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au 31 Mai 21 :
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Adventice
Par Mokoshna
Final fantasy VII  -  Romance/Action/Aventure  -  fr
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    Chapitre 5     Les chapitres     2 Reviews    
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Chapitre 5
Auteur : Mokoshna
Crédits : Final Fantasy 7 est la propriété de Square-Enix, je ne reçois pas un sou en écrivant cette fic.
Avertissements : Spoilers du jeu et du film Advent Children, Yaoi Reno x Cloud.


***
 

Chapitre 5


Cloud se précipita sur Carson et le souleva de terre avant qu'il ait eu le temps de se rendre compte de ce qui lui arrivait. Il était positivement furieux. Le savant était seul dans le laboratoire ; Reno, Éléna et Gina n'étaient pas encore revenus de leur patrouille. Carson poussa un gargouillis étranglé et baissa ses yeux porcins en sa direction.
— Expliquez-moi ce que Zack fait ici, dit-il froidement en désignant la forme tremblante coincée entre Rude et Tseng. Bienfaiteur de l'humanité, mon cul ! Vous aviez dit que vous ne faisiez plus d'expériences douteuses !
Carson ricana ; Cloud raffermit sa poigne et le pressa un peu plus contre le mur. Pendant ce temps, les deux Turks qui l'accompagnaient installèrent Zack sur une chaise. Tseng enleva sa veste et la passa sur les épaules du blessé.
— Vas-y mollo, Cloud, dit-il sur un ton fatigué. On doit ramener Carson Nevada entier.
— Je ne comprends rien à ce que vous dites, bafouilla le savant en essayant de ne pas mourir étouffé. Je ne connais pas cet homme...
— Rude dit l'avoir trouvé dans une de vos jolies petites cuves servant à contenir des clones, fit Cloud. Heureusement qu'il avait réussi à briser la cuve et que Rude était passé dans le coin, sinon il aurait pu continuer à être traité comme une sale expérience de laboratoire pendant le restant de ses jours !
— Puisque je vous dit que je n'y suis pour rien ! couina Carson. Il n'était pas là avant ! Je n'y suis pour rien !
— Je ne vous crois pas ! hurla Cloud.
Le bruit d'une gâchette claqua tout près de son oreille. En regardant du coin de l'oeil, il aperçut Reno le menacer d'un pistolet pointé sur sa tempe. Derrière lui, Gina en faisait de même. Éléna se tenait près de Tseng et semblait hésiter sur la marche à suivre ; voyant que Rude ne se sentait pas bien, elle se hâta de le faire asseoir sur un siège, à côté de Zack.
— Bas les pattes, Cloudy, dit le Turk. Qu'est-ce que tu fais à mon tonton, là ?
— Tu n'as pas vu Zack ? railla le bretteur en montrant son ami blessé. Ton cher tonton, comme tu dis, en avait fait un sujet d'expérience.
— Il dit que non.
— Il dirait n'importe quoi pour sauver sa peau !
— Bas les pattes, blondinet. Je ne le répèterai pas trois fois.
Cloud jaugea la situation. Deux pistolets armés en joue sur lui, tous deux tenus par des Turks. Des gens qui connaissaient leur métier et pour qui le maniement des armes à feu était quasiment une seconde nature. Il n'avait pas d'arme ou d'équipement à disposition, et les deux adversaires sûrs qu'il avait en face de lui pouvaient très facilement se transformer en cinq à partir du moment où les trois autres, Rude, Tseng et Éléna qui observait la situation sans comprendre, viendraient à la rescousse de leurs confrères. Il y avait aussi la possibilité qu'il se servent de Zack comme d'un otage.
Dépité mais résigné, il lâcha d'un coup le corps maigre de Carson qui glissa au sol. Le savant avait pris une teinte livide ; Cloud s'en désintéressa pour se rendre auprès de Zack. Il le prit dans ses bras et décida de ne plus le lâcher jusqu'à ce qu'il soit en lieu sûr avec des amis de confiance.
Les deux armes s'abaissèrent d'un même accord. Reno poussa un soupir de soulagement.
— Tu nous fais toujours ce genre de plan, Cloud. T'en as pas marre ?
Cloud fit une grimace de dégoût.
— Moi, je vous fais ce genre de plan ?
— Ouais. Partir dans ton coin, discuter nos agissements et t'opposer à nous à la moindre occasion. C'est irritant, à la fin.
— Ça se passerait mieux si la Shinra était un peu plus réglo, fit Cloud avec hostilité. Mais je suppose que c'est trop demander ?
Les Turks gardèrent le silence. Gina releva Carson ; son attitude ne trahissait aucune animosité envers Cloud mais elle ne semblait pas non plus spécialement amicale. Pour Cloud, elle ne valait pas mieux que les autres.
Zack dormait, terrassé par la fatigue. Un peu plus tôt, il avait ouvert les yeux et reconnu Cloud ; c'était déjà ça de gagné. Cloud n'avait pas réussi à en apprendre plus. Rude lui avait raconté qu'il l'avait trouvé au pied d'une cuve éclatée, baignant dans le Mako et les débris de verre. Le Turk l'avait épongé de son mieux avec sa veste qu'il avait dû jeter sur place parce qu'elle était trop souillée. Il avait tenté de le prendre avec lui malgré les émanations de Mako qui restaient encore sur Zack ; de ce fait, certains endroits de son corps, en particulier autour de ses épaules, de ses bras et du bas de son visage, étaient comme brûlés et affreusement boursoufflés.
— Responsabilité de la Shinra, avait simplement dit Rude quand Cloud lui avait demandé pourquoi il avait pris autant de risques alors qu'il était visiblement allergique au Mako.
— J'ai une dette envers toi, Rude, dit-il à voix haute en contemplant le visage de Zack.
