Elle… à ce mot, Tristao se tourna vers Morgan, sans pour autant faire de remarque. Il veilla bien à n’utiliser que des adjectifs neutres. Il n’arriverait pas à parler de Nuno au féminin. - Sexy, drôle, magnifique, mai… - Je crois que ça suffira ! Le coupa Morgan. - Mais surtout inaccessible, termina Tristao d’un ton froid et cassant. - Pourquoi ? Osa Morgan. Tristao ne répondit pas et reprit son air lointain. Morgan s’approcha et enlaça son ami pour le réconforter. - Merci, lui souffla-t-il à l’oreille. Tristao s’éloigna se lui de quelques centimètres. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi Morgan le remerciait, mais il n’avait pas l’air de vouloir en dire plus. Il regardait Tristao l’air attendri. Attendri ?! Tristao ne s’était jamais trouvé attendrissant. Bandant, mais pas attendrissant. Il le fixa à son tour et détailla son visage. Il n’avait jamais remarqué que Morgan était aussi beau, avant… Il l’enlaça à nouveau. - Merci à toi, murmura-t-il avant de déposer un baiser dans son cou. Morgan, sous la surprise, posa ses mains sur les hanches de Tristao, qui ne broncha pas. Il releva la tête de son ami et planta son regard dans le sien. Il n’eut pas le temps de faire quoi que ce soit que déjà, Tristao s’était emparé de ses lèvres. Ils s’embrassèrent un long moment, sans chercher à aller plus loin. Lorsque Morgan interrompit leur baiser, il se pencha vers l’oreille de Tristao et lui dit : - Je te ferai oublier. Peu importe la personne qui te fait souffrir, je te ferai tout oublier. Tristao prit alors conscience de ce qu’il venait de faire. Perdu, il lâcha Morgan et sortit des sanitaires. Il fuyait. Pour la deuxième fois de la journée, il fuyait. Il regarda sa montre. Il restait un quart d’heure avant la prochaine sonnerie, qui annoncerait le début de la récréation, alors il décida d’aller dehors pour fumer une cigarette. Il trouva un banc libre, dans un coin, et s’assit, dos à la cour. Il devait réfléchir, au calme. En à peine une heure, il avait compris qu’il ressentait plus que de l’amitié pour son ami de toujours, et il avait appris qu’un de ses meilleurs amis était vraisemblablement gay et prêt à avoir une relation avec lui. Son cœur lui conseillait de tout avouer à Nuno, au risque de souffrir. Sa raison préférait qu’il donne sa chance à Morgan, au risque de le faire souffrir. Le choix était cornélien. Sa décision ne serait pas sans conséquence, il le savait. Il devait tout prendre en considération, pour en briser le moins possible. Car peu importe son choix, tout le monde ne sortirait pas indemne de cette histoire.
[ ..... ] - Pour mercredi, vous me ferez les cinq exercices de la page 86. Le professeur leur donnait les devoirs. Le cours était enfin terminé. Commencer la semaine par une heure de mathématique était un calvaire pour Nuno. Etant en Terminale Scientifique, il se devait d’être attentif pour réussir, mais toutes ces formules lui semblaient être un charabia indéchiffrable. Il allait vraiment devoir travailler cette année, s’il voulait avoir son bac. Heureusement qu’il n’avait pas choisi la spécialité mathématiques. Tristao l’avait fait, lui. En y repensant, c’est sûrement pour cela qu’ils n’étaient pas dans la même classe cette année, et Nuno allait avoir besoin de l’aide de son ami qui était plutôt doué en maths. L’an dernier, il copiait sans arrêt sur lui pendant les contrôles, avec son autorisation, mais c’était impossible à présent. Il parcourut rapidement les énoncés des exercices à faire. Puis, se disant que décidément, il n’y comprenait rien, il rangea ses affaires et sortit de la classe. Tatiana l’attendait dans le couloir. Il lui sourit, posa un léger baiser sur ses lèvres et joignit sa main à la sienne pour sortir dans la cour. Leurs amis y étaient déjà, assis dans leur coin habituel, autour d’une table en bois, sous un grand chêne. Nuno lâcha sa