Disclaimer: Je ne possède rien. Mais je ne suis pas contre, hein!
Fond musical: “Into the fire”, Thirteen senses
2.
Harry Potter pénétra avec appréhension dans l'immense pièce sombre. La poussière qui recouvrait les objets donnait à l'espace un air usé de reliquaire. Le jeune garçon ébouriffa d'un geste nerveux ses cheveux rebelles. Il avança dans la pièce, hésitant. Le silence lui broya les jambes,l'asphyxia, comprima son diaphragme. Harry se sentait comme pris au piège d'un coup de pinceau rageur, englué dans la substance visqueuse et colorée qui remontait les parois de son estomac dans un ignoble et amer relent. L'Elu avança péniblement jusqu'au fond de la pièce. Une forme fantomatique trônait là, telle une chimère vêtue de bure, une grande silhouette menaçante et mystique.
Il laissa son regard dériver sur l'effigie diaphane, avant d'observer toute la pièce, tranchant l'obscurité de ses yeux couleur eau trouble. Dans le capharnaüm reposaient des objets anciens, cassés, usés par le temps, ou tout simplement posés là, la bouche béante, abandonnés par leur géniteur. Une poupée de porcelaine fixait de son regard vide un vieux cadran solaire, un coffre caché dans l'ombre laissait parfois, à travers la poussière, miroiter ses dorures, un mannequin portait encore l'esquisse d'une robe arrangée à la va-vite. Des cornues, dans les coins, pointaient leur nez aquilin, témoins passés sans doute de douteuses alchimies . Tous ils le regardaient, lui, l'Elu, exsudant une étrange menace; comme s'ils étaient prêts à quitter leurs oripeaux de crasse pour le chasser de leur sanctuaire. Harry se détourna.
Il vint se placer devant la forme immaculée, et, d'un geste enfantin, dans une grossière imitation de prestidigitateur, il retira le tissu qui le recouvrait. Shlaff. Harry crut entendre en écoutant tomber l'enveloppe un battement d'aile d'Hedwige. Il releva les paupières. C'était un miroir. Un miroir immense qui l'englobait tout entier, une psyché somptueuse déployée devant ses yeux. Dans le noir, il crut vaguement voir son reflet. Mais ce furent les lettres cuivrées gravées sur le haut de l'objet qui l'attirèrent.
riséd elrue ocnot edsi amega siv notsap ert nomen ej
Pris d'une soudaine intuition, il passa son doigt sur l'étrange inscription et s'aperçut qu'elle formait un léger relief dans l'or. La lumière déclinante du jour ne permettait pas au jeune garçon de voir plus de cet objet que ce que l'obscurité voulait bien lui en dévoiler ; un éclat métallique tranchant et dur qui apposait sur son visage fin un rai de lumière froide, une silhouette immense, lumineuse et presqu'humaine, de métal clair, et un reflet incertain sous une phrase impénétrable. L'adolescent se fit mentalement la réflexion qu'il ferait bien de descendre rejoindre les autres premières années pour les aider à décorer le dortoir. Mais rien à faire, accrocher des boules à un sapin plus ou moins magique lui semblait être une activité à la limite de la débilité. Il s'approcha du miroir. En face de lui, dans le fond de la pièce engluée par la pénombre, il aperçut une bougie de cire jaunâtre. Il avança à tâtons dans la grande pièce aux allures de cabinet d'antiquaire et attrapa l'objet convoité. La bougie était posée sur une coupelle de métal gris auxquelles rares rayons mêlaient une lueur ambrée. Il sortit de sa poche un briquet en ivoire. Il n'avait pas le droit de le garder, mais la séparation eut été trop cruelle : il appartenait à son père, et Hagrid avait confié à l'enfant qu'il était alors qu'il l'avait retrouvé avec lui dans les cendres de la maison de son enfance. Il le leva et alluma la bougie. Une flamme vacillante s'éleva et Harry retourna vers le miroir. Il approcha son luminaire improvisé de la surface lisse. Il recula immédiatement.
