Disclaimer : Pas à moi, malheureusement.
Dédicace : A Dine et Artoung, dont c'est le cadox. A Sean, ma Beta que j'aime. Et encore à Artoung, parce qu'elle porte cette histoire à bout de bras et qu'elle y croit bien plus que moi.
Note du champi : Voici donc le chapitre 7 d'A travers eux, le plus long de la fic pour l'instant, consacré uniquement aux parents et à ted Lupin cette fois ci. J'espère qu'il vous plaira, et merci à tous ceux qui ont pris le temps de me laisser un petit mot au chapitre précédent :D
Ps : Ce chapitre n'était pas prévu au départ j'ai donc du supprimer une phrase dans le premier chapitre de cette fic pour qu'il n'y ait pas trop de contradictions. Je m'excuse pour ceux que ça pourrait perturber :p
Chapitre 7
En soupirant, Draco repoussa l'un des épais dossiers qu'il avait devant les yeux. La petite table de bois clair où il s'était installé en était recouverte et, pendant un instant, le sang pur ressentit comme un profond sentiment de stupidité. Il se redressa, grimaçant devant les protestations de ses muscles peu habitués à ces chaises spartiates. Il jeta un regard circulaire autour de lui et laissa échapper un sourire désabusé.
Après toutes ces années, il aurait du pouvoir deviner les intentions de Potter. Il pensait pourtant être capable de le décrypter sans aucun problème, lui et sa subtilité de Gryffondor. Mais il semblerait que Potter ait réellement changé, ou alors c'était sa vigilance qui s'émoussait à son contact.
Toujours était-il que quand Potter lui avait innocemment demandé, la semaine précédente, pourquoi il ne partait jamais en voyage, en emmenant son travail avec lui au besoin, Draco s'était contenté de hausser les épaules. Il se souvenait avoir vaguement ajouté une remarque à propos du peu d'intérêt d'un voyage effectué seul avant de changer de sujet. Evidemment, cet entêté de Potter avait retenu l'information.
Et il avait décidé, le week end suivant, de l'emmener dans ses valises pour un voyage diplomatique sur une île répondant au doux nom de Guijarro. Cette dernière était invisible aux yeux moldus et classée comme un territoire d'une neutralité absolue, n'appartenant à aucun pays et utilisée pour les rencontres dites sensibles. L'île entière ne devait pas excéder les trois kilomètres carré, toute en sable blanc et cernée d'une eau d'un bleu turquoise. Au nord de l'île, une forêt artificielle et des grottes avaient été installées, permettant d'héberger différentes espèces non humaines incapables d'habiter les cottages permettant de loger les dignitaires humains. Au centre, une immense salle avait été créée pour accueillir les réunions. Une île paradisiaque, digne des brochures pour touristes et protégée par tellement de sortilèges qu'elle était encore plus inviolable que Poudllard.
A sa grande surprise, Potter ne l'avait pas amené avec lui par simple caprice, et c'était un Draco surpris mais enchanté qui avait participé aux différentes confrontations aux côtés de l'Auror. La journée avait néanmoins été éprouvante et terriblement angoissante, malgré l'aplomb et le calme de Potter. Les elfes étaient particulièrement remontés, jetant des menaces de guerre dans chaque phrase, et l'un d'eux avaient même failli s'en prendre physiquement à l'ambassadeur français.
Tiraillé par le besoin de justifier sa présence sur l'île, Draco continuait à étudier tous les documents à sa disposition, pour tenter de trouver un détail qui aurait échappé à son attention auparavant et qui pourrait débloquer la situation. Mais il avait beau relire, ses recherches étaient pour le moment infructueuses. Et cela le frustrait de plus en plus, son impression d'inutilité s'accroissant de seconde en seconde. Car si le sang pur travaillait depuis leur retour dans le cottage qui leur avait été assigné, Potter lui semblait bien insouciant. Il était en ce moment à l'extérieur, après l'avoir laissé sur un petit sourire et la promesse d'un peu de calme. Sa sérénité et sa maitrise agaçaient Draco, que l'importance de la réunion rendait fébrile.
Le bruit froufrouteux de plumes froissées se fit entendre à l'extérieur et Draco haussa un sourcil en reconnaissant le hibou qui venait de planter ses serres monstrueuses dans le bois tendre de l'encadrement de la fenêtre.
Il avait déjà vu ce rapace démesuré d'un noir profond veiné de brun sur le dos. Son bec sombre tendait sur un brun rouge, comme s'il avait été plongé dans du sang caillé. Malgré son apparence assez impressionnante, c'était un oiseau discret et bien élevé, d'une docilité à toute épreuve. Potter l'avait offert à son fils ainé quand il n'était encore qu'une boule de plume ébouriffée que l'enfant avait nommé Stymphale, s'inspirant d'une vieille mythologie qu'il appréciait tout particulièrement. Avec une certaine horreur, Draco se demanda si l'animal n'avait pas pris encore quelques centimètres depuis la dernière fois qu'il l'avait aperçu.
Quand le sang pur s'approcha, Stymphale poussa un doux hululement, comme pour le saluer, avant de tendre sa patte. Il laissa l'homme détacher le parchemin sans manifester un seul signe d'impatience, le fixant tranquillement de ses yeux dorés.
« Je ne sais pas si il y aura une réponse. Va donc te reposer sur le portoir en attendant » Lui indiqua Draco d'une voix calme, s'éloignant prudemment de l'animal. Malgré sa gentillesse apparente, il continuait à se méfier de ses énormes serres et de son bec crochu.
D'un battement d'aile sonore, Stymphale s'arracha de la fenêtre pour se diriger gracieusement vers l'autre bout de la pièce. Il se posa sur le fin perchoir qui pencha un peu sous son poids et, durant une seconde, Draco se demanda s'il allait se briser. Mais l'objet résista, tordu comme une fleur flétrie. Le hibou trempa poliment son bec dans la gamelle d'eau, adressa un dernier hululement à Draco avant de blottir sa tête sous son aile et de ne plus bouger.
Après un instant de flottement, Draco se dirigea à nouveau vers la petite table où il s'était installé immédiatement après le repas. Il resta debout à coté de sa chaise quelques secondes, fixant sans les voir les papiers qui s'amoncelaient sur la surface de bois clair, et il tourna finalement les talons. Il allait plutôt faire une petite pause et rejoindre Potter pour lui donner le parchemin.
Il traversa le salon en frottant la nuque, grimaçant devant la douleur de ses muscles raidis. Il venait de passer plus de deux heures penché sur des comptes rendus la plupart du temps confus ou incomplets et il n'avait pas pour autant trouvé l'idée miraculeuse qu'il espérait.
