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Chapitre 3
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Auteur : Mokoshna Crédits : Final Fantasy 7 est la propriété de Square-Enix, je ne reçois pas un sou en écrivant cette fic. Avertissements : Spoilers du jeu et du film Advent Children, Yaoi Reno x Cloud.
*** Chapitre 3
La traversée en bateau se passa dans le silence et la gêne. Reno n'arrivait pas à comprendre pourquoi Tseng n'était toujours pas venu lui parler de sa relation avec Carson Nevada. Avait-il perdu toute confiance en lui et attendait-il de le ramener à Edge pour pouvoir l'enfermer à double tour, avec torture à la clé ? Si c'était le cas, c'était stupide de le laisser déambuler sans chaperon sur le pont du navire qui faisait la liaison entre le continent Ouest et le continent Est. Rude n'était pas venu lui tenir compagnie une seule fois et lui avait à peine adressé la parole depuis son réveil ; idem pour Éléna. Reno commençait à se sentir un peu seul. Et à chaque fois qu'il voulait démarrer une conversation, aussi anodine fût-elle, son interlocuteur se débrouillait toujours pour avoir quelque chose à faire justement à ce moment-là et s'esquiver. C'était réellement frustrant. Reno aurait voulu le leur hurler à la face mais il savait par expérience qu'ils en auraient profité pour le décréter trop fatigué ou trop stressé ; merveilleuse excuse pour le remettre illico au lit... ce qu'il voulait éviter à tout prix. Il n'était resté alité qu'une journée et déjà tout son potentiel patience avait été réduit à néant. Il lui fallait de l'action, des mouvements pour évacuer toute l'énergie qu'il avait en lui. Dire qu'il était sans garde était inexact, en réalité. Reno sentait sans cesse le regard de Cloud posé sur lui, qu'il se promène sur le pont ou qu'il se dirige vers sa cabine pour satisfaire un besoin naturel. Il ne voyait pas le bretteur mais aucune autre personne ne lui causait ainsi des frissons sur le bas de sa nuque ; comme s'il n'était qu'un spécimen de plus à observer à travers une vitre de verre teintée... Cloud avait bien veillé à lui faire savoir son antipathie envers lui ; Reno n'avait nullement besoin de le savoir surveillant chacun de ses gestes. Il le supporta quand même aussi stoïquement que possible. Ils arrivèrent bientôt sur le continent Est ; le trajet en camionnette ne fut pas plus heureux. Deux jours passés en compagnie de ses camarades qui évitaient de lui adresser la parole, sans compter ce rabat-joie de Cloud qui avait la fâcheuse manie de l'énerver en l'espionnant sans se faire voir, c'étaient plus que ce que Reno pouvait tolérer d'ordinaire. De sa place à l'arrière du véhicule, il pouvait entendre le vrombissement régulier de la moto de Cloud : ronflant, puissant, tout comme le moteur tunné de sa machine. Il savait l'ex-SOLDAT très attaché à cette moto ; il l'avait assez vu les rares fois où il avait voulu y monter par plaisanterie. Le Turk s'était vite retrouvé le cul par terre, pour dire les choses franchement. La manière dont Cloud couvait son joujou était parfois un peu effrayante. — Nous voilà arrivés, fit alors Tseng en désignant l'horizon. Reno se souleva de son siège et regarda en direction de la vitre avant. Les immeubles délabrés de Midgar apparurent dans leur champ de vision ; ils étaient toujours aussi laids et tranchaient avec le décor de plaine qui entourait la ville. Des milliers de tonnes de métal à moitié rouillé dressés au beau milieu d'une étendue d'herbes chétives ; tel était le triste constat de ce qu'il restait de la plus grande cité du continent. Midgar la Métallique était pratiquement devenue Midgar la Rouillée, Midgar la Décrépite. — Trois ans qu'elle est partie et elle est toujours aussi moche, soupira Reno. Quand est-ce que les gens vont se décider à détruire ces satanées tours qui bouchent le paysage ? Tseng lui lança un regard irrité. — Et que ferait-on des décombres, dis-moi ? — Je sais pas moi, on pourrait les recycler. Ou les donner à ceux qui ont en besoin. — Ce n'est pas aussi simple, dit Éléna, l'air pensive. Il faudrait des moyens colossaux pour mettre à bas et dégager des constructions aussi gigantesques. Sans parler des risques pour les habitants d'Edge si un immeuble s'effondrait un peu trop loin et atteignait les quartiers situés à proximité. Et les modes de recyclage de tels matériaux... Reno lui fit un sourire en coin. — C'est pour ça que Rufus est là, non ? Il a les moyens de faire tout ça ! — T'exagère, répondit Éléna en secouant la tête. Il est certes très fort, mais faire aboutir un tel projet demanderait bien plus que ce qu'il a sous la main ! Reno rit de bon coeur. — Ma foi, avec un coup de pouce de Monsieur-en-cuir-noir, là, dit-il en désignant du pouce l'extérieur où on pouvait entendre le bruit de la moto de Cloud, il n'y aurait aucun problème, je pense. Un petit Omnislash par-ci par-là, et hop ! Plus de vilains immeubles pas beaux et pas écologiques. Éléna soupira. — T'es trop naïf, Reno. Ça marche pas comme ça. Tu dis n'importe quoi ! — Au moins, dit-il d'une voix plus grave, ça t'a permis de me reparler. Éléna sursauta, gênée. Elle se tourna vers Tseng et lui jeta un regard où se mêlaient chagrin et confusion. — Ne te tracasse pas, Éléna, fit son supérieur. — Alors c'est fini ? intervint Reno. Vous avez décidé de continuer à me causer ? — Pour l'instant. Mais ne tente pas trop ta chance. Ce que tu as fait était inexcusable et crois bien que Rufus en sera informé. Reno ricana. — À la bonne heure ! Et il s'enferma à son tour dans un silence obstiné jusqu'à leur arrivée. Tseng dirigea le véhicule à travers les rues désertes de Midgar jusqu'à un bâtiment encore intact à la lisière d'Edge. La façade repeinte et remise à neuf, des gardes armés surveillant l'entrée, un panneau géant indiquant le logo de la Shinra : ils étaient de retour chez eux.
