Disclaimer : Pas à moi…

Couple : HPDM, encore et toujours.

Dédicace : A Dine (qui roxxe) et Artoung (que j'aime), dont cette fic est le cadox en garde partagée (tout un concept :p).

A Sean, pour prendre de son temps pour rendre cette fic lisible. Parce qu'elle roxxe et que vive elle o/

Note du champi : Bonjour tout le monde :) Voici donc le cinquième chapitre d'A travers eux. Je voudrais remercier les nombreux revieweurs qui m'ont donné la motivation d'écrire ce chapitre aussi vite. Vous êtes adorables, et j'espère de tout mon cœur que ce chapitre ne vous décevra pas.

Chapitre 5

« Papaaaa ? »

La voix presque plaintive de Lily s'éleva dans le petit salon du manoir Potter. Son père, sirotant son café, eut un sourire amusé.

« Oui ma puce ? » Répondit-il avec douceur.

« Kreattur ne veut plus jouer avec moi » Accusa-t-elle d'un ton aigu et légèrement froissé.

Harry se leva, emportant avec lui sa tasse d'un orange flashy offerte par Ron des années plus tôt, et vint rejoindre sa fille près de la cheminée éteinte. La petite Lily était assise à même le tapis au milieu de jouets divers et variés dont certains, animés, tentaient de s'évader discrètement. Harry rattrapa du bout des doigts une licorne miniature et fugueuse et la déposa près de sa fille avant de s'accroupir à son niveau. Cette dernière désigna Kreattur d'un doigt accusateur.

« Il ne veut plus jouer » Répéta-t-elle avec rancœur.

Harry se tourna vers le vieil elfe qui se tordait les mains en sautant d'un pied sur l'autre, visiblement mal à l'aise.

« Maître Harry, Kreattur ne peut pas. Kreattur doit s'occuper de ranger la chambre de la demoiselle et de lui préparer son lait chaud » Se justifia-t-il, mortifié. Harry éclata de rire, amusé par l'expression déchirée de l'elfe.

« Lily, laisse le tranquille le pauvre. Il a déjà joué avec toi tout l'après midi, il est bien gentil Kreattur. Tu devrais t'excuser » La sermonna-t-il doucement. Aussitôt la jeune fille se renfrogna, un peu gênée.

« Pardon Kreattur » Finit-elle par murmurer avec de grands yeux brillants. Harry observa en souriant le vieil elfe fondre immédiatement devant son air contrit et s'apaiser.

« C'est bien ma puce » La félicita Harry.

« Mais papa, si je me couchais plutôt à minuit ? Comme ça Kreattur pourrait rester un peu plus longtemps avec moi plutôt que de travailler ! » Tenta-t-elle de négocier avec un air rusé. Harry n'eut même pas le temps de répondre que l'elfe s'horrifiait à sa place, poussant de hauts cris et jurant que, lui vivant, jamais la demoiselle ne manquerait de sommeil.

« Kreattur a raison Lily, à ton âge on doit dormir pour pouvoir grandir correctement » Soutint-il alors que l'elfe hochait frénétiquement la tête.

« Mais papaa, je m'ennuie sans James et Albus. Quand est-ce qu'ils rentrent de Poudlard ? » Se plaignit-elle à nouveau, les yeux pleins de larmes. Harry lui caressa doucement les cheveux pour la calmer et la petite plissa les yeux comme un chat.

« Pas tout de suite Lily. Mais tu pourras leur écrire demain si tu veux » Tenta t'il de la consoler. La petite fille soupira théâtralement avant de se blottir contre son père. Harry l'embrassa tendrement sur le front, posant prudemment sa tasse de café au sol pour ne pas risquer de la brûler. Face à eux, Kreattur se dandinait, visiblement hésitant.

« Maître Harry, Kreattur pourrait peut être jouer encore avec la jeune demoiselle, et il s'occupera de débarrasser la table une fois la demoiselle couchée ? » Proposa l'elfe sans réelle assurance. Lily se redressa brusquement, tournant son visage plissé en une moue implorante vers son père.

« Faites donc ça oui » Accepta Harry en riant à nouveau, attendri. Lily se jeta aussitôt au cou de l'elfe pour l'embrasser sur la joue, le faisant bafouiller et rougir, embarrassé.

Un gong résonna dans toute la maison, les faisant se figer, surpris.

« Je m'en occupe » Prévint Harry en se redressant, apaisant l'elfe d'un geste vague de la main.

