Chapitre 1 : Les Eternels
Le lendemain je suis devant l'hôtel Rendell à 21 heures 30. Trente minutes d'attente c'est juste ce qu'il faut pour les exaspérer... Je n'ai aucune envie de les revoir, mais après une invitation aussi directe de Lēka je ne peux pas les éviter encore... J'entre dans le hall luxueux et surchargé. Une hôtesse jolie et aimable vient tout de suite à ma rencontre et m'emmène dans un dédale de couloirs jusqu'à une porte dérobée. Elle a été bien brieffée, elle ne pose aucune question et ne me regarde pas dans les yeux. J'entre dans la salle d'un geste vif. Tout est aménagé avec ostention et bon goût, des sofas en cuir et un éclairage tamisé conférant une ambiance mystérieuse et travaillée à la pièce...
"Aaron. Je désespérais de te revoir un jour..."
Un soupir discret m'échappe face à la subtile mise en scène hierarchisée mise en place. Assise sur un sofa majestueux, Lēka attire la lumière. Indira Lēka. La Splendeur de l'Or. La plus puissante et parfaite des Sept. Son regard sombre, peint de doré et de noir brille sous l'éclairage ocre. Ses longs cheveux d'ébène entremêlés de fils d'or coulent le long de ses épaules et la parent de joyaux. Ses habits traditionnels indiens sont resplendissants, brodés de lumière et de couleur, et ses nombreux bijoux étincellent. Ce qui pourrait paraître horriblement surfait semble juste parfait sur elle.
Indira est le soleil, la richesse, la divinité par excellence. Rien ne lui résiste et personne ne peut détacher son regard de sa splendeur. Son visage à l'ovale pur semble produire lui-même de la lumière et ses lèvres vermeilles s'étirent en un sourire paisible et charmeur. J'ai eu tant de mal à me défaire de sa beauté durant toutes ces années que cela me fait presque mal de la revoir... Même son caractère semble refléter sa perfection. Elle est charismatique, souriante et sensuelle. Elle semble suivre son coeur dans chacune de ses décisions, donnant à n'importe qui l'impression qu'il est exceptionnel. Il paraît inconcevable qu'une telle créature puisse vouloir du mal à quelqu'un ou qu'elle ne soit pas absolument sincère... Mais je la connais bien maintenant. Si Indira est censée représenter la perfection, elle a aussi ses failles et sa noirceur, comme tout le monde. Elle aime le pouvoir et sa quête peut la mener aux extrémités les plus cruelles. Je l'ai vue dans sa folie. Même si elle le nie, elle porte en elle les grains de l'obsession maladive qui caractérise les Sept...
A sa droite, Chéana se tient debout près du sofa, les muscles tendus et le regard à l'affût, comme toujours. Chéana Barwanz, Le Bronze Tumultueux. Depuis le commencement, elle a toujours été le bras droit de Lēka, le soldat consciencieux et acharné qui veille sur sa reine. Elle place son devoir au-dessus de tout, prête à n'importe quoi pour accomplir le Destin. Elle est d'un ennui consommé... Rien qu'en regardant son apparence on se rend compte qu'elle est inintéressante. Elle porte des vêtements sans aucun charme, fonctionnels et résistants. Du vieux cuir, des bottes plates et usées et au moins trois poignards dissimulés, si ce n'est plus. Son visage fin éclairé par ses yeux verts pourrait être séduisant s'il n'était pas gâché par cette dureté latente, ce pli hargneux de la bouche et cette lueur acharnée dans les yeux...
S'il y avait un mot pour la définir ce serait la combativité. Elle se donne pour tâche de remplir toutes les destinées difficiles, celle dont personne ne veut d'encombrer. C'est bien sa seule utilité... Je ne la supporte vraiment pas. Elle est tellement stressante et sauvage... Aucune sensibilité, aucune classe... On s'envenime mutuellement l'existence, rien d'étonnant à ce qu'elle ait sauté sur l'occasion pour me dénoncer à Lēka...