Cette histoire était tellement stupide à la base. Trois sorciers partis chasser avaient pénétré sans le savoir une portion de forêt servant de zone tampon entre le monde des elfes et celui des humains, n'appartenant à aucune des deux espèces. Malheureusement, ces derniers avaient tué un Ethonan, une espèce particulièrement vénérée par le peuple des arbres. Les elfes, sanguins, les avaient immédiatement abattus. La situation avait dégénérée quand les Aurors étaient venus arrêter les elfes pour les faire comparaitre devant la justice magique pour meurtre. Les elfes avaient invoqués les lois séculaires de leur peuple, ce à quoi il leur avait été rétorqué qu'ils n'étaient pas à ce moment strictement en territoire elfe. Depuis, sorciers et elfes campaient sur leurs positions, le ton montant progressivement entre les deux camps. C'était dans le but d'apaiser les tensions qu'un conseil exceptionnel de crise avait été mis en place, rassemblant dignitaires sorciers de tout le globe et princes elfes.
Soupirant, Draco se frotta les yeux du bout des doigts. Il commençait à sentir une douleur sourde vibrer au niveau de ses tempes, menaçant à tout moment de se changer en migraine. C'était habituel quand il se forçait à lire trop longtemps sans mettre ses lunettes de lecture. Mais il était proprement hors de question que Potter le surprenne lunettes sur le nez, la remarque moqueuse aurait été beaucoup trop facile.
Il traversa sans bruit le salon, ses pieds nus glissant sur le parquet ciré. Le petit cottage était fait tout de bois, lui conférant des airs de chalet de montagne. Le mobilier était sobre et minimaliste, sûrement pour éviter que les grands pontes de la politiques n'en fassent leur lieu de villégiature privée songea le sang pur avec un certain cynisme. Il fit coulisser en douceur l'immense baie vitrée donnant sur l'extérieur et une brise moite s'engouffra dans la pièce. La mer venait s'écraser à seulement quelques mètres de là et le bruit répétitif des vagues mourant sur le sable l'apaisa immédiatement.
Quand Draco avait commencé à travailler, Potter avait doucement tenté d'engager la conversation avant de se décourager devant ses réponses monosyllabiques. Il avait grommelé qu'il pouvait sortir s'il dérangeait et Draco s'était contenté de lever les yeux au ciel, agacé. Potter était donc parti en soupirant, blessé et un peu boudeur. Draco avait sourit, amusé par son sens du mélodrame. Et s'était replongé dans ses recherches.
Mais cela faisait plus de deux heures qu'il ne l'avait pas vu et l'aristocrate en était venu à se demander s'il n'était pas parti vagabonder sur l'île sans lui. Un instant, il s'en voulu de s'être comporté ainsi avec Potter. Après tout, c'était grâce à lui qu'il était là, et le Gryffondor ne cherchait qu'à faire la conversation. La seconde d'après, Draco intercepta une silhouette sur sa droite et il s'apaisa. Potter était resté là, trop fier pour rentrer après que Draco l'ait refoulé. Le blond retint un rire.
Alors qu'il s'approchait, il distingua un tas informe de tissu au sol et, surpris, il crut reconnaître la chemise de Potter et ses chaussures sur mesure à plusieurs centaines de gallions. Elles trainaient négligemment dans le sable et Draco soupira devant une telle inconséquence. Avec une certaine maniaquerie, il rassembla les vêtements, déterrant même une paire de chaussettes à moitié enfouie, les plia et les posa sur la terrasse au bois blanchi par les embruns marins.
Puis il se dirigea vers Potter silencieusement, espérant réussir à le surprendre. Le brun se tenait dos à lui, jouant du bout de ses pieds nus avec un énorme coquillage aux reflets bleutés. Il semblait complètement fasciné par son occupation.
« Potter ? » L'appela Draco quand il arriva à moins d'un mètre de lui. Le brun sursauta et Draco en ressentit une pointe de fierté. Amusé, il vit l'ancien Gryffondor enfouir discrètement dans le sable son coquillage, honteux de s'être fait prendre en train de s'amuser comme un enfant. Quand il se tourna vers Draco, son visage se froissa aussitôt dans une expression morose d'orgueil blessé.
Il était vêtu étrangement, comme s'il s'était déshabillé avant de se rendre compte qu'il faisait plutôt frais. Il portait toujours son pantalon noir, le bas s'étant imbibé d'eau de mer, et déjà le sel séché le mouchetait de blanc. Il était torse nu sous une robe immaculée dont les pans claquaient tranquillement dans la brise. Cette tenue à la coupe inhabituelle, au col haut et en tissu fin, était l'uniforme caractéristique des ambassadeurs. Draco ne fut même pas surpris de voir l'homme porter ce vêtement rare et officiel comme un simple gilet pour se protéger de la fraicheur de la soirée. Le vent ébouriffait un peu plus ses cheveux rebelles mais Draco se fit une fois de plus la réflexion saugrenue que Potter était devenu beau à en pleurer. Pas étonnant qu'il soit autant poursuivi par les sorcières de tous âges. Il resta quelques secondes à l'observer sans un mot, tentant d'assimiler ce constat et ce que cela pouvait impliquer quand le brun lui fit perdre le fil de sa réflexion.
« Qu'est-ce qu'il se passe Malfoy ? J'ai fait trop de bruit sur la plage et je t'ai empêché de travailler ? » Attaqua-t-il d'un ton mordant. Pourtant il ne le regardait pas dans les yeux, préférant observer les arabesques qu'il dessinait dans le sable du bout des orteils, visiblement honteux de sa réaction puérile.
« Ecoute Potter, je ne voulais pas te vexer. Je suis un peu sur les nerfs parce que c'est une situation nouvelle pour moi, que j'aimerais pouvoir t'aider et si possible ne pas nous ridiculiser » Avoua-t-il avec franchise.
Potter sembla réfléchir quelques secondes à son excuse avant que son visage ne s'illumine de l'intérieur et qu'un sourire satisfait ne vienne creuser une fossette dans sa joue.
A cet instant, une observation frappa Draco de plein fouet. Bien évidemment, Potter avait changé et vieilli, mais contrairement à la plupart des gens, c'était une évolution qui ne se contentait pas de gommer l'ancien pour laisser place à un être nouveau, plus âgé, aussi différent du passé que peuvent l'être chenille et papillon. Non, Potter lui semblait plutôt être fait d'une glaise ciselée par les années sans que jamais rien ne soit effacé. Il y avait les yeux verts et rieurs de l'enfance, sa coupe de cheveux anarchique ou encore la violence avec laquelle il pouvait passer d'une émotion à une autre. La carrure séchée par les entrainements physiques, la voix plus rauque et l'adoucissement de sa personnalité de feu dénonçaient sans ambigüité l'adulte. L'aura de douceur et de compréhension venaient du Potter père alors que la dureté sous jacente du regard était celle du guerrier. Et, traversant les années, s'étaient gravées aussi bien les désagréments que les joies. Sur le front, ses peurs, Voldemort, son divorce et ses années de doute. Au coin des yeux, ces imperceptibles pattes d'oie encadrant son regard de gosse et le léger pli sur le nez n'avaient, eux, été creusés que par des années de bonheur et de rires.