Il traversa le salon et le couloir pour aller ouvrir la porte, laissant derrière lui un elfe et une petite brune à l'air curieux. La sonnerie lourde retentissait une nouvelle fois dans le manoir quand Harry ouvrit la porte. Il écarquilla les yeux, stupéfait, et manqua de la refermer par réflexe. Il serra les mâchoires, tentant de garder son calme.

Cette silhouette fière, cela faisait deux mois qu'il ne l'avait même pas aperçue. Et pour cause, il pensait s'être fait clairement comprendre quand il lui avait demandé de sortir de sa vie. Le trouver sur le seuil de sa porte n'aurait donc pas du le surprendre plus que ça, considérant les capacités sidérantes que possédait le sang pur pour le contrarier.

« Malfoy » Constata-t-il d'une voix polaire.

Harry s'agaça de l'inquiétude qui l'envahissait bien malgré lui devant la transformation de l'ancien Serpentard. Le Malfoy qu'il avait devant les yeux était terriblement pâle, ce qui rendait sa peau presque translucide, et anormalement débraillé. Il se tenait droit, mais il s'appuyait lourdement contre le mur. Sur le crépi, la main blanche tremblait presque convulsivement. Quant au regard perçant qu'il connaissait si bien, il s'était voilé d'une façon alarmante, comme si l'homme en face de lui s'était effrité de l'intérieur. Il n'y avait aucun espoir dans ces iris gris, ni aucune combattivité. Juste une profonde lassitude, et énormément de vide.

En réalité, Draco Malfoy ne ressemblait ni plus ni moins qu'à un homme en train de se noyer et qui tendait une dernière fois la main, sachant pertinemment qu'il n'obtiendrait aucune aide. Et c'est ce qui empêcha Harry de lui claquer purement et simplement la porte au nez.

« Qu'est-ce que tu fais là ? » L'interrogea-t-il d'une voix qui ne parvenait même plus à être furieuse. Ce Malfoy était bien trop terrifiant de fragilité.

« Mon manoir est vide. J'étais tout seul et…il fallait que j'en sorte. Je ne savais pas qui aller voir d'autre » Avoua-t-il platement, simplement. Harry détourna le regard, gêné par le malaise étouffant qui semblait planer autour du sang pur.

« Monsieur Malfoy ! » S'exclama la petite voix enjouée de Lily derrière eux. Harry se hérissa aussitôt alors que Draco se contentait de lui retourner une attention distraite.

« Lily, monte jouer avec Kreattur dans ta chambre » Ordonna-t-il d'une voix calme mais ferme.

Refroidie par l'expression de son père, la petite fille ouvrit la bouche, la referma avant de hocher la tête. Docilement, elle fila dans les étages sans un mot de plus, suivie de l'elfe qui leur adressa un regard inquiet.

« Je ne me laisserai plus avoir Malfoy » Assura Harry, toujours incapable de fermer la porte. A cet instant, contre toute logique, il était intimement persuadé qu'il pouvait se passer quelque chose de terrible si Malfoy sortait de son champ de vision. Peut-être même que le vent qui martyrisait son jardin allait dissoudre l'homme accroché à son mur.

« Laisse moi t'expliquer Potter, je pense qu'il y a eu un malentendu. S'il-te-plaît » Demanda simplement le blond.

« Et il t'a fallu deux mois pour t'en apercevoir ? Très crédible ton excuse » Cingla Harry, se sentant fléchir malgré lui devant la politesse lasse de l'ancien Serpentard. Son comportement était bien trop anormal et la colère d'Harry -pourtant légitime- s'effilochait progressivement.

« Potter… » Soupira Malfoy en fermant les yeux, creusant une ride sur son front. Sa main quitta le mur pour venir dissimuler un instant son visage exténué. Le blond semblait à bout de forces et ses doigts tremblaient toujours. Harry en ressentit une intense pulsion de culpabilité et il décida de prendre le risque. Ce n'était pas comme s'il était de toute façon capable de laisser dehors ce Malfoy hanté et terriblement effrayant.

« Entre » L'invita-t-il finalement en s'écartant.

La violence du soulagement de Malfoy le conforta dans sa décision et il l'accompagna jusqu'au salon, surveillant inconsciemment sa démarche de peur de le voir s'écrouler. Mais Draco alla s'asseoir calmement dans un vieux canapé, tentant de camoufler derrière sa grâce naturelle sa fébrilité.

