Je me tournais dans mon lit. Depuis que nous étions couché je n'arrivais pas à m'endormir. J'attrapais le réveil posé sur la table de chevet. Trois heures vingt. Je regardais par la fenêtre. Dehors la nuit était claire et le faible halo de la lune se reflétait sur la fenêtre. Tout était calme. Au dessus de moi, Delphine dormait sans bruit. Seul le tic-tac du réveil troublait le silence qui régnait dans la chambre.
Alexandre. Je n'arrivais pas à me le sortir de la tête. Depuis cet après-midi je ne le voyais plus de la même manière. Je n'avais jamais cherché à le connaître et ne lui avait que très rarement parlé et jamais seul à seul. Pourtant, tout à l'heure quand je le regardais dormir j'ai eu envie de le toucher, de sentir sa peau sous mes doigts … Quand Luciana est arrivée je ne sais pas pourquoi je me suis écartés si rapidement de lui, j'avais peur qu'elle ne se fasse des idées. Maintenant que j'y pensait, ma réaction me semblait exagérée, je n'avais rien fait de mal après tout, et puis, c'est Alexandre qui m'avait demandé de rester !
Je repoussais ma couette et sorti mes jambes à l'air frais. Penser à tout ça me donnait chaud, ça me semblait être un problème sans solution.
« Ça m'a fait plaisir » … Pourquoi Alexandre m'avait-il retenu une fois sa mère partie ? Je me sentis rougir dans le noir. Quand je repensais au contact de sa main sur mon bras je sentis mon cœur s'affoler. Mes doigts effleurèrent l'endroit où il sa main m'avait tenue. Quand il m'avait touché, un frisson m'avait parcouru tout le corps.
Le lendemain quand je me réveillais, une lumière vive éclairait la chambre. Il devait être tard. Je m'assis dans mon lit et regardais par la fenêtre. Je souris, heureuse. Dehors la neige avait tout recouvert d'un épais manteau blanc. Tout était si beau, le soleil se reflétait sur la neige et semblait éclairer des milliers de petits miroirs. Je me levais et descendis dans la cuisine. Delphine était déjà là, riant et piétinant autours de Luciana qui préparait le petit déjeuner. Benjamin, Christophe et Sonia étaient là eux aussi. Luciana releva les yeux et m'adressa un rapide bonjour avant de retourner à ses poêles et casseroles.À côté d'elle Delphine piaillait sans cesse, répétant qu'elle voulait sortir jouer dans la neige. Même à bientôt douze ans elle gardait son innocence et préférait l'amusement aux soucis quotidiens. Cependant bien qu'elle ait une âme d'enfant elle savait être sérieuse et mature quand il le fallait. Avec trois frères plus grands qu'elle, Delphine était chouchoutée mais n'était pas pour autant pourrie gâtée et elle pensait beaucoup aux autres.
« Maman on y va ? » demanda-elle une nouvelle fois. Luciana leva les yeux au ciel et soupira. Enfin elle céda.
« D'accord, on va tous aller se balader, ça va nous faire du bien. Allez tous vous préparer. »
Benjamin et Christophe se levèrent de table et partirent dans leur chambres s'habiller, bientôt suivis de Sonia. Ils savaient que râler ne leur servirait à rien, quand Luci décidait quelque chose, rien ne servait de riposter, elle ne cèderait pas. Delphine alla elle aussi vers sa chambre, sautillant d'un pas guilleret. Il ne restait plus que moi et Luciana dans la cuisine. Je m'assis à table et grignotais distraitement un bout de pain perdu.
" Tu veux bien aller réveiller Alexandre s'il te plaît ? "
Je me retournais brusquement vers Luciana.
" Pardon ?
- Je disais, tu veux bien aller réveiller Alexandre, on ne va pas partir sans lui, me dit Luciana. Puis elle se retourna vers moi en rigolant, et n'hésites pas à le secouer ! "
Je n'avais pas le choix, ne pas accepter allait paraître bizarre et je ne pouvais pas dire à Luciana que je préférais éviter Alexandre depuis hier. De toute façon elle n'aurait pas compris.
Je montais les marches à contre cœur et je m'arrêtais devant la porte de sa chambre. Je n'osais pas frapper. Déjà en temps normal je n'aimais pas trop réveiller les gens mais là c'était pire qu'autre chose. Prenant mon courage à deux mains je toquais à la porte. Je guettais des bruits de l'autre côté du battant mais je fus vite déçue. J'ouvris doucement la porte. La pièce était plongée dans la pénombre et seule le lumière qui filtrait de l'entrebâillement de la porte me permettait d'y voir. Les volets fermés laissaient filtrer seulement quelques rails de lumière.
C'était la première fois que j'entrais dans la chambre d'Alexandre. Elle était plutôt petite, bien rangée et les murs étaient couverts de feuilles volantes sur lesquelles il avait dessiné des choses. Son li était face à la porte. Alexandre était allongé sur le ventre, torse nu, la couette enroulée autours de ses jambes. Je le détaillais. Ses bras étaient relevés vers sa tête et je voyais ses muscles puissants. Plus loin, son dos était lui aussi musclé et son drap s'arrêtait juste avant la chute de ses reins. Je l'appelais doucement. Comme il ne bougeait pas je me forçais à avancer vers lui. Je me penchais doucement et lui effleurais l'épaule.