« Je n'aurais pas du te déranger tout à l'heure, je suis désolé. Cette journée m'a un peu stressé » Avoua le brun dans un rire grinçant, tirant Draco de son observation méticuleuse.
A le voir avec son air très doux et un peu usé, le sang pur se rappela qu'il s'était demandé le matin même pourquoi Potter avait bien pu être choisi pour cette mission diplomatique.
Il avait beau avoir de la prestance dans la tenue officielle des ambassadeurs, il restait uniquement le chef d'un groupe d'aurors. Il connaissait peut-être le dossier sur le bout des doigts, pour y avoir été étroitement mêlé dans le cadre de ses fonctions, mais si une chose n'avait pas changé c'était que Potter haïssait la politique et s'en tenait toujours le plus éloigné possible. L'idée même qu'il se soit porté volontaire était profondément ridicule, et Draco n'avait pas immédiatement compris pourquoi c'était cet homme de terrain et allergique à toute forme d'affabilité qui avait été choisi par le ministère à la place de ces jeunes politiques aux dents longues qui auraient vendu pères et mères pour un tel honneur.
C'est en pénétrant dans le petit amphithéâtre que Malfoy s'était finalement rappelé. L'intégralité des petits génies du ministère était bien incapable de provoquer le silence écrasant que la simple présence de Potter occasionnait. La porte s'était ouverte, Potter avait hoché la tête en guise de salut et aussitôt les conversations vigoureuses étaient mortes. L'incrédulité se lisait sur tous les visages ainsi qu'une certaine retenue, une réaction semblable à celle qu'aurait pu provoquer l'entrée d'une créature légendaire.
Et après réflexion, c'était exactement ça. Le ministère anglais se savait en position d'infériorité, ayant été incapable de résoudre le problème avant qu'il ne s'envenime et entrainant ainsi ce conflit international. Alors Shacklebolt avait utilisé sa meilleure arme. Celui contre qui les critiques ne seraient jamais faites à haute voix et dont les remarques seraient écoutées avec une attention toute particulière.
Car si l'histoire du Survivant était célèbre en Angleterre, elle s'était aussi répandue dans toutes les communautés sorcières, s'amplifiant de façon exponentielle. Après vingt ans, Potter était considéré à l'étranger comme une sorte de légende aux pouvoirs inconcevables. Sa cicatrice, sa réputation et son assurance paisible avaient réussi à doucher immédiatement toute agressivité chez les dignitaires. Potter aurait bien pu être devenu aussi impuissant qu'un cracmol, ces hommes continueraient à le craindre avec cette sorte d'admiration superstitieuse.
Draco s'était demandé si Potter se rendait compte que le gouvernement l'utilisait comme une menace potentielle afin d'étouffer les pulsions belliqueuses des autres pays et les reproches de plus en plus pressants faits à l'Angleterre. L'air de rien, Shacklebolt comptait bien rappeler qu'il ne se laisserait pas écraser et il était prêt à exploiter pour cela toutes les armes à sa disposition, même les plus tordues.
Potter s'était alors tourné vers lui et avait levé les yeux au ciel avec lassitude et une certaine amertume. Il avait souri aussi, comme pour se donner du courage, comme sourirait un homme prêt à se jeter du haut d'un pont. Et il était allé s'asseoir à sa place, enrobé des regards fixes et de cette aura absurde de semi-divinité.
Alors qu'il le suivait, mal à l'aise, Draco avait eu envie de leur avouer que Potter n'était qu'un sorcier comme les autres, avec bien plus de défauts que la moyenne et un cœur bien trop grand. Qu'au final, il n'était pas beaucoup plus doué qu'un sorcier lambda, juste un peu plus courageux et entrainé. Un sorcier normal qui s'était retrouvé engagé contre son gré dans un combat dont il ne pouvait que ressortir en héros ou en cadavre. Qui avait finalement vaincu, aidé par une dose phénoménale de chance.
Mais c'était bien trop tard et, dans l'esprit des foules, l'existence de Potter s'était déjà gravée comme celle d'un homme à mi-chemin entre le monstre de foire et le héros mythique.
« Je sais » Souffla simplement l'aristocrate, sortant de ses pensées. Potter lui lança un regard aigu mais ne fit pas de commentaire. Un instant, seul le ressac des vagues flotta entre eux avant que Draco ne se souvienne du morceau de parchemin dans sa main.
« Le hibou de ton fils ainé est arrivé il y a dix minutes. Je me suis permis de prendre le message » Expliqua Draco en le lui tendant.
Harry s'en empara avec un sourire de remerciement et le déplia avec soin. La lecture de la missive fut rapide et le sang pur observa avec intérêt les sourcils de Potter se hausser assez haut pour disparaitre sous ses cheveux.
« Mon dieu… » Soupira le brun en se pinçant le nez. Curieux, Draco le fixa en espérant obtenir un indice. Au lieu de ça, Harry lui tendit naturellement le parchemin.
La première chose qui frappa Draco fut l'écriture de James Potter. Elle était à l'opposé de celle ronde et appliquée de son père, et les lettres effilées s'alignaient en rangs serrés sur tout le parchemin. Il se plongea dans la lecture, déchiffrant sans problème les petites pattes de mouches pointues de l'adolescent.
« Bonsoir papa,
J'espère que tout se passe bien pour ta réunion sur cette île paradisiaque où tu refuses de m'emmener. Je tenais seulement à t'annoncer que pendant que tu bronzais (ou travaillais, appelle ça comme tu veux) à l'autre bout du globe, ton Serpentard de fils gisait à l'infirmerie. Mais ne t'en fais pas, Mme Pomfresh m'a affirmé qu'il était tout à fait possible de faire repousser une tête arrachée.
Non je plaisante, ce ne sont que les os de la jambe.
Albus a fait une mauvaise chute dans l'escalier et Rose a essayé de bien faire en testant sur lui un sort de guérison trouvé dans un grimoire de sa mère pendant les vacances. Il parait qu'il aura retrouvé tous ses os demain matin. Pour nos tympans percés par la beuglante envoyée par tante Hermione, je ne suis pas aussi optimiste. Il devait y avoir un sort amplificateur sur ce truc ce n'est pas possible, je suis sûr que le château a oscillé quand Rose a ouvert l'enveloppe dans l'infirmerie. Ou presque.