Affalé sur un fauteuil, un verre de bière à la main, Adriel me regarde avec provocation et amusement. Il a l'air d'être aux anges, comme à chaque fois qu'un peu d'action se profile... Adriel Hierro, ou la Force du Fer. Si Chéana place le devoir par-dessus tout, Adriel lui ne vit que pour les pulsions. Il aime l'adrénaline et la violence, le sang et les larmes. Il veut tout faire avec le plus de bruit et d'éclat possible, il veut tout ressentir avec le plus de force... D'un certain côté il me ressemble un peu. Rien ne l'exaspère plus que l'ennui, et la seule chose qui le préoccupe, c'est lui-même. Mais la ressemblance s'arrête là. C'est un véritable sauvage, une brute sans aucun charme. Il est imposant et bruyant, il a les épaules larges, le teint mat et une masse de cheveux bouclés indisciplinés. Il est toujours en tee-shirt et en jean, avec une vieille veste de cuir qui date de la Seconde Guerre Mondiale, ou bien de la Première je ne sais plus. Il roule avec une énorme moto rugissante et participe à des courses illicites...
Lui, pour s'amuser, il traque les humains qu'il juge intéressants (tout est relatif, bien entendu) et les abat sans aucune délicatesse. C'est lui qui s'occupe le plus souvent des "missions d'exécution", comme on les appelle. Il est complètement inconscient, parfois. Bon, je ne suis pas un modèle de moralité et de raisonnabilité, mais au moins je le cache bien... Enfin, il reste fréquentable quand il n'est pas dans une de ses phases de sauvagerie. On se retrouve de temps en temps pour faire une partie de bridge ou de poker (il n'y a bien qu'entre dieux du Destin que l'on peut jouer au poker...).
Assise à l'opposé d'Adriel, lui jetant parfois des regards désapprobateurs, Amana semble plutôt contente de me revoir. Amana Shaba, la Douceur du Cuivre, est la plus étrange immortelle que j'ai jamais vue. Au lieu de profiter de son pouvoir pour s'amuser un peu, ou du moins vivre tranquillement, elle s'obstine à vouloir aider les humains. Aider ces êtres insignifiants, éphémères et stupides... Je crois bien qu'elle est la seule à faire preuve d'une véritable empathie à leur égard. Moi je m'amuse avec eux, Chéana ne les voit que comme des missions particulièrement difficiles, Adriel comme des jouets à torturer et Indira comme ses vassaux. Pour Kiyoshi ils ne sont que des individus à guérir, et pour Yuban des particules de poussières qui s'agitent dans tous les sens... Il n'y a bien qu'Amana pour leur reconnaître une quelconque identité. On lui confie généralement les naissances, les heureux évènements (il ne faut pas croire qu'on ne sert qu'à semer la mort et le désespoir non plus)... Elle a une nature plutôt douce et voudrait presque vivre dans un monde fait d'amour et d'eau fraîche. Elle n'apprécie donc pas beaucoup Adriel, qui ne vit que pour le sang et la violence. En fait elle ne peut pas le supporter... Mais ce genre d'hostilité n'a rien à faire parmis nous, sinon il y a bien longtemps déjà que nous nous serions entretués. L'ordre est établi et rien ne le changera, comme nous le répète Yuban...
Amana est étrange, elle vit par procuration je crois. Un jour, elle m'a tenu un long discours sur la chance qu'ont les humains d'être mortels, sur son envie de leur ressembler, de vivre au jour le jour... Elle est bien trop émotive, ça lui a joué de mauvais tours dans le passé. Elle peut ne pas être plus fiable qu'Adriel, c'est pour cela que Yuban garde un oeil sur elle... Moi elle ne m'est pas désagréable, elle véhicule un certaine "joie de vivre", si je peux me premettre ce genre d'humour. Ses beaux yeux noirs sont toujours rieurs et des habits colorés et doux couvrent toujours sa peau d'ébène... Elle me sourit gentiment, comme à son habitude, puis reprends sa conversation avec Kiyoshi.