Harry ne posa aucune question et il se dirigea directement vers le buffet dont il sortit deux verres et une bouteille de vieux whisky pur feu. Il servit l'alcool avant de tendre le verre le plus rempli au blond qui l'accepta avec gratitude. Harry s'installa en face de lui et sirota distraitement son whisky sans le lâcher des yeux. Malfoy but d'une seule gorgée la moitié de son verre, comme pour se donner du courage. Après de longues minutes d'un silence écrasant, le Serpentard se lança finalement d'un ton hésitant.

« Ecoute Potter, pour le match je…il y a eu un malentendu» Murmura t'il presque.

« Tu te répètes » Cracha Harry, acide.

Il pouvait encore presque entendre le petit rire moqueur de Draco et imaginer le sourire complice du journaliste. Si ce même Malfoy n'avait pas été devant lui l'air à moitié consterné et à moitié détruit, le brun lui aurait volontiers envoyé son verre ou son poing dans la figure. Il respira profondément pour tenter de garder son sang froid.

« Tu ne comprends pas » Soupira Draco en le fixant dans les yeux. « Je ne pensais pas que tu le prendrais aussi mal, sinon je ne lui aurais accordé aucune attention. Mais pour une fois qu'on ne m'interrogeait pas sur mon passé de Mangemort ou sur la marque de mon savon, pour une fois qu'on me parlait de mon travail, j'avoue que je n'ai pas réfléchi »

Harry l'observa, songeur. Il semblait réellement sincère, et très fatigué aussi. Sous la lumière crue du salon, la pâleur de sa peau était alarmante et il paraissait presque malade avec ses cernes bleuâtres et ses lèvres exsangues. Il ne semblait plus pouvoir se battre et voir Malfoy abandonner un combat était juste profondément perturbant. Alors Harry haussa les épaules, parce que cette histoire de journaliste, c'était soudain secondaire.

« N'en parlons plus » Conclut-il.

Il ne l'excusa pas et ne le pardonna pas non plus, mais c'était clairement une nouvelle chance qu'il lui offrait. Malfoy sembla le comprendre et il hocha la tête, beaucoup moins nerveux.

« Et sinon, que s'est-il passé aujourd'hui pour que je te retrouve sur le seuil de ma porte après tant de temps ? Je me doute bien qu'il ne t'a pas fallu deux mois pour préparer ton discours d'excuse » La voix du Gryffondor était encore un peu rancunière mais le regard était réellement inquiet alors le sang pur ne s'en formalisa pas. Il finit son verre et Harry, presque par automatisme, se saisit de la bouteille pour le remplir à nouveau.

« Le manoir est vide depuis trois jours. Le silence est en train de me rendre fou » Confessa-t-il en détournant les yeux. L'aveu lui tira une grimace amère, presque de mépris. Le brun en eut le souffle coupé, un instant. Il avait oublié que Draco Malfoy avait toujours tout fait pour dissimuler la moindre de ses faiblesses. Son honnêteté brute n'en était que plus inquiétante.

A son tour, Harry se resservit un verre, perturbé par ce Malfoy aux nerfs à fleur de peau.

« Et ta femme ? » Souffla prudemment Harry, craignant de poser une question dérangeante.

« Elle est en France » Répondit seulement Malfoy avec une neutralité étrange.

« En voyage ? » Insista Harry, incertain.

Le Serpentard ne répondit pas et se contenta de fixer son verre durant de longues secondes, le visage vide de toute expression et comme perdu dans ses pensées. Il releva soudain la tête, faisant sursauter Harry qui manqua d'en renverser son whisky pur feu.

« Dis-moi Potter, en bon Gryffondor, tu dois forcément croire à toutes ces idioties d'amour unique et éternel ? » Demanda-t-il d'un ton plat dépourvu de toute agressivité.

Harry se demanda pendant un instant s'il n'y avait pas quelque chose d'étrange dans l'alcool pour qu'il se retrouve en train de parler d'amour avec Draco Malfoy. La situation devenait totalement surréaliste. Il se racla la gorge, gêné par le regard réellement curieux que le sang pur posait sur lui.

« Et bien, j'ai grandi avec Ron et Hermione, je suis donc bien forcé de reconnaitre que ce n'est pas un mythe. Mais sinon je ne suis pas la personne la mieux placée pour en parler. »

D'un haussement de sourcil intéressé, Draco lui fit signe de développer. Harry grimaça et avala une grande gorgée de Whisky. C'était décidé, il mettrait toute cette conversation sur le compte de l'alcool le lendemain.