En tout cas, je voulais aussi te prévenir que le directeur des Serpentards m'avait donné une nouvelle heure de retenue, pour « refus d'obtempérer à l'ordre d'un professeur ». Teddy en a reçu une aussi (alors que lui n'est même plus élève, mais il est bien trop idiot pour le lui rappeler). Scorpius a été épargné en revanche- que ferait-on sans la neutralité légendaire des professeurs ?-
Nous allons donc tous les trois braver l'autorité (tu recevras sûrement une lettre pour te signaler mon « comportement inacceptable » à propos, je suis désolé) pour tenter d'empêcher Albus de s'empoisonner/ se couper/ s'étrangler/ se noyer/ s'assommer pendant la nuit. Le laisser seul dans l'infirmerie, et puis quoi encore… Cette Pomfresh est vraiment incompétente par moment.
Tout est sous contrôle ici comme tu vois donc ne t'inquiètes pas. Je t'écrirai demain avec Albus pour te donner de ses nouvelles (pour l'instant il n'a pas l'air d'agoniser, il lit les étiquettes de toutes les fioles de l'infirmerie. La nuit va être longue…).
On t'aime,
James.
Ps : Si tu pouvais glisser un mot en ma faveur à maman avant qu'elle ne reçoive la lettre du prof...Je ne pense pas que Poudlard survivrait à une deuxième beuglante Weasley »
Draco replia le mot et le tendit prudemment à Potter, les lèvres pincées entre amusement et réprobation. Finalement, c'est l'ancien Gryffondor qui éclata de rire devant l'expression hésitante de l'aristocrate.
« Merlin, il faut que j'envoie un mot de réconfort à Albus » Gloussa Harry, bien incapable de contenir son fou-rire.
« Très charitable de se moquer des malheurs de la chair de ta chair Potter » Fit remarquer Draco, laissant tout de même échapper un sourire.
Potter se racla la gorge après un dernier éclat de rire, tentant d'arborer un air contrit.
« Ce n'est pas ça, je sais que la potion pouss'os n'est plus aussi douloureuse qu'à l'époque, c'est Hermione elle-même qui s'est chargée de l'améliorer. C'est la coïncidence qui m'amuse » Se justifia-t-il gauchement. Il y eut un silence puis, voyant que Malfoy ne semblait pas comprendre ce à quoi il faisait allusion, il continua ses explications. « Tu te souviens de mon accident de quidditch en seconde année ? Quand je m'étais retrouvé avec un bras dépourvu d'os ? »
« Evidemment. Quand ce bellâtre de professeur avait expérimenté sur toi ses talents de guérisseur ? » Se rappela le blond en fronçant le nez, concentré. Harry acquiesça, amusé.
« Lockhart » Souffla-t-il avec un sourire complice.
« Voila c'est ça…Lockhart » Répéta le blond, les yeux pétillants.
« L'histoire se répète…Au final, rien ne changera jamais fondamentalement à Poudlard » Murmura Harry, la mélancolie diluant son expression amusée.
« Les Potter continueront à loger à temps partiel à l'infirmerie » Releva Draco, doucement moqueur. Harry se tourna vers lui et plissa les yeux.
« Les Malfoy continueront d'être injustement favorisés par leurs directeurs de maison » Attaqua-t-il l'air de rien, lui jetant un regard de défi.
« Les Potter braveront toujours le règlement » Continua Draco.
« Les Malfoy garderont toujours un lien particulier avec les fouines » Rit Harry, faisant grincer les dents du sang pur.
« Les Potter continueront à entrainer leurs amis dans leurs problèmes » Contrattaqua fièrement le blond.
Il y eu un long silence alors que progressivement le visage de Potter s'assombrissait. Sur un sourire vide, il se détourna pour se rapprocher de la mer. Ses pieds nus s'enfonçaient dans une eau transparente qui commençait à se teinter de reflets rubis alors que le soleil mourait lentement. Couleur de sang.
Il n'était pas difficile de comprendre ce qui devait tourner dans la tête de l'ancien Gryffondor à l'instant. Ce qui n'avait jamais cessé de le hanter depuis bientôt vingt-cinq ans.
« Je ne voulais pas dire ça » Se reprit Draco en s'avançant vers lui. Potter se retourna pour lui faire face et haussa les épaules.
« Et pourtant, tu as raison » Le contredit-il d'une voix atone. Avant que Malfoy n'ait pu dire quelque chose, Harry clôtura le sujet d'un geste vague de la main, l'air soudain las.
Il se laissa tomber brusquement sur le sol, s'affaissant sans aucune grâce dans le sable blanc. Puis il leva son regard trop vert sur Malfoy.
« Quoi ? » Fit simplement le Serpentard, mal à l'aise.
Avec un petit sourire espiègle, Harry tapota le sable juste devant lui, l'incitant à le rejoindre.
Voyant que Malfoy envisageait la perspective de s'installer à même le sol avec un certain dégout, Harry leva les yeux au ciel avant de retirer puis de poser par terre sa robe blanche. Horrifié, Draco vint aussitôt s'asseoir à côté du précieux vêtement qu'il ramassa avant de le plier avec soin. Il s'installa tant bien que mal et posa la tunique d'ambassadeur sur ses cuisses. Il tendit un regard accusateur vers Potter qui disparut quand il remarqua son air sérieux.
« Tu sais Malfoy, parfois je me dis qu'il ne fait pas bon fréquenter la famille Potter » Avoua Harry sans oser le fixer plus longtemps. Ne sachant que répondre à cette étrange déclaration, Draco se contenta d'attendre que Potter précise sa pensée. Ce qu'il fit rapidement. « Je t'ai déjà parlé de Teddy n'est-ce pas ? » Vérifia-t-il d'une voix un peu absente.
Surpris, le sang pur acquiesça. Il savait confusément que l'Auror était le parrain du garçon, qui avait donc passé une bonne partie de son enfance avec les enfants Potter dont il était devenu très proche, en particulier de l'aîné. Harry hocha songeusement la tête.
« Teddy est un enfant fantastique, vraiment. Jamais un mot plus haut que l'autre, le cœur sur la main, doux comme un agneau et avec une intelligence digne de celle d'Hermione. Je retrouve beaucoup de son père en lui, tellement que parfois cela m'effraie. Mais même si je suis heureux de le connaitre, de l'avoir vu grandir, je me dis souvent que Remus n'a peut-être pas fait le meilleur choix en me désignant comme parrain. » Soupira Harry.
Il se tut un instant, semblant ruminer des évènements passés particulièrement désagréables, et Draco patienta. Les années lui avaient appris que le silence était souvent le meilleur moyen d'obtenir des confessions. Et effectivement, Potter continua d'une voix peu assurée.