Kiyoshi Suigin, la Pureté du Mercure, le Guérisseur. Kiyoshi et sa médecine, Kiyoshi et ses mains salvatrices, Kiyoshi et ses cernes... Si l'un de nous devait représenter au mieux la contradiction qui agite chacun des Sept, ce serait lui. Dès le commencement, Kiyoshi a été désigné comme celui qui empêcherait la mort. Il participe de cette façon au cycle de la vie, sauvant ceux qui doivent survivre, ramenant à la vie ceux qui sont dans le coma, empêchant les suicides et guérissant les malades. Je n'aimerais pas être à sa place, sa tâche est harrassante. Il a tout le temps l'air fatigué, comme ces médecins urgentistes qui ne dorment pas pour permettre à quelques patients de vivre quelques minutes de plus. D'immenses cernes mangent son visage pâle et fin, soulignant ses yeux noirâtres un peu vides. Amana l'aide parfois dans sa tâche, quand il s'agit de petits incidents, mais il est quand même plutôt seul à se "dévouer" autant.
Il paraît très "humain" ainsi, avec ses traits doux, ses cheveux lisses et ses belles mains. Mais je ne pense pas qu'il soit vraiment plus empathique que moi ou Adriel. Il fait son devoir, un point c'est tout. C'est comme s'il avait une énorme liste et qu'il cochait le nombre de personnes à sauver. Je ne le critique pas, je fais pareil... Il est plutôt silencieux et discret mais je sais qu'il a un sale caractère parfois. Il n'a pas peur d'envoyer Adriel aller voir ailleurs. La seule avec qui il s'entend très bien c'est Amana. Rien d'étonnant à cela, elle aime les humains et il les sauve. Mais je crois que ça va au-delà de ça, enfin bon, j'en ai rien à faire en fait. Je sais juste qu'il lui délègue parfois un peu de travail quand elle insiste vraiment, à contrecoeur parce qu'elle est trop sensible pour l'accomplir parfaitement. Sinon quand il arrive à se poser un petit peu, il demeure fréquentable, sans plus. Bien sur, je sais ses secrets, comme je sais ceux des Sept et comme tous savent les miens. On ne traverse pas l'éternité sans connaître nos compagnons... Néanmoins j'espère toujours qu'il y en aura un pour me surprendre, et c'est Kiyoshi qui y est arrivé le plus souvent... Un point pour lui...
Pour finir, assis dans un recoin sombre de la pièce, le regard dans le vide, Yuban n'a sûrement même pas remarqué ma présence. Yuban Temetzli est le plus ancien des Sept. Il est la Nature et le Plomb, la base de tout. Il est "né" avant nous tous et c'est à partir de lui que nous avons été "créés". Il est vieux, plus vieux que le monde, même si seuls ses yeux désabusés peuvent le prouver. Il a tellement vu d'humains naître, s'aimer, se détruire et mourir, il a tellement vu de peuples, de guerres et d'époques, qu'il ne les voit plus. Il s'est complètement détaché de l'existence humaine et ne perçoit plus les humains que comme une masse grouillante et éphémère. Il a décidé il y a bien longtemps de ne plus s'occuper des hommes, et est maintenant une sorte de "dieu de la nature". Il règle le cycle de la vie pour les animaux et les végétaux du monde entier. C'est une tâche énorme mais pas vraiment fatiguante. Il n'a pas à s'encombrer des sentiments stupides des humains (même si d'après moi c'est ce qui fait leur seul attrait). Il a trouvé la bonne planque, quoi...