« Ginny et moi sommes tombés amoureux, mais pas réellement l'un de l'autre. J'aimais le fait qu'elle soit la sœur de mon meilleur ami, j'aimais l'idée de gagner une place légitime dans ma famille d'adoption et j'aimais vivre avec cette femme si belle qui m'aidait à oublier une guerre où je m'étais enlisé. La vie était si simple avec elle aux débuts… Mais je reste persuadé qu'elle a avant tout aimé la personne que je détestais le plus.»

Harry débita cette phrase d'une traite, rougissant légèrement. Il n'avait jamais été adepte des grands déballages mais c'était ce dont semblait avoir besoin Malfoy.

« …J'ai toujours su que les Weasley craquaient pour mon paternel. C'était plutôt le côté beauté froide ou 'je vous considère comme des merdes' qu'elle préférait ? » Le railla Draco.

Harry laissa échapper un éclat de rire bref en secouant la tête, affligé. Il reprit rapidement son sérieux avant de jeter un regard réprobateur et involontairement amusé au blond. Ce dernier eut un sourire en coin.

« Donc, non, pas de ton père, Ginny a un peu de goût quand même » Reprit Harry. Draco haussa de nouveau un sourcil, marquant clairement ses doutes quant à cette affirmation et son hôte leva les yeux au ciel. « Non, depuis le début, Ginny était amoureuse de l'Elu, du Survivant, ou tout autre surnom stupide que l'on a pu me donner durant la guerre. Je haïssais la responsabilité qu'ils impliquaient, la pression qu'ils m'imposaient. Il fallait mentir, ne pas montrer quand ça n'allait pas, ne pas avoir peur, ne pas avoir mal, être indestructible pour que les autres ne doutent pas, pour les rassurer. Ca n'a pas disparu avec la mort de Voldemort, malheureusement. Et Ginny a fini par s'apercevoir que je n'étais qu'un homme comme les autres, avec peut-être même plus de défauts que la moyenne. Et à partir de là, tout s'est compliqué.»

Un silence pesant les écrasa alors que Harry était fermement décidé à ne pas regarder le Serpentard. Il savait pertinemment qu'à la moindre étincelle moqueuse dans son regard il aurait été capable de le frapper, et cela n'aurait pas fait avancer la situation.

« Pourquoi cette question ? » Demanda-t-il finalement en se tournant vers lui, pour ne plus laisser planer entre eux ces révélations un peu trop gênantes. Malfoy le dévisageait avec une acuité effrayante et une pointe d'intérêt étonné mais il se renferma brusquement devant la question. Il fixa longtemps le verre de Harry où tournoyait lentement l'alcool ambré, renvoyant des éclats de lumière fauve sur le vieux fauteuil de cuir. S'arrachant à sa fascination, Draco planta son regard trop pâle dans celui de Potter.

« Parce que j'ai décidé de parler avec ma femme Astoria mercredi et que j'ai appris qu'elle y croyait, elle. Et pour cause, elle est amoureuse depuis des années. Son problème, c'est que ce n'est pas de moi » Lâcha-t-il avec une indifférence vaguement morose. Sous le choc, Harry resta muet.

Devant ses yeux légèrement écarquillés et son expression mal à l'aise et compatissante, le Serpentard eut un sourire fatigué mais sincère. Foutus Gryffondor et leurs cœurs mous. Potter semblait bien plus traumatisé que lui par la nouvelle, qui ne l'avait au fond pas réellement surpris. La seule chose qui le rongeait réellement à présent était la solitude. Ce silence dans lequel il s'engluait sans pouvoir rien y faire, tournant seul dans son manoir vide.

« Potter, ça ne sert à rien de faire cette tête de hibou navré. Je te rappelle que chez les sangs purs, les mariages sont arrangés par les parents, je ne m'attendais donc pas vraiment à ce que ça soit la folle passion entre nous. La famille Greengrass est une famille d'aristocrates proches des Malfoy depuis toujours. Mes parents ont consenti à me laisser choisir entre Astoria et sa sœur Daphnée. J'ai choisi Astoria car elle s'était intégrée à notre groupe durant notre cinquième et sixième année et que j'appréciais sa réserve et son intelligence. Ce que je ne savais pas, c'est que si elle s'était rapprochée de nous, c'était parce qu'elle espérait une union avec la famille Nott »

« Nott ? Comme Théodore Nott ? » L'interrompit Harry, les sourcils froncés par la concentration. Draco hocha la tête.