« Teddy était un bébé vraiment adorable. Je me souviens encore de la peur presque panique que je ressentais quand sa grand-mère nous le confiait, je craignais tellement de faire une bêtise ou de le blesser par accident. J'avais à peine dix sept ans à l'époque mais, malgré mes maladresses, je ne l'ai jamais entendu pleurer. Il passait son temps à gazouiller et à changer la couleur de ses cheveux en fonction de ses humeurs. Un peu après ses quatre ans, nous avons eu la surprise avec Ginny de retrouver dans son lit un petit louveteau au lieu du bébé joufflu que nous avions couché. Pendant quelques jours, il y a eu une grande agitation, personne ne comprenant vraiment s'il était ou non un loup garou. Une fois de plus, c'est Hermione qui a élucidé le mystère, en trouvant la trace d'un autre homme loup ayant vécu au dix-septième siècle.»
Un sourire tendre vint fleurir sur les lèvres de Harry et Draco eut un petit rire. Voir Granger dénicher dans des grimoires poussiéreux des choses inconnues du commun des sorciers était quelque chose de très banal. Voir même de fondamental dans leur vision du monde.
« Nous étions donc tous rassurés sur son sort, et il a grandi comme n'importe quel enfant jusqu'à ses six ans. Il était très sociable et jouait régulièrement avec les enfants du village. Il adorait venir nous voir, car sa grand-mère vivait dans une maison isolée de tout, présentant peu de possibilités de jeu pour une enfant de son âge. Puis James est né. Personne n'a jamais compris ce qui a bien pu arriver ce jour là quand Teddy s'est penché sur le berceau. Mais à partir de là il s'est mis à passer tout son temps avec mon fils. Quand Teddy devait rentrer chez sa grand-mère c'était à chaque fois un drame. Quant à James, il devenait grognon et irritable aussitôt son ami loin de lui, alors qu'il était un enfant adorable en sa présence. Malgré tous nos efforts, le premier mot de notre fils n'a été ni maman ni papa mais Teddy et c'est avec lui qu'il a fait ses premiers pas. A l'époque, nous avions presque été vexés de voir à quel point Teddy monopolisait l'attention de James. Mais ce n'est pas comme si nous avions pu en vouloir longtemps à ces deux petits sorciers en pyjamas qui se déplaçaient toujours main dans la main. Ils étaient juste trop adorables pour ça. Et juste trop indissociables. »
Harry secoua la tête, amusé par son propre comportement infantile de l'époque. Draco sourit, comprenant assez bien la fierté et l'amour qui transparaissait à travers les confidences du Gryffondor. Une vague s'approcha un peu trop près d'eux, venant chatouiller les orteils du sang pur qui n'eut aucune réaction, totalement focalisé sur son interlocuteur.
« James avait quatre ans, Teddy huit, quand Albus est né. Puis Lily, deux ans plus tard. Ils se sont tous les deux immédiatement comportés en grands frères protecteur, mais c'était différent. Teddy adorait Albus et Lily, mais c'était tout simplement incomparable avec cette fascination attentionnée qu'il avait pour James. Tout se passait bien dans notre petite famille nombreuse, jusqu'à ce que nous ne nous séparions Ginny et moi. Teddy avait alors un peu plus de douze ans et il venait de terminer sa deuxième année de Poudlard. C'est durant cet été là que tout a dérapé. » Harry grimaça, avala sa salive, le regard soudain dur.
« Nous avions décidé de laisser James passer quelques jours chez la grand-mère de Teddy, pour qu'ils puissent être tous les deux et qu'ils ne se retrouvent pas au milieu de tous ça. Albus et Lily étaient eux chez Ron et Hermione. Malgré nos tentatives pour garder notre séparation privée, les journalistes n'ont pas tardé à l'apprendre. Et un certain Stewart Ackerley est allé trop loin. Il s'est introduit dans le jardin d'Andromeda et a commencé à interroger James sur notre divorce. Quand Teddy est arrivé, il a trouvé James en train de pleurer devant un inconnu, et il est devenu fou. Littéralement. Personne n'a jamais su quel sort il avait lancé, mais enragé et sans baguette, il a fait appel à sa magie instinctive. L'homme est resté hospitalisé de nombreux jours à Sainte-Mangouste, et l'enfer à commencé.
Tout a débuté par des amis du paparazzi, qui ont traité Teddy de monstre, déformant les faits. Aussitôt, les antis loups-garous, les puristes de la magie blanche et des personnes pensant vouloir mon bien se sont engouffrés dans la brèche. L'incident a pris des proportions hallucinantes. Des gens m'envoyaient des lettres me conseillant de me séparer de cet enfant du démon, d'autres manifestaient devant la maison ou tentaient de le kidnapper. Pendant ces quelques jours, on aurait dit que le monde était devenu fou. Ils parlaient même d'un procès pour tentative d'homicide.
Teddy s'était terré dans la chambre de James et n'osait plus en sortir. C'était terrible, on aurait dit un animal traqué. James passait ses journées à pleurer, persuadé d'être le responsable de la situation, Albus en était traumatisé et refusait de s'éloigner de moi, même pour dormir. Je crois que c'est bien la première fois que je les ai vus pleurer tous les deux, et l'une des dernières. Quant à Teddy c'était à peine s'il nous adressait la parole. Il ne le faisait que pour s'excuser, nous jurer qu'il n'avait jamais voulu faire de mal à personne. Ginny était tellement terrifiée de voir dans quel état il se mettait qu'elle a fini, à bout de nerf, par frapper un journaliste. »
Harry eut un sourire sombre, un éclat de fierté venant éclairer ses iris. Sa voix était rauque et douloureuse, mais Draco se sentait totalement incapable de le réconforter. Avec une certaine horreur sourde, il se souvint qu'il avait obscurément entendu parler de cette chasse anti loup-garou à une époque, mais qu'il n'y avait pas accordé d'attention particulière. Il débutait alors comme conseiller et passait sa vie plongé dans son travail. Qui plus est, il avait depuis longtemps appris à éviter les pages parlant de Harry Potter dans le journal, les ignorants avec indifférence.
« Tout a fini par se tasser, même s'il a fallu pour ça que j'aille détruire les locaux de la Gazette, menaçant de faire la même chose dans le bureau de chaque journaliste qui publierait désormais un seul article sur ma famille sans ma permission. Pour calmer définitivement la situation, Ron a eu l'idée d'organiser une conférence de presse. Il est venu témoigner, ainsi que Ginny, Hermione et moi, que non seulement Teddy n'était pas un danger mais qu'en plus notre famille ne se laisserait plus intimider par les extrémistes. Visiblement, notre action combinée a fait son petit effet, car deux jours plus tard Ackerley et la Gazette au complet publiaient une lettre d'excuses publiques. Mais malheureusement, c'était bien trop tard pour Teddy.