— Normal, grogna Rude. T'as sauvé Reno.
— Je suppose...
Rude leva les yeux vers lui et hocha la tête. Il se faisait soigner par Éléna ; pour cela, elle avait dû lui enlever sa chemise et il était à présent torse nu devant tout le monde. Reno alla chercher de quoi soigner les blessés ; Tseng resta à la porte pour surveiller les alentours. Quant à Carson et Gina, ils s'étaient retirés dans un coin, attendant la suite et les observant sans un mot.
Les minutes passèrent, interminables. Personne ne disait mot ; un climat de gêne s'était installé avec le mouvement de fureur de Cloud. Même Éléna qui était la plus amicale du groupe gardait les yeux baissés sur ses chaussures. Cloud se mit à espérer le retour de Reno ; sitôt qu'il eut cette pensée, il s'en étonna. Depuis quand avait-il mis cet homme à part dans sa vision du groupe ? Il n'était pas si important ou différent des autres Turks. Certes, il ne cessait de l'importuner par ses grossières tentatives de séduction et la situation actuelle le mettait au premier plan ; pourtant, en quoi cela le rendait forcément plus « spécial » que les autres, au point que Cloud en vienne à souhaiter sa présence ?
Et par tous les dieux, si cela avait si peu d'importance pour lui, pourquoi se posait-il même la question ?
— C'est le docteur, rugit gaiment Reno en rentrant. J'ai les médocs ! C'est qui le winner, hein bande de nazes ?
— La ferme, Reno, firent en choeur les membres de son équipe et Cloud.
Le Turk fit mine de ne pas les avoir entendu. Il avait deux trousses de secours avec lui ; il en passa une à Éléna et garda l'autre. Éléna le remercia d'une voix faible, les yeux rivés sur les lésions ornant la peau de Rude.
— Je vais m'occuper de ses mains, fit Reno en se penchant sur Zack.
Cloud hocha la tête ; un étrange sentiment de sécurité envahit son être. Ses yeux s'attardèrent sur le corps mince de Reno, sa peau qui restait claire malgré tout le temps qu'il passait à l'extérieur, les deux fines cicatrices rouges qui ornaient ses joues. Un regard, un sourire ; le visage de Reno exprimait sympathie et encouragement. Cloud en eut le souffle coupé pendant un instant, au point d'oublier où il se trouvait et surtout avec qui. Les yeux verts de Reno étaient fixés sur lui. La pupille fut comme traversée d'un sursaut ; le coeur de Cloud battit en résonance. L'instant suivant, ils étaient redevenus bleus.
— Ça doit te faire un mal de chien, chuchota Éléna à côté d'eux, ce qui réveilla Cloud de sa transe. Oh, Rude...
Les yeux humides, elle attrapa un morceau de coton et l'imbiba d'eau oxygénée. Cloud secoua la tête et observa ses voisins tandis que Reno s'affairait sur sa part du travail.
— Je ne sais pas si je pourrais faire grand-chose, dit la jeune femme. Ce genre de blessure au Mako, ça se laisse traiter par des spécialistes. Bon sang, je commence à en avoir marre de vous recoller à chaque fois...
— Je peux le faire, si vous voulez, intervint alors Carson d'une voix sifflante.
Reno posa la trousse en fer qu'il tenait sur le sol, d'un coup brusque qui en fit sursauter plus d'un dans la pièce. Il rouvrit d'un geste vif le capot qui s'était refermé sous le choc et sortit une pince à épiler, de l'antiseptique, de l'eau oxygénée et des pansements, tout en gardant les yeux baissés sur les mains abîmées de Zack. Cloud crut déceler dans son regard un soupçon de haine ; un éclair fugitif qui disparut aussi vite qu'il était apparu. L'instant suivant, un Reno affable et souriant lui demandait de se pousser un peu pour le laisser faire. Cloud lui obéit sans sourciller.
— Pas la peine, tonton, dit le Turk en retirant avec précaution les bouts de verre qui restaient dans la chair. On a les meilleurs spécialistes à la Shinra, Rude sera très bien traité là-bas.
— Je disais cela pour ne pas perdre de temps, ricana son oncle. Une minute de perdue, et le résultat peut être... désastreux.
— Eh bien il attendra. Aux dernières nouvelles, tu n'étais pas un spécialiste du Mako, n'est-ce pas ?
Le tout dit sur un ton neutre, comme s'il parlait de la pluie et du beau temps. Cloud eut la nette impression d'entendre un système d'alarme résonner dans sa tête. Carson, pas un spécialiste du Mako, alors qu'il était un ancien scientifique de la Shinra ? C'était peu probable. Il savait que chacun des membres du corps savant recevait une formation de base sur le Mako, qui était plus poussée que n'importe où ailleurs. Même si la spécialité de Carson semblait être la génétique, il devait au moins savoir comment traiter un cas de contamination.
— Comme tu voudras, cher neveu, siffla Carson sans insister.
Cloud observa rapidement les autres témoins de la scène. Malgré sa douleur apparente, Rude semblait sceptique, Éléna était visiblement confuse. Gina ne bougeait ni ne cillait et Tseng... Cloud arrêta son regard sur lui. Était-ce un soupir de soulagement qu'il venait de surprendre ? Tseng était-il donc tellement rassuré que Carson ne s'occupe pas des blessures de Rude ? Cette réaction n'était pas due à la négligence ou l'indifférence ; il tenait trop à ses hommes pour prendre le moindre risque. Avait-il donc peur de ce que Carson aurait pu faire à Rude ? Si c'était le cas, Reno partageait cet avis et l'avait même devancé dans son refus.
Quelque chose n'allait pas. Cloud en avait l'intime conviction ; seulement, au vu des circonstances, il avait énormément de mal à y réfléchir. Il fallait absolument qu'il retrouve ses amis pour pouvoir en discuter calmement avec eux.
