quelques lacunes en calcul, et leurs lettres n’étaient pas des plus lisibles. Alors Elécy s’en occupait, les faisait découper, dessiner, construire, leur apprenait d’autres langues, un peu d’histoire, un peu de géographie, et surtout, leur faisait beaucoup la lecture. Des légendes, des contes, qui leurs enseignaient les règles de leur monde d’origine, qu’aucun d’entre eux n’avaient connu. Ils n’étaient pas nés, ou étaient trop jeunes pour se souvenir du jour où leurs parents avaient quittés leur terre pour venir s’établir ici. C’était grâce à un conte qu’ils avaient appris la loi de l’équilibre. Celle qui disait que chaque être né sur leur monde avait un Jumeau. Un être qui était exactement comme lui à l’extérieur, comme un double échappé d’un miroir, mais complètement différent à l’intérieur. Il avait alors compris pourquoi Libellule, la nymphe qui vivait dans l’immeuble, ressemblait autant à sa mère, et pourquoi si la première était toujours très douce et souriante, la seconde piquait souvent de sacré colère, et était plutôt susceptible. Quand ils mettaient trop de beurre sur leurs tartines, par exemple. Mais il avait aussi appris que Elécy et Libellule étaient des exceptions, puisque d’habitudes, les Jumeaux ne se rencontraient pas souvent, et ne s’entendaient pas du tout. Du coup, il était persuadé que le jour où il rencontrerait son Jumeau, il deviendrait tout de suite très ami avec lui. -Tiens, tu as pris ton écharpe violette, aujourd’hui ? demanda son père en se baissant pour refermer le sac à dos coloré. Léto hocha la tête, presque fier. -Oui, elle est toujours toute chaude, et elle ressemble aux yeux du prince Lékilam. Kellnet lui ébouriffa les cheveux, et l’aida à enfiler son sac sur ses petites épaules. -Je ne sais pas si maman va apprécier. Enfin. Tu viens ? Le petit garçon se fit une joie d’attraper la main de son père. C’était aussi par une légende, que sa mère leur avait appris à craindre le violet. Superstitieuse, elle croyait beaucoup à ces choses là. Chez eux, le violet était le symbole de la mort, une couleur taboue et crainte par de nombreuses personnes. Ceux qui naissaient avec des yeux de cette couleur étaient considérés comme maudits, et apportaient le malheur sur tous ceux qui les approchaient. Ils étaient souvent fous, sanguinaires, maléfiques, et beaucoup de parents préféraient les tuer dès leurs naissances, par peur de voir le fruit de leurs propres entrailles se rebeller contre eux et les massacrer sans remords. On racontait que la reine Emélcya, qui était née avec les cheveux et les yeux d’un violet très pâle, avait échappé de peu à la mort aux premières heures de sa vie. C’était son arrière grand mère, la reine Léoma, qui était intervenue pour que la vie de la jeune héritière soit préservée, malgré la terrible couleur de ses yeux. Depuis qu’il était tout petit, sa mère ne cessait de lui répéter de se méfier de cette couleur, et de ne jamais, jamais approcher un maudit. Pour Lékilam, c’était un peu différent. Sa couleur était plus claire, presque rose, et puis il était prince, et vivait constamment avec eux. Mais quand le démon du dessous était arrivé, il y avait quelques années de cela… Léto se souvenait qu’il était mort de peur chaque fois qu’il le voyait, et qu’il n’osait même pas descendre à l’étage où il habitait. Bien sûr, un jour, il l’avait rencontré pour de vrai, et il avait compris que ce n’était pas parce que ses yeux étaient de la couleur de la mort qu’il devait en avoir peur. Et depuis, lui, il n’avait plus peur du violet. Mais pas sa mère, et cela causait parfois quelques petits problèmes. -- Libellule était une très belle jeune femme. La nature l’avait dotée de formes généreuses, d’une taille fine, de traits matures et sages, ainsi que d’un merveilleux sourire. Sa longue chevelure était sombre, mais étincelait de reflets émeraude au moindre rayon de lumière. A l’instar d’Elécy, sa Jumelle, elle portait