Lui qui était un enfant si rieur et sociable, il s'était complètement renfermé sur lui-même après tout ça. Il avait entendu les enfants du village le traiter de monstre, et il refusait catégoriquement de les revoir. Les adultes étrangers le terrorisaient et les enfants de son âge lui faisaient terriblement peur. Durant un an, il a refusé de retourner à Poudlard. Il passait son temps près de James, se l'accaparant. Il était devenu presque agressif quand on évoquait l'idée d'une sortie ou celle d'inviter d'anciens amis à eux à la maison. Il était persuadé que James finirait par le quitter parce qu'il était un monstre et à l'approche des pleines lunes il s'en rendait malade. D'ailleurs, ça ne l'a jamais quitté, même maintenant il n'aborde plus jamais ses transformations avec la sérénité qu'il avait enfant.
Quand il a fini par accepter de retourner à Poudlard, après que James lui ait fait un odieux chantage, les choses ont mis du temps à s'améliorer. Lui qui était auparavant le premier de sa classe séchait les cours ou fuguait même du château pour rentrer. On l'a retrouvé trois fois sur notre palier, et il a loupé plusieurs semaines de sa troisième année. Il a raté presque toutes ses BUSES. Puis, alors qu'il était en sixième année, James est entré à Poudlard. Et Teddy a fini par s'apaiser un peu. Ses notes sont remontées à toute vitesse et il a travaillé plus que n'importe qui pour rattraper son retard. Il a passé ses ASPICs, et a obtenu un Optimal à toutes. Il aurait pu être reçu dans la formation de son choix avec les résultats qu'il avait obtenus. Mais il a préféré supplier pour pouvoir rester travailler à Poudlard. Hagrid et Neville l'ont recommandé et alors qu'il aurait pu devenir un grand politicien ou un médicomage il est devenu l'homme à tout faire du château. Il reprendra sûrement ses études quand James aura passé ses ASPICs, et c'est d'ailleurs pour cela que mon fils se force à travailler le mieux possible pour obtenir les meilleures notes. Ils ne m'en ont jamais parlé, mais je me doute bien qu'ils vont se mettre d'accord pour trouver une formation qu'ils pourront effectuer ensemble.
Ils n'ont pas l'air malheureux tous les deux, ils ont même l'air parfaitement biens dans leurs peaux. C'est vrai que vivre en sachant qu'il existe une personne dont vous êtes le monde doit être particulièrement réconfortant. Mais souvent, je me dis que Teddy aurait pu avoir une vie bien différente si Remus ne m'avait pas choisi comme parrain. Il aurait grandi tranquillement dans l'ombre, et il aurait réalisé des études brillantes. Avec son caractère adorable, il se serait fait de nombreux amis et il aurait vécu une vie normale »
Un silence béant vint bourdonner entre les deux hommes quand la voix de Potter finit par mourir sur un dernier regret. Il fixait la mer d'un regard vague, un rictus amer aux lèvres. Draco le dévisageait, fourmillant de milles émotions différentes.
Le Serpentard était assommé par la façon dont Potter se confiait à lui, comme s'il avait été son confident depuis toujours. Il était aussi révolté par l'histoire du jeune Lupin. L'air doux du petit brun et le sourire lumineux qu'il avait eu en serrant Scorpius dans ses bras le soir de Noël tournait dans sa tête comme une obsession, percutant celle plus perturbante du jeune loup reculant prudemment d'un pas quand il l'avait aperçu la première fois. Craintif, sur ses gardes. Sauvage. Cela expliquait un peu mieux la façon dont Scorpius l'avait rabroué quand il avait commencé à critiquer le fils de Lupin. Et qui éclairait totalement la violence de la réaction de Potter des mois plus tôt dans la loge du stade de quidditch, cette révulsion qu'il avait eu à voir un journaliste s'intéresser à sa vie privée.
Finalement, Draco se rapprocha de Potter et posa sa main sur son poignet pour attirer son attention. Le brun se détourna de son observation pensive de la mer et le fixa, interrogateur. Une fois de plus, Draco se fit la remarque que le regard trop franc de Potter était bien plus déstabilisant que celui qu'il lui avait connu pendant des années, dissimulé sous une couche de colère et de mépris. Potter se mettait à nu, simplement, complètement. Et les failles qu'il lui révélait sans fard donnaient une envie presque viscérale au Serpentard de l'aider, alors que Potter semblait tout à fait apte à continuer son chemin seul. Mais c'était peut-être cette pudeur, cette fierté implicite qui donnait tant envie à Draco de lui être utile, de le soulager un peu.
« Je ne suis pas d'accord Potter » Le contredit-il donc à voix basse.
Harry l'observa en fronçant les sourcils, ne comprenant pas où il voulait en venir.
« Je pense que tu idéalises la situation dans laquelle il aurait vécu. Bien sûr, je ne dis pas que ce qui lui est arrivé n'est pas écœurant d'injustice, ni que la façon dont il vit désormais est la meilleure chose qui aurait pu lui arriver. Mais imagine s'il avait grandi loin de ta famille. Il est le fils d'un loup garou et, même s'il n'en est pas un totalement, sa situation est si rare qu'il aurait forcément été assimilé avec un lycanthrope. Et tu es bien placé pour savoir comme ils sont pestiférés dans notre communauté. Or, Ted Lupin a la chance d'être avant tout considéré comme un membre de la famille Potter, et même si cela présente visiblement des désagréments, je ne pense pas qu'ils soient aussi terribles que ceux de la condition de loup garou. Les formations que tu aurais tellement aimé le voir rejoindre l'auraient sûrement rejeté pour un prétexte fallacieux sans la protection de ton nom. Et tu sais parfaitement qu'il aurait aussi bien pu finir entouré d'amis que complètement seul, rejeté par des sorciers le considérant comme un monstre et sans même un parent vivant. Là, il a une famille adoptive qui l'aime et il a la chance de connaitre une amitié comme il n'en existe probablement pas deux. Sa vie n'est peut-être pas tout à fait normale, mais elle est heureuse au moins. » Conclut le Serpentard.
Harry le fixa de longues secondes, les yeux légèrement écarquillés par la surprise et son regard ancré dans celui de Draco comme pour tenter d'intégrer ce qu'il venait de lui dire. Puis quelque chose vacilla dans les iris vertes et il ferma les paupières, ému. Potter semblait terriblement fragile soudain, et Draco fut frappé par l'abandon qui se lisait sur ses traits discrètement bouleversés. Cela ne dura qu'une seconde et quand Potter rouvrit les yeux, il avait déjà retrouvé toute sa maitrise de lui-même.