petite amie pour saluer toute sa bande, certains en leur serrant la main, d’autres en leur faisant la bise. Il fut à moitié étonné de ne pas trouver Tristao dans le lot. Il alla parler à Morgan, qui était celui avec qui Tristao s’entendait le mieux d’habitude. - T’as vu Tris’ aujourd’hui ? - … Morgan semblait perdu dans ses pensées, bien loin de leur conversation. - MOR-GAN ! Il daigna enfin tourner la tête vers celui qui l’interpellait. - Pas la peine de crier comme ça, je t’entends, t’es juste à côté. - Je sais, mais apparemment t’étais un peu trop dans la lune pour m’entendre quand je parlais normalement. - Désolé, je pensais à autre chose, dit Morgan, en rougissant bien malgré lui. - C’est pas grave, mais maintenant tu peux peut-être me dire si tu sais où est Tris’ vu que vous êtes censés avoir cours ensemble. - On a pas eu cours ce matin, la prof était pas là. Mais j’ai croisé Tris’. Il avait pas l’air bien, répondit Morgan. Il devenait de plus en plus cramoisi en repensant à ce qui s’était passé, mais en tant que meilleur ami de Tristao, Nuno devait sûrement savoir ce qui le tracassait. C’était l’occasion ou jamais pour Morgan d’en savoir un peu plus, alors il ne devait rien laisser paraître de son trouble. - Tu dois sûrement savoir ce qu’il a, toi, parce que moi, il m’a pas dit grand-chose, continua-t-il. Ce fut au tour de Nuno de s’intéresser un peu plus aux paroles de son ami. Même si Morgan ne savait pas grand-chose, il en savait apparemment déjà un peu plus que lui, ce qui n’était pas si dur puisqu’il ne savait rien. - Il t’a sûrement dit la même chose qu’à moi, tenta-t-il. Mais Morgan ne fut pas dupe. Il avait promis à Tristao de ne rien dire, alors il ne dirait rien, même à son meilleur ami. Il ouvrit la bouche pour lui répondre, puis la referma quand il aperçut Tristao assis sur un banc, de l’autre côté de la cour. - Je reviens, déclara-t-il. Il partit, sans laisser à Nuno le temps de dire quoi que ce soit. Il se dirigea vers Tristao et s’assit à côté de lui, sans le prévenir. - Nuno te cherche, lui dit-il. - J’m’en doute, répondit Tristao, peu surpris de la présence de Morgan à côté de lui. - Tu veux pas aller le voir ? - Pas vraiment, non. - Je sais pas ce qui s’est passé, mais vu comment il s’inquiète pour toi, vous vous êtes sûrement pas engueulés. Alors, soit tu m’expliques pourquoi tu veux pas lui parler alors que c’est ton meilleur pote, soit tu vas le voir et vous vous marrez comme des cons sans qu’on comprenne pourquoi, comme vous avez l’habitude de le faire ! Décidément, Morgan faisait dans les longues tirades aujourd’hui. Le pire, c’est qu’il avait raison. Il était très perspicace et tôt ou tard, il comprendrait pourquoi Tristao ne voulait plus s’approcher de son meilleur ami. Non, il ne devait pas. Personne ne devait savoir. Il décida alors de mentir, pour son bien, et celui de Nuno. - J’irai lui parler, mais il faut d’abord que je trouve comment lui annoncer que je suis gay. Il a rien contre les homos, seulement il doit pas s’y attendre. Et il vaudrait mieux qu’il soit prévenu avant de me voir enfoncer ma langue dans ta bouche, histoire qu’il finisse pas en syncope. « Enfoncer ma langue dans ta bouche »… Cette simple pensée avait électrisé Morgan. Un an, un an qu’il attendait ça, il n’arrivait pas à y croire. Il fixait Tristao, ébahi, comme victime d’une hallucination. Tristao, lui, souriait. Il savait qu’il venait de surprendre son ami en lui annonçant de cette façon mais il avait pris sa décision. Il allait sortir avec lui. C’était ce que désirait Morgan, et c’était sûrement mieux ainsi. Il l’appréciait, il le trouvait beau, c’était suffisant. Peut-être que ses pulsions envers Nuno n’étaient qu’une passade. Peut-être qu’elles reflétaient seulement son désir tout neuf pour les garçons. Peut-être qu’il finirait par aimer Morgan. Peut-être… Rien n’était moins