" Alexandre ... soufflais-je. "
Brusquement il se retourna vers le mur et tira sur la couverture. Je réalisais trop tard que mes pieds étaient dessus et je perdis l'équilibre. Je retombais sur Alexandre qui grogna en me poussant contre le mur. Je n'osais plus bouger, coincée entre son corps et le mur. Puis je réalisais que le visage d'Alexandre n'était qu'a quelques centimètres du mien. Il semblait toujours dormir et je me demandais comment le réveiller si tout cela n'avait pas suffit. Je tentais de chuchoter pour le faire réagir.
"Il a neigé toute la nuit, il y en a partout ... Delphine était contente, elle n'arrêtait pas de harceler ta mère pour aller dehors alors elle a fini par dire que nous allions tous nous promener ... C'est pour ça que j'ai dû venir te réveiller..."
Je ne savais plus quoi dire, alors je tournais les yeux et je vis le torse d'Alexandre. Je réalisais que c'était la première fois que je voyais le corps d'un garçon de si près. Je laissais mon regard glisser sur son torse. Il était musclé et sa peau mat paraissait plus sombre encore avec le peu de lumière ambiant.
" Tu t'amuses bien ? "
La voix d'Alexandre était plus grave que d'habitude. Les yeux ouverts, un petit sourire sur les lèvres, il me regardait, ne semblant pas le moins du monde gêné de mon regard sur lui. Je reculais, rouge de confusion et de honte tandis qu'il rigolait. Mes joues me brûlaient, je n'osais plus le regarder. Je me recroquevillais contre le mur et ne bougeais plus. A côté de moi je sentis Alexandre bouger puis se remettre à sa place.
" Excuse-moi ..."
La voix d'Alexandre était maintenant douce. Je relevais les yeux et je vis son visage encore plus proche du mien. Je sentis son souffle tout près de moi et je perdis tous mes moyens. Que se passait-il ? J'étais dans le lit d'Alexandre, à côté de lui, à seulement quelques centimètres de ses lèvres ...
" Je ne peux pas sortir, dit-il soudain, tu es assise sur la couverture. "
Je clignais des yeux, éberluée. D'un coup j'étais revenue à la réalité. Je bafouillais des excuses, rouge de confusion. Je me relevais tant bien que mal. Pour sortir de son lit, je devais enjamber Alexandre. Mais qu'est-ce que je m'apprêtais à faire à l'instant ? Le voir étendu à côté de moi m'avait fait perdre la tête.
J'enjambais son torse quand un de ses bras me tira en avant. Je me rattrapais de justesse, mon visage tout près du sien. Il ouvrit alors doucement la bouche.
" Au fait, bien dormi ? me lança-t-il en souriant. "
Je me dégageais vivement, Comment pouvait-il se moquer de moi si ouvertement ? Je me dépêtrais des draps et me dirigeais vers la porte, furieuse contre lui et contre moi-même : je me laissais avoir par Alexandre pour mieux me faire ridiculiser par la suite et il n'en était pas question.
Derrière moi j'entendis Alexandre soupirer. Je sentis ma colère monter en flèche, ce n'était pas à lui d'être exaspéré ! Je m'arrêtais et croisais les bras sur ma poitrine. Sans savoir pourquoi je ne voulais pas sortir de cette chambre, mais je montrais ouvertement mon mécontentement, le laissant croire que je l'attendais. Je l'entendis se relever dans mon dos. Il ne se pressait pas. Puis il me demanda, calmement :
" Tu peux ouvrir les volets s'il te plaît, on n'y voit rien. "
Je grognais mais obéissais en me dirigeant vers la fenêtre. Lorsque je l'ouvris un frisson me parcourut, la fenêtre était glacée sous mes doigts. La lumière se déversa dans la pièce, l'inondant de clarté. Dehors la neige était éblouissante, elle recouvrait tout et elle m'aveuglait, pourtant je restais là à la regarder. Puis je refermais la fenêtre et la chaleur de la pièce m'enveloppa de nouveau. Je regardais encore quelques instants au dehors puis je me retournais doucement.
Devant moi, Alexandre était torse nu. La tête penchée en avant, il finissait de boucler sa ceinture. Les rayons du soleil glissaient sur sa peau, l'éclairant et dessinant ses muscles saillants dans un jeu d'ombres et de lumière. Alexandre releva les yeux et nos regards se croisèrent. Je n'osais pas me perdre dans ces yeux sombres alors qu'ils me troublaient profondément. Quelque chose dans mon corps sembla changer sans que je ne le comprenne. Une bouffée de chaleur me traversa. Le seul contact de ses yeux sur moi me bouleversait et brusquement je détournais le regard et brisais le charme. Je me sentais mal à l'aise, il fallait que je sorte de cette chambre. Rapidement. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait mais cela me terrifiait.
Alors que j'allais passer la porte, la voix d'Alexandre me figea et je me retournais brusquement.
" Je descends dans cinq minutes. "
Un tee-shirt entre les mains, Alexandre me jeta un rapide coup d'œil avant d se tourner. Je repris mes esprits et sortis, refermant la porte derrière moi. |