Le chemin de Traverse. Auteur : haniPyanfar. Chapitre 10 : Extérieur 4 : Azkaban. Ils sirotaient leur boissons respectives dans un silence paisible. Les préliminaires avaient pris quelques minutes. A quinze heures précises, Harry avait rejoint Draco au Chaudron Baveur, non pas au pub, mais dans la petite salle à manger tranquille, à l'écart des clients. Le jeune blond était déjà installé à sa table, devant un plateau à thé abondamment garni, préparé par Harriet. Ils s'étaient salué sobrement. « Bonjour Potter ! Bonjour Malfoy ! » Pas question de se lancer dans de grandes discussions, comme ça, de but en blanc, sans s'observer et s'échauffer un peu auparavant. La veille, ils avaient ruminé leurs rancœurs toute la soirée et une partie de la nuit, chacun de leur côté, en bons insomniaques. Ils ne savaient pas encore qui déclencherait les hostilités en premier. Tom était apparu, il avait demandé à Harry ce qu'il désirait boire. Le jeune homme avait commandé une bièraubeurre. Du classique, sans complications inutiles. Le patron du bar lui avait apporté sa boisson, accompagnée de petits gâteaux salés et de quelques zakouskis.. « Monsieur Potter ! C'est un tel plaisir ! » Il était sorti en arborant un sourire édenté. Et puis, Harry avait pris sa baguette magique, l'avait agitée légèrement et avait prononcé : « Accio, Animagus ! Immobilis ! » Un scarabée était tombé sur la table devant eux, étalé sur le dos, impuissant, tendant en l'air ses petites pattes noires toutes raides. « Obliviate deux heures ! Lashlabask ! Evanesco ! » avait-il enchaîné. Et Rita Skeeter s'était retrouvée dans son bureau, tout étourdie. « Elle me suivait depuis ce matin, avait dit le jeune sorcier en pouffant. Ma promenade d'hier sur le Chemin de Traverse n'était pas passée inaperçue. Elle est toujours à l'affût d'un scoop. Pas la peine de lui en servir un sur un plateau ! » Il avait souri à son vis-à vis avec malice et Draco n'avait pu s'empêcher de sourire aussi. Il s'était demandé comment se passerait l'entrevue avec Potter. Ça démarrait plutôt bien. Pas d'agressivité chez son invité. Tout juste une certaine gêne, cachée sous un air détendu. Hmm ! Granger avait dû lui faire la leçon ! Dans le silence qui s'était installé, il détaillait sans en avoir l'air son ancien ennemi d'école. Habillé décemment, ça avait été sa première remarque ... Les cheveux plus courts, décoiffés de façon artistiquement naturelle. Ils ne cachaient pas sa cicatrice, très atténuée ... Plus de lunettes. Des yeux verts ... Un teint maladif, des joues assez creuses. Des lèvres pâles. « Pas encore très en forme, le Survivant ! Il est bien maigre ! Je le vois mal faire du Quidditch en ce moment ! Le premier coup de vent le ferait tomber de son balai ! Mais il avait tout de même la langue bien pendue, hier, sachant que je ne pouvais pas lui répondre. Voyons ce qu'il va faire aujourd'hui. Je vais le laisser parler en premier. » Draco se versa une tasse de thé et la porta à ses lèvres sans quitter Potter des yeux. Harry but une gorgée de bièraubeurre et voyant que son vis-à-vis restait silencieux, il décida d'obéir aux consignes d'Hermione et se jeta à l'eau. « Je te dois des excuses, Malfoy. Je n'aurais pas dû te déranger hier pendant ton travail. C'était malpoli. Mais j'ignorais beaucoup de choses à ton sujet. Je te croyais libre. Aussi, tu imagines ma surprise quand je t'ai vu dans le magasin de Quidditch. --Et bien sûr, en bon Griffondor sans plus de cervelle qu'un scroutt à pétards, tu n'as pas résisté à l'envie de t'amuser à mes dépens. J'avais compris. Qu'est-ce que ça fait de voir son ancien ennemi dans la misère ? --Oh ! Oh ! Dans la misère ! Il ne faut rien exagérer ! Tu t'es bien débrouillé, il me semble ! Une chambre au Chaudron Baveur, des repas assurés, quelques travaux ici ou là ! Il y a pire ! Mais je te le répète, je regrette mes paroles d'hier ! Tu veux un