Si on procédait par une sorte de logique humaine, Yuban devrait plutôt être notre "chef", de par son ancienneté. Mais il a cédé de bonne grâce cette place à Lēka, bien trop content d'avoir ainsi une bonne excuse pour s'exiler tranquillement. Un vieil ermite silencieux et renfermé, voilà ce qu'il est. Il a gardé une apparence jeune comme chacun d'entre nous (on va quand même pas se taper l'arthrose et l'alzeihmer non plus) mais il a plutôt l'air d'avoir la quarantaine, contrairement à nous autres. Il a une peau d'une drôle de couleur, mate et cuivrée, et les yeux perçants des amérindiens. Ses cheveux bruns ont quelques mèches grisâtres qu'il a ajouté pour plus de réalisme. Il ne parle quasimment que pour nous rappeler les règles quand l'un de nous dépasse les bornes (enfin l'un de nous, Adriel quoi) ou pour donner des consignes bancales. On le voit très peu en réalité... Il veille de loin à un certain équilibre du destin, comme l'ombre fine d'un midi brûlant.
Bien sûr, si tout semble simple et bien délimité, rien ne l'est en réalité. Nos conduites ne sont pas réglées comme celles des humains, notre pensée même diffère d'eux. La jalousie, l'avidité, l'amitié, la tristesse, la colère, l'amour, tous ces sentiments nous sont étrangers... Ne reste finalement que l'ennui et une sorte de mélancolie, d'attente un peu vague qui rôde dans nos esprits. Je peux dire que je ne supporte pas Chéana ou qu'Amana désapprouve Adriel, mais ce ne sont que des impressions floues, un léger agacement dont on n'arrive pas à se débarrasser... Nous sommes peut-être ceux qui contrôlent le Destin mais à quoi cela nous sert-il ? Même si Indira aime le pouvoir, elle ne va pas se faire présidente des Etats-Unis, même si je veux être au comble du raffinement je ne vais pas me faire mannequin de luxe. Il n'y a rien pour nous sortir de notre ennui. Alors chacun de nous se trouve une obsession plaisante à satisfaire pour que le temps passe plus vite. C'est la seule chose qu'il nous reste à faire...
Des fois je suis un peu las de tout cela et je vais "m'endormir" dans mon manoir pour une dizaine d'années, le temps de retrouver un peu d'intérêt pour les hommes. Les Sept me désapprouvent toujours, ils me trouvent inconséquent, superficiel, instable... Mais je ne crois pas que j'aie trouvé la pire des solutions pour me préserver de l'ennui. Moi je ne traque pas les hommes, je ne m'acharne pas à les sauver, je ne m'épuise pas à la tâche, je ne m'isole pas au fond d'une forêt. Je cherche un divertissement. N'importe lequel...
Lēka me sourit, sans que j'arrive à déterminer si elle est contente de me retrouver ou satisfaite de me voir rappliquer comme un chien.
"Cela fait bien longtemps Silver, c'est une joie de te revoir parmis nous.
- Tout le plaisir est pour moi, Indira. Ou bien est-ceÂdhya maintenant ? Ou Ayati ? Ishana ?
- Tu peux m'appeler comme tu le veux, Silver, ce sera toujours moi en face de toi..."
Je hoche la tête avec un sourire que j'espère naturel et moqueur, comme à mon habitude. Je vois Adriel se redresser légèrement et Chéana se crisper, pas pour les mêmes raisons bien entendu. Je prends mon ton le plus ironique pour alléger l'atmosphère. C'est toujours tendu quand on se retrouve après longtemps...
"Eh bien, que me vaut le plaisir de cette invitation ? Je suis toujours enchanté de vous retrouver, là n'est pas la question..."
Indira esquisse un sourire entendu et j'espère vraiment qu'elle va aller droit au but. On a peut-être toute l'éternité devant nous, mais je n'aime pas attendre (sauf avec les humains). En même temps je comprends Indira. Ça fait tellement longtemps qu'elle n'a pas eu de divertissements qu'elle fait durer le plaisir. C'est tout à fait honorable...
" À vrai dire, je t'ai invité avant tout parce qu'est venu le temps de faire un léger point de la situation."
D'accord, je comprends mieux pourquoi tout le monde s'est ramené... Tout les vingt à trente ans, nous nous réunissons pour faire une sorte de topo sur les évènements passés et à venir, sur l'orientation que doit prendre le monde. C'est là que se prennent toutes les décisions importantes, et non dans de sinistres bureaux comme le croient les humains. La présence des Sept est obligatoire, malheureusement. Enfin... C'est l'occasion de faire une belle partie de poker...