— Combien de temps va-t-on rester ici ? demanda-t-il tandis que Reno enveloppait de pansements les mains de Zack. Je n'ai pas envie de m'attarder, j'ai une tonne de boulot qui m'attend.
Reno finit et se releva. Cloud suivait le moindre de ses gestes.
— J'ai envoyé un message à Rufus, dit le Turk sans rien remarquer. Je lui ai expliqué la situation. Il voulait venir nous chercher.
— Ça va prendre longtemps ? demanda Éléna en contemplant le flanc droit de Rude, qui était traversé de zébrures rouge violacé.
— Pas tellement. On est toujours à Midgar, après tout.
— Hein ?
— Je vous l'avais pas dit ?
— Tu l'as oublié, on dirait, grogna Cloud.
— Il faut dire, il s'est passé tellement de choses, chuchota Éléna.
La jeune femme soupira ; ses mains tremblaient un peu alors qu'elle s'affairait sur Rude. Cloud caressa les cheveux de Zack du bout des doigts. Un frôlement sur sa jambe ; Reno avait posé sa tête sur sa cuisse et avait fermé les yeux. Seul Cloud ne s'en étonna pas et il poussa même la complaisance jusqu'à se déplacer un peu de manière à ce que Reno soit mieux installé. Rude était devenu livide et les yeux d'Éléna semblaient vouloir lui sortir de la tête.
— Qu'est-ce que vous... commença Tseng sur un ton sèvère.
Il n'eut pas le temps de finir. Il y eut tout d'un coup un bruit sourd, comme une explosion ; une alarme au son strident se déclencha et leur vrilla les tympans.
— Ah, siffla Carson, on dirait qu'ils sont arrivés.
Tseng laissa de côté sa question pour partir à la rencontre des nouveaux arrivants, non sans jeter un dernier coup d'oeil interrogateur à Reno. Cloud avait remarqué depuis qu'ils avaient trouvé Zack que le chef des Turks avait le front rayé par l'inquiétude.
— Attends, fit Reno au dernier moment, je viens avec toi.
Tseng l'attendit donc et ils partirent ensemble en hâte. L'air parut s'alourdir ; Cloud regrettait déjà le poids de la tête de Reno sur sa cuisse. Il serra Zack un peu plus fort.
Les deux hommes revinrent bien vite ; ils n'étaient pas seuls. Un bruit de dispute accompagnait leurs pas. La voix de Tifa se détachait nettement du lot, hurlant, grondant, tandis que Tseng essayait de la calmer de son mieux. Tentatives vaines puisque Reno semblait prendre un malin plaisir à répondre aux moindres accusations de la jeune femme en tentant de crier plus fort qu'elle. Même à cette distance, Cloud sentait un mal de tête poindre rien qu'à les entendre. Il n'osait même pas imaginer le moment où il serait la victime des remontrances de Tifa. La jeune femme savait se montrer très vindicative quand il la délaissait trop longtemps, surtout si cela impliquait une bonne dose de danger. Shera, l'épouse de Cid, appelait ce trait de caractère « l'instinct maternel ». Son mari était nettement moins diplomate et disait qu'elle avait ses ragnagnas, ce qui ne manquait jamais de lui attirer un bon coup de poing de la part d'une femme ou d'une autre.
Un morceau d'étoffe rouge, déchiré et flottant au vent : la silhouette de Vincent apparut à la porte, précédant celle de Tseng. Vif comme l'éclair, il dégaina son fusil en entrant dans la pièce et le braqua sur Carson. Gina s'interposa et pointa sa propre arme sur le vampire. Les Turks Frankie et Alicia suivirent Vincent de près en affectant une pose nerveuse comme s'ils étaient sur le point d'attaquer. Tifa et Reno furent les derniers à arriver, les yeux rivés l'un sur l'autre par signe de défi.
— Quelle entrée en fanfare, dites donc, fit Gina. Digne de la Shinra, comme d'habitude, hein ?
— Nous ne sommes pas de la Shinra ! hurla Tifa, passablement énervée.
Reno ricana, ce qui eut pour effet de lui valoir un regard noir de la part de Tifa. Devant eux, Cloud vit Frankie ouvrir des yeux de la taille de soucoupes en apercevant Gina. Ses mains tremblèrent, celle qui tenait Yang serra la garde jusqu'à ce que les jointures deviennent blanches. Son visage était aussi pâle que celui de Rude. À ses côtés, Alicia semblait aussi fortement perturbée.
Les Turks se qualifiaient de « grande famille » ; jusqu'à quel point cela était-il vrai ?
Une main sur l'épaule de Cloud le fit sursauter. Tifa s'était rapprochée pendant qu'il observait les Turks ; son expression inquiète en disait long sur ce qu'elle devait penser de cette réunion.
— Cloud, tu vas bien ? souffla-t-elle, le bouche tordue en un rictus angoissé.
Cloud lui fit un maigre sourire.
— Ça ira mieux après un peu de repos et un repas convenable, je suppose. Nous avons deux blessés. Rude et Zack.
Les yeux de Tifa s'ouvrirent démesurément. Elle sembla enfin remarquer le fardeau sur les genoux de Cloud ; elle eut un mouvement de recul. Vincent s'approcha sans bruit.
— Un clone ? fit-il de sa voix égale.
— Non. C'est Zack.
— Ton ami ? siffla une Tifa troublée. Celui qui est mort ? Le petit ami d'Aerith ?
— Lui-même.
— Mais... comment...
— Je l'ignore. Je sais juste qu'il est en vie et qu'il a besoin de soins.
Tifa acquiesça silencieusement, et, quoique visiblement secouée, elle se proposa pour l'aider à transporter Zack. Cloud accepta ; ils partirent sans tarder.