certain. Il posa sa main sur la cuisse de Morgan. Ce dernier sembla revenir sur terre à ce contact. Il posa sa main sur celle de son, désormais, petit ami et se tourna pour observer sa réaction. Tristao n’enleva pas sa main et sourit, comme pour prouver à son ami que tout était bien réel. Voulant être bien clair, il lui demanda : - Veux-tu sortir avec moi ? Le ton quasi-solennel qu’avait employé Tristao fit rire Morgan. Son ami pouvait être tellement étonnant. Il redevint rapidement sérieux en voyant l’air vexé de Tristao. Ce dernier, devant la non-réponse de Morgan, crut qu’il venait d’avoir la plus grosse honte de sa vie, et que Morgan n’était pas du tout intéressé par lui. Tendu, il l’interpella une deuxième fois : - Tu veux pas ? Cette question, Morgan en rêvait depuis longtemps. Il savait qu’il était gay depuis qu’il avait 14 ans, mais il n’était jamais tombé amoureux. Jusqu’à ce que Tristao entre dans sa vie. Il s’était retrouvé dans sa classe et celle de Nuno en première. Au début, il méprisait Tristao et son style de vie très libertin. Il le croyait irrespectueux envers les filles et complètement prétentieux. Il s’était alors plutôt rapproché de Nuno, qui était plus sage et plus introverti à l’époque. Les deux phénomènes étaient déjà les meilleurs amis du monde depuis des années et Morgan ne comprenait pas pourquoi ils s’entendaient si bien, car ils correspondaient parfaitement à l’image d’un homme et son contraire. Puis, après un mois de cours, ils avaient organisé une sortie en boîte avec toute leur classe. C’est ce soir-là que Morgan avait compris. Compris que Tristao n’était pas celui qu’il croyait. Compris ce qu’il ressentait. Compris qu’il ne pourrait plus jamais s’en passer. [ Flash-back ]
Après s’être épuisé en boite, chacun était rentré chez soi. Morgan, lui, allait passer la nuit chez Nuno qui l’avait invité. Tristao et sa conquête de la soirée les accompagnaient. Quand ils arrivèrent à destination, Tristao s’empressa de filer dans la chambre de Nuno après avoir eu la permission de celui-ci. La jeune fille le suivit aussitôt. Morgan et Nuno se retrouvèrent seuls dans le salon. Déjà bien éméchés, ils s’étaient étalés sur le canapé et avaient allumé la radio, sans oublier de mettre le volume au maximum pour cacher les cris plutôt bruyants que poussait le couple à l’étage. Au bout de quelques minutes, ils s’étaient endormis, et Morgan s’était réveillé le premier, vers dix heures et demi, avec un mal de crâne insupportable. Il s’était levé pour aller chercher un verre d’eau dans la cuisine, quand quelqu’un arriva en bas de l’escalier. Une fille. Une fille qui ne disait vraiment rien à Morgan. Pas qu’elle ne lui plaise pas, de toute façon il était gay, mais il ne lui semblait pas la connaître. Elle, par contre, avait l’air plutôt joyeuse, et paraissait peu étonnée de le trouver là. D’ailleurs, sa bonne humeur l’exaspérait un peu, et lui donnait surtout plus mal au crâne qu’il n’en avait déjà. - Toi, tu as un peu trop forcé sur la bibine hier soir, lui dit-elle en lui tendant un cachet d’aspirine. - Comment t’as eu ça ? Il n’avait pas voulu être aussi agressif. Cette fille essayait simplement de l’aider. Mais en plus d’être une énorme boule d’énergie, la façon dont elle parlait était une horreur pour ses oreilles. La bibine… On aurait dit une conversation de beaufs dans leur village natal, perdu au beau milieu du Sud de la France (avec tout mon respect, j’en suis aussi^^). Voyant qu’il ne l’avait pas vexé par son ton fort peu amical, il essaya d’être un peu plus avenant. - Désolé, t’as raison, l’alcool et moi ça fait pas bon ménage. J’ai un mal de crâne, je te dis pas. - Tristao m’a donné une boîte d’aspirine. J’en avais besoin aussi. Apparemment, c’est un habitué des lieux et des maux de tête le matin. Il connaît la maison par cœur, jusqu’à la trousse à pharmacie. - Tu