Je m'assied négligemment sur un fauteuil en cuir, avec élégance et classe comme toujours (j'ai un standing à respecter moi). C'est le signal qu'il fallait pour détendre d'un seul coup l'atmosphère. Amana et Kiyoshi reprennent leur discussion, Chéana relâche ses muscles et va chercher une boisson à Indira, Yuban ferme les yeux et Adriel vient me taper dans le dos. Malgré moi, je pousse un léger soupir de soulagement. Des fois on s'ennuie tellement qu'on passe nos réunions dans un silence tendu et froid. Bon, ça peut être un peu divertissant, mais je préfère quand ce n'est pas moi le bouc-émissaire (Adriel c'est plus drôle, il s'énerve toujours trop vite et trop fort).
"Alors Silver, t'as trouvé des proies intéressantes ces derniers temps ?"
Adriel me fait un grand sourire en me donnant un verre de brandy. Il a les yeux qui pétillent, il devait bien s'ennuyer chez les humains pour avoir l'air si content d'être là...
"Pas mal, pas mal... En fait j'en ai trouvé une très bien il y a un an.
- Ah ouais ? Où ça ?
- À Londres bien sûr, le premier choix est là-bas...
- Ah non, ils ont tous un balai dans le cul en Angleterre, les États-Unis c'est mieux.
- N'importe quoi..."
Les discussions avec Adriel sont un combat incessant. Même s'il est d'accord avec vous, il va prendre le parti opposé juste pour avoir le plaisir de vous contrer. On part parfois dans des dialogues complètement surréalistes, parce que moi aussi je déteste perdre... Je vois Amana se rapprocher du coin de l'oeil. Kiyoshi la suit vaguement, perdu dans ses pensées . Elle pose sa main sur mon avant-bras et sourit, amusée.
"Encore dans vos débats puérils, vous deux ?"
Je lui lance un regard dédaigneux mais je suis assez content de la voir, et elle doit le remarquer dans mes prunelles puisque son sourire s'élargit.
Amana me regarde avec attention, sûrement pour voir si j'ai changé ces dernières années. Mais je garde toujours certains traits physiques. Bien sûr, au fil des ans, nous changeons légèrement d'apparence pour ne pas se faire remarquer, on prend d'autres noms... Mais certains de nos traits sont immuables. Et puis franchement, à part Yuban le copain des animaux, qui préférerait subir la misère et le dénuement quand il peut vivre dans le luxe ?
Si un quelconque humain se penchait sur la question, il découvrirait que certaines personnes richissimes perdurent dans le temps. J'étais un conseiller de Néron, un chevalier du roi Arthur, un disciple de Léonard de Vinci, un noble de Louis XVI, un amant de la reine Victoria, un ministre de Roosevelt, un compagnon d'Oscar Wilde, un cinéaste de Hitchcok, un agent du KGB, une muse de Baudelaire, j'étais une centaine de vies éternelles... Mais quand on se retrouve, je reprends l'apparence qui me convient le mieux et je me fais appeler Silver... Amana cesse de me fixer et reprend la parole, une note de provocation dans la voix.
" On voudrait faire un partie de poker avec Kyo, vous venez ?"
Déjà ? Le jeu commence vite cette année... Mais je m'empresse d'acquieser et les suis dans une salle attenante. Le jeu, c'est un peu notre petite drogue. Même si l'on peut avoir une influence sur les cartes qu'on va recevoir, chacun d'entre nous peut le faire, donc ça ne mène à rien. Pas de triche, c'est une occupation complètement honnête franchement. C'est assez reposant de s'occuper sans se dire qu'on pourrait changer les choses. On ne peut pas tricher avec le Destin lorsqu'on est ensemble, et c'est la seule raison pour laquelle on joue tout le temps... On s'assied autour d'une table en acajou sombre et Kyo commence à battre les cartes. Adriel lance un sourire carnassier et pose cinq jetons au centre.
"Je mise cinq proies..."