souvent de très longues robes ou des jupes larges, qui lui donnaient un air plus doux qu’elle ne l’était déjà. Les jeunes enfants n’avaient qu’une envie, se blottir dans ses bras et y rester longtemps, les yeux fermés, pour ne plus respirer que sa bonne odeur de fleur. Tout le monde l’aimait bien, dans l’immeuble. Elle était aimable, discrète, toujours souriante, et était prête à rendre tous les services. Elle remplaçait bien souvent sa Jumelle auprès des enfants, ou se chargeait tout simplement de les garder, quand Elécy ou leurs parents ne le pouvaient pas. La salle de classe était un peu comme elle, douce et chaleureuse. C’était une pièce d’apparence froide, à cause de ses murs et de son sol en grosses pierres grises. Mais les lampes produisaient une lumière agréable, orangée ou jaune. De très nombreux tapis moelleux et colorés recouvraient la pièce, sur lesquels on avait posé de petites tables rondes. Il n’y avait pas de chaise, tout le monde se mettait à genoux, le plus souvent pieds nus ou en chaussette. Les enfants laissaient leurs vestes, leurs sacs et leurs chaussures à l’entrée, en un joyeux tas désordonné. Il y avait trois grandes armoires dans le fond de la pièce, trois cavernes d’Ali Baba pleines de feutres, de crayons, de feuilles, de livres et de boîtes de jeu. Une ribambelle de dessin était constamment accrochée sur les autres murs de la pièce, entre deux puzzles fièrement collés et quelques affiches subtilement soudoyées aux jeunes dames du rez de chaussée, dans le bureau de l’office du tourisme. La première chose que Libellule devait faire, le matin, c’était d’ouvrir les grandes armoires, de sortir tous les pots de feutres, et de les poser sur les trois tables rondes de la pièce. Mais aussi de se pencher, et de fouiller, tout au fond, sous les tas de feuilles abimées et vieillies par le temps, pour trouver les feutres et les crayons violets que l’on avait volontairement dissimulés. Parfois, la crédulité d’Elécy l’agaçait. Elle trouvait dommage d’être aussi dépendante des rumeurs. Mais elle ne pouvait pas lui en vouloir, c’était ainsi qu’étaient éduqués bon nombre de gens, sur leur monde. C’était peut-être pour ça, qu’elle même était partie. Ce matin là, elle ne prépara qu’une seule table, car il n’y avait plus qu’une demi-douzaine d’enfant dans l’immeuble. Tous les autres étaient avec leurs parents, sur d’autres mondes où le climat était plus doux, ou en visite dans leurs familles. L’hiver était presque triste, dans la vieille tour. Libellule disposa soigneusement une pile de feuille blanche et quelques tubes de peintures. Elle sortit aussi les pots de pâte à modeler, pour amuser les enfants le temps qu’Elécy arrive. Ils seraient peu nombreux à se lever tôt, aujourd’hui, et les commerces resteraient fermés. Tous les phénix de l’immeuble ne travaillaient pas dans l’immeuble, bien au contraire, il n’y avait pas assez de place ; beaucoup travaillaient dans les grandes tours de verre voisines, ou un peu plus loin dans le centre ville, comme vendeur, commercial, ou tout simplement caissiers. Il y avait même deux agents de police, une bibliothécaire et un prof de sport qui enseignait dans le lycée tout proche. Leurs propres enfants n’iraient d’ailleurs jamais étudier là bas ; ils savaient déjà des choses qu’aucun élève humain n’aurait le temps d’apprendre. L’immortalité avait bien des avantages, parfois… -Libellule ! La jeune femme se retourna, son doux sourire déjà aux lèvres. Elle aurait reconnu cette petite voix entre toute. -Léto ! Tu es tombé du lit, ce matin ? Alors que le petit garçon se précipitait vers elle, son père s’arrêta à l’embrasure de la porte, s’accoudant au chambranle de bois. -Non, c’est son père qui n’a pas été assez discret, dit-il avec un sourire. Je peux te le laisser ? -Bien sûr, je suis là pour ça, assura-t-elle avec un doux regard. Ses rapports avec Kellnet et Léto étaient plutôt particuliers. Etant la