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Cloud rangea Fenrir non loin de l'immeuble qui semblait servir de quartiers provisoires à la Shinra. Il avait déjà entendu parler de cet endroit par les bruits que lui rapportaient certains clients. La Shinra était revenue ; Rufus Shinra voulait reprendre l'entreprise léguée par son père en lui faisant prendre un autre tournant, plus humain et plus orienté vers les besoins de la planète. Cloud n'y avait guère fait attention. Il voulait autant que possible ne plus entendre parler de son ancien employeur. Tifa gardait un oeil sur leurs projets en cours, et jusqu'à présent elle n'avait adressé aucun reproche à Rufus ou aux siens. La Néo-Shinra agissait dans la légalité et le respect de tous. Cloud aurait voulu en être certain, surtout après toutes les révélations qu'il avait eues ces derniers jours. Le discours de Reno l'avait troublé et agacé ; il n'était pas prêt de partir de sitôt. Malgré tout ce que Tseng lui avait dit, Rufus devait préparer quelque chose de gros à leur insu ! La présence de ce clone (clone de qui, d'ailleurs ? De Carson Nevada ?), le lien de Reno avec cet ancien collaborateur de Hojo, l'apparition de ces monstres inconnus remplis de Mako ? Certainement pas une coïncidence. D'une manière ou d'une autre, la Néo-Shinra et les Turks y étaient liés. Qu'ils aient approuvé ou non ce projet ne signifiait pas grand-chose ; après tout, ils avaient bien laissé passer les trois enfants proclamés de Jenova, un an plus tôt... Il se rendit compte que son raisonnement n'était ni très logique ni très juste envers la Néo-Shinra ; il voulait simplement les accuser de tous ces nouveaux problèmes qui lui tombaient sur le dos, et tant pis s'ils n'étaient pas réellement responsables ! Cloud avait besoin d'un bouc-émissaire. Il ne voulait plus combattre sans but ; et surtout, le comportement de Reno l'énervait. Qu'il aille au diable, avec ses secrets et sa psychologie de comptoir ! Cloud n'était pas un hypocrite comme il l'avait laissé sous-entendre ! Il n'était pas non plus lâche ou ingrat ! Pour tout dire, le Turk le troublait un peu trop pour qu'il puisse l'ignorer. Son image hantait l'esprit de Cloud ; non pas qu'il fût attaché à lui, mais il y avait quelque chose en Reno, il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus, qui l'attirait et le fascinait... Était-ce bien normal ? Ou l'insistance de l'autre homme à le draguer avait-elle changé sa façon de penser ? Il ne savait plus où il en était. Il avait l'impression désagréable que le sort de Reno était lié au sien, sans savoir d'où venait cette affirmation. Tu réfléchis trop, fit la voix taquine d'Aerith dans sa tête. Laisse-toi porter par ton coeur, et tu verras que tu n'auras plus aucun doute. Belle résolution ; seulement, où se trouvait le coeur de Cloud ? Auprès de Tifa et des enfants ? Avec ses amis éparpillés dans le monde ? Près d'Aerith et de Zack dans la Rivière de la Vie ? S'il n'avait plus de doutes sur le prix de sa vie grâce à son ancien amour, cela ne voulait pas dire pour autant qu'il savait dans quelle direction diriger ses pas en cas de crise. La routine avait été salutaire dans son cas. Faire sans cesse les mêmes choses, répéter inlassablement les gestes quotidiens (lever-travail-coucher), c'était bien joli et ça l'empêchait de penser au reste. De penser qu'il n'avait aucun but dans la vie, aucune voie à suivre. Bien entendu, il avait un refuge (et même plus d'un), mais à part ça... Et par tous les Cetras, comment était-il arrivé à penser ainsi ? Ce n'est pas comme s'il était totalement démuni et sans attaches ! Un mouvement furtif dans son dos ; Cloud tira son épée par réflexe et la braqua sur l'intrus. Un homme mince sortit de l'ombre en levant les bras bien en évidence devant lui. Il portait le costume des Turks ; Cloud l'inspecta d'un air suspicieux sans baisser son arme. Brun avec une houppe impressionnante, le visage dur et la posture ferme malgré son geste de rédition, il avait l'air tout droit sorti d'un film de gangster. La boucle épaisse en or qu'il portait à l'oreille gauche et le renflement de sa veste révélant la présence de deux pistolets à gros calibres sur ses hanches ne servaient qu'à accentuer cette impression. — Cloud Strife, je présume ? dit-il. Je suis Frankie des Turks. Rufus m'a demandé de venir vous chercher. Il avait une voix traînante évoquant les bas-quartiers les plus mal famés de Midgar. Cloud hocha la tête, irrité malgré lui. Ce type lui rappelait Reno. Sa manière décontractée de porter l'uniforme, chemise ouverte et sans cravate, y était sans doute pour quelque chose : à sa connaissance, seul Reno se permettait de briser ainsi le code vestimentaire des Turks. — Ma moto ? — Je m'en occupe. Vous n'avez pas à vous en faire. Raison de plus pour s'en inquiéter. Cloud sortit son portable et composa rapidement le numéro de Tifa. Celle-ci ne prit pas longtemps à répondre. — Septième Ciel, bonjour ? fit la voix de son amie à l'autre bout du fil. — Qu'est-ce que tu fais cet après-midi ? — Cloud ? demanda Tifa sans lui laisser le temps de s'expliquer. Tu es revenu de Corel ? Comment va Barret ? Pourquoi tu n'es pas venu direc... — Tifa, le coupa sans ménagement Cloud. Il s'est passé quelque chose au réacteur 27. Le ton de la jeune femme parut se calmer et ce fut d'une voix plus grave qu'elle poursuivit. — Qu'est-ce que tu racontes ? — On a trouvé un clone. Et la Shinra est mêlée, mais je ne peux pas te raconter au téléphone, dit-il en fixant la silhouette rigide de Frankie. Peux-tu venir ? — Où ça ? — Le siège de la Néo-Shinra. — Je suis là dans un quart d'heure. Juste le temps d'appeler Vincent. — Il est dans le coin ? s'étonna Cloud. — Je viens de l'inviter à dîner. — Ok. À plus. Il raccrocha. Court, direct, sans chichis. Tifa et lui avaient pris l'habitude de converser avec le minimum de mots en cas de crise majeure. C'était une sorte de code informel entre eux : moins ils en disaient, plus grave était la situation. — Un quart d'heure, dit Cloud à son guide. — Ça me va. Frankie sortit une cigarette d'une poche avant de son pantalon ; ce faisant, sa veste fut légèrement soulevée et Cloud put voir un pistolet semblable à celui d'Éléna pendre sagement d'un étui en cuir noir rattaché à une double rangée de ceintures. Il devait avoir le même de l'autre côté. — Joli, l'allume-cigare, dit-il en désignant l'arme du menton. Frankie sourit. Il venait de faire apparaître un briquet en forme de moggle tenant une torche et s'en servait pour allumer sa cigarette. — Ouais, merci. C'est un cadeau de ma mère. Cloud haussa un sourcil amusé. — Votre mère est armurier ? — Armur... oh, ma Yin ? dit-il en comprenant enfin. — Yin ? Frankie sourit. — Yin, fit-il en sortant le pistolet de son étui et en le montrant bien à plat. Cloud remarqua qu'il avait introduit près de la gâchette une matéria bleue de soutien. Frankie sortit son autre arme, parfaitement identique à la première si ce n'est qu'elle contenait une matéria rouge d'invocation. — Et ça, c'est mon Yang, continua le Turk, pas peu fier. Ce sont mes deux amours. Vous voulez toucher ? Cloud fit la grimace. — Non merci. Je ne suis pas trop armes à feu. Le Turk éclata de rire. — Vous n'êtes pas de ce bord-là, alors ? dit-il en changeant de registre. C'est bien dommage ! Ce n'est pas parce que vous n'utilisez que votre énorme épée qu'il ne vous est pas possible d'envisager d'autres... alternatives. Le bretteur le regarda d'un air consterné. Avait-il bien entendu ce qu'il venait de dire ou... Peut-être était-il aussi ignorant que lorsqu'il lui avait demandé pour le pistolet ? À moins que... Frankie lui fit un clin d'oeil en tripotant ses armes d'une manière particulièrement suggestive. Il lécha même le canon de Yang. Cloud hésitait entre lui coller une beigne et s'enfuir en courant. Peut-être même les deux. — Vous connaissez bien Reno ? — Et comment ! s'écria Frankie, ravi. On a été recrutés ensemble ! — Je me disais bien... Cloud soupira. Il lui restait encore six minutes avant que Tifa n'arrive. Si ce type était effectivement un ami proche de Reno qui partageait les mêmes... « convictions », c'était probablement six minutes de trop...
