Harry souriait. Que pouvait-il faire d’autre ? Absolument rien. Son regard était triste, voilé. La détresse s’y lisait. Mais qui y faisait attention ? Absolument personne. C’était l’heure du repas, tous étaient attablés, et mangeaient avec appétit… sauf lui. Ses yeux cherchaient quelqu’un, un geste qui lui serait destiné, autre que des œillades noires. Encore une fois, ses espérances furent vaines. Alors, il continuait de rire avec ses amis, à faire des blagues, à féliciter Hermione et Ron qui s’étaient enfin mis ensemble, à les serrer dans ses bras avec autant de force que son cœur saignait, se brisait. Il détaillait leur bonheur et encore une fois, il les complimenta vivement… autant qu’il les enviait. Les rouges et or avaient enfin leur couple, comme les Serpentards, en la personne de Drago Malfoy et Pansy Parkinson. Et le Prince, lui, était seul. Il avait de nombreuses propositions, mais il avait la sensation étrange et dérangeante que c’était à cause de son nom, Harry Potter, celui qui avait survécu, et non pas pour ce qu’il était. Le Prince des vert et argent, lui, le haïssait, avec force, avec hargne, avec… sincérité. C’était peut-être pour cela qu’il s’était autant accroché à lui. Le jeune homme aux yeux émeraudes quitta la table, un sourire aux lèvres, jusqu’à ce que les portes se referment derrière lui. A cet instant, le masque fut posé. La douleur reprit ses droits. Et il marcha, sans réfléchir, presque mécaniquement. Il savait que Drago ne l’apprécierait jamais, ne serait-ce qu’un peu. Il ignorait quand ses sentiments à son égard avait ainsi changé. Dans tous les cas, ils n’étaient pas réciproques, alors autant se contenter de sa haine. A cet instant, il était certain d’être le seul à exister dans les pupilles grises, lorsque les coups ne cessaient de pleuvoir, cause de ses larmes quand il était à nouveau seul… Même Pansy était devenue invisible durant ses quelques moments, le rendant, d’une certaine façon, plus important encore. Et il aimait cela… Peut-être un peu trop, pour son propre bien. Ron ignorait tout, c’était bien mieux ainsi. Il l’encourageait même à se battre, grâce à cela, Harry n’avait pas à expliquer pourquoi il cherchait toujours plus les affrontements avec sa Némésis. Hermione essayait de le calmer, le raisonner, mais dès que les mots " Sang-de-Bourbe " résonnait, elle devenait rouge, et il voyait bien qu’elle se retenait de le frapper. Et il se battait, officiellement, en son nom, officieusement, pour redevenir le monde de son ennemi, et ce, pour quelques minutes.
Le sourire reprit ses droits, une personne passa près de lui. Il ne pouvait avouer sa douleur, sa détresse, son amour. Il devait montrer force, courage, puissance et joie. C’était un fardeau de plus, celui du masque de super héros dont il ne pouvait se défaire. Et cela l’inquiétait. Il était un héros avant tout. Alors, comment avouer à un homme que vous devrez forcément affronter que vous en êtes amoureux ? C’est Lord Voldemort qui serait heureux de savoir qu’il suffisait d’envoyer le fils de Lucius Malfoy avec pour mission de tuer le Survivant pour le vaincre. Triste constatation. Une nouvelle question résonnait en lui… " Serai-je capable de le tuer ? "… Sourire, sourire. Il ne pouvait plus arrêter. Il avait peur d’ailleurs que l’individu de tout à l’heure ne l’ait vu sans son masque. Il baissa la tête, le regard peiné, et ses lèvres figées.
Un bras le saisit, l’arrêtant dans sa route. Il releva la tête et salua son professeur de potion. Il était l’heure de son cours particulier. Depuis qu’il avait appris que Severus était un espion pour l’Ordre, il s’était rapproché de lui. Et sous l’excuse de points retirés agrémentés d’heures de retenue, il s’exerçait à l’Occlumencie. Les futurs Mangemorts étaient fiers de l’ " un des leurs ", pour ce qu’il faisait subir au héros. Ils ignoraient quand réalité, Rogue travaillait sur la chute de leur Maître.