*

Rufus se resservit un scotch serré, les yeux perdus dans le vague. D'ici quelques minutes, le petit contingent qu'il avait envoyé pour récupérer Reno et les autres rentrerait à la base. Tous étaient apparemment sains et saufs, y compris Cloud. Il ne savait pas s'il devait être reconnaissant ou déçu.
Une sonnerie retentit, suivie du crachotement d'un micro que l'on réglait avec grand-peine. La voix nasillarde de sa secrétaire personnelle lui annonça que les visiteurs étaient arrivés. Rufus leur ordonna d'entrer d'une voix blanche.
Le premier à passer le pas de la porte fut Reno, suivi de près par Tseng et Carson Nevada. Aucune trace de la bande de Cloud ni du reste des Turks. Tseng s'était-il arrangé pour leur donner une occupation, comme des dossiers à remplir ou des blessés à accompagner à l'infirmerie ? Rufus lui en fut reconnaissant. Étant donné les circonstances, il préférait avoir le moins de témoins possibles pour cet entretien. Reno semblait en pleine forme, le teint un peu pâle certes, mais il pouvait bien se le permettre au vu de ce qu'il avait subi...
— On est de retour, fit-il d'une voix faible. Avec Carson.
Le savant sourit et s'inclina de manière raide, une main plaquée dans le dos. Il exhalait de lui une odeur âcre et désagréable ; un mélange de Mako et de substances chimiques indéterminées. Rufus lui fit signe de se rapprocher, non sans avoir soigneusement dissimulé l'expression de dégoût qui menaçait de se dessiner sur son visage. Nevada s'assit directement en face de son bureau, le sourire goguenard. Reno et Tseng se placèrent de part et d'autre de son siège, le regard braqué sur sa silhouette ingrate. Visage crispé et coudes posés sur la table, Rufus entama les hostilités.
— Nevada, dit-il sèchement, quel déplaisir de vous revoir. Cela faisait quoi, dix ans qu'on n'avait pas vu votre sale visage ?
— Rufus Shinra, répliqua son interlocuteur. Vous avez grandi. Ça change du sale mioche qui pleurait dans les jupes de sa mère.
Dieux qu'il haïssait cet homme ! Rufus but le contenu de son verre d'un coup, sans en proposer à son « invité ». Nevada parut s'en amuser ; il s'installa plus confortablement dans son siège et regarda autour de lui avec l'air satisfait d'un propriétaire.
— Je viens en toute bonne foi, continua-t-il.
— J'en doute.
— Vous ne voulez pas écouter ce que j'ai à dire ? Pourtant, Reno ici présent est la preuve vivante de ma générosité.
Rufus lui adressa un regard de mépris.
— Vous osez dire cela ? Alors que c'est à cause de vous qu'il est en train de mourir ?
— Justement, fit le savant avec un rire porcin. Il est guéri. N'est-ce pas merveilleux ?
Rufus n'en crut pas ses oreilles. Il interrogea Reno du regard ; celui-ci hocha lentement la tête, l'air mécontent. Ce n'était pas bon signe.
— Admettons que vous ayez réparé vos torts ; qu'avez-vous à dire avant que je ne vous envoie croupir dans mes cachots ?
— Quel comportement barbare ! soupira Nevada. C'est bien digne d'un Shinra. Mais je ne m'étonne pas, quand on voit Reno...
Le chien ! Rufus se leva d'un bond et frappa du poing sur la table, si violemment que Reno et Tseng sursautèrent. Et pour cause... Sa mère avait toujours répété à Rufus de ne pas extérioriser sa colère ; il y avait tellement de manières plus élégantes d'impressionner son adversaire ! Depuis tout jeune, Rufus s'était astreint à faire preuve de patience, à ne jamais montrer de lui qu'un calme froid qui l'accompagnait en toutes circonstances. Comme cela devait paraître étrange à ses hommes de voir ses traits déformés par la colère ! Il ne disait rien, si ému qu'il était ; mais son regard était bien plus éloquent que sa voix. Néanmoins, Nevada ne broncha pas, ne parut pas le moins du monde décontenancé. À peine eut-il un rire railleur, fort disgracieux.
— Mais c'est qu'on se fâche, fit-il d'une voix sifflante. Je ne vois pas pourquoi. Je l'ai élevé moi-même, ce petit, c'est ma chair et mon sang, n'est-ce pas ? Et du reste, je ne doute pas que vous aillez vos... charmes, vous autres Shinra.
Ce disant, il lança un regard appuyé à Reno qui se détourna, la mine écoeurée. Rufus sentit sa colère, déjà considérable, monter d'un cran.
— C'est de famille, on dirait... Ma soeur a eu largement le loisir d'apprécier les qualités de votre défunt père... Quel dommage qu'elle se soit laissée ainsi aveugler... Oui, bien dommage.
Rufus vit Reno serrer distinctement les poings, prêt à frapper mais retenant néanmoins son geste. La haine l'aveuglait presque ; il serra son verre si fort que celui-ci paraissait vouloir de se fendre dans sa main. Devant lui, Nevada continuait de le regarder comme s'il était en face d'un insecte. Tseng paraissait nerveux.
— Il a Éléna, dit-il précipitamment. Je ne sais pas où il la retient.
Rufus fronça les sourcils.
— N'était-elle pas avec vous au retour ?
— Un vulgaire clone. Nevada lui a rajouté un semblant de personnalité mais je suis prêt à affirmer que ce n'est pas elle. Il s'en sert comme otage.
Nevada éclata de rire. Les trois autres hommes le regardèrent avec mépris.
— Comme vous y allez ! Je la garde simplement comme un atout. Une preuve de ma bonne foi, si vous voulez.