« Mais mon père a fait la demande en premier et évidemment les parents d'Astoria n'ont pas songé un instant à refuser. Dans notre monde, on ne dit pas non aux Malfoy » Termina Draco sur un soupir en se frottant les paupières du bout des doigts.

« Et elle ne t'en avait jamais parlé ? Pendant tout ce temps ? » Murmura Harry stupéfait.

Draco haussa les épaules avec fatalité.

« Nous étions bien trop fiers pour aborder le sujet. Et de toute façon, cela n'aurait rien changé une fois que les engagements étaient pris. Jamais la famille Nott n'aurait accepté les 'restes' des Malfoy et les Greengrass auraient même pu la répudier pour avoir saboté un mariage aussi prometteur.»

« Et maintenant alors ? Qu'est-ce que vous allez faire ? » Souffla Harry, se sentant vaguement désolé pour le Serpentard pâle en face de lui. Il lui rappelait une période de sa vie qu'il préférerait oublier. Draco releva la tête et lui fit un misérable sourire.

« Nous sommes adultes désormais, assez pour comprendre que la peur du scandale qui régissait la vie de nos parents n'est plus vraiment d'actualité. Et Théodore vit en France » Expliqua-t-il seulement, comme si cela répondait à toutes les questions que pouvaient encore se poser le Gryffondor. Et effectivement, c'était le cas.

« Je suis désolé Malfoy » Se contenta de dire Harry avec sincérité. Malfoy l'observa et laissa filtrer un sourire doux.

« Je sais »

De nouveau, il y eut un long silence mais relativement confortable cette fois. Dans le salon, il flottait comme un parfum de trêve et d'alcool. Harry souriait en fixant son verre. Draco le dévisagea, intrigué. Devant son air poliment interloqué, Harry tenta de reprendre son sérieux mais une fossette continua de creuser sa joue. L'aristocrate l'examina avec une sensation de doux confort qu'il ne parvint pas à s'expliquer.

« Ca n'a pas grand-chose avoir avec tout ça…Mais je me rappelais la lettre d'Albus que j'avais reçue début Janvier. Après notre petit malentendu durant le match de quidditch, je lui avais envoyé un hibou lui conseillant de se méfier de Scorpius Malfoy, et lui expliquant en détail les raisons de cette décision. Le lendemain matin j'ai eu pour toute réponse quelques mots clairs et concis m'expliquant que je pouvais toujours compter là-dessus et qu'il faudrait que j'arrête de les mêler à nos disputes de gosses. James avait tenu à marquer son approbation en post scriptum »

Le brun fronça de nouveau le nez, gêné mais toujours amusé. Draco laissa échapper un rire bas et les yeux verts face à lui s'éclaircirent. Harry n'avait jamais entendu le Serpentard rire, et c'était un son aussi déconcertant qu'agréable.

« Tes enfants sont vraiment surprenants pour des Potter-Weasley » Laissa échapper Draco.

Il s'était voulu moqueur, mais la chaleur dans les yeux pâles faisait furieusement ressembler la petite pique à un compliment. Harry l'accepta avec un sourire paisible.

« Et Scorpius est vraiment adorable pour un Malfoy » Le taquina-t-il. Draco lui retourna un regard amusé avant de s'assombrir à nouveau.

« Tu sais Astoria m'a reproché des choses que je n'avais même jamais soupçonnées. Elle m'a dit aimer Scorpius mais haïr le fait qu'il n'ait presque rien hérité d'elle. Comme si au lieu de donner naissance à notre enfant elle n'avait accouché que de mon fils. C'est vrai que petit, c'est moi qu'il venait spontanément chercher quand il avait un problème. Et j'étais tellement fier de le voir me ressembler autant que je n'ai même jamais fait attention au fait qu'il ne tenait presque rien de sa mère » Soupira Draco en passant une main dans ses cheveux.

La vision de Ginny lui hurlant qu'il lui avait volé ses enfants fusa dans l'esprit de Harry et il grimaça. Il ne tenta même pas de réconforter Malfoy. Il était bien trop mal placé pour ça. Et il ne parvenait pas à penser qu'aimer ses enfants plus que tout était un tord, même si cela conduisait parfois à blesser sans le vouloir d'autres personnes au passage.

« Je m'excuse d'avoir insinué que tu avais pu utiliser ton fils contre moi la dernière fois. Au fond, je n'y ai jamais cru, j'avais seulement besoin de te faire du mal. J'ai bien peur de ne plus pouvoir supporter les journalistes » Admit Harry en retirant ses lunettes pour se frotter les yeux.