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Reno avait été consigné dans ses appartements comme un enfant pas sage que l'on aurait puni pour une broutille. Il ne savait pas s'il devait en être fâché ou au contraire être reconnaissant de ne pas finir au fond d'un cachot sordide à essayer de sauver sa nourriture des rats. Tseng avait confisqué son passe et lui avait ordonné d'attendre qu'on vienne le chercher. Pas d'autres instructions ; la lettre de Carson avait été prise depuis belle lurette. Il se demanda si Tseng allait la montrer à Rufus. Probablement que oui. Et avec sa chance et son intelligence, Rufus remarquerait sûrement la substance qui imbibait le papier et que Cloud avait laissé passer dans son ignorance. — Je suis pas dans la merde, chuchota-t-il. Il se jeta dans son lit, la tête prête à exploser. Il n'avait aucun plan de sortie ; il n'en avait même pas envie, en réalité. Rufus serait furieux et lui demanderait des comptes ; et que pouvait-il lui dire pour apaiser sa colère ? Qu'il n'avait pas eu le choix ? Que Carson le tenait à la gorge ? Qu'il se sentait moralement obligé de lui obéir, malgré son allégeance première à la Shinra ? Et pour quelle raison ? Pour quelle raison, vraiment ? — Fichu boulot, dit-il sans s'adresser à personne en particulier. Rufus va m'en vouloir, c'est sûr. La porte s'ouvrit brusquement, laissant passer un courant d'air froid. Reno se releva et grogna, pensant Tseng de retour. — Déjà ? T'as hâte de me voir viré, ou quoi ? — Bien au contraire, fit la voix lente d'une femme. Reno sursauta et fixa le visage serein de la jeune femme blonde qui venait d'entrer. Petite, les cheveux courts, les yeux clairs ; le costume des Turks lui allait à ravir. Jamais il ne l'avait vue aussi belle. Les traits harmonieux d'Éléna lui sourirent. Sauf qu'Éléna était à cet instant aux côtés de Tseng, à faire son rapport devant Rufus. — Bonjour, Reno, dit-elle posément. Ça faisait un bail.
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Éléna garda ses sourcils froncés de tout le trajet jusqu'au bureau de Rufus. Tseng était presque tenté de croire qu'elle les avait collés tellement cette expression était inhabituelle à long terme sur la jeune femme. À ses côtés, Rude marchait sans rien dire, le regard perdu dans le vide. À un moment, il se cogna sur une plante en pot et s'excusa. Éléna releva à peine l'incident. Avec Reno qui était retenu dans ses quartiers, c'était le pompon. Cette mission avait été un véritable fiasco et ses hommes ne valaient pas mieux qu'un groupe de collégiens en vadrouille. — Un peu d'enthousiasme, dit-il. Nous avons empêché ce clone de faire du mal aux habitants de Corel. Tseng n'y croyait vraiment qu'à moitié. Et comment se convaincre que tout s'était déroulé exactement comme il l'aurait voulu ? Le clone était mort sans qu'ils aient pu l'examiner. Carson courait toujours et par-dessus le marché, Reno était soupçonné de travailler pour lui. C'était un bilan bien noir. Rufus serait extrêmement contrarié, comme à chaque fois que les choses ne se déroulaient pas selon ses plans. Et Reno était personnellement mêlé à cette affaire. Il avait failli mourir durant la mission et sa fidélité à Rufus était mise à mal. Tseng pouvait oublier le moindre sentiment de contrariété. Rufus serait positivement vert de rage.
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La cape de Vincent claquait au vent alors qu'il n'y avait pas la moindre brise pour la soulever. Même au bout de plusieurs années, Tifa n'arrivait pas à s'y faire. Ses pas étaient aussi scrupuleusement égaux et silencieux, son expression neutre, les rares mots qu'il disait chuchotés de manière égale et froide ; un vrai robot sur pattes, les grincements des articulations en moins. Elle essayait de se dire que cela ne la perturbait pas le moins du monde, que Vincent restait un ami cher et un ancien compagnon d'adversité au même titre que Yuffie et Cid, par exemple. Sauf que Yuffie était un festival sur pattes à elle toute seule. Et Cid avait assez de vocabulaire coloré pour repeindre l'intégralité de son bar s'il le voulait. Même Nanaki et Cait Sith avaient plus de choses à lui dire, et ils étaient tous deux des animaux. Dont un en peluche. Bien sûr, le fait que Cait soit en réalité Reeve enlevait tout au savoureux de l'anecdote, mais était-ce sa faute si le vieil homme faisait un chat en peluche adorable ? — Qu'est-ce que je raconte, murmura-t-elle. Tifa, ma belle, t'as besoin de vacances... Vincent se tourna vers elle ; elle eut l'impression très furtive qu'il était curieux. Elle lui fit un sourire un peu forcé. — J'espère que ce n'est pas trop grave, dit-elle pour meubler le silence. Cloud ne m'a pas vraiment donné de détail. Vincent se contenta de hocher la tête. Quand avaient-ils jamais eu un vrai dialogue, d'être humain à être humain ? Tifa ne s'en souvenait pas. Elle aurait pu mettre sa vie et celles de tous ceux qu'elle aimait entre les mains de cet homme mais pour ce qui était de la conversation, c'était raté. — J'espère que ce n'est pas encore un problème comme la dernière fois avec les trois allumés qui réclamaient leur môman, dit-elle en faisant une moue ennuyée. J'en ai marre des gros mâles aux cheveux gris qui pleurent pour un oui ou pour un non. Vincent ne dit rien. Elle continua néanmoins. — Cloud a mentionné un clone. Comme si on en avait pas eu assez pour les mille prochaines années ! La démarche de son compagnon ralentit durant une seconde, puis il se reprit et continua comme si de rien n'était. Tifa l'observa du coin de l'oeil. Vincent avait légèrement plissé les yeux en signe de mécontentement. — Hojo ? fit-il de sa voix gutturale. Ou Sephiroth ? — Je l'ignore. Je ne crois pas. Cloud me l'aurait dit sinon. — Ah. Pourquoi fallait-il toujours qu'elle tombe sur les spécimens mâles les plus atteints ? D'abord Cloud, puis lui... Réflexion faite, Cloud était beaucoup mieux. Il s'était beaucoup plus ouvert depuis l'incident Kadaj et paraissait presque normal... même s'il lui arrivait encore d'avoir des absences (de plus en plus rares), de parler tout seul (idem) et de passer des heures à bouder sans raison dans son coin... De son côté, Vincent pouvait se montrer aussi muet qu'une tombe (quand il ne parlait pas de sa bien-aimée Lucrécia, et alors là on avait deux options : soit il radotait sans cesse sur les mêmes événements, soit il se taisait et une aura plus sombre que d'habitude semblait l'accompagner à chaque pas. L'un ou l'autre, ce n'était guère