— Quelle bonne foi ? fit sèchement Rufus. Pourquoi devrais-je vous croire ?
— Eh bien, pour commencer, elle est parfaitement bien traitée...
Reno le coupa dans son dialogue.
— Ne prends pas ce qu'il dit trop au sérieux, dit-il en s'adressant à Rufus. C'est un clone. Carson, le vrai, avait bien prévu son coup et avait programmé sa renaissance à travers ce déchet. Et pour le protéger, il n'a rien trouvé de mieux que de faire revivre Tommy et Gina. C'est Tommy qui retient Éléna.
— Les deux Turks manquant à l'appel ? s'étonna Rufus. Ils ne sont pas morts ?
Question stupide s'il en était. Après tout, il avait bien sous les yeux la preuve vivante que la mort pouvait être contournée par des moyens illicites. Rufus maudit intérieurement Nevada. Il aurait dû se douter qu'il n'était pas si aisé de se débarrasser de cette vermine !
— Non, répondit Reno d'un air gêné. Il s'est servi de cellules conservées qu'il a trouvées je sais pas comment. Ils bossent pour lui, maintenant.
— Expériences fort intéressantes s'il en est, intervint Nevada. Gina est une réussite, mais ce pauvre Tommy n'a pas une once de discernement. Il est quand même bien utile pour les basses besognes.
Rufus hocha doucement la tête. Des traîtres sans humanité ; il ne lui serait donc pas difficile d'ordonner leur élimination au moment opportun. S'il y avait une chose qu'il ne supportait pas en tant que président de la Shinra, c'était de sacrifier bêtement ses hommes les plus proches. L'expérience lui avait appris à quel point les Turks étaient précieux ; on ne les envoyait pas à l'abattoir au même titre qu'un simple soldat ou un sous-fifre sans importance. Loyal jusqu'à la mort, dévoué à son travail au-delà de toute mesure et de surcroît doué dans ce qu'il faisait, telles étaient les qualités du Turk lambda. Les critères de sélection étaient extrêmement rigoureux, les rares élus devenaient réellement le bras armé des Shinra. Un tel statut méritait quand même un traitement de faveur.
En outre, Rufus avait commis l'irréparable erreur de s'attacher à ces hommes et à ces femmes qui avaient tout abandonné pour le servir ; chose inimaginable du temps de son père. Il se consolait comme il pouvait en se disant qu'il n'était pas comme son père, Dieu merci.
— Que voulez-vous ? fit-il d'une voix un peu plus détachée.
Nevada sourit, laissant voir ses dents jaunes.
— Nous y voilà. Voyez-vous, cher Rufus, même si je suis techniquement un clone, je n'en reste pas moins un scientifique doté de toutes ses facultés intellectuelles. Et en tant que tel, il m'est pénible de devoir réfréner mon talent naturel, vous voyez ?
Rufus retint à grand-peine un rictus de dégoût. Un clone, vraiment ! Ce Nevada-là était le portrait craché de son original dans ses moindres gestes, dans sa façon de se tenir et de penser. Il ne l'en méprisa que davantage.
— Je ne demande pas grand-chose, continua le savant, juste une place bien au chaud au sein de cette magnifique organisation qui m'a si bien accueilli par le passé. Je vous serai très utile, vous verrez.
— Et pour quelle raison devrais-je accepter une telle proposition ? Éléna n'est pas irremplaçable.
— Vous sacrifieriez cette jolie petite ?
Tseng se raidit. Rufus évita de croiser son regard. Il savait parfaitement ce qu'il lui en coûtait : avec le temps, Éléna était devenue une part importante de la vie du Turk. Trahir ainsi la confiance de son vieil ami ne lui plaisait guère, mais cette affaire allait au-delà de leur attachement premier. De son côté, Nevada ricana, visiblement ravi. Mais à quoi pensait donc cet homme ? Ne voyait-il pas que Rufus pouvait l'écraser dans la seconde qui suivait ? Il ignora le sentiment d'intense frustration qui l'agrippa à la gorge et répondit aussi posément que possible. Sa voix trembla à peine quand il dit :
— S'il le faut, oui. Je connais Éléna, elle comprendra.
— Quelle cruauté ! s'écria Nevada. Ne vous souciez-vous donc pas du sort de vos hommes ? Cette chère petite Éléna, certes, mais il y a aussi Reno ici-présent qui, bien qu'il soit guéri, réagira peut-être mal au traitement que je lui ai administré... Vous avez besoin de moi. Je peux vous apporter tellement, tellement de choses !
Rufus sentit sa gorge se serrer.
— Vous aviez dit qu'il était guéri.
— Pour l'instant. Mais qui sait dans six mois, dans un an ? Une réaction allergique est si vite arrivée.
Risquer la vie de Reno une nouvelle fois, alors qu'il était si près de la guérison... Rufus se tourna vers son vieil ami, le coeur rempli d'incertitude. Et s'en voulut aussitôt. Depuis quand son coeur était-il aussi agité lorsque Reno était impliqué ?
— Je préférerai rester en vie si c'est possible, fit le Turk entre les dents. Pas spécialement envie de casser ma pipe si tôt.
Cela étonna bien un peu Rufus ; il avait pris l'habitude d'entendre Reno lui répéter de ne pas s'en faire pour lui, que la mort était le lot de tout un chacun... D'où lui venait cette soudaine envie de vivre malgré tout ? La possibilité d'une solution, peut-être. Rufus pouvait difficilement lui en vouloir.
— C'est-y pas mignon ? se moqua Nevada. Mon neveu chéri réclame cette existence que vous autres Shinra ont passé votre temps à lui refuser. Héhé... il veut peut-être une part du gâteau lui aussi ?
— Je n'ai jamais dit ça ! protesta vivement Reno.