Draco l'observa de longues secondes, grimaçant légèrement. Potter lui semblait plus vieux soudain, et il sentit quelque chose se glacer au niveau de son estomac.

« Merlin, mais qu'est-ce qu'ils t'ont fait de si terrible Potter ? » Souffla-t-il avec une certaine horreur sourde.

Harry reposa délicatement ses lunettes sur l'arête de son nez et il le dévisagea avec étonnement. Puis il se radoucit et lui sourit.

« Un jour je te raconterai » Promit-il seulement avec sincérité.

S'en contentant, Draco termina son verre et le reposa sur la table. Harry fixa sans la voir la bouteille bien entamée d'alcool et sembla soudain réaliser quelque chose.

« Tu avais mangé avant de venir au moins ? » Se renseigna-t-il avec un soupçon de menace dans la voix. Le sang pur écarta le sujet d'un geste indifférent de la main. « Tu ne vas pas te laisser mourir de faim quand même ! Tu veux que je demande à Kreattur de te faire quelque chose ? » Demanda Harry en se levant aussitôt, un peu affolé. Il jeta un regard presque accusateur aux deux verres gisant sur la table basse et à l'odeur d'alcool qui s'en élevait encore avec insolence.

« Non, ça ira, je n'ai pas très faim » Le rassura le blond alors que Potter se tenait devant lui, poings sur les hanches.

« Tu vas finir par tomber malade » Grogna encore l'ancien Gryffondor. « Si ce n'est déjà fait » Se reprit-il après avoir étudié le teint blafard de son invité.

Amusé, Draco intercepta délicatement la main qui se dirigeait spontanément vers son front pour vérifier qu'il n'avait pas de température.

« Potter, je vais bien. Et accessoirement, je n'ai plus cinq ans » Se moqua-t-il gentiment en relâchant le poignet de l'Auror.

« Ça c'est ce que tu dis » Grommela Harry, contrarié et Draco leva les yeux au ciel.

L'aristocrate finit par s'extirper du canapé, fermant les paupières pour combattre le vertige soudain qui l'envahissait. Quand le monde se fut stabilisé, il rouvrit les yeux pour tomber sur un Harry au regard lourd de sous-entendu.

« Ne t'en fais pas Potter, je vais rentrer et dormir, et tout ira mieux demain. Peut-être même que j'aurais oublié les confidences que je t'ai faites et que je retrouverais mon amour propre. » Ironisa Draco.

« Je ne crois pas non » Le contredit le brun en claquant de la langue, réprobateur.

« Pardon ? » Se contenta de répondre le Serpentard, perdu.

« Tu ne vas pas rentrer chez toi dans cet état. Tu serais capable de te désartibuler » Lui expliqua patiemment Harry.

« Tu veux que je dorme sur ton canapé ? » Comprit finalement Draco, stupéfait.

« Remets ton cerveau en marche un peu tu veux. Tu m'imagines vraiment vivre dans une maison sans chambre d'amis ? Bien. » Conclut le Gryffondor alors que Draco hochait la tête devant la logique du raisonnement.

D'un coup de baguette, Harry fit disparaitre bouteilles et verres avant de se diriger vers le couloir. Dans son dos Draco, immobile, l'observa. Il aurait pu dire à Potter qu'il lui suffisait d'utiliser de la poudre de cheminette, où qu'il transplane avec lui. Il se sentait même sincèrement capable de rentrer seul. Mais cela signifiait retourner dans son manoir vide. Et retrouver le silence et le froid de ces pièces qui désormais lui paraissaient presque hostiles.

« Malfoy ? Tu viens ? » L'appela doucement Harry.

Draco le fixa un instant hésitant, avant de comprendre. Potter avait bien sûr conscience qu'il pouvait rentrer chez lui. S'il y avait bien une personne qui ne le sous-estimerait jamais, c'était bien l'homme en face de lui. Mais en feignant de l'ignorer, Potter tentait de lui permettre de rester ici sans se sentir redevable.

« Oui pardon, j'arrive » Sourit Draco avec chaleur.

__________

Le lendemain aux alentours de dix heures, Harry finit par descendre, le regard brouillé par le sommeil et vêtu d'un pantalon usé jusqu'à la corde. Arrivé en bas des escaliers, il dut s'arrêter pour réceptionner une petite étoile filante au sourire chocolaté. Avec un sourire, il se pencha pour l'attraper par la taille et la hisser dans ses bras. La fillette gloussa avant d'entourer son cou de ses bras et de lui planter un baiser sonore sur la joue.