parchemin écrit de ma main, daté, signé et tout le tralala ? --Rien ne me ferait plus plaisir, Potter ! Un autographe du Grand Vainqueur ! Je pourrais le vendre aux enchères ! J'en tirerais un bon prix ! Harry regarda Draco, ne sachant pas s'il parlait sérieusement ou non. Il était pourtant habitué aux railleries de l'ancien Serpentard mais cet humour pince-sans-rire le mettait mal à l'aise. Il hésita un instant, soupira juste un peu trop fort et tendit la main vers sa baguette magique posée sur la table. --Stop, Potter ! reprit Draco. Ne prends donc pas tout ce qu'on te dit au pied de la lettre ! Ah ! Ces Griffondors ! Aucune subtilité ! Tes excuses sont inutiles. Dis-toi bien que si j'avais été à ta place et toi à la mienne, j'en aurais fait tout autant, peut-être même pire ! --Je le savais ! Hermione a tort; tu n'as pas changé. Toujours le même petit con méprisant et méprisable ! Je retire mes excuses ! ... Mais ... --Mais ? --Mais je te remercie d'être venu à Sainte Mangouste. Ta langue de vipère a eu plus d'effet que toutes les potions des médicomages. Même pas besoin d'ingrédients magiques ! Ta seule vue et le son déplaisant de ta voix ont suffi à me ranimer. Tu devrais te lancer dans la psychomagie, tu aurais un bel avenir devant toi ! --Sans compter que ce métier rapporte gros en principe. Ma collaboration à ta guérison n'était pas désintéressée, loin de là ! --Oui, je sais ! Hermione m'en a parlé comme d'une mission qu'elle et Ron t'ont demandé d'accomplir. Qu'est-ce que tu as demandé en échange ? --Une faveur. Une permission que je n'aurais pas eu besoin de quémander si tu n'avais pas joué à l'apprenti législateur pendant ton séjour au Ministère. C'était amusant de signer des lois et des décrets, comme si tu y connaissais quelque chose en Droit Sorcier ? Mais passons ! Granger s'est débrouillée pour corriger tes erreurs ! --Qu'est-ce que tu racontes ? Je n'ai signé aucune loi ! Seul le Ministre peut le faire, sur proposition du Magenmagot. J'ai seulement fait partie d'un groupe de Pouffsouffles et de Serdaigles qui travaillaient sur des décisions à prendre pour l'après-guerre. D'accord, c'était surtout honorifique, j'étais un peu trop jeune et inexpérimenté, je servais plus ou moins de caution à cause de ... c'est sans importance ! De quoi veux-tu parler ? --Tu ne te souviens pas ? Une petite interdiction concernant ... Azkaban ? --Azkaban ? Attends ! Ce n'était pas dans nos priorités. Les deux Pouffsouffles du groupe voulaient surtout qu'on protège et qu'on éduque les orphelins de guerre et les Serdaigles demandaient des comptes sur l'utilisation des sommes d'argent confisquées aux Mangemorts. --Oui. J'ai appris par la Gazette du Sorcier que plusieurs châteaux avaient été vidés de leur contenu par des gens du Ministère et qu'on ne savait pas très bien où tous ces biens et objets étaient entreposés. Disparus en chemin sans doute ! Dans mon Manoir, les Aurors ont trouvé un magnifique portrait de Lord Voldemort. J'espère qu'ils l'ont brûlé ! --Ton Manoir a été confisqué aussi ? Je l'ignorais. Désolé pour toi. Pour en revenir à nos travaux, j'ai regretté qu'aucun Serpentard ne fasse partie de ce groupe de réflexion. Mais ils faisaient plutôt profil bas après la guerre. A propos d'Azkaban ... oui, je me souviens ... un des Serdaigles proposait de supprimer les Détraqueurs, ni plus ni moins, et de les envoyer crever de chaleur sur une île déserte en plein Pacifique. --Bonne idée, mais encore ? --C'était un idéaliste, presqu'un illuminé. Mais j'étais d'accord avec lui quand il clamait haut et fort que le baiser du Détraqueur était une honte, que c'était une sentence indigne du peuple sorcier. ... Excuse-moi, Malfoy, je ne devrais pas parler de ça devant toi. Je suis impardonnable. Changeons de sujet si tu veux bien. «Merde ! Je suis vraiment un imbécile, pensait Harry en voyant Malfoy devenir encore plus pâle qu'il n'était. Mais pourquoi a-t-il mis Azkaban sur le tapis ? Il en est sorti et son père méritait la mort. A propos, qu'est devenue sa mère ? --Non, non. Je veux un éclaircissement, reprit Draco d'une voix polaire. Quand j'ai été arrêté par les Aurors, Dawlish m'a affirmé que tu étais à l'origine de l'interdiction du courrier pour les Mangemorts. Est-ce vrai ? --JAMAIS DE LA VIE ! Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Les gens inventent n'importe quoi et se servent de mon nom comme garantie ! Et je ne pouvais pas démentir puisque j'étais à Sainte Mangouste ... Saloperie ! ... J'aurais mieux fait de ... J'aurais dû ... --Exactement ! Tu aurais dû continuer à jouer ton gentil rôle de Saint Sauveur de l' Humanité ! Qu'est-ce qui t'a pris ? Pourquoi as-tu tenté de te suicider ? --Ce n'est pas ton affaire, Malfoy ! En tous cas, j'irai voir Dawlish et même le Ministre s'il le faut ! Il est hors de question que je porte le chapeau pour cette foutue loi ! Les gens du Ministère sont vraiment des salauds dans leur grande majorité ! Est-ce que tu voulais envoyer une lettre à ton père avant sa ... enfin avant ? --Non, Potter, mais j'aurais bien aimé écrire à ma mère sans être obligé d'aller te rendre visite pour ça ! --Ta mère ? Mais elle n'est pas à Azkaban ! --Oh que si, Potter ! Elle y est ! Pour trois ans ! --Mais c'est impossible ! Avant de ... Le jour du procès, j'ai envoyé une déclaration au Jury ... J'ai expliqué noir sur blanc ce que ta mère avait fait pour me sauver la vie ... Les Jurés le savaient déjà d'ailleurs ! Tout le monde est au courant de l'histoire ! Je demandais expressément qu'elle soit libérée sans condition et même qu'on lui laisse sa fortune personnelle. --Hé bien, tu n'avais pas autant de pouvoir que tu le croyais, Potter ! Elle est retournée là-bas et c'est moi qui ... c'est moi qui ... Soudain il perdit la parole. Il se dressa d'un bond, livide, les yeux exorbités. Il recula jusqu'au mur, se retourna et s'y appuya du front et des deux mains, suffoquant à demi, craignant de tomber dans l'abîme qui s'ouvrait sous ses pieds. Harry se leva aussi et s'approcha de lui par derrière. Ne sachant trop quoi faire, il hasarda : --Malfoy ... Malfoy ? ...Qu'est-ce ... Qu'est-ce qui t'arrive ? Il s'avança encore et posa légèrement une main sur son épaule. Draco se raidit, comme si ce simple contact le brûlait. Il lui fit face, le visage décomposé, ravagé par la douleur et répondit d'une voix éraillée : --Potter ! ... Elle a refusé sa grâce ... Elle m'a fait libérer à sa place ! ... Elle a même indiqué ... l'emplacement de notre Chambre Secrète ... pour que je sois libre .. Je l'ai vue ... à la fin du procès ... discuter ... parlementer ... Je n'ai pas compris ... Elle s'est sacrifiée ... pour moi, Potter ... pour moi ... « Comme ma mère, pensa Harry. Lili Potter, Narcissa Malfoy, elles sont pareilles, Moldue ou Sang-Pur, elles sont capables de tout pour protéger leurs fils. » Il n'avait rencontré l'épouse de Lucius Malfoy que trois ou quatre fois, à la Coupe du monde de Quidditch, chez Madame Guipure aussi, au château lors de sa capture et dans la Forêt Interdite, quand elle s'était penchée sur lui pour vérifier sa prétendue mort. Elle ne lui avait pas paru particulièrement sympathique mais elle remontait dans son estime. Il reprit : --C'est ta mère, Malfoy. Elle t'aime. Elle aurait tout fait pour que tu sois libre. --MAIS CE N'EST PAS JUSTE ! ELLE N'EST PAS COUPABLE ! Je vais immédiatement écrire à la Justice Magique pour demander sa libération, même si je dois aller à Azkaban à sa place. Nous continuerons cette conversation un autre jour, Potter. Pour le moment, j'ai autre chose à faire. --Je vais aller voir le Ministre et lui demander son appui, reprit Harry. Ne t'inquiète pas, Malfoy. Je ne souhaite pas ton retour en prison. Toi aussi, tu m'as sauvé la vie. J'ai une dette envers ta mère