Ce n'était pas un, mais deux visages qu'il avait vu dans le miroir! Il se frotta les yeux de sa main libre et regarda de nouveau. Mais il y avait toujours cette double vision qui s'imposait. Étrangement, rien dans ce tableau atypique ne semblait menaçant. En scrutant une nouvelle fois le reflet, il se reconnut. Oui, c'était bien lui, debout à côté de l'Autre, un adolescent grêle aux cheveux de jais. Il allait de stupeur en stupeur. Il se pencha pour mieux voir le mystérieux couple. Lui avait le regard perdu au loin, par-delà les limites de la salle, et portait un uniforme légèrement différent. L'Autre avait les traits figés et durs, avec cependant un reste de tendresse au fond de ses yeux verts. Il était très beau, sans doute en deuxième ou troisième année, et portait sur son pull l'écusson de Serpentard. Ils se tenaient côte à côte, sans prêter attention l'un à l'autre, impassibles. Une ressemblance troublante les unissait. Harry se demanda s'ils avaient un quelconque lien de parenté. Sans doute. La fine ligne de leurs sourcils avait le même tracé hasardeux et moqueur, et leurs mains longues de pianistes s'étiraient de la même manière au bout de leurs bras pâles, presque translucides.
La flamme de la bougie toucha le miroir. Le jeune homme brun qui lui ressemblait comme un frère tressaillit légèrement, et, augmentant la surprise de l'Elu, dégagea vivement son fin poignet que le feu avait effleuré. Harry recula de quelques pas pour mieux apprécier la scène qui se jouait devant lui. Les deux adolescents bougeaient peu, mais par moments un tic agitait la paupière bordée de longs cils qu'il connaissait bien, puisque c'était la sienne, et les épaules de l'autre jeune garçon se haussaient de quelques centimètres, inconsciemment, comme si elles voulaient exprimer tout le dédain que ressentait le sorcier à l'égard de la race humaine. Mais même dans ce geste hautain, il était incroyablement beau, fragile et fier, le visage déterminé entre ses mèches ébouriffées en épis rebelles, et il dégageait un charme sauvage, presque malsain. Le Survivant ne pouvait détacher son attention de ce jeune homme qui était peut-être son jumeau caché ou son frère illégitime. Soudain -et Harry s'y attendait si peu qu'il bondit sur ses pieds enfantins- les épaules brusquement redescendues, l'inconnu qui en lui éveillait un intérêt exacerbé lui fit signe de s'approcher, avant de laisser tout aussi soudainement ses bras frêles retomber le long de ses hanches étroites. Harry obéit sans se poser de questions. Au moment où sa peau touchait celle de l'autre, ce fut fini. Scellé.
Tout se mit à mollir. Le sol s'effaça sous ses pieds, la pièce poussiéreuse perdit ses contours, le miroir même devint une sorte de réceptacle sans bords définis. Seule restait l'image déroutante de son double et de celui qu'il soupçonnait être son frère, tendant leurs bras dans sa direction, comme s'ils voulaient l'entraîner dans leur monde silencieux et immobile. Il se laissa porter quelques instants par l'espèce de flot qui l'avait happé, mais bientôt celui-ci le submergea et il fut forcé pour garder la tête hors de ce tourbillon poisseux de nager de toute la force de son corps de premier-né. L'effort eut tôt fait de l'épuiser, et c'est le dos brisé et courbatu qu'il s'échoua sur ce qui lui sembla être un sol de pierre froide. Bien que sa tête eut miraculeusement atterri sur un tapis de laine angora, il frissonna. Où était-il? Peu importe. Peut-être était-ce un sort malintentionné, mais sa seule envie était de ramper jusqu'à ce merveilleux tissu et de fermer les yeux, d'oublier la douleur horrible de son dos courbaturé. Une voix sévère le tira de ses rêves de répit :
-Voilà un bien étrange lieu pour une sieste improvisée, Monsieur...
En dépit de la forme légère de ses paroles, le ton de l'homme était tranchant, et Harry sentit à ces mots une rougeur lui monter aux joues, en même temps qu'une sueur froide dévalait sa colonne vertébrale. Il se leva précipitamment, ce qui arracha à son visage délicat une grimace de douleur, et parvint à agripper le dossier d'une chaise pour se maintenir debout. Puis, réticent, il leva les yeux vers l'individu qui l'avait apostrophé. Il était petit et mince, sec, les traits taillés à la serpe, et dégageait une aura d'autorité inébranlable dont il semblait pétri jusqu'à la moelle. La façon dont il avait prononcé le “Monsieur” rappelait à Harry l'immonde bâtard graisseux, Snape, quand il se délectait de retirer le plus de points possibles à Gryffondor. Ses bras noueux étaient croisés devant sa poitrine et il toisait Harry d'un air accusateur.
-Potter. Je m'appelle Harry Potter.
L'homme -que faisait-il dans le bureau du directeur, qu'Harry avait reconnu au premier regard?- fronça les sourcils d'un air péremptoire.
-Potter? Nous avons déjà un Potter dans cette école. Asturius. Vous le connaissez peut-être?
Asturius Potter? Qui c'était, celui-là? Et d'abord, pourquoi lui-même était-il dans ce bureau? Ah, la magie...