encourageant pour tenter une approche amicale). Elle observa les alentours. Les gens avaient les yeux braqués sur Vincent. C'était à prévoir. Il y eut même une petite fille qui se mit à pleurer quand son regard croisa celui du vampire. Sa mère la prit dans ses bras et s'en alla effrayée. Les habitants d'Edge avaient beau les connaître et savoir ce qu'ils avaient fait pour eux, cela ne les empêchait pas de réagir bêtement en voyant un vampire armé d'un fusil avec une main sertie de griffes et une cape couleur sang auto-volante. Sans parler de son regard meurtrier et de la manière terrifiante dont il fixait tous ceux qui avaient la mauvaise idée de s'approcher trop près de lui. Yuffie avait raconté à Tifa les détails croustillants de l'origine de ce comportement hostile envers les passants. Soit-disant, un pauvre hère avait eu la mauvaise idée de vouloir voler son tout nouveau téléphone portable à Vincent ; celui-ci s'en était vite rendu compte et dans sa rage, il avait lancé sa première limite et s'était transformé en Bête Galienne devant tout Edge. Heureusement, Yuffie et Cid avaient réussi à le maîtriser avant qu'il ne mette le voleur en pièces ; il s'en était sorti avec seulement une jambe cassée et un mois de prison. Conclusion : ne jamais toucher au portable de Vincent sans son autorisation. Décidément, il avait de plus en plus de points communs avec Cloud. C'en était... dérangeant. Tifa préféra en rester là. De toute manière, ils allaient bientôt arriver au siège de la Néo-Shinra. — Voilà Cloud, dit soudain Vincent.
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Reno fit mine d'être surpris. — Gina, dit-il d'un air pincé. Tu es donc en vie. — Si on veut. Carson est un vrai génie, tu ne savais pas ? Il eut une expression de dégoût. — Je n'en doute pas. La porte était grande ouverte, sans aucun employé de passage pour s'étonner de la chose. Reno se leva de son lit et se planta devant la nouvelle venue. — Les gardes ? — Ils étaient fatigués. Ils font un gros dodo. Tu as reçu la lettre ? Fatigués, hein ? Pauvres types. Il espérait seulement que leurs familles n'accuseraient pas trop Rufus. — Oui, mais je ne l'ai plus, répondit-il sur un ton las. — C'est... regrettable. Quelle est ta réponse ? Reno se mordit la lèvre jusqu'au sang. — Reno ? — Je ne veux pas trahir Rufus. — Qui te parle de le trahir ? Tu sais bien que Carson l'aime bien. — Foutaises. Il veut le voir mort. De préférence de sa main. — Quelle importance ? ricana Gina. Je croyais que tu le haïssais. — C'est faux. — Menteur. — Pétasse. Gina parut satisfaite ; pendant une seconde angoissante, Reno crut qu'elle allait l'embrasser. — Ta réponse ? Reno détourna les yeux. — Tu... tu en as d'autres ? Gina lui fit un immense sourire. Reno eut un pincement au coeur en s'apercevant qu'il s'agissait du même que celui d'Éléna : tendre et pétillant à la fois. Un sourire pour lequel un homme pouvait se damner sans scrupule. — Bien sûr, fit-elle d'une voix suave. Pour qui m'as-tu prise ? Elle sortit de l'intérieur de sa manche une petite fiole remplie d'un liquide clair aux reflets verdâtres. La lumière artificielle du couloir s'y refléta un instant, illuminant le visage de Reno qui déglutit en la voyant. Son corps se mit à suer abondamment et il tendit la main vers elle. — Tu connais les conditions, poursuivit Gina en retirant brusquement sa main. — Je ne trahirai pas Rufus. — On s'en fout, de Rufus. Elle lui donna néanmoins la fiole. Reno l'attrapa et la serra avec fébrilité. — Prends-la en gage de la bonne foi de Carson, dit-elle avec un regard de mépris. Il espère bien revoir son neveu chéri. Les lèvres de Reno tremblèrent. — Va te faire foutre. — Et vas-y mollo, ajouta-t-elle en riant. Ce serait dommage de te perdre aussi tôt. Oui, bien dommage. Elle secoua la tête, le regard fou et le sourire aguicheur. Reno eut un sentiment de pitié, à la fois envers elle et envers lui-même. C'était ridicule. Un instant, il fut tenté de lui jeter la fiole à la face, mais ses mains ne lui obéissaient plus. C'était à peine s'il arrivait à saisir encore la petite bouteille. — Regarde-toi, dit Gina. T'es une épave. Et ne dis pas le contraire, je peux le sentir. Depuis combien de temps tu n'as pas mangé ? — Parce que tu te crois mieux, peut-être ? aboya Reno. Au moins, je suis avec des gens qui m'apprécient vraiment. Gina éclata de rire. — Non, tu ne crois pas vraiment ce que tu racontes ? — Je... — Foutaises, comme tu dis, l'interrompit-elle. Tu crois peut-être que ton Rufus en a quelque chose à battre de toi ? La bonne blague. C'est un Shinra. Tout ce qui compte pour lui, c'est sa petite personne. — C'est faux, siffla-il entre les dents, luttant pour ne pas ouvrir la fiole et en gober le contenu immédiatement. Rufus n'est pas comme son père. — C'est ce qu'il veut faire croire, mais au fond ils sont tous les mêmes. Nous ne sommes que de la chair à canon ou des sujets d'expérience pour eux, quand on ne passe pas notre vie à trimer pour leur fournir tout le luxe dans lequel ils nagent. — Gina... — Et regarde-toi ! hurla-t-elle presque. Tu es devenu son toutou ! Reno, va chercher le méchant clone, Reno, attaque les ennemis de la Shinra ! Ça c'est un bon Turk ! Bien obéissant ! Un Turk qui aura sa dose ! — La ferme, j'ai dit ! répliqua Reno en se bouchant les oreilles, la fiole collée au visage. Gina sembla se calmer ; ses yeux restèrent posés sur la forme tremblante de Reno comme à la recherche d'une réponse qu'elle ne trouva visiblement pas. Sa voix lasse et triste attira l'attention du Turk. Si différente de la femme qu'elle avait été. — Combien de temps encore, Reno ? Combien de temps avant que tu ne craques ? Le souffle de Reno était irrégulier, ses yeux avaient du mal à se focaliser sur une cible. Gina saisit son visage entre ses mains et le regarda droit dans les yeux. — Rejoins-nous, Reno. — Ja... jamais, croassa-t-il. Plutôt crever que... d'y retourner. — Comme tu voudras, dit-elle sèchement. Mais si tu changes d'avis, tu sais où me trouver. Reno détourna les yeux. Elle lui baisa le front et fit mine de partir. — Frankie est ici, dit-il brusquement. Je l'ai entendu quand Tseng a appelé Rufus par radio. La jeune femme parut se raidir, mais ne se retourna pas. De ce fait, Reno ne vit pas l'expression de son visage : exprimait-il la furie ou la tristesse ? Allez savoir, avec elle. Gina était une femme imprévisible. Pas comme sa petite soeur. — À bientôt, Reno, dit-elle alors que la porte se refermait sur elle. Embrasse Éléna pour moi.