et envers toi. --TU NE ME DOIS RIEN, POTTER. Inutile de faire du trafic d'influence en ma faveur. Mais essaye de nouveau pour elle, ça marchera peut-être cette fois-ci. Que ne ferait-on pas pour contenter le pauvre Survivant en détresse ! --CRETIN DE SERPENTARD ! --CONNARD DE GRIFFONDOR! Je t'interdis de parler de moi au Ministre ! --Je n'ai pas d'ordres à recevoir d'un Malfoy ! J'irai voir Shacklebolt si j'en ai envie ! --Fiche-moi la paix ! Je ne veux rien venant de toi; espèce de Sauveur à la manque ! --FALLAIT PAS REVEILLER LE POTTY QUI DORMAIT DANS CE CAS ! --Qu'est-ce qui se passe ici ? Pourquoi ces hurlements ? Draco ! Monsieur Potter ! Reprenez-vous ! Les clients du pub vont finir par vous entendre ! C'est une maison sérieuse ici, même si de temps en temps les gens chantent après avoir bu une bonne rasade de FireWhisky ! Allons ! Allons ! Du calme ! ... Harriett était à la porte, mains sur les hanches, son bonnet blanc un peu de travers sur ses cheveux frisottés. Les deux jeunes gens reculèrent, très rouges. Harry reprit sa baguette et s'en alla d'un pas rapide en marmonnant un au revoir. Draco se dirigea vers l'escalier pour regagner sa chambre. Ils regrettaient déjà tous les deux de s'être emportés mais ils pensaient la même chose : « Quel con ! Non mais quel con ! » Ils ne savaient pas qui ils traitaient de la sorte, eux-mêmes ou l'autre d'en face. Ils savaient juste qu'ils venaient de rater une occasion de s'entendre. Putain ! La rancune avait la vie dure ! A peine arrivé dans sa chambre, Draco se fit apostropher par le miroir magique. « Harry Potter n'est pas avec vous ? Vous aviez promis qu'il viendrait me dire bonjour ! Comment va-t-il ? Oh ! Vous avez l'air en colère ! Ça ne s'est pas bien passé ? --NON ! Tu es content ? Maintenant laisse-moi! J'ai une lettre à écrire. Silencio ! » C'était la première fois que Draco rembarrait le miroir. Du coup, celui-ci se mit à bouder. Il passa en mode « sans tain » et ne refléta plus rien. -- -- -- -- -- -- Azkaban. Un énorme donjon noir cerné par les vagues, battu par les vents. En bas, au ras des flots, des cachots humides aux murs de pierre brute et aux étroites fenêtres grillagées, des couloirs sombres, des escaliers tortueux. De la noirceur. Une odeur de pourriture. Un lieu qui respire la folie, le désespoir et la mort. Un endroit sinistre où sont enfermés les Mangemorts condamnés aux plus lourdes peines. C'est la prison des hommes. Les femmes accusées de complicité avec les fidèles du Lord Noir résident plus haut, dans un quartier moins désespérant. Peu de bruit, un étrange silence parfois traversé du grincement d'une clé dans une serrure, d'un appel, d'un cri ou d'un gémissement. Sauf quand leurs terribles gardiens rôdent. L'air se remplit alors de râles rauques, de hurlements, de supplications. Car en dessous, directement creusé dans le granit, se trouve l'antre des Détraqueurs, sans porte, sans fenêtres. Ils ne peuvent sortir que par une trappe ronde percée au plafond dans un coin de leur caveau. Quand ils sont lâchés dans les couloirs, ils répandent la terreur. Ils ont le pouvoir d'aspirer toute joie, tout moment heureux dans la tête des prisonniers et de réveiller en eux leurs plus mauvais souvenirs. Ils ne s'en privent pas. Ils n'obéissent qu'au directeur de la prison ou à son adjoint. Eux seuls peuvent commander aux Noirs Esprits grâce à un sortilège particulier. Les deux hommes portent au cou un double sifflet à infra et ultrasons. Le son grave autorise les Détraqueurs à sortir de leur caveau et à se répandre dans la prison. Le son aigu les oblige à retourner immédiatement dans les bas-fonds. C'est le seul moyen de les contrôler. -- -- -- -- -- -- Gidéon Slamander a hérité de l'appareil un peu plus d'une semaine auparavant. Il vient d'être nommé à la direction d'Azkaban par Kingsley Shacklebolt lui-même. Il a la lourde tâche de remettre de