Il avait prononcé cette phrase les yeux dans le vide, comme perdu. Mais il se ressaisit.
-Enfin, tout cela n'explique pas pourquoi vous vous trouvez dans mon bureau, Monsieur Potter.
“Mon bureau?” Pourquoi ce petit homme étrange se prenait-il pour le directeur de Poudlard? Harry jeta un œil autour de lui, ce qui le conforta dans sa certitude; il était bien dans le bureau de Dumbledore, bien que celui-ci soit légèrement différent : le phœnix n'était pas à sa place habituelle, la Pensine non plus, et, les cornues absentes, l'office semblait plus austère, presque monacal. Les murs étaient dépourvus d'artefacts, et la chaise directoriale ne portait pas la grande cape bleue de Dumbledore sur son dossier. Harry s'insurgea :
-Votre bureau? Mais ce bureau est à Dumbledore! Je...
L'individu agita la main, apparemment agacé.
-Tt tt tt, Monsieur Potter, trêve de babillages. A quelle maison appartenez-vous?
Harry avisa les minuscules répliques des sabliers des maisons posés sur le bureau et préféra, pour ne pas porter préjudice à ses camarades en renseignant cet imposteur, prononcer le nom de la maison honnie :
-Serpentard.
-Bien.
L'Elu vit avec satisfaction le pseudo-directeur pointer sa baguette sur le sablier argenté, d'où remontèrent cinquante émeraudes scintillantes. L'homme se retourna vers lui avec un sourire dur :
-Voilà qui est fait. Maintenant, expliquez-moi ce que vous faites ici.
Le doute s'insinua dans les pensées du jeune garçon. Se faisant l'impression d'être un idiot fini, il demanda :
-En quelle année sommes-nous? Et qui êtes vous?
L'individu le toisa, semblant le considérer lui aussi comme un fou fraîchement échappé d'Azkaban. Malgré tout, il lui répondit, de mauvaise grâce :
-Quelle étrange question, Monsieur Potter!
Il ajouta à voix basse :
-Décidément.
Puis reprit, plus haut :
-Nous sommes en 1939. Le 25 décembre 1939, pour être plus précis. Et -puisqu'apparemment vous ne le savez pas- je suis le directeur Dippet.
A ces mots, le garçon avait reculé et pâli. Désormais, il se pâmait, assis à la hâte sur une des chaises qui entouraient le bureau. Comme une litanie, il répétait,fou :
-Vous êtes un imposteur, vous êtes un imposteur, vous êtes un imposteur...
Vexé, Dippet posa la main sur son épaule.
-Certainement pas! Et vous, qui êtes vous?
Halluciné, l'adolescent lui répondit d'une voix tremblante :
-Je vous l'ai dit, je m'appelle Harry Potter.
Il refusait d'en dire plus. Intrigué, le directeur s'assit à son côté en essayant d'adoucir ses traits -il faut le dire- ingrats.
-D'où venez-vous?
-Poudlard.
- Pourquoi m’avez-vous demandé l'année?
-Non.
Dippet fronça une nouvelle fois les sourcils. L'enfant avait-il perdu l'esprit?
-Comment ça, « non » ?
-Non. C'est impossible.
A présent, il ne se parlait qu'à lui-même. Dippet pensa une seconde qu'il s'était égaré dans le marasme de la démence, mais le gamin leva des yeux éperdus vers lui :
-Sauvez-moi!
Dippet ne put se refuser une pointe d'ironie :
-Avec plaisir, mon garçon.
Celui-ci ne sembla pas apprécier le trait d'humour, ou du moins, il ne le montra pas.
-Dites-moi que nous ne sommes pas en 1939!
Dippet, pour la énième fois, fronça les sourcils -c'était apparemment sa marque de fabrique- à cette requête incongrue.
-Et pourquoi donc?
L'adolescent ne sembla pas l'entendre.
-Dites-moi que nous ne sommes pas en 1939!
-Et en quelle année voudriez-vous que nous soyons?
Il sembla prendre la question avec beaucoup de sérieux.
-En 1991.
Dippet hoqueta de surprise.
-En ? Mais vous n'êtes pas bien, Monsieur Potter!
Le jeune homme le regarda très sérieusement et réitéra son affirmation.
-Nous sommes en 1991.
Dippet commençait à se faire du souci pour l'enfant. Il avait l'air particulièrement souffrant. D'ailleurs, en y regardant bien, il ne faisait pas partie des élèves de Poudlard. La robe était singulièrement futuriste. Une fulgurance de compréhension passa dans la pupille d'Harry.
-Je pense que j'ai été transporté dans le passé.