« Bonjour papa » Lui chuchota-t-elle à l'oreille.

« Bonjour ma puce » Répondit son père en embrassant tendrement le haut de tête.

Un bruit en provenance du salon attira soudain son attention. Appuyé contre le chambranle de la porte menant au couloir se tenait Malfoy, portant sa robe froissée de la veille et le visage chiffonné par la fatigue et un début probable de mal de crâne.

« Bonjour Malfoy » Le salua Harry en prenant bien garde à ne pas laisser échapper la moindre compassion. Si Malfoy avait accepté de se montrer en état de faiblesse, il ne comptait pas remuer le couteau dans la plaie en lui montrant une quelconque sorte de pitié. Qui plus est, la fierté du Serpentard avait déjà été bien ébranlée la veille, et il ne voulait pas le voir prendre la mouche.

« Bonjour Potter » Répondit simplement le sang pur en tentant de lui sourire sans y parvenir totalement.

Une fois de plus, Harry fut frappé par la sensation de fragilité qui émanait de son invité par vagues. Qu'était-il arrivé au terrible Serpentard de Poudlard durant toutes ces années, lui qui semblait fait d'acier tranchant impossible à ébrécher ? L'adulte debout dans son salon paraissait constitué de poussière, prêt à disparaitre à la moindre brise. Ses yeux gris, à l'éclat vide, sa voix écorchée, même ses cheveux blonds dans lesquels il passait une main lasse apparaissaient gris sous la lumière pâle du soleil matinal. Le feu s'était éteint, ne laissant que des cendres, et Harry se découvrait soudain des vocations de pyromane.

« Tu as réussi à dormir un peu ? » Demanda l'Auror d'une voix douce alors que, dans ses bras, Lily gigotait pour redescendre au sol. Il la posa délicatement, sans détourner ses yeux de son improbable invité. L'ancien Serpentard passa de nouveau une main fébrile dans ses cheveux, avant d'acquiescer prudemment. Potter sourit et désigna la porte derrière eux du menton.

« Allons déjeuner alors. Et j'espère que tu as faim maintenant, Kreattur a tendance à faire à manger pour dix et n'accepte aucun manque d'appétit » Affirma-t-il en riant.

Et comme promis, le repas fut pantagruélique. Draco, habitué à un simple café matinal, observa avec stupéfaction l'elfe aligner sur la table des plats dignes de Poudlard. Il avait du gouter à tout ce qu'il avait devant les yeux, coincé entre le regard se voulant discret de Potter et l'enthousiasme de la petite Lily. Même le vieil elfe, debout dans un coin de la pièce, semblait l'évaluer d'un œil réprobateur chaque fois qu'il reposait sa fourchette.

Quand il finit par réussir à s'extirper de la cuisine, il était intimement persuadé d'avoir pris plusieurs kilos et il savait déjà qu'il n'allait pas être très efficace durant la matinée. Néanmoins, en voyant l'air satisfait de Potter, il finissait par penser que cela en valait la peine.

« Bon Potter, je vais y aller. Merci pour ton hospitalité » Fit Draco en se raclant la gorge, gêné.

Harry haussa les épaules, balayant ses remerciements avec indifférence.

« Au revoir monsieur Malfoy » Le salua Lily, accroché au pantalon de son père et un immense sourire aux lèvres.

« Au revoir » Répondit le sang pur en souriant.

Il ouvrit la porte et un courant d'air glacé s'engouffra dans la maison. Alors que Draco frissonnait imperceptiblement, il vit le visage de Potter s'illuminer d'espièglerie.

« Oh attends Malfoy, on ne va pas te laisser partir comme ça, tu pourrais vraiment attraper froid » S'inquiéta faussement Harry, un immense sourire aux lèvres. Le blond fronça les sourcils, soupçonneux.

« Non ça ira je n'ai que quelques mètres à faire» Refusa-t-il diplomatiquement. Une lueur narquoise dansait dans le regard de l'Auror, le mettant sur ses gardes.

« Ce n'est qu'un pull Malfoy. Et j'insiste » Assura le brun. Draco abandonna le combat, ne pouvant décemment pas s'opposer à une telle proposition, surtout pas après que Potter l'ait écouté se lamenter avant de l'héberger pour la nuit.