— Et pourtant, tu le mériterais, mon petit, fit sèchement Nevada. Tu es bien comme ma soeur, tiens. Sierra avait beau être la plus belle femme de tout Midgar selon ton salaud de papa, elle n'avait pas un gramme de jugeote dans la cervelle. Heureusement que j'étais là pour m'occuper de vous, tiens !
— Comment osez-vous ? dit Rufus, fou de rage. C'est à cause de vous que Sierra est morte en couches ! Si vous n'aviez pas fait toutes ces expérimentations sur elle et sur Reno !
Nevada haussa les épaules. Dans leur coin, Tseng et Reno baissèrent les yeux. Rufus était si en colère ! Et Nevada qui ne bronchait pas, qui restait dans son siège comme s'il était à sa juste place !
— Je vous ai tué il y a dix ans, fit Rufus en tâchant de reprendre son calme, je pourrais recommencer.
— Et ainsi, vous priveriez votre demi-frère de sa meilleure chance de survie, dit calmement Nevada, pesant chacun de ses mots et les lançant à la face de Rufus comme autant de piques acérées. J'avais raison ; vous ne valez pas mieux que votre père. Peu importe de sacrifier un membre de votre famille tant que c'est pour la gloire de votre nom, n'est-ce pas ?
Rufus eut l'impression qu'on lui avait lancé un seau d'eau glacée à la face. Il se tut ; Reno s'approcha de lui et lui mit la main sur l'épaule.
— Rufus...
— Je vais réfléchir, dit-il d'une voix blanche. Laissez-moi seul.
— Mais...
— Partez !
Reno s'inclina bien bas, le visage crispé par l'anxiété. Tseng raccompagna Nevada à la porte ; le savant s'était tu mais ses lèvres se courbaient en un sourire triomphal. Rufus fut bientôt seul, comme il l'avait souhaité. Ses pas le menèrent à nouveau vers le cabinet à alcools ; il ouvrit la porte avec un soupir. Une soif tenace lui tiraillait le gosier.
Cette nuit serait très longue, il le savait...

*

Cloud fit les cent pas, l'esprit aussi agité que le jour de son examen pour devenir SOLDAT. Bien mal lui en avait pris à l'époque ; il avait été si nerveux qu'il avait raté à peu près tous ses tests d'admission. Ce jour-là, son avenir avait été en jeu ; cette fois, c'était son passé qui était concerné.
Zack n'avait pas ouvert les yeux de tout le trajet, ce qui correspondait à peu près à une demi-heure depuis qu'ils étaient sortis du repère de Carson. Tifa avait insisté pour qu'il voie un médecin de ses amis au lieu de ceux que proposaient la Shinra ; Cloud avait accepté d'assez bonne grâce. Il n'avait nullement confiance en Rufus et sa clique. La camionnette qu'ils avaient empruntée à la Shinra pour transporter Zack avait filé à une vitesse acceptable, quoiqu'elle fût moins rapide que son cher Fenrir. Sur le chemin, Cloud avisa qu'il n'avait toujours pas récupéré son épée. Vincent conduisait à toute allure ; Tifa elle-même avait du mal à se tenir à sa place. Il décida de laisser le sujet le temps que Zack soit hors de danger.
Le cabinet du docteur Soren Desti était situé au premier étage d'un immeuble à la façade un peu usée, en plein coeur d'Edge. Le rez-de-chaussée servait d'épicerie et il fallait pénétrer dans le cabinet par un escalier de service situé à l'arrière du bâtiment ; on accédait d'ailleurs aux autres étages par le même côté. Cloud avait vu plusieurs personnes sortir la tête de leur fenêtre en les voyant arriver ; il fallait dire que Vincent n'avait pas été particulièrement discret en fonçant dans les poubelles de la rue. Il s'étaient arrêtés net juste avant de percuter le mur de plein fouet.
— Les freins, fut la seule excuse qu'il donna.
Cloud ne sut jamais s'ils avaient été défectueux ou si Vincent avait simplement oublié de les utiliser. À dire vrai, il n'aurait pas été étonné si le vampire lui avait dit qu'il avait voulu arrêter le véhicule par la seule force de sa volonté... C'était le genre de choses qu'il le voyait bien faire, étrangement.
Le docteur Soren les avait reçu avec un sourire avenant. Assez jeune, les cheveux noirs et longs, il passait pour un bel homme même aux yeux de Cloud qui n'était pas intéressé par ce genre de considérations futiles. Tifa lui avait fait la bise et expliqué la situation en quelques mots ; Soren avait hoché la tête d'un air grave et s'était dépêché d'emmener Zack dans une petite pièce stérile pour lui appliquer les soins appropriés.
Ils leur avait bien fallu attendre qu'il ait fini.
— Tu me donnes le tournis, Cloud, soupira Tifa en le voyant passer devant elle pour la énième fois. Soit tranquille, Soren est très doué dans son domaine.
— J'espère bien, siffla le bretteur. Je ne veux pas encore perdre Zack !
— Je persiste à croire que c'est louche, sa réapparition soudaine aux côtés de Carson. N'est-ce pas, Vincent ? fit-elle en se tournant vers la troisième personne dans la salle d'attente.
Vincent la regarda d'un drôle d'air.
— La Shinra est mêlée. Pour moi, c'est tout ce qui compte.
— Justement ! s'écria la jeune femme. Il faut enquêter !
Elle se saisit de son téléphone portable et composa un numéro qu'elle avait appris par coeur. Cloud la laissa faire. Tifa connaissait un nombre impressionnant de contacts et d'informateurs dans la ville ; il se demandait parfois si elle ne constituait pas à elle toute seule le réseau de communication le plus perfectionné de tout Edge. Chaque numéro la liant à l'un de ses « amis » était soigneusement conservé dans sa mémoire ; la jeune femme évitait autant que possible de les enregistrer dans celle de son portable au cas où quelqu'un s'en emparerait. Seules les personnes qu'elle appelait régulièrement étaient disponibles : ses fournisseurs, ses amis proches, certaines connaissances utiles comme le docteur Soren. Le reste était à sa seule discrétion.