Jumelle de leur épouse et mère, elle avait un peu le rôle de la proche parente, de la belle sœur ou de la tante. Et cela lui plaisait beaucoup. Les nymphes étaient connues pour leur attachement à la famille, et à ce que cela représentait. Ici, entouré de tous ces phénix inconnus, on ne pouvait pas dire qu’elle avait souvent l’occasion de laisser éclater son instinct familial. -Au fait, Ehissian est rentré ? demanda-t-elle en inclinant très légèrement son visage sur le côté. Kellnet secoua négativement la tête, et soupira. -Non, je ne pense pas. Et même si c’est le cas, il doit dormir comme une marmotte à l’heure qu’il est. J’enverrai Elika le chercher, un peu plus tard… Libellule acquiesça avec un sourire, et doucement, après un dernier signe de la main, le phénix referma la porte. La matinée était déjà bien avancée, lorsque Libellule put enfin prendre congé des enfants. Elle avait vaguement tenté de leur apprendre à faire des animaux en pâte à modeler, mais elle avait dû se résoudre au fait, en voyant le chien qu’essayait de faire une petite fille, que les jeunes enfants n’avaient absolument aucun don pour le modelage. Elécy était arrivée en retard, sans doute à cause de l’état de décomposition avancé de sa cuisine, comme d’habitude. Mais la jeune nymphe n’avait pas eu le temps de le lui demander, car les enfants s’étaient lancés dans une bataille de pâte à modeler, et sa Jumelle eut à peine le temps de lui sourire avant de se jeter à bras raccourcis dans la mêlée. Libellule avait soupiré, s’était rapidement baissée pour esquiver un tir de pâte bleue, et s’était empressée de sortir de la pièce. Après tout, sa Jumelle était mère de famille, elle saurait s’en sortir. Elle attrapa le bas de sa jupe d’une main, pour ne pas être gênée dans sa course, et monta quatre à quatre les marches de l’un des escaliers qui traversaient tout l’immeuble. Certains préféraient l’ascenseur, juste au bout du couloir, mais la jeune femme n’avait absolument aucune confiance en cette machine bizarre et plutôt inutile. Un peu d’activité physique de bon matin, ça ne pouvait certainement pas lui faire de mal. Elle avait natté ses longs cheveux sombres, et appréciait le contact de la masse de sa chevelure dans son dos, à chacun de ses pas, où lorsqu’elle se retournait. Le plus souvent, elle passait cette tresse par dessus son épaule, de manière à ce qu’elle retombe sur son cou et sa poitrine. Elle avait également la manie d’incliner la tête sur le côté, à chacun de ses sourires ou de ses interrogations. Toute ces petites choses, tout ces petits détails, faisaient qu’il suffisait d’à peine quelques jours pour différencier Libellule d’Elécy, et que les personnes qui les confondaient encore étaient très rares. Cette fois ci, la tresse de la jeune nymphe restait dans son dos. Qui n’avait jamais eu les cheveux longs ne pouvait comprendre quelle gêne ils pouvaient parfois occasionner. Libellule arriva à l’étage supérieur, et pressa le pas. Elle était déjà en retard. Redoublant l’allure, ses pas agiles et aériens faisaient un très léger bruit, à son image. Dans l’escalier, elle ne croisa personne, rares devant être les personnes déjà levées. Elle arriva donc sans encombre au dernier étage de l’immeuble, à peine essoufflée. La jeune femme relâcha sa jupe, reprit calmement son souffle, s’épousseta rapidement, arrangea sa coiffure. Et poussa les deux lourds battant de bois sculpté. La pièce était grande, très grande, rectangulaire, et remplie par un bazar indéfinissable. Le côté gauche était occupé par de très grandes tables massives et des bibliothèques antiques, qui croulaient sous les livres anciens et les objets étranges et biscornus. La très grande fenêtre suffisait amplement à éclairer la pièce tout en entier, mais dans le fond opposé, majoritairement remplis d’étagères pleines de rouleaux, une ancienne cheminée abritait encore des cendres récentes. Un fagot de bois était