« Kreattur, va donc chercher un pull s'il te plait. Tu devrais en trouver un parfait dans le tiroir du bas de mon armoire » Demanda Harry en se tournant vers l'elfe. Ce dernier hocha la tête avec ferveur, envoyant valser ses longues oreilles dans tous les sens, et il disparut.

Draco et Harry se fixèrent de longues secondes en silence, attendant le retour de l'elfe dans un silence placide. Lily était toujours accrochée à son père et elle l'observait avec une moue pensive, tentant de comprendre ce qu'il se passait. Potter semblait lui irradier de malice par tous les pores de sa peau et le sang pur retint un tic de nervosité. Un plop sonore annonça le retour de Kreattur. Draco eut un mouvement de recul instinctif.

« C'est hors de question » Grinça t'il, horrifié.

Pour toute réponse, il ne reçut que le sourire tranquille du Gryffondor. Avec toutes ces années, il avait négligé ce détail.

Potter se vengeait toujours.

D'un geste sec, il arracha le vêtement aux bras malingres de l'elfe et il l'enfila rapidement pour ne pas faire durer le supplice. Quand sa tête émergea du col de laine, ses cheveux se dressèrent dans tous les sens, affolés par l'électricité statique. En grognant, il tenta de les discipliner en y passant ses doigts mais il ne fit qu'empirer le résultat.

« J'étais sûr que le vert te plairait. Très bon choix Kreattur » Le félicita Harry d'une chaude. Draco gronda mais ne fit aucun commentaire, légèrement humilié et ne tenant pas à prolonger le calvaire. Potter lui adressa un dernier sourire brillant et Draco tourna les talons, grognon. Il allait refermer la porte quand la voix de l'Auror le stoppa.

« Au fait Malfoy, tu fais quelque chose de particulier ce soir ? » Se renseigna innocemment Harry.

« Pas vraiment. Pourquoi ? » Répliqua le Serpentard en lui tournant toujours le dos.

« Que dirais tu de dîner avec nous ? » Proposa Harry, un sourire dans la voix.

Doucement, Draco tourna la tête pour fixer le Gryffondor. Ce dernier était impassible mais une fossette creusait profondément sa joue. Dans ses immenses yeux verts flottait une douce chaleur et de l'amusement.

« Et bien, s'il n'y a que ça pour t'assurer que je ne mourrais pas de faim, pourquoi pas. Vingt heures ? » Soupira Draco, faussement affligé.

« Ca sera parfait. A ce soir alors » Conclut Harry, la tête légèrement inclinée sur le côté et un sourire franc aux lèvres.

« A ce soir Potter » Glissa Draco le plus sobrement possible avant de fermer la porte derrière lui.

Un courant d'air froid le cueilli aussitôt au niveau des jambes et sa peau se couvrit un instant de chair de poule. Cependant la sensation passa rapidement, réellement protégé du froid par le pull qu'il portait avec le plus d'indifférence possible. Cependant, après quelques pas, il finit par s'arrêter, ne résistant pas à la tentation d'observer de plus près la laine grossière qui recouvrait ses bras, avec une grimace entre l'amusement et l'écœurement.

Le pull hideux que lui avait prêté Potter était d'un vert profond et, sur la poitrine, trônait un immense 'H' d'un rouge flamboyant. Cet hymne au mauvais goût avait sans aucun doute été confectionné par la mère Weasley, qui semblait en produire des quantités industrielles pour ses connaissances à chaque fête de noël. Il s'était moqué durant des années de Potter et de sa belette quand ils osaient déambuler dans les couloirs de Potter affublés de ces horreurs.

Avec curiosité, il enfouit son nez dans le col roulé, ne laissant dépasser que ses yeux. Contre son cou et ses joues, la laine, même grossière, était d'une douceur incroyable et elle semblait imbibée semblait imprégnée d'une légère odeur de savon. Il se savait parfaitement ridicule, mais il aimait la sensation de chaleur qui l'entourait. Comme si le vêtement était imprégné de l'atmosphère chaleureuse du manoir Potter et du caractère lumineux de son propriétaire. Draco eut un sourire satisfait en reprenant sa route, se blottissant un peu plus dans le col roulé.

Quand il transplanna, il était finalement résolu à oublier de rapporter un jour ce pull à Potter.

A suivre

Note de fin du champi : Voila voilà, c'est fini pour cette fois. J'espère que ce chapitre vous a plut. Le prochain sera concentré un peu plus sur la seconde génération, et ne devrait pas arriver dans trop longtemps (Mais non l'auteur n'essaye pas de s'auto persuader, voyons…).

artemis