"Aalona… C'était quoi cette course que tu avais à faire pour moi ?"
Avec Seth, j'en avais presque oublié cette "bricole" dont elle avait parlé.
"Ha ça… Tu verras mercredi, dans une semaine et demie. C'est une petite surprise."
Elle me fit un clin d'œil et retourna dans sa chambre, prête à se remettre au travail.
Le flou se créa dans mon esprit et j'imaginais tout et n'importe quoi pendant que je descendais les escaliers. Par la fenêtre, j'aperçus Seth qui disparaissait dans l'allée, de son pas lent et altier. Je n'en revenais pas de l'avoir vu, chez moi, faire un caprice pour ne plus avoir à partager ma chambre.
Sans réellement savoir pourquoi, j'étais soulagé qu'il reste à mes cotés et triste qu'il ai voulu partir. Ne me supportait t'il pas à ce point ?
Je décidais de me changer les idées en jouant du piano. Mais malgré les mélodies que je jouais les notes prenaient toutes un air froid et se détachaient les unes des autres. Même la musique était soumise à l'influence de Seth.
Les yeux clos, je ne pensais à rien d'autre que lui, et le maudissait intérieurement de l'infect sujétion qu'il exerçait sur moi sans en être conscient. Son attirant magnétisme prenait de plus en plus de place dans ma tête et je ne savais pas comment penser à autre chose.
Je me frappais la tête, me trouvant ridicule d'avoir de telles pensées. A force de jouer, la musique entra dans mon esprit et chassa quelques instants l'image du parfait visage de Seth.
J'avais envie de l'oublier, qu'il cesse de détruire toutes les autres pensées qui existaient dans mon esprit, mais malgré ma motivation, Seth vivait dans ma tête et rien n'arrivait à le déloger.
Je m'affalais sur mon lit, délaissant mon piano, me demandant pourquoi j'étais si désireux d'entrer dans le monde d'un prince glacial.
Je jetais un œil à la grande fenêtre ancienne au-dessus de mon lit, pour penser à autre chose. L'été touchait à sa fin, et le ciel limpide se faisait plus clair. Nous arrivions bientôt en automne, c'était à ce moment là de l'année que je me sentais le mieux.
Je comptais passer mon dimanche dans la forêt, pour me changer les idées, déjà très embrumées par mes quelques instants en tant qu'étudiant. Je profitais du reste de ma journée pour me détendre au maximum.
Ayant besoin d'un moment de relaxation, je me rendis dans la salle de bain et restais plus d'une heure dans un bain brûlant, étouffé par la vapeur omniprésente. Le visage à moitié immergé dans l'eau, je tentais de calmer mes nerfs quand ma sœur entra dans la salle de bain.
"Mais qu'est ce que tu fais la ?"
Je me mettais en boule dans la baignoire, me demandant la raison de sa présence.
"Ho Gaby, arrête un peu, j'en ai vu d'autres… Je voulais simplement te demander si tu voulais que je fasse une machine, comme je fais le noir."
Je me grattais la tête, réfléchissant aux vêtements noirs que j'aurais à laver.
"Au fait, petit frère. Depuis quand tu porte des chemises ?"
Elle brandit fièrement une légère chemise de soie aux manches longues. Il était vrai que depuis mes dix ans, je ne portais que des vêtements dans lesquels j'étais à l'aise, et les chemises n'en faisaient pas parti.
Je regardais Aalona, confus, durant quelques secondes.
"Bon, je m'occupe de ton linge. Trempe bien frérot !"
Elle posa négligemment la chemise sur le bord d'un meuble et sortit de la salle de bain. Je finis rapidement de me laver les cheveux et sorti de la baignoire, intrigué par la découverte de ma sœur.
Après m'être séché, je retournais dans ma chambre, la chemise dans les mains. Je l'observais en détail, assis en tailleur sur mon lit, emmitouflé dans un épais peignoir. C'était une chemise simple, au tissu fin et léger. Machinalement, je la portais à mon nez, comme à mon habitude, pour imaginer à qui elle pourrait appartenir.
Une très légère odeur subsistait encore sur le tissu. C'était un mélange de senteurs impossibles à décrire, comme une note de vent, un extrait de bois ou une touche de roche. Aussi légère était elle, j'étais totalement envoûté par l'odeur que dégageait ce petit morceau de tissu.