m’étonnes. Tristao… Il l’avait oublié celui-là. A l’évocation de son nom, le mépris qu’il ressentait pour cet homme avait refait surface. Encore une fille qu’il allait jeter sans retenue. Encore un cœur brisé, pensait-il. Il décida de la prévenir, car vu son enthousiasme, elle n’avait pas l’air de se douter le moins du monde de ce qui l’attendait quand son amant d’un soir se réveillerait. - Euh… Je voudrais pas me mêler de ce qui me regarde pas mais tu devrais pas trop t’enflammer pour Tristao. Toi et lui, c’était juste pour une nuit, il te donnera rien de plus. Ce mec est le pire des salops. Et pendant ce temps-là, la fille lui souriait. Il était vraiment perdu, là. - C’est gentil de t’inquiéter pour moi, mais je sais tout ça. Je suis comme lui, je couche quand ça me chante, avec qui je veux. Quand tu sortiras d’ici, tu penseras sûrement que je suis une salope. Peu importe, vu qu’on se reverra pas. Mais pour Tristao, tu devrais apprendre à le connaître. C’est pas un salop. Il prend que des filles qui veulent la même chose que lui, les autres il y fait pas attention. Ca peut te paraître dégueulasse mais c’est sa façon à lui de respecter les filles. Morgan resta abasourdi devant cette révélation. Il aurait pu ne pas comprendre, il aurait pu ne pas voir où était le respect dans tout ça, mais il était mal placé. Très mal placé pour juger quelqu’un qui agissait exactement comme lui. Tristao assumait, Morgan non. Il voyait un tas d’hommes, en cachette : c’étaient les deux seuls éléments qui le différenciaient de celui qu’il ne pourrait plus mépriser désormais. Il n’eut pas le temps de répliquer que la fille était déjà sortie de la maison, loin d’ici, loin d’eux. Il alla prendre une pomme et prit place autour de la table de la cuisine, silencieusement, pour ne pas réveiller Nuno qui était toujours profondément endormi sur le canapé. Tristao arriva dans la cuisine quelques minutes plus tard. Il y trouva Morgan, à moitié endormi, la tête reposant sur ses bras, croisés sur la table. Il décida de faire demi-tour avant qu’il ne le voie car il n’était pas d’humeur à se faire insulter ou engueuler. Mais il s’était à peine retourné pour repartir qu’une voix se fit entendre. - C’est bon, tu peux rester. La boîte d’aspirine est à côté de l’évier, lui dit Morgan en souriant. Trop surpris par cet élan inespéré de gentillesse, Tristao alla directement chercher ce dont il avait besoin : une bouteille d’eau et un comprimé. Après l’avoir avalé, il s’adossa à l’évier et fixa le garçon qui s’était déjà à moitié rendormi en face de lui. La bouteille à la main, c’était trop tentant. Quitte ou double. Soit il se faisait incendier, soit l’autre se prenait au jeu. Sans plus réfléchir, il fit couler l’eau sur la tête de Morgan qui était à présent parfaitement réveillé. - C’est quoi ce b… commença-t-il, avant de comprendre ce qui se passait. Au soulagement de Tristao, il alla prendre une bouteille dans le frigo avant de l’ouvrir et lancer son contenu au visage de son adversaire. La bataille faisait rage, les deux compères n’en pouvaient plus tellement ils riaient. Quand les bouteilles furent vides, chacun reprit son souffle. Quand Morgan leva la tête, ce n’est plus un garçon méprisable qu’il vit, mais un homme désirable. Tristao était debout, en face de lui, torse nu, simplement vêtu d’un pantalon en toile blanc qui contrastait parfaitement avec sa peau hâlée. Même avec un boxer en dessous, Morgan pouvait très largement entrevoir ses formes. Les gouttes d’eau ruisselaient sur son corps, certaines tombaient de son nombril jusqu’à l’intérieur de son sous-vêtement. Morgan était comme hypnotisé, et cette vision ne le quitta plus jamais. [ Fin du flash-back ] Désolé pour le retard! Un nouveau chapitre, j'espère qu'il vous a plu! Bises à tous! N'oubliez pas votre avis, sinon je continue pas, na! lol Je vous aime quand même^^ |