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Éléna éternua, sans trop savoir pourquoi. Elle s'excusa d'une toute petite voix et Tseng put reprendre. — C'est pourquoi nous croyons qu'il est préférable de garder Reno en détention jusqu'à ce qu'on ait plus d'informations à ce sujet. Rufus garda le silence. Tseng s'attendait au pire. Derrière son bureau en bois massif, le président de la Néo-Shinra avait les mains croisées devant sa bouche, le regard fixe, le teint livide. Son costume blanc était toujours aussi immaculé, ses cheveux soigneusement gominés. Rod et Alicia veillaient à ses côtés sans prononcer une parole. Cela ne les empêchait pas de jeter de temps à autre un coup d'oeil inquiet en direction de Tseng ou de Rufus. — Où est Reno en ce moment ? demanda Rufus, très calmement. Un peu trop calme au goût de Tseng. Il connaissait son illustre patron depuis assez longtemps pour reconnaître les signes quand il les voyait. Rufus était sur le point d'exploser de rage ; son cerveau en ébullition calculait les moindres implications des événements passés. Il arriva pourtant à répondre sans sourciller. — Dans ses quartiers. J'ai confisqué sa carte, il ne peut pas sortir. Je doute qu'il le veuille, d'ailleurs. — Et Martha ? — Elle refuse de revenir. Elle dit qu'elle est bien plus utile à Corel mais qu'elle nous aiderait sans hésiter si un jour nous avions besoin de ses services. — Bien. Je m'en doutais. Rufus se leva et se mit devant la baie vitrée gigantesque qui recouvrait l'un des murs. Celle-ci avait vue sur l'ancienne Midgar en ruine ; il avait insisté pour la placer là afin de contempler tout le jour le résultat de ses erreurs passées. Ainsi mis devant cette vision de mort et de destruction, il ne pourrait aucunement oublier ce qui avait amené la déchéance de l'ancienne Shinra. Tseng savait que Rufus passait au moins une heure à contempler sans rien dire le paysage, assis devant la vitre, un verre de vin à la main qu'il sirotait sans vraiment s'en rendre compte. Le regard hanté qu'il avait durant cette heure suffisait à prouver à quel point le président de la Néo-Shinra était sérieux dans sa volonté de rachat. — Je souhaite voir Reno et lui parler seul à seul, dit Rufus. Emmenez-le moi. Tseng s'inclina. — À vos ordres.
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Cloud vit ses amis arriver avec reconnaissance. Ils n'auraient pas pu mieux tomber. Frankie était un énergumène au moins aussi déplorable que Reno ; deux minutes de plus, et il n'aurait pu s'empêcher de plonger son épée dans le corps du Turk, rien que pour le faire taire. Vincent réagit comme il l'avait prédit. Il hocha la tête en croisant son regard, saisit la poignée de son fusil en apercevant le Turk, et en règle générale fit comme si le monde lui était hostile et qu'il le lui rendait bien. Certaines choses ne changeaient pas. Derrière lui, Tifa eut un mouvement d'exaspération. — Tu as fait un bon voyage ? fit-elle à Cloud en s'approchant de lui, tout sourires. — Comment vont les enfants ? — Bien, dit-elle avec un froncement de sourcils. — Bien. Et ce fut tout. Cloud demanda à Frankie de les conduire à Rufus. Tifa les suivit de mauvaise grâce ; elle semblait vouloir contredire son comportement sans oser le faire devant témoin. Cloud se promit de s'excuser auprès d'elle une fois qu'il aurait l'esprit tranquille. Pour l'instant, il était trop énervé ; trop de questions se bousculaient dans sa tête pour qu'il puisse faire preuve d'un minimum de politesse envers qui que ce fût. Il laissa Fenrir aux bon soins d'un garde quelconque en lui faisant comprendre que s'il trouvait une seule éraflure sur son bébé, il le regretterait amèrement. Le pauvre homme parut comprendre l'allusion et promit d'une voix épouvantée qu'il le protègerait de sa vie s'il le fallait. Satisfait, Cloud se rendit dans l'ascenseur avec les autres. Frankie les fit monter jusqu'au dernier étage. — Comment va Rufus ? demanda Tifa. Je ne l'ai pas vu depuis un an. — Il est cool, dit Frankie. Occupé, mais c'est normal, c'est le boss. — J'ignorais que les Turks recrutaient encore, dit-elle sur un ton désapprobateur. — C'est juste un essai. Moi, je faisais déjà partie de l'ancienne promo. — Vraiment ? — Ouais. Avec Alicia et Rod. Vous les verrez aussi, ils quittent pas Rufus. Faut bien, c'est un homme important et tout ça. Y'a toujours des malades pour s'attaquer aux gars influents. Et Rufus a pas mal d'ennemis. — Vous m'en direz tant, ricana Tifa. — Ouais, on m'a dit que vous étiez d'AVALANCHE, pas vrai ? — « Étiez » est effectivement le mot. AVALANCHE n'a plus trop de raison d'exister maintenant. Du moins c'est ce que j'espère. — Tant mieux, fit Frankie avec un clin d'oeil. Un joli brin de femme comme vous, ce serait dommage que j'aie à me battre avec. — Flatteur, dit Tifa en riant. — Nan. Je dis jamais que la pure vérité, jolie dame. Cloud soupira. Il aurait dû se douter que cet homme se mettrait à flirter avec Tifa dès qu'il en aurait l'occasion, en vrai clone de Reno qu'il était. Son esprit protesta sitôt qu'il eut cette pensée. « Clone » avait trop de connotations négatives. « Sosie malheureux » était plus approprié. Ou « Abruti de Play-boy Numéro Deux ». Il n'avait que l'embarras du choix, question sobriquet. L'épée lui démangeait ; il préféra fixer son attention sur le paysage. La ville d'Edge était largement visible à travers les parois en verre de l'ascenseur. Cloud put voir que les reconstructions allaient bon train. Les quartiers avaient un peu plus d'allure qu'au début et déjà, on distinguait çà et là des indices de prospérité : un cinéma flambant neuf aux enseignes en néon criardes, des panneaux de publicité qui poussaient un peu partout, une large avenue dédiée au commerce. Bien sûr, les quartiers réputés dangereux formaient encore une tache sombre dans l'ensemble mais quelle grande ville n'en avait pas ? L'un dans l'autre, Edge était sur la bonne voie. Cloud se jura qu'il ferait tout pour que cela reste le cas. Près de lui, la conversation se poursuivait entre Tifa et Frankie. — Rufus est un pacifiste, dit le Turk en jetant un coup d'oeil appréciateur à l'opulente poitrine de la jeune femme. Tout comme moi. On ne veut que la paix et le bonheur de tout le monde ! — La paix en portant une paire de pistolets à la ceinture ? dit la jeune femme en faisant une moue dubitative. Permettez-moi d'en