l'ordre dans la prison et d'y faire appliquer les nouvelles lois votées par le Magenmagot. Il a déjà passé tout le bâtiment en revue. Assis dans son bureau au premier étage, il mesure l'ampleur de sa tâche. Après la guerre, dans l'euphorie de la victoire, il y a eu partout dans le monde sorcier des abus de pouvoir et des règlements de compte. Cette époque assez revancharde doit prendre fin. Ainsi en a décidé le Ministre Et cela concerne particulièrement Azkaban. Les sorciers condamnés n'y sont pas traités comme des êtres humains mais comme des rebuts de la société. C'est indigne de la part d'un peuple qui se pose en modèle de vertu vis-à-vis des Moldus. Slamander lève les yeux de l'amoncellement de paperasses posées sur son bureau et aperçoit deux femmes qui traversent la cour centrale de la prison. Elles portent des robes grises de prisonnières et des capes à capuchon qui peuvent dissimuler leurs visages. Là où elles vont, elles doivent se montrer discrètes. Narcissa Malfoy et Hortensia Mulciber. Il est au courant de leur histoire. Épouses de Grands Mangemorts, elles ont toutes les deux assisté au supplice de leurs maris, condamnés au baiser du Détraqueur. Et maintenant, elles s'occupent d'eux, même s'ils sont réduits à l'état de corps sans âme. Ce sont les seules femmes à avoir accepté ce pénible travail. Les autres ont essayé mais elles ont été trop éprouvées pour continuer. Leurs maris sont presque tous morts. Les derniers agonisent, seuls dans leur cachot. Des gardiens s'occupent d'eux quand ils ont le temps et que la puanteur devient trop forte. Des laissés pour compte. Sauf Lucius Malfoy et Othon Mulciber. -- -- -- -- -- -- Tous les matins, leurs épouses descendent ensemble dans les cachots. Les deux hommes ont été placés dans la même cellule. Elles les aident à se lever, à faire leurs besoins, à se laver, à s'habiller. Elles leur parlent doucement. Elles leur donnent la becquée, cuillerée après cuillerée, sans montrer de dégoût quand ils bavent. Elles les installent sur une chaise à accoudoirs où ils resteront toute la journée, immobiles et muets. Il arrive qu'elles doivent soulager de la main leurs pulsions sexuelles, limitées heureusement à un gonflement subit de leur verge et à des gémissements de douleur. Ils ont des réactions animales, on ne peut leur en vouloir. C'est ce qu'elles ont dit calmement à leurs compagnes d'emprisonnement qui faisaient les mijaurées. Le soir, elles redescendent en enfer pour leur donner à manger et les coucher. Tous les jours, sans exception, depuis leur supplice. Sans se plaindre, sans demander l'aide de personne. Othon Mulciber n'en a plus pour longtemps. Il est plus faible que Lucius Malfoy. Quelquefois, il tombe de sa chaise et sa femme le retrouve le soir, recroquevillé sur le sol de pierre, claquant des dents, les yeux larmoyants, les mains tremblantes. Les autres prisonniers guettent le passage des deux femmes devant leurs cellules. Ils leur lancent parfois des remarques égrillardes, des commentaires graveleux. Elles ne répondent jamais. Elles glissent comme des ombres. Les cheveux de Narcissa ont blanchi. Les yeux d' Hortensia n'ont plus guère de couleur, à force de verser des larmes en cachette. Elles forcent le respect de leurs compagnes et du personnel de la prison. On les appelle les folles d'Azkaban. . -- -- -- -- -- -- Gidéon Slamander reporte son attention sur les nombreux parchemins posés sur son bureau. Ils sont arrivés le matin même, sous format réduit, dans un étui de cuir attaché à la patte d'un hibou grand duc d'un âge respectable. Celui-ci était accompagné d'un oiseau plus jeune. Il lui montrait sans doute le chemin de la forteresse. Il y a là des lettres, des documents du Ministère, le texte définitif des fameuses lois qui ont tant fait débat ces dernières semaines et même un prospectus pour des vacances au soleil. Il l'accrochera peut-être au mur