Dippet hocha la tête pour ne pas s'exposer à une menace -on ne savait jamais, après tout, il pouvait très bien devenir violent-. Encouragé par l'acquiescement factice du directeur, le jeune homme continua :
-Oui, tout se tient! J'étais dans une salle étrange, avec un miroir, le Miroir du ... Riséd -oui, je crois que c'est ça, quel nom bizarre- et dedans il y avait mon reflet, et on aurait dit qu'il vivait. Je l'ai touché, et je suis arrivé ici.
Il se renfrogna perceptiblement.
-En 1939.
Il s'était parlé à lui-même pendant toute la durée de son petit laïus, et il n'avait pas vu Dippet blanchir à l'évocation du Miroir du Riséd.
-Le Miroir de quoi?
-Du Riséd, il me semble.
Dippet paraissait avoir compris quelque chose à cette délirante historiette. Il marmonnait en tournant en rond dans la pièce, les mains croisées dans le dos.
-Oui, cela pourrait être vrai...
Mais comment vérifier ses dires? Une idée germa dans le cerveau retors du professeur Dippet.
-Vous prendrez bien un chocolat pour vous remonter le moral?
Harry sembla surpris qu'on le prenne au sérieux mais accepta de bonne grâce. Il essuya les deux grosses larmes qui avaient coulé sur ses joues rosies par l'incompréhension et courba ses doigts pour saisir un chocolat dans la boîte dorée sur laquelle une petite étiquette affichait discrètement la lettre V. Il le posa délicatement dans sa bouche et le laissa fondre, tout en souriant au directeur, reconnaissant. Le chocolat s'étala sur sa langue, prodiguant au jeune homme une délicieuse sensation de chaleur, sucrée. Il avait -étrangement- un arrière-goût amer et puissant. Le chocolat était sûrement mêlé à de l'orange. Bien qu'il n'aime pas beaucoup cet agrume, il en ressentit une gratitude infinie, ainsi qu'une ouverture totale au monde extérieur. Le directeur approcha de lui une chaise où il s'assit et lui saisit doucement les mains.
-Racontez-moi votre histoire.
Gentiment, Harry s'exécuta. Il raconta une nouvelle fois son aventure dans les moindres détails, de la découverte de la salle jusqu'à sa fascination pour le Miroir. Néanmoins, il omit de mentionner l'homme qui le côtoyait dans la glace. Qui sait? Il était peut-être important, et il le retrouverait seul, quoi qu'il en soit. D'ailleurs, il n'appartenait peut-être même pas à cette époque-là. De toute façon, quelque chose dans son âme l'avertissait qu’il apprendrait la vérité bien assez tôt. Dippet le regardait avec intérêt, et acquiesçait à chaque phrase. Il gardait obstinément les yeux fixés sur lui, comme envoûté. Quand il eut fini, le directeur se redressa et le scruta pendant plusieurs minutes, sérieusement, la bouche pincée dans ce qui semblait être un rictus d'étonnement mêlé de sincérité. Il posa les mains sur ses genoux et se releva.
-Bien, bien. Nous allons essayer de faire quelque chose pour vous, Monsieur Potter.
Il resta silencieux une poignée de secondes.
-En attendant de vous renvoyer dans votre époque, nous allons vous intégrer dans une classe.
Il se retourna pour s'affairer sur ce qui serait plus tard le bureau de Dumbledore.
-Vous intégrer...
Il remua quelques feuilles, rendit leurs points aux Serpentards, puis se remit à le dévisager, avant de secouer la tête comme pour se débarrasserd'une pensée importune.
-Dans quel niveau êtes -étiez- vous, Monsieur Potter?
Harry allait répondre, quand il se rappela de l'œil insistant de l'adolescent dans le Miroir. Il mentit :
-Deuxième année. Je suis en deuxième année.
Dippet répéta :
-Bien.
Dippet parut se faire une réflexion très à-propos, dont il fit part peu de temps après à son nouvel élève :
-Il faudrait que vous changiez de nom.
Harry hocha la tête sans prêter attention au directeur, toute son attention tournée vers le mystérieux jeune homme.
-Oui. Vous avez raison.
-Vous vous appellerez...
Il leva son stylo-plume ouvragé qui resta en suspens alors qu'il cherchait un patronyme pour son nouveau protégé.
- Vous vous appellerez ... Harry...
Il sourit, comme illuminé :
-Harry Adder.
Il répéta le nom, qui siffla entre ses lèvres.
-Harry Adder, Serpentard, Deuxième année.
To Be Continued...
NdA : Voilà donc le premier chapitre. J'espère qu'il vous a plu.