posé juste à côté, et une petite sculpture en pierre reposait sur le linteau. Au centre, très près du mur, un énorme fauteuil de pierre semblait se fondre à même le sol, surélevé par trois marches de roches taillées. Pendant un temps, il y avait peut-être des siècles de cela, cette salle était l’endroit où recevait la reine Emélcya. Aujourd’hui, c’était Lékilam qui l’occupait, et la pièce avait sans doute beaucoup perdu de sa majesté. La poussière était la principale souveraine des lieux, et il avait fallu beaucoup de travail pour éradiquer définitivement les araignées. Un bric-à-brac inimaginable avait élu domicile au quatre coins, sur les étagères, entre les rayonnages, sur et même sous les grandes tables de bois. En fouinant bien entre deux tapis roulés et quelques vieux coffres, on pouvait parfois parvenir à extirper quelques vieilles chaises en osiers, si vieilles et abimées que l’on osait à peine s’asseoir dessus. Mais malgré cela, peu de phénix pouvaient se venter d’avoir un jour mis les pieds dans cet endroit. C’était le domaine privé de Lékilam, sa tanière, son antre, son bordel organisé. Il suffisait de toucher à un seul livre sur les étalages pour qu’il le sache, de déplacer un seul instrument en verre pour qu’il vous saute dessus, toute griffes dehors. C’était d’ailleurs dans ces rares moments là que l’on pouvait se rendre compte de la véritable autorité du prince. Libellule inspira, profondément. Et canalisa son envie de pulvériser purement et simplement la porte, qu’elle sentait toujours sous ses doigts. Il était encore en retard. Il avait beau être le prince des phénix, le seul héritier du royaume, l’arrière petit fils de la très respectée reine des anges, il allait apprendre, une bonne fois pour toute, que l’on ne faisait jamais attendre une dame. Encore moins une nymphe. -- -Paveeeeel dépêche toi ! Supplia presque Lékilam, en sautillant sur place. Il bataillait depuis un bon paquet de minutes avec les boutons de sa chemise récalcitrante, et désespérait d’en venir un jour à bout. Son amant sortit enfin de la salle de bain, les cheveux encore un peu humide, et en train d’accrocher un petit anneau doré à son oreille droite. Porter un anneau à l’oreille était une preuve de force chez la majorité des peuples d’Isallyis, et il fallait être un sacré bon guerrier, pour en obtenir une. Plus qu’une marque de reconnaissance ou qu’un signe distinctif, c’était plutôt une sorte de mise en garde. Forcément, une boucle d’oreille était toujours plus pratique qu’un panneau lumineux qui signifiait « attention, cet individu peut vous réduire en un tas d’os désarticulé en moins de cinq minutes ». C’était d’ailleurs peut-être plus flagrant chez son garde du corps que chez n’importe qui d’autre. Car Pavel n’était pas réputé pour sa patience et sa compassion. Et en vérité, il n’y avait qu’à son prince qu’il lui arrivait parfois de sourire. Susceptible, plutôt froid, toujours méfiant, son regard doré vous congelait en un clignement de paupière. Et le fait qu’il portait constamment une épée à sa taille, bien que toujours rangée dans un fourreaux de cuir épais, n’arrangeait certainement pas les choses. Mais Lékilam l’adorait. Le garde du corps poussa un grognement inaudible devant l’attitude enfantine de son prince, mais il vola tout de même à sa rescousse. En quelques secondes, la chemise fut boutonnée, Lékilam aux anges, et Pavel déjà en train d’attacher à sa taille le fourreau de son couteau à beurre, ainsi que l’appelait affectueusement le prince. Lékilam passa devant la glace de la salle de bain en un coup de vent, tentant de mettre de l’ordre dans ses mèches folles, mais se résolu à sortir décoiffé quand il aperçut, dans le reflet de la vitre, la position des deux aiguilles sur le cadran de son défunt réveil. Il déglutit. -Pavel, on a une demie heure de retard, dépêche toiiii ! -Mais je suis prêt, lui signala le blond en fronçant les sourcils, et