douter. — Ce n'est que pour me défendre, juré ! Comme je vous l'ai dit, Rufus a tout plein d'ennemis assez coriaces. Et les ennemis de Rufus sont les ennemis de Frankie. — C'est joliment dit, admit Tifa. Cloud ricana à son tour. Frankie se donnait beaucoup de mal pour rien : Tifa était trop intelligente et sensée pour tomber sous le charme de ce séducteur raté. Vincent fixait lui aussi l'extérieur de la cage d'ascenseur, les lèvres pincées. Était-il contrarié par le comportement de Frankie ou se préparait-il simplement à rencontrer Rufus ? Ses pensées étaient un mystère pour tous ceux qui croisaient sa route. Beaucoup de gens s'étaient essayés à le sortir de son carcan : Yuffie, Cid, même Reeve qui le connaissait d'ancienne date. Toutes leurs tentatives s'étaient soldées par un échec et Vincent restait en retrait ; à peine venait-il leur rendre visite en souvenir du bon vieux temps passé à poursuivre et à combattre Sephiroth et ses différentes incarnations. Il était toujours présent en cas de problème mais à part cela, c'était tout. Même Cloud était infiniment plus sociable. — Où est Reno ? demanda-t-il brusquement. Il regretta de ne pas s'en être inquiété auparavant. Frankie l'avait tellement inondé de paroles qu'il n'avait pensé qu'à s'échapper. Tifa parut confuse. — Reno ? — On l'a renvoyé dans sa chambre sans dîner, dit Frankie d'une voix sèche. — Je vois. — Il avait l'air assez secoué. Il s'est passé quelque chose ? La posture du Turk était plus tendue, plus agressive envers Cloud. Il fit la grimace. — On peut dire ça. — Cloud ? insista Tifa. Quel rapport avec Reno ? L'ascenseur s'arrêta net avec un tintement bruyant, surprenant Tifa qui poussa un petit cri. La porte s'ouvrit lentement sur une vaste pièce au bout duquel se trouvait une immense paroi en verre. Si de la cage on avait vue sur Edge, ici c'était Midgar qui était mise à l'honneur. Vieille et laide Midgar. Cloud se renfrogna un peu plus. Rufus et toute sa clique de Turks, Reno en moins, les saluèrent d'un geste de la tête. Rufus était peut-être un peu plus exubérant en sa qualité de chef ; Cloud lui rendit son salut avec réticence. Il détourna les yeux et examina la pièce et surtout ceux qui l'occupaient. Il fixa son attention sur les deux seules personnes qu'il ne connaissait pas encore : un homme et une femme, en costume de Turk, qui entouraient l'unique bureau placé près de la baie vitrée. La jeune femme avait de longs cheveux châtains retenus en queue de cheval, un visage avenant, une apparence frêle. Elle tenait dans sa main un immense fusil à pompe qu'elle braqua sur eux sitôt qu'ils furent en vue. L'homme à ses côtés n'était guère plus costaud ; ses cheveux rouge vif lui rappelèrent un instant Reno, si ce n'est le fait qu'il ne portait pas de lunettes d'aviateur. La manche droite de sa veste pendait sur le côté, vide : il avait été amputé d'un bras. C'était là un sérieux handicap ; Cloud se demanda pourquoi Rufus l'avait accepté dans les rangs de son armée privée. Tseng, Rude et Éléna n'avaient pas changé depuis la dernière fois que Cloud les avait vus, une demi-heure plus tôt. C'était une durée dérisoire mais le babillage de Frankie l'avait à ce point distrait qu'il avait l'impression que plusieurs jours d'agonie s'étaient déjà écoulés... Il les dépassa sans un regard et s'approcha de Rufus, Tifa et Vincent sur ses talons. — Je suis là comme tu me l'as demandé, Rufus, dit-il posément. Rufus se retourna, le visage dur. Il lorgna tour à tour Tifa et Vincent. — J'aurais pu te dire de venir seul. — Je me suis dit qu'il était de meilleur ton d'être accompagné dans un bâtiment grouillant de Turks et de gardes de la Shinra. Rufus sourit. — Quel manque flagrant de confiance, Strife ! Je suis outré. — Peu importe. Pour quelle raison voulais-tu me voir ? Je doute que ce soit pour prendre le thé. Rufus ne répondit pas. À la place, il jeta un regard courroucé en direction des trois Turks que Cloud avait accompagné en mission. — Qu'est-ce que vous faites encore là ? Rompez. Tseng et ses hommes s'esquivèrent sans demander leur reste. Cloud fut un peu surpris. D'après ce qu'il avait vu par le passé, ce n'était pas dans le genre de Rufus de s'énerver sur ses hommes alors qu'ils n'avaient fait que leur travail. Il avait en particulier un faible pour Tseng qui le suivait fidèlement depuis des années en mettant de côté tous ses principes personnels. Dans son dos, Tifa et Vincent restaient silencieux. Cloud était automatiquement promus au rang de chef dans ce genre de situation et on le laissait volontiers prendre la parole pour tout le groupe ; c'était d'autant plus vrai dans ce cas-là avec ces personnes-là. Tifa n'était pas très à l'aise en présence de Rufus et Vincent ne disait jamais grand-chose. Restait Cloud pour essayer d'obtenir un minimum d'informations. Il n'aimait pas ce rôle mais il fallait bien que quelqu'un le fasse, pas vrai ? Plus que jamais, il regretta l'absence d'Aerith. Elle était plus douée que lui pour ce genre de choses. Elle aurait su quoi dire. — Cloud, chuchota Tifa en le prenant à part, qu'est-ce qui s'est passé exactement à Corel ? — Oui, Cloud, que s'est-il passé ? demanda à son tour Rufus, ignorant le regard irrité que lui lança Tifa. Je suis curieux d'avoir ta version des faits. Avait-il le choix ? Même Vincent attendait une réponse. Tifa le suppliait littéralement des yeux ; cela l'énerva. Depuis quand la Shinra faisait-elle partie de ces personnes à qui il devait rendre des comptes, en plus de ses soit-disant amis ? Lui qui pensait y avoir échappé en s'enfuyant du laboratoire secret de Hojo ! Cloud soupira et admit sa défaite. Qu'avait-il à perdre, après tout ? Il devait juste mettre de côté sa répugnance instinctive à révéler quoi que ce soit de sa vie à un membre de la Shinra. Son ancienne paranoïa refaisait surface ; il avait envie de crier au monde de le laisser tranquille, qu'il n'était pas fait pour sauver la planète, ou qui que ce soit d'ailleurs. Que la Shinra aille au diable ! Idem pour Reno, Tifa, Vincent, n'importe qui ! Faire confiance ; c'était une donnée avec laquelle il jonglait depuis des années sans pouvoir la saisir entièrement. Il s'y était un peu habitué ces derniers temps avec Tifa, Barret et les autres. Ou du moins il avait essayé. Maintenant, il était prêt à jeter toutes ses bonnes résolutions aux orties. Et si la planète trouvait