« De toute façon, ce n'est pas comme si nous pouvions réécrire le passé » Soupira Harry, mais il y avait déjà nettement moins de remords dans sa voix, remplacés par une mélancolie vague. « Et c'est peut-être mieux ainsi. Parfois des erreurs du passé peuvent engendrer de belles choses » Sourit-il en le fixant.
Comprenant l'allusion à leur histoire commune, Draco lui retourna son sourire complice avant de se reculer un peu. Gêné, il s'aperçut qu'il tenait toujours le poignet de l'Auror et il le relâcha discrètement.
« Notre vie à Poudlard aurait perdu beaucoup de son piment si l'on ne s'était pas connus tout de même » Se défendit le blond, tiquant sur le mot 'erreur'.
« Entre Voldemort, la guerre et autres histoires d'élus, je me dis parfois que ma vie à Poudlard aurait déjà été très épicée sans toi » Rit Harry. « Mais c'est vrai qu'elle n'aurait pas eu la même saveur » Finit-il par admettre avec nostalgie.
« Pour tout t'avouer, j'étais persuadé que nos enfants vivraient la même chose s'ils venaient à se croiser à Poudlard. A l'époque, ça me semblait tellement viscéral cette rivalité entre nous que je n'avais même pas envisagé que Scorpius ne puisse pas en hériter. Alors qu'ils deviennent amis, je pense que j'aurais même été incapable de l'imaginer. » Confessa l'aristocrate, amusé. Etrangement, tout cela lui semblait très loin, comme si quelques mois d'amitié avec Potter avaient atténué les années de haine qu'il croyait inaltérable.
« Même chose pour moi. Mais Albus a une chance que je n'avais pas à l'époque : tu étais un petit con » Réfléchit Harry à voix haute.
« Pardon ?» S'outragea Draco.
« Oh je t'en prie, tu passais ton temps à rabâcher les théories racistes et stupides de Lucius sur tous ceux qui n'étaient pas des sangs purs et tu avais un ego tellement énorme que tu passais à peine à travers les portes » Continua pensivement l'ancien Gryffondor.
« Tu me cherches ? » Gronda le blond, vexé.
« Un peu » Concéda Harry, les yeux pétillant d'amusement et le nez plissé.
« Au moins je ne bravais pas tous les règlements sans jamais me faire punir ! En plus tout était ridiculement facile pour toi. Les professeurs t'adoraient avant même que tu ne mettes les pieds au château, tu étais le petit préféré du directeur et tu n'as jamais eu à batailler pour obtenir une quelconque reconnaissance de ta maison » Contrattaqua Draco avec fiel. « Et tu as refusé de me serrer la main alors que tu ne me connaissais même pas »
« Tu avais insulté Ron ! » Lui rappela Harry.
« Et alors ? Tu ne le connaissais que depuis quelques heures ! Et tu m'avais bien rencontré le premier et tu ne m'as pas défendu pour autant quand Weasley a dû dire du mal de moi. » Siffla l'ancien Serpentard
« Tu avais insulté Hagrid dans la boutique » Lui rappela à nouveau Harry en roulant des yeux.
« Potter ? » S'interrompit Draco.
« Oui ? »
« Tu as conscience que nous nous comportons comme des gamins de onze ans ? » S'informa le sang pur d'une voix neutre.
« Oui » Répondit seulement le brun, les yeux débordant de malice.
Ils s'observèrent en chien de faïence durant quelques secondes, avant qu'un unique éclat de rire ne leur échappe.
« C'était plus drôle quand on croyait vraiment à tout ça » Soupira finalement Harry en se laissant tomber dans le sable. Le ciel était désormais d'un bleu profond tendant sur le noir et il commençait à se piqueter d'étoiles.
« Oui. Et j'étais peut-être parfois un petit con à cette époque » Concéda Draco dans une grimace. Harry se redressa sur ses coudes et l'observa avec une moue amusée.
« Souvent. »
« Parfois » Maintint Draco avec un regard torve. Harry leva les yeux au ciel et se laissa retomber sur le sable.
« En parlant de ça, où sont passé tes principes des sangs purs supérieurs au reste du monde ? » Se renseigna innocemment le Gryffondor, tentant de minimiser la gravité du sujet.
« Morts en même temps que mon père et son idéologie. Après tout c'est aussi ça grandir, se rendre compte que les parents peuvent avoir totalement tort et que ce que l'on vous a appris n'était peut-être pas aussi logique qu'on le pensait. Et puis la vie après s'est chargée de me le rappeler assez régulièrement. Il suffit de voir combien de membres de la vieille aristocratie croupissent à Azkaban et combien de sangs mêlés dirigent activement notre pays. Et en tant que conseiller d'un certain nombre de politiques, je peux t'affirmer que les quelques sangs purs dont je suis en charge sont souvent ceux qui prennent les décisions les plus stupides. Autant pour la supériorité absolue que prônait mon père » Sourit l'aristocrate avec une certaine amertume.
Harry hocha la tête, soulagé. Il n'avait jamais pu se débarrasser du souvenir du visage défait d'Hermione lui expliquant la signification des mots « sang de bourbe » et de l'écho cruel du rire moqueur d'un Malfoy bien plus jeune. Même s'il s'était rapidement aperçu que Scorpius ne semblait pas avoir été élevé avec ce genre de valeurs, Harry n'avait jamais pu réellement se libérer de l'idée dérangeante qu'au fond, Malfoy n'avait peut-être pas totalement changé.
« J'en suis heureux » Souffla finalement Harry, souriant dans le vide.
« Je sais » Répondit simplement Draco « Il faudrait peut être que l'on rentre non ? Tu dois toujours répondre au message de ton fils » Lui Rappela t'il, brisant l'atmosphère étrange de confidences qui s'était installée.
Harry hocha la tête et se redressa. Draco l'imita, s'appuyant sur le sable pour pouvoir se relever. Malgré l'obscurité, il distingua quelque chose jaillissant hors du sol pour se précipiter sur lui, bien trop vite pour qu'il ne puisse réagir. Une douleur brulante explosa sur le dos de sa main, juste à la base de l'annulaire.
« Eh ! » Glapit-il soudain en ramenant son bras contre son torse, les mâchoires serrées. « Un truc m'a mordu ! »
Aux aguets, Harry observa le sol et put apercevoir un animal d'un blanc cassé plonger dans le sable en sifflant.
« Je crois bien que c'est un Ananta. C'est une espèce de serpents qui ne vit que sur cette île et sort la nuit pour chasser » Grimaça l'Auror en s'éloignant sensiblement du renflement que formait le corps du reptile dans le sable.