en trépignant devant la porte d’entrée. Lékilam lui sortit son plus beau sourire innocent, qui signifiait clairement « ah bon ? J’n’avais pas vu. », et sautilla pour rejoindre son amant, collant au passage un baiser sonore sur sa joue. Il sourit, et ouvrit la porte, fin prêt. Pour faire face à une Libellule furieuse. Le regard de la jeune femme était meurtrier, et elle semblait déjà être en train de mentalement lui arracher les plumes une par une, avant de le dépecer à l’épluche patate et de recouvrir ses chairs de sel et de jus de citron. Lékilam déglutit encore, et se recula instinctivement, levant les mains en signe d’innocence. -Libellule, quel plaisir de te voir de si bon matin ! Tu as bien dormi ? Derrière lui, Pavel soupira, et le poussa du coude pour pouvoir passer et sortir. -Bonjour Libellule. -Bonjour Pavel, répondit-elle aussitôt en lui souriant d’une manière très douce. L’homme s’arrêta à peine pour lui faire un signe de tête, et continua à s’éloigner dans le couloir, les mains dans les poches. Le regard vert sombre de la jeune femme se refit assassin, avant de se reposer sur le prince. Celui ci pâlit, et lança un regard et un couinement suppliant à son amant, qui ne se retourna même pas. Il fut persuadé d’entendre craquer les articulations des mains de la jeune femme. Déjà au fond du couloir, Pavel se boucha instinctivement les oreilles, juste après avoir appuyé sur le bouton de l’ascenseur. Tous les murs de l’étage furent ébranlés par la puissance de l’engueulade qui suivit. -- - Ca va pas d’hurler comme ça de bon matin ? J’ai encore mal aux oreilles ! Gémit Lékilam en se tortillant sur son fauteuil de pierre. La jeune femme se contenta d’hausser les épaules, occupée à ranger un vieux tome poussiéreux à sa place. -Vous n’aviez qu’à être plus ponctuel. C’était la quatrième fois, cette semaine. Le prince sauta sur ses pieds, et se mit à arpenter la pièce de long en large, enjambant sans cesse des bouts de son bazar qui traînaient par terre. -Mais il neige, que veut-tu que nous fassions aujourd’hui ? La nymphe se redressa, posa ses mains sur ses hanches, et lança un regard sévère au jeune homme. -Vous pourriez en profiter pour prendre un peu d’avance ! Vous avez des tonnes de travaux à faire, cela fait des mois que certains dossiers traînent sur votre table, dit-elle en désignant d’un vaste mouvement de bras une pile de papier posée sur l’une des nombreuses tables de la pièce. Le prince fit la moue. -Comme si j’en avais quelque chose à faire, de tous ces bouts de papiers… Au fait, Ehissian est rentré ? Ou l’art et la manière de changer de sujet, sans possible moyen de revenir en arrière. Libellule avait toujours été plutôt naïve pour ses choses là, comme toutes les nymphes. -Pas que je sache, répondit-elle aussitôt. La mission que vous lui aviez confiée a sans doute été plus longue que prévu. Soucieux, il retourna s’asseoir sur son inconfortable fauteuil de pierre, passant ses jambes par dessus l’accoudoir. Assit sur les marches de pierres et adossé au fauteuil, Pavel somnolait les yeux fermés, son épée affectueusement posée sur ses genoux. Il veillait, en silence. Il ne se manifestait que lorsqu’on avait besoin de lui. Rectification, vraiment besoin de lui, car Lékilam ne pouvait se passer de sa simple présence. Le prince mordilla la peau de son index, signe que son cerveau tournait à plein régime. -Sans doute… Dès qu’il sera rentré, laisse lui quelques heures pour se reposer, puis fait le monter. La nymphe s’inclina légèrement, un sourire aux lèvres. -Très bien… Oh ! Maintenant que j’y pense ! Nous avons reçu hier soir une lettre de votre mère… Elle se redressa, et s’approcha de la table, y saisissant un parchemin soigneusement cacheté, qu’elle s’empressa ensuite de tendre au prince. Ce dernier l’attrapa, les sourcils froncés, et observa un moment le sceau en cire, qui maintenait la lettre fermée. - Une lettre de ma mère, ou une