<< Si vous ne vous sentez pas en forme, Potter…
Non, tout va bien Monsieur. >> Et il sourit, encore une fois, comme toujours. Il savait que ses yeux le trahissaient, que les émeraudes étaient ternes. Mais qui y faisait attention ? Personne, et encore moins Severus Rogue. Car même s’ils s’étaient rapprochés, même s’ils avaient sympathisé et qu’ils se le témoignaient lors des retenues, ils n’en étaient pas devenus pour autant des amis. Et l’enseignant témoignait son inquiétude dès qu’il sentait l’adolescent faiblir, mais un sourire suffisait à le tromper. Du moins, c’est ce que Harry croyait…
Pendant deux heures, dans une salle insonorisée, Harry souffrit. Au moins, il se consolait en se répétant que ce n’était pas à cause de Malefoy… Maigre consolation. Lorsqu’il partit, il faisait déjà nuit. Au lieu d’aller à la tour d’astronomie, il préféra gagner le parc. Peu importe les devoirs. Peu importe ses meilleurs amis. Ils étaient heureux, ensemble. Ils ne feraient sûrement pas attention à son absence, alors… il pouvait bien se cacher du reste du monde, le temps d’une soirée… Profiter du silence, regarder les étoiles, et peut-être, tout oublier… Juste quelques heures être un autre. Le masque tombait. Les sourires se fanaient. Les ténèbres l’abritaient. Il aurait voulu aller en hauteur, être encore plus proche des joyaux du ciel… mais il savait que Drago y serait sûrement. Il semblait y aller pour fuir quelqu’un, et il restait là, à penser. Le prince des Griffondors l’avait souvent observé, pour ne pas dire contemplé. Et cela lui faisait bien plus de mal qu’il ne pouvait en supporter. Alors, après avoir fui sa Némésis, il avait commencé à fuir le lieu. Il ignorait pourquoi son ennemi avait pleuré. Il n'avait à aucun moment entendu les murmures suppliants… Il n’avait pas saisi la détresse de ses moments, juste la beauté qu’il ne pouvait que constater.
Il soupira. Les larmes coulaient librement sur ses joues. Depuis quand allait-il si mal ? Il n’arrivait pas à savoir. Il avait tellement voulu être aveugle à tout cela, à ne penser qu’à Voldemort et au combat final… Il voulait tellement tout cela qu’il était parvenu à oublier ses sentiments. Mais maintenant, il ne pouvait les renier. Ils étaient devenus trop puissants, et son cœur lui faisait si mal, comme pour lui rappeler à chaque battement qu’il ne serait jamais aimé.
<< Potter ! Que fais-tu là ? >>
Il n’avait pas besoin de se retourner pour savoir qui l’interpellait. Et il savait que la personne était encore loin. Elle ne pouvait encore le voir, il n’avait dû le reconnaître que de loin. Après tout, quel élève pouvait faire une promenade nocturne dans le parc alors qu’il était déjà interdit de se promener dans les couloirs ? Lui. Il était le seul.
<< Tu sais que je pourrais t’enlever des points ? >>
Cette voix lui avait manqué. Et pourtant, ce matin encore, ils s’étaient insultés. Mais là… ils étaient seuls. Le ton lui semblait différent, sûrement à cause du lieu, du moment. Il avait cette sensation étrange d’intimité, de promiscuité…
<< Réponds moi au moins ! >>
Il en venait même à penser que le Prince des vert et argent s’inquiétait pour lui à cet instant ! C’était pathétique, et pourtant, il souriait. Encore et toujours, il souriait. Qui y verrait l’infâme mensonge, l’absence de vérité et de sincérité ? Absolument personne… et encore moins Drago Malfoy.