« Ne me dis pas que tu m'as fait m'asseoir sur une plage truffée de serpents ? » S'hérissa Draco, serrant sa main contre son corps, ayant lâché par la même occasion la précieuse tunique d'ambassadeur qui gisait à présent au sol.
« Je ne pensais pas que ça te dérangerait » Se défendit mollement Harry en haussant les épaules. « Et puis j'avais oublié aussi » Admit-il avec sincérité après une pause.
Scandalisé, le sang pur fut incapable de trouver une seule réplique cinglante et il se contenta de fusiller l'Auror du regard.
« Le problème, c'est surtout qu'il est venimeux » Continua Harry avec une moue contrariée.
« Pardon ? » Articula soigneusement Draco, pétrifié.
« Oui. Si je me souviens bien, il peut même être mortel si les soins ne sont pas effectués correctement » Expliqua calmement le brun. Aussitôt Draco devint blême et son souffle se coupa d'horreur. Il jeta un regard de pure panique à l'Auror qui resta d'un sang froid absolu.
« Ne t'inquiète pas Malfoy, il y a un kit de premiers secours dans la maison. Mais avant tout, il faut sucer la plaie pour aspirer le venin, qu'il ne se répande pas dans ton corps. Donne-moi ta main » Ordonna Harry en lui tendant la sienne.
L'idée lui parut totalement absurde et Draco pensa à refuser mais il finit tout de même par obéir docilement. Le bout de ses doigts lui semblait glacé, et il ne savait pas si cela était dû au poison qui coulait dans ses veines ou seulement à la terreur qui le tétanisait.
La bouche de Potter s'approcha de sa main et, durant un instant, la peur de Draco reflua un peu pour laisser place à une certaine curiosité devant le concept incongru des lèvres de Potter sur sa peau.
Mais à peine se faisait-il cette réflexion que Potter refermait ses doigts sur son poignet et profitait de sa prise pour l'attirer près de lui. A quelques centimètres de son oreille, leurs mains prisonnières entre leurs deux corps, Harry se mit à chuchoter.
« En fait je plaisante. L'Ananta se nourrit d'insectes, et il n'a jamais eu de venin » Lui confia-t-il. « Mais par contre ta tête était très drôle »
Il y eut un silence de quelques secondes, alors que Draco tentait d'intégrer ce que venait de dire Potter. Il repoussa sèchement le Gryffondor, envahi par la colère et, bien malgré lui, par une pointe de soulagement.
« Tu te foutais de moi ? » Siffla-t-il.
« C'était un peu le concept, oui » Admit Harry avec un sourire espiègle.
Avec un cri de rage, Draco se jeta sur le brun, qui l'esquiva facilement en riant. Une course poursuite maladroite s'engagea, les deux hommes dérapant fréquemment sur le sable et manquant plusieurs fois de s'étaler de tout leur long. Malgré son envie de coincer Potter pour lui faire comprendre son opinion sur son sens de l'humour déplorable, Draco finit par s'arrêter au bout de dix minutes, complètement essoufflé. Cela faisait des années qu'il n'avait plus couru, ce qui le désavantageait face à Potter qui s'entrainait régulièrement. Le brun se tenait droit devant lui, ébouriffé, le souffle à peine précipité et toujours hilare. Le blond lui jeta un regard lourd de mépris et Harry leva les yeux au ciel, moqueur.
« Je te déteste » Annonça le blond avec un reste de fierté blessée, lui conférant un air presque boudeur.
Amusé, Harry éclata de nouveau de rire. Il secoua la tête, les joues creusées par deux profondes fossettes et les yeux brillants, même dans la semi pénombre. Il parut soudain terriblement jeune à Draco.
« Voyons Malfoy, comment as-tu pu sincèrement croire qu'ils avaient choisi pour rassembler régulièrement les hommes les plus importants du monde magiques une île où vivrait une espèce de serpent mortelle ? Nos politiques peuvent être stupides, mais pas à ce point » Lui rappela gentiment l'Auror.
Le sang pur ne put que reconnaitre la logique du raisonnement même s'il ne l'aurait pas avoué à haute voix pour tous les gallions du monde.
« Je te déteste quand même » Répéta-t-il tout de même, clairement grognon.
« Mais oui, mais oui » Accepta Harry avec humour. Il se pencha pour ramasser sa tunique blanche à laquelle il jeta un œil critique. Cette dernière était froissée et pleine de sable et le Gryffondor haussa les épaules avec indifférence.
« Bon allez, viens à l'intérieur, on va désinfecter ta terrible blessure » Le taquina Harry avec un sourire complice. Malgré l'ironie du ton, Draco comprit que c'était une invitation à la trêve et il l'accepta en grognant.
« Et pour me faire pardonner, je te laisse même prendre la grande chambre ce soir » Continua l'Auror pour tenter de l'amadouer.
« Je ne vois pas en quoi c'est une compensation, je l'aurais prise de toute façon » Grommela le blond, rancunier.
« Et demain je préparerais le petit déjeuner ? » Proposa Harry, amusé par l'air bougon de l'autre homme.
La proposition sembla doucher la mauvaise humeur du Serpentard qui lui jeta un regard suspicieux, jaugeant le sérieux de l'offre. Comprenant que le Gryffondor était sincère, il se dérida sensiblement. Il avait pris goût aux déjeuners copieux et chaleureux de la maison Potter, même s'il n'en avait profité que les quelques fois où Potter l'avait invité à rester dormir. Malgré toutes les excuses qu'ils pouvaient se donner pour ces occasions, ni l'un ni l'autre n'étaient dupes. Ils savaient tous les deux que Potter n'avait pas besoin de mots pour comprendre quand la solitude du manoir Malfoy pesait un peu trop sur les épaules de son propriétaire. Et il s'appliquait alors, avec son habituelle simplicité désarmante, à lui remonter discrètement le moral.
« J'accepte tes excuses » Fit Draco, magnanime. « Et j'accepterais aussi un café viennois apporté au lit demain matin »
« Ne pousse pas ta chance trop loin » Rit Harry. Draco leva les yeux au ciel, faussement blessé.
Au moins il aurait essayé.
A suivre
Note du champi : Voila voila, un chapitre qui ne sert pas à grand-chose mais pas grave :p J'espère que personne ne se sera endormi devant en tout cas. Le prochain chapitre arrivera dès que j'aurais trouvé l'inspiration (et surtout la motivation :p) pour l'écrire. Je vais essayer de le finir pour la fin de semaine prochaine mais je ne peux rien garantir.
Encore merci à tous ceux qui prennent de leur temps pour me lire :)
artemis, le champi qui voudrait bien retourner à Londres. |