quelqu'un d'autre, pour une fois ? Il ne voulait pas travailler avec Rufus et ses Turks. Le pire quand vous faisiez un caprice, c'était quand vous vous en rendiez compte et que que votre conscience vous poussait à le rejeter. Cloud eut un sursaut de culpabilité. Il en avait marre d'être aussi prévisible. Rufus plongea ses yeux dans les siens ; il regarda ailleurs, frustré et honteux. — Reno n'est pas ma responsabilité, marmonna-t-il. — Qui a jamais parlé de Reno ? fit le président de la Néo-Shinra. — Peu importe. Décidément, cela tournait un peu trop à l'obsession ! Cloud ne comprenait pas pourquoi Reno occupait autant son esprit depuis leur départ de Corel. Il jugea préférable de ne pas chercher plus loin et se mit à raconter, l'esprit distrait. Il ne vit pas le petit sourire en coin de Rufus ni les regards entendus de Rod et d'Alicia. Tifa semblait perturbée ; Vincent garda la main sur la garde de son fusil de toute la discussion. Et dans sa tête, le rire d'Aerith résonna, clair et lugubre.
*
La fiole était là, dans sa main. Froide. La quantité de liquide n'était pas très abondante ; à peine un décilitre. Reno aurait pu le gober en une seule gorgée. Ce qui était fortement déconseillé : une seule goutte avait déjà un effet assez... radical sur son organisme, alors tout le contenu d'une fiole ? Et depuis combien de temps n'en avait-il pas eu ? — Mais j'ai tellement faim, chuchota-t-il à lui-même. Levant la bouteille, il lança un « Bon appétit » joyeux et avala tout le contenu d'un coup. Advienne que pourra. Ce n'est pas comme s'il avait encore beaucoup de temps, après tout. Le liquide coula dans sa gorge, lui apportant bien-être et apaisant sa faim. Reno savoura cet instant ; cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas fait un si bon repas ! Le dernier festin de Mako avait été immonde ; pas comme ce qu'il ingurgitait en ce moment ! Il était au paradis. Cela ne dura pas. Une douleur horrible traversa soudain son corps ; Reno avait l'impression qu'un millier de pointes acérées s'enfonçaient dans sa chair jusqu'à ses organes. Sa peau brûlait, son coeur battait à tout rompre, prêt à exploser à la moindre occasion. Il lâcha la fiole qui alla se briser sur le sol en centaines de morceaux de verre. Il eut encore la force de hurler ; levant ses mains devant ses yeux, il vit qu'elles se couvraient à toute vitesse de pus noir purulent. Pris de panique, il enleva sa veste et la chemise en-dessous. Son torse subissait le même phénomène. Souffle court ; il voyait rouge. Son organisme était à l'agonie. — À l'aide ! hurla-t-il encore, les larmes aux yeux. Rude ! Tseng ! N'importe qui ! Reno finit par s'écrouler, terrassé par la douleur.
*
Le trajet inverse jusqu'aux appartements de Reno se passa dans la morosité. Tseng ne savait plus que dire à Rude et à Éléna pour tâcher ne serait-ce que de leur remonter le moral. Pour la première fois depuis longtemps, son coeur était empli de doutes. Rude fut le premier à remarquer les gardes allongés dans le couloir. Il attira l'attention d'Éléna qui se précipita vers eux malgré le cri d'avertissement de Tseng. — Ils sont morts, fit-elle d'une voix chevrotante. Qui leur a fait ça ? Tseng avait déjà sorti ses éventails et examinait le couloir. Pas la moindre trace du passage d'un ennemi à part les cadavres qui jonchaient le sol ; l'endroit était aussi calme qu'on aurait pu l'espérer. Trop calme ; les bâtiments grouillaient d'activité, en temps normal, que ce soit par le passage des gardes et du personnel ou par le bourdonnement des appareils électriques installés un peu partout. — On a bousillé les caméras de surveillance, dit Rude en désignant le dispositif détraqué. La personne qui a fait ça doit s'y connaître, les boîtiers sont intacts. — À quoi tu vois qu'elles ne fonctionnent plus ? demanda Éléna. — Fais-moi confiance, je sais. Tseng se satisfit de cette réponse. Il savait de source sûre que les parents de Rude avaient été des ingénieurs réputés ; pour tout dire, le système de sécurité de l'ancienne Shinra avait été installé par le père de celui-ci. Difficile de croire dans ces conditions que le fils ne soit qu'un homme à tout faire de Rufus. Rude était bien plus intelligent qu'il ne le laissait penser ; d'après son dossier, il avait même eu les meilleures notes de sa promotion et son Q.I. était plus élevé que la moyenne. Tseng s'était toujours demandé pourquoi il avait rejoint les Turks plutôt qu'une section de Recherche et Développement un peu plus appropriée à son niveau. Il est vrai que leur organisation n'avait guère de préférence de statut : Reno venait des bas-fonds, Éléna était une fille de bonne famille, Tseng lui-même avait fait partie de la noblesse de Wutai. Chaque membre avait ses raisons d'être un Turk ; et cela impliquait souvent un nombre incalculable de squelettes dans les placards personnels de chacun. — Les morts ? s'enquit-il en revenant à la situation actuelle. — Aucune trace de coup ou de blessure, dit Éléna. C'est comme s'ils s'étaient éteints dans leur sommeil. Elle sortit son arme à son tour et la chargea tout en essuyant une larme discrète. Tseng regarda en direction du corps qu'elle venait d'examiner. — Je connais cet homme, dit-il. — Il s'appelait Karl Mason, chuchota la jeune femme. C'était un ami de longue date. Il a une épouse et un garçon en bas âge qui l'attendent à la maison. Douce Éléna, qui pouvait pleurer la perte d'un seul homme cher à son coeur et en tuer vingt autres sur un simple ordre de Rufus. Tseng secoua la tête, atterré. Il se demandait quelquefois si elle était faite pour être un Turk. Elle n'en avait pas l'étoffe, en apparence : trop sensible, trop dévouée aux autres. Ce n'étaient pas là des qualités requises pour faire partie de leur organisation. Un cri inhumain attira soudain leur attention, suivi de bruits sourds, de chocs violents. Cela semblait provenir des quartiers de Reno. Les trois amis se regardèrent avec effroi ; Tseng ordonna à Rude de le suivre tandis qu'Éléna devait rester un peu en retrait pour couvrir leurs arrières. Prenant le maximum de précautions, ils se dirigèrent au pas de course vers l'origine du tapage, prêts à toutes les éventualités. Sur le chemin, Tseng appela Rufus. On ne plaisantait plus. La Néo-Shinra avait été infiltrée, ses employés attaqués. Il espérait seulement que Reno allait bien ; le bonheur de Rufus en dépendait.