Amana lui fait remarquer qu'il n'a même pas vu ses cartes, mais il ne renonce pas. Encore un des coups de bluff du Fer : " Quoi que j'aie, je joue cinq proies ". Je retiens une grimace, le jeu risque d'être couteux. Je n'ai aucune envie de me récolter tous ces humains... On joue nos tâches, comme d'habitude. Si on perd, on récupère le nombre d'humains à exécuter ou sauver. On se fixe un temps limité, et le perdant se charge du travail des autres... L'argent ne compte pas parmi nous, ça serait bien trop ennuyant. J'observe mes partenaires : Amana sirote son coktail, Adriel ricane en regardant ses cartes et Kiyoshi porte son masque d'indifférence. Que le meilleur menteur gagne...
Une heure plus tard, Adriel jubile beaucoup moins, Amana pianote sur le vernis de la table, Kiyo récolte ses jetons et je prépare un bon coup. Avec ce carré de valets je devrais rattraper mon retard. Le Guérisseur nous a tous eu cette fois, il nous a refilé les trois quarts de ses sauvetages. Adriel enrage, il doit sauver un tas d'humains... Alors que je vais abattre mon jeu, Chéana apparaît dans l'encadrure de la porte.
" On va commencer la réunion, venez..."
Avec un soupir résigné j'abandonne mes cartes et je vois Kyo faire un grand sourire à Adriel. En voici un pour qui la soirée a été une réussite...
Lēka a l'air préoccupée et jette des coups d'oeil étranges à Yuban. Une drôle d'ambiance flotte dans la pièce et je vois Adriel relever la tête comme un chien à l'affut qui aurait flairé une nouvelle proie. Je promène mon regard sur mes "compagnons". Les sept métaux à la base de la vie, les sept dieux du Temps. Nous sommes éternels et cette infinité nous pèse tellement que la folie commence doucement à nous ronger. Indira et sa soif de pouvoir innarétable, Chéana et son devoir obsédant, Adriel et ses pulsions incontrôlables, Amana et ses doutes paralysants, Kiyoshi et ses sauvetages maladifs, Yuban et sa solitude dévorante...
Moi je suis là pour me satisfaire et pour sortir de l'ennui. Je n'ai pas l'intention de me laisser dépérir ou de sombrer dans la folie. Je contrôlerai toute cette lassitude et ne laisserai rien m'apprivoiser. Je serais le plus puissant et je dominerai ce qui se dressera sur mon chemin.
Je suis la Brillance et la Lune, le Charme et le Poison, la Beauté et l'Argent. Silver.
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Voilà, merci beaucoup pour avoir survécu à ce long chapitre. J'essaierai de garder cette longueur mais je n'ai pas l'habitude... Cette fiction risque d'être assez importante même si je n'ai pas idée de sa taille. Voici quelques petites précisions sur la symbolique des métaux et des noms (des heures de recherche sur des sites pour mamans recherchant un prénom pour bébé... yeurk....) :
- Or : perfection, lumière, richesse, divinité -> Indira : la Splendeur (sanscrit) - Lēka : l'Or (telugu) (Âdhya : Premier Pouvoir - Ayati : Royale - Ishana : Riche)
- Argent : lune, pureté, embellissement -> Aaron : le révélateur (religion hébraïque) - Silver : l'Argent
- Bronze : combativité -> Chéana : la Tumultueuse - Barwnz : le Bronze (arabe)
- Fer : mal, brutalité, dureté -> Adriel : "fort comme un ours" - Hierro : le Fer (espagnol)
- Mercure : connaissance, médecine -> Kiyoshi : Pur - Suigin : le Mercure (japonais)
- Cuivre : douceur, amour -> Amana : Douce - Shaba : le Cuivre (swahili)
- Plomb : base du travail, solitude -> Yuban : la Nature (huaca -langue inca je crois) - Temētztli : le Plomb (náhuatli – langue aztèque)
J'espère que ça t'aura plus ma DarkPotty... À bientôt et bonnes fêtes à tous !
Taion
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