Je le serrais contre moi, quand l'évidence me frappa. La seule entité masculine que j'avais approché récemment était Seth, qui était également mon voisin de chambre. En faisant mon sac, j'avais du emporter un de ses vêtements avec mes propres affaires…
Je ne savais pas pourquoi, mais le fait de posséder un vêtement appartenant à Seth me rendait étonnement heureux. Je glissais la chemise sous mon oreiller et descendit gaiement dans la cuisine pour aider Aalona.
"Alors Gab, à qui est cette chemise ?"
"Je ne sais pas tellement, ça doit être à quelqu'un de l'internat, je ferais un tour lundi, pour voir à qui c'est."
Avec son sourire habituel, elle cuisinait du poisson en chantonnant. Je lui proposais mon aide, qu'elle accepta joyeusement. Nous préparâmes un léger dîner en échangeant des anecdotes, comme à chaque fois que nous nous retrouvons ensemble. J'étais heureux de vivre avec une personne si chaleureuse et agréable, avec qui il n'y avait jamais de problèmes et uniquement de bonnes surprises.
C'était l'exact opposé de Seth, glacial et arrogant, et pourtant, j'avais envie de le revoir, malgré tout ce qui nous séparait. Je profitais de tous les moments échangés avec Aalona, qui m'étaient devenu avec le temps de plus en plus précieux.
Elle était de moins en moins présente, ses études à l'hôpital s'intensifiant de jour en jour, et nous nous voyions de moins en moins. Pourtant, c'était elle qui m'avait inculqué de nombreuses bases et m'avait donné un millier d'audacieux conseils. Je n'aurais pu rêver mieux comme modèle, et depuis mon enfance, je faisais tout pour me montrer à la hauteur de ce qu'elle représentait pour moi.
Attablés tous les deux, autour d'un plat de saumon, nous nous racontions les derniers potins quand je sentis mon téléphone vibrer. M'excusant au près de ma sœur, je m'éclipsais dans le salon et répondais.
- "Allô ? Qui est-ce ?
- Gabriel ? C'est Aracelis ! J'ai besoin d'un service.
- Comment tu as eu mon numéro ?
- Sur l'annuaire du campus, enfin ! Je crois que j'ai encore des choses à t'apprendre à toi. Est-ce que tu peux m'aider ? Je n'ai plus Internet, et j'ai besoin d'une adresse très importante.
- Oui, je m'en occupe. Donnes-moi de quoi chercher, et je te rappelle demain.
- Merci beaucoup, tu me sauves la vie… Tapes "Adresse foyer des jeunes psychologie GreenLeaf."
- Heu… Très bien. Je fais ça. A demain !"
Je retournais dans la cuisine, étonné par une telle requête. Aracelis suivait certainement des cours de psychologie, ou quelque chose qui s'en rapproche. Effaçant mon amie de mon esprit le temps du dîner, je reprenais ma conversation là où je l'avais arrêté quelques minutes auparavant.
Quand nous eûmes fini de manger, je ne m'attardais pas et grimpais rapidement dans ma chambre, pour aider Aracelis du mieux que je pouvais. Allumant mon ordinateur, je me demandais bien comment accéder à l'annuaire du campus, ayant dans l'idée de récupérer quelques numéros.
La recherche aboutissant rapidement, je notais l'adresse que j'avais trouvée sur un carnet. Mes doigts s'arrêtèrent quelques instants au-dessus du clavier, et tapèrent le nom de Pepper. Son numéro s'afficha sur l'écran, numéro que je notais a la suite de la recherche d'Aracelis.
Avant de fermer la page, mes pensées dirigèrent mes mains au-dessus des touches, et je vis s'inscrire "Hyde Seth". Je ne me rendis compte qu'après coup du geste que je venais de faire, mais je laissais le moteur de recherche effectuer sa tâche. Pour finalement n'aboutir à rien.
J'aurais du m'en douter, d'un coté, il n'avait pas l'utilité de donner au campus entier son numéro de portable, et d'un coté, personne ne souhaitait avoir le numéro d'un tel individu.
Quelque peu déçu malgré tout, je me décidais à aller dormir, voulant me rapprocher du lundi assez rapidement. En me glissant dans mes draps, je sentis le froid le long de mon dos. N'y prêtant pas attention, je m'endormis, l'esprit embrumé de questions sans réponses.
|