*
Le téléphone sonna alors que Cloud finissait de relater les événements qui avaient pris place au Mont Corel. Rufus décrocha, très digne, et s'enquit de la cause de cette interruption. Cloud le vit pâlir considérablement en l'espace d'une minute ; il raccrocha d'un coup sec en signalant qu'il « envoyait quelqu'un ». — Un problème ? demanda Tifa. — En effet. Tseng vient de m'apprendre que nous avons été attaqués. Il semblerait qu'il y ait plusieurs morts. On ne sait pas encore si Reno en fait partie. — Reno ? intervint Cloud. Qu'est-ce qui s'est passé avec lui ? — Le... « raid » a eu lieu près de ses quartiers. Et un bruit suspect en sort. Tseng et les autres sont allés voir mais ils ont peut-être besoin de renfort ; on ne sait pas de quoi il s'agit. — On y va, dit brusquement Cloud. Il ne savait pas pourquoi, mais il avait l'impression très nette qu'il devait se rendre près de Reno. Tifa parut interdite, Vincent troublé. Cloud serra les poings pour se calmer ; il s'aperçut qu'il était nerveux et que son coeur battait à toute vitesse. Et cette sensation étrange qui lui serrait la gorge, comme quand il avait été en présence de ces monstres à Corel... Tifa lui saisit la main et le tira vers elle. Pris de court, Cloud sursauta. — Arrête, Cloud, tu me fais peur, dit-elle d'une voix tremblante. — Que veux-tu dire ? Elle échangea un regard étrange avec Vincent. C'était si inhabituel ! Cloud savait qu'il devait s'en inquiéter mais son esprit était empli de l'image de Reno. Allait-il bien ? Était-il blessé ? Il fallait qu'il se rende à ses côtés, il devait le protéger à tout prix ! Un bourdonnement dans sa tête ; la voix affolée de Tifa qui lui criait de se ressaisir. Il la rejeta d'un geste et partit en courant, le nom de Reno sur les lèvres.
*
Agonie. L'odeur du sang et de la pourriture. Reno était à terre ; il ne voyait plus rien, entendait à peine. La douleur recouvrait tous ses sens ; sa respiration était saccadée. Des cris, le toucher brûlant d'une main qui le releva du sol, la vision furtive de Rude et des yeux humides d'Éléna. — Bon sang, qu'est-ce qu'il a ? hurla son amie, bouleversée. — On dirait de la Géostigma, fit la voix lointaine de Tseng. Rude, ne le touche pas ! Un grognement ; Rude le serrait contre lui. Reno ferma les yeux et s'évanouit, apaisé.
*
La voix d'Aerith le pressait d'avancer. Dépêche-toi, disait-elle, tu ne veux pas arriver trop tard, n'est-ce pas ? Et Cloud accélérait encore, il partait dans la direction qu'elle lui indiquait. À peine entendait-il Tifa qui l'appelait derrière lui, loin, de plus en plus loin à mesure qu'il laissait l'illusion mener ses pas. Il ne savait même pas vers où il se dirigeait. Plus vite, répétait la voix d'Aerith, ou il ne survivra pas. Ce serait terrible ! Tu serais tout seul. Seul au monde, mon pauvre enfant. La sensation furtive de bras glacés qui l'étreignaient doucement ; Cloud en eut le souffle coupé. La porte était ouverte. Il passa Tseng en hâte et put voir Rude et Éléna qui soutenaient un Reno méconnaissable. La Géostigma avait envahi son corps en entier et menaçait de le tuer. Cloud pressa son oreille contre la poitrine du Turk. Un son très faible ; il n'y avait pas une seconde à perdre. La voix d'Aerith prit le contrôle ; il l'entendit à travers un brouillard parler par-dessus la sienne. Étrangement, personne ne semblait en être dérangé. La percevaient-ils seulement, eux qui n'étaient qu'humains dans un monde de murmures ? — Je sais comment le sauver, fit-il. Confiez-le moi. Tseng fixa un instant la silhouette sans vie de Reno. Un regard à ses compagnons lui confirma qu'il n'avait plus tellement le choix. — Ok, Cloud. On te fait confiance pour cette fois. Il était grand temps. Cloud pouvait sentir l'arrivée de Tifa et de Vincent sur l'étage. Il prit Reno dans ses bras et partit sans un regard en arrière. |
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Par LuluLoveNight le 17 Juin. 08 - 22:07 :
re^^
Chapitre 7
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Beu,pourquoi y pas la suite?!
T'avais pas d'inspi,ou c'est le manque de review qui t'as déprimé?
Bah,tu sais,on écrit pour nous,hein.Les autres,vaut mieux s'en foutre un peu,parceque sinon y longtemps que perso,j'écrirais plus.
'Fin j'éspére franchement que tu va poster la suite,moi j'suis là et j'attends!!
A bientôt,
LuLu |
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Tant qu'à vivre une vie purrie, autant mourir en se fendant la gueulle! |
Par LuluLoveNight le 16 Juin. 08 - 00:19 :
Ouais!
Chapitre 3
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Ah,je voulais te mettre un petit commentaire idiot à chaques chapitres,mais j'ai été "hapée" par l'histoire.Pis j'voulais pas t'agacer.
'Fin,voilà.
C'est génial,ça tient la route et c'est vraiment au-dessus du niveau de certaines fics,qui je ne sais pas pourquoi (faudras qu'on m'explique un jour),obtiennent milles et une review.
Donc,je vais revenir lire la suite-là,il est minuit,j'commence à fatiguer- et je sais pas si c'est terminé,mais j'éspère franchement que oui,parceque je crève d'envie de voir l'aboutissement d'une relation qui prommet d'être interresante (j'adore Reno,Cloud un peu moins,mais sont sympas à caser ensemble.Vive les contrastes!!^^).
Voilà,je vais me pieuter pis demain je reviens pour finir,et lire au passage tes autres fics.Bonne continuation,comme dirait l'autre.
^^
LuLu |
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Tant qu'à vivre une vie purrie, autant mourir en se fendant la gueulle! |
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