lettre de la reine des phénix ? demanda-t-il avec un sourire, faisant sauter le cachet. Il déroula lentement le manuscrit, et le parcourut rapidement des yeux, sous le regard attentif de Pavel et de Libellule. La reine envoyait souvent des missives à son fils, pour l’informer de la situation sur leur monde, et s’assurer que de son côté, tout se passait bien dans le meilleur des mondes. Parfois personnelles, parfois beaucoup moins, le prince s’amusait ainsi à chaque fois à deviner si sa mère s’inquiétait réellement, ou si elle se contentait de le former à son futur rôle de souverain. Et d’ailleurs, il faisait remarquer avec amusement à ses deux compagnons que la deuxième solution l’emportait plus souvent. Pavel trouvait que c’était un amusement feint. Libellule ne devait pas en penser moins. Mais ils ne pouvaient pas le blâmer. Lékilam replia le rouleau, en poussant un soupir. -Le gouverneur des terres de l’ouest fait savoir qu’ils ont été récemment provoqués par le clan Garsënir. Les terres de ces dragons sont frontalières aux leurs. Ma mère fait son possible pour arranger la situation, mais le gouverneur ne veut rien entendre. Libellule fronça les sourcils. Comme si leurs relations n’étaient pas suffisamment tendues, dragon et phénix ne cessaient de cumuler les litiges. Les dragons étant régis par des systèmes de clans, la reine Emèlcya tentait de préserver une paix précaire avec bon nombre de ces tribus. Mais les clans qui acceptaient cette sérénité illusoire étaient encore trop peu, et en réalité, étaient trop insignifiant, ou situés trop loin des royaumes phénix pour avoir de véritables raisons de litiges avec eux. Les principaux clans de dragon, les plus puissant et les plus grands, et aussi ceux possédant des frontières plus ou moins proches des leurs, restaient insensibles aux démarches de la souveraine. D’autant qu’elle était bien l’une des rares de son peuple à souhaiter une paix véritable. Dans les villes ou dans les campagnes, nombreux étaient les phénix qui vouaient encore une haine infondée aux dragons. Le gouverneur des terres de l’ouest en faisait parti. Nommé par sa mère avant elle, la reine ne pouvait légalement rien faire pour le remplacer. A son grand désespoir, et aussi celui de son fils, qui recevait des lettres de ce genre trop souvent à son goût. - J’espère que ça ne déclenchera pas encore une guerre…. Soupira-t-il de nouveau, en se laissant aller contre son siège inconfortable. Il ne nous manquerait plus que ça. -Les tensions sont de plus en plus palpables, ces dernières années. On ne les sent heureusement pas encore, ici. Nous sommes les trois seuls au courant de ce qui se passe réellement sur notre monde. Libellule se fit sombre, après avoir prononcé ces mots. Ici, la vie était paisible. Parfois, elle se demandait même si les habitants se souvenaient qu’ils étaient sensés être en conflit avec certains peuples. Mais ils étaient tellement loin de leur terre d’origine, que dans un sens, c’était excusable… Cependant, elle savait aussi que la moindre anicroche de taille suffirait à les réveiller. On n’effaçait pas ainsi des millénaires de haine ou de superstitions. La preuve en était avec Elécy, sa tendre Jumelle qui baissait trop souvent les yeux à la vue de leur prince aux yeux presque maudits. Et elle savait que la phénix n’était pas la seule à fonctionner ainsi, au sein de l’immeuble. Dans son coin, assis sur les marches, Pavel effleura distraitement la garde de son épée. Elle devait encore se souvenir de la chaleur du sang des dragons, il en était certain. A suivre… ooo Ce chapitre est bourré de descriptions et de présentations de personnages… Plus le temps passe, et moins il me plait. J’espère qu’il ne vous a pas trop embrouillé… D’autant plus que le chapitre suivant est plus long, et encore plein de nouveaux persos. Ca ne s’arrêtera jamais TT. Encore une fois, je vous remercie de tout coeur d'avoir lu jusqu'ici. :D |