— Je connais quelqu'un qui travaille en tant qu'homme à tout faire là-bas, dit-elle en attendant qu'on décroche à l'autre bout du fil. Il nous dira ce qu'il sait du retour des Turks et de Carson.
— Nous aurions dû le détruire sur place, gronda Vincent.
— Je doute que les Turks nous aient laissés faire, et je n'ai pas mon épée, répliqua Cloud.
— Tu l'as perdue ? intervint Tifa.
— On me l'a confisquée, plutôt.
— C'est terrible ! Il faut que tu... Ah, oui, allô ? fit-elle soudain. Ben ?
Cloud sourit. Sur bien des points, Tifa n'avait pas changé depuis l'enfance : mignonne comme un coeur, sociable et toujours aussi populaire, elle était le cliché même de la jolie fille que tout le monde aimait. Bien des hommes voulaient sortir avec elle ; elle suscitait l'admiration par le rôle qu'elle avait joué sur tous les fronts lors du dernier conflit planétaire. Belle, forte, capable, c'était la fille parfaite.
Et cela faisait bien deux ans que Cloud n'éprouvait plus pour elle qu'une affection toute fraternelle.
Il avait essayé, pourtant ! De toutes ses forces, il avait tenté de se rappeler son amour d'enfant. Cette femme était la même adolescente à qui il avait juré de remuer ciel et terre pour la sauver si jamais elle était en danger. Il avait travaillé si dur pour qu'elle le reconnaisse, elle et tous ceux de sa ville natale ! T ant d'années passées à vouloir briller pour elle, cela laissait quand même des marques !
Pourtant, rien à faire, il n'arrivait pas à se voir à ses côtés. Ils étaient une famille, certes, mais pas un couple ; et cette situation ambiguë était surtout de la faute de Cloud. Tifa attendait et continuerait sans doute tant qu'il lui donnerait un signe d'espoir, aussi minime fût-il. Était-ce dû au temps passé à se prendre pour Zack ? Cloud n'était plus amoureux d'elle. Il avait vaguement ressenti un sursaut de tendresse pour Aerith, mais il ne savait pas si cela avait été sa propre volonté ou celle de son vieil ami. De temps en temps, il avait encore un peu de mal à démêler ses pensées des souvenirs artificiels de Zack.
— Tu t'es implanté une mémoire et une personnalité adventice, lui avait expliqué Reeve, une personnalité que tu as reproduite à partir de celle de Zack. Le subconscient fait parfois cela pour éviter d'endommager la conscience du porteur. Il arrive que l'assimilation soit telle que les deux personnalités se mélangent pour en former une nouvelle, très différente des deux originales. C'est parfois nécessaire, en fait. Comme une sorte de système de protection de l'individu.
Cloud n'avait pas cherché plus loin. Parce qu'il ne tenait pas à en savoir trop de peur de ne plus comprendre qui il était vraiment, parce qu'il ne voulait pas décevoir Tifa et les autres, parce qu'il n'était pas sûr de vouloir redevenir le Cloud qu'il était alors. Certes, ce Cloud-là avait un passé, mais guère d'avenir... contrairement à ce qu'il était devenu. Même si sa vie actuelle n'était ni très sûre ni très tranquille (il y avait toujours une crise ou une autre qui lui tombait dessus), elle avait au moins le mérite d'être plus constructive que celle du faire-valoir médiocre qu'il avait été jadis.
— Carson est à la Shinra, dit Tifa en l'interrompant dans ses réflexions. On l'a mis dans une chambre en tant qu'invité d'honneur. Tu te rends compte, après tout ce qu'il leur a fait ! Mais à quoi joue Rufus ?
Elle fulminait, et Cloud ne pouvait que lui donner raison. Rufus avait-il donc menti en prétendant ne pas vouloir refaire les mêmes erreurs que par le passé ? Carson Nevada était dangereux ; c'était la seule certitude. Reno avait bien assez souffert entre ses mains.
— Pourquoi je pense sans cesse à lui ? s'écria-t-il à voix basse, l'esprit embrouillé.
— Cloud ?
Tifa s'était rapprochée de lui et l'observait d'une étrange manière.
— Quoi ?
— Qu'est-ce que tu as ? Tu as l'air... bizarre.
— Comment ça bizarre ?
— Bizarre comme quand Sephiroth t'a demandé de lui donner la matéria noire. Ou pas loin. Bizarre comme ça. Effrayant.
Cloud ne sut que dire.
— Oh.
— Quelque chose te tracasse ? Tu entends encore des voix ?
— À part celle d'Aerith, non...
Son amie eut l'air contrariée.
— Tu l'entends encore souvent ?
— De temps en temps...
Tifa se détourna en toute hâte ; Cloud eut quand même le temps de remarquer qu'elle faisait la grimace.
— Tu penses encore à elle...
S'il n'y avait que cela ! Qu'Aerith occupe son esprit, c'était une chose facilement compréhensible au vu de leur relation passée et des épreuves qu'ils avaient dû affronter ensemble ; mais Reno ? Qu'avaient-ils en commun, à part le fait d'être ennemis ?
— Il faut que je dorme, chuchota-t-il. Bon sang, il en met un temps ce médecin !
Cloud se dirigea vers la porte de la salle d'opération, bien décidé à l'ouvrir de force si personne ne lui répondait. Tifa se planta devant lui, les mains sur les hanches et la mine sévère.
— Ne t'avise pas de rentrer alors qu'il est en train d'intervenir ! cria-t-elle presque. C'est mauvais pour Zack !