pour égayer la pièce. Au-dessus de la prison, le ciel est chargé de lourds nuages. Le bruit du vent et des vagues est continuel. Mais on s'y habitue. Il reprend une liasse de papiers ayant pour titre : Lois concernant la réorganisation de la prison d'Azkaban, sur propositions du groupe de travail présidé par Monsieur Harry Potter. « J'ai l'impression que le Magenmagot abuse du nom de notre héros, pense-t-il. Il me semble un peu jeune pour diriger une équipe de législateurs. Il a d'ailleurs démissionné assez rapidement de son travail au Ministère. Mais ça fait bien de mettre son nom sur une loi. Je me demande s'ils lui ont seulement demandé son avis. » Alors ... cellules décentes, si possible individuelles ... Il faudra fermer les cachots d'en bas et répartir les Mangemorts dans la tour ouest, la plus isolée. Les bas-fonds de cette prison sont un véritable cloaque. Certains des prisonniers sont dangereux, il vaut mieux les isoler en effet ... Et aussi ceux qui sont devenus fous à cause des Détraqueurs. C'est faisable, juste le temps de transférer ailleurs les occupants des cellules de la tour. Une heure de promenade par jour pour tous ... Ça, c'est moins facile. Je manque de surveillants. Même avec le régime, une semaine à Azkaban, une semaine de congé, les volontaires ne se bousculent pas. Les Aurors préfèrent rester à Londres. Infirmerie ... Je me demande s'il faut considérer les victimes du baiser du Détraqueur comme des malades ... La réserve de potions et de remèdes est bien pauvre et il n'y a aucun médicomage sur place, juste un infirmier qui n'a pas l'air très débrouillard. Qui voudrait s'installer ici à demeure ? A voir. Ah ! Très important. Les Détraqueurs ... Interdiction de les lâcher dans les couloirs la nuit ... de les laisser aller dans le quartier des femmes ... ou dans les parties de la prison réservées aux petits délinquants ou aux condamnés à de courtes peines ... sauf cas exceptionnels ... pour l'exemple ... Hm ... la peur du Détraqueur comme moyen d'éviter la récidive ... Qu'est-ce que c'est que ce petit alinéa ajouté entre deux paragraphes ? Prolongation de l'interdiction du courrier pour les Mangemorts ... je me demande bien pour quelle raison ... Bon, ce n'est pas le travail qui manque ! C'est bien par respect pour le Ministre que j'ai accepté ce poste. Même si c'est très bien payé, c'est une tâche ingrate. Je suis sûr que la plupart des sorciers ignorent dans quel état se trouve cette prison ... Voyons ces lettres ... » A Monsieur le Directeur de la prison d'Azkaban .... remettre par autorisation exceptionnelle la lettre ci-jointe à la prisonnière Malfoy et l'autoriser à écrire une brève réponse ... remerciements ... Dawlish, chef des Aurors. De la Haute Cour de Justice ... à la demande du Mangemort Malfoy Draco ... avertir sa mère, Narcissa Malfoy née Black, de sa libération prochaine et de son remplacement à Azkaban par son fils ... de son exil définitif en Australie sauf si elle fournit de nouveau au Jury un gage de sa bonne volonté ... Pour le Président de la Haute Cour, le greffier N. Smith. A Gidéon Slamander. Mon cher ami ... annoncer à Madame Narcissa Malfoy sa prochaine remise en liberté sans condition ... sur demande expresse de Harry Potter ... secret absolu recommandé ... toujours ces difficultés avec les gens en place au Ministère ... révolution de palais si la chose venait à se savoir ... l'insupportable Rita Skeeter. ... compte sur vous. ... Kingsley Shacklebolt, Ministre de la Magie. « Hé bien ! Il semble que le sort de Madame Malfoy préoccupe bien des gens. On dit qu'elle a sauvé la vie de Potter à la fin de la bataille. Des histoires courent là-dessus. Mais on a raconté tant de bobards après la guerre ! En tous cas, les différents services de la Communauté Magique devraient accorder leurs violons. Que suis-je censé faire pour contenter tout ce beau monde ?... » A suivre. |