— Mais nous n'avons aucune nouvelle ! répliqua Cloud.
— Eh bien il faut attendre, c'est tout. Et ne change pas de sujet !
— De quoi tu parles ?
— On était en train de discuter d'Aerith !
Cloud la fixa bêtement.
— Ah bon ?
— Tu... tu disais que tu pensais sans cesse à elle, fit-elle plus doucement, les yeux baissés.
— Je n'ai jamais dit ça.
— Bon, peut-être pas tout le temps, mais... souvent, non ?
Que répondre ? Cloud se voyait mal essayer de la rassurer en lui disant que ce n'était pas vers Aerith qu'il tournait ses pensées, mais vers Reno. Il y avait de quoi lui donner une sacrée frousse ; déjà qu'il n'était pas très sûr lui-même d'avoir toute sa raison...
— Je vais bien, je t'assure, dit-il de sa voix la plus raisonnable. Je pense de temps en temps à Aerith, mais pas plus que n'importe qui de notre groupe. Tu restes la femme la plus importante de ma vie.
Ce qui était vrai ; les seules autres femmes en vie que Cloud connaissait étaient Yuffie et Éléna, et sa relation avec chacune était loin d'être idyllique. Yuffie était une amie chère à son coeur, mais aussi une sacrée peste quand elle s'y mettait ; son tempérament de feu ne s'accordait pas bien avec la nature de Cloud. On dit que les contraires s'attirent, mais si étincelle il y avait entre eux deux, elle n'était sûrement pas amoureuse... Quant à Éléna, elle n'était ni plus ni moins une ennemie.
Reno réunissait à lui seul les défauts de ces deux femmes : une personnalité trop différente pour qu'ils puissent s'entendre vraiment, un statut d'ennemi bien installé et de surcroît il était du même sexe que Cloud. Pourquoi diable envisageait-il seulement une relation avec lui, dans ces conditions ?
Un instant... Venait-il de se dire qu'il avait songé à sortir avec Reno ?
Tout était si confus !
— Il faut vraiment que je dorme, répéta Cloud en secouant la tête.
— Cloud ! grogna Tifa de frustration.
— Tifa.
— Je peux savoir quel est ton problème ?
— Rien.
— Et tu t'imagines que je vais te croire ? Tu viens de rester deux bonnes minutes les yeux dans le vague !
— Oh.
— « Oh », c'est tout ce que tu trouves à redire ? Aide-moi, Vincent ! fit-elle en se tournant vers le vampire qui les observait à bonne distance.
Vincent lui jeta un regard un peu perdu.
— Je ne suis pas doué pour les disputes de couple, dit-il lentement.
— Ce n'est pas une dispute de couple ! cria Tifa. Enfin, pas seulement...
Cloud allait répliquer quand la porte de la pièce voisine s'ouvrit à la volée. Soren en surgit, les traits déformés par la colère. Cloud crut un instant qu'il allait leur cracher du feu à la figure ; il se dégageait de lui comme une sorte d'aura brûlante qui acheva de calmer les ardeurs des personnes présentes.
— C'est quoi ce bordel ? s'écria le médecin en tapant du poing contre le mur. Il y a des gens qui opèrent ici ! Un peu de silence !
Les trois amis se turent d'un coup, la mine penaude. Un pan de mur se détacha en craquant d'horrible manière, pile à l'endroit où Soren avait frappé ; Tifa en sursauta de surprise. Elle se ressaisit à toute vitesse et entama un bref salut militaire tandis que les deux autres faisaient mine d'être parfaitement innocents (Cloud s'en tirait assez bien, mais Vincent donnait l'impression d'avoir avalé un plein camion de citrons). Cela parut satisfaire Soren. Il leur lança néanmoins un dernier regard autoritaire avant de retourner s'occuper de Zack.
Étrangement, le cabinet resta silencieux de toute la journée.

*

Dès son arrivée dans les nouveaux quartiers qu'on lui avait assignés, Reno se jeta dans le lit et dormit comme une souche jusqu'au lendemain. Les événements l'avaient épuisés : la mission à Corel, son enlèvement, les révélations qui avaient été faites à son sujet... Rien ne lui avait été épargné. Il n'osait même plus penser de peur de se laisser submerger par l'accablement. Qui sait ce que le sort lui réservait encore ?
Son réveil fut plus douloureux qu'il ne l'avait escompté. Il s'était couché en espérant vaguement s'extraire du lit plus rafraîchi, plus revigoré que la veille ; il n'en fut rien. À peine eut-il ouvert les yeux qu'il sentit poindre un mal de tête digne de ses gueules de bois les plus mémorables ; sûrement, un joueur de cymbales avait dû s'installer dans son crâne durant son sommeil ! Sa bouche avait un goût affreux de caoutchouc imbibé de Mako ; il faillit rendre le peu qu'il avait avalé au dîner sur la moquette flambant neuve.
— Chier, marmonna-t-il entre deux hoquets provoqués par la soif, journée de merde, elle commence bien tiens...
Il se traîna lamentablement jusqu'à la salle de bain pour s'asperger le visage d'eau fraîche ; levant les yeux, il voulut attraper une serviette pour s'essuyer...
Et s'arrêta net dans son geste.
Il y avait un miroir au-dessus du lavabo. Pièce courante de l'ameublement, ce n'était pas ça qui l'avait autant surpris. Dans la glace, son visage ; un peu plus amoché et épuisé que d'habitude, certes, mais c'étaient tout de même ses traits à lui. Rien de bien notable, si ce n'est un détail qui avait son importance.
Ses flamboyants cheveux rouges étaient devenus d'un gris argenté, dignes d'un certain SOLDAT aux exploits tristement célèbres.
— Et merde...
 
 
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