Une fois la porte refermée, je m'arrêtais. Que m'était-il arrivé ? Sans que je ne sache quoi, quelque chose en moi avait changé et ça me faisait peur. J'avais peur de cet inconnu dans lequel Alexandre me plongeait et où j'aillais sûrement me perdre.
Je réalisais alors que ma main était toujours posée sur la poignée de la porte. Je la retirais vivement et descendis les escaliers vers la cuisine.
Luciana s'affairait encore en préparant le reste du petit déjeuner. Je m'assis sur une chaise et attrapais une tranche de pain. Je l'émiettais, perdue dans mes pensées, en en grignotant quelques bouts. Après quelques instants je repris mes esprits et dis à Luciana qu'Alexandre allait arriver. Elle se mit à rigoler.
" Qu'est-ce que tu lui a fait, tu l'as soudoyé ? Me demanda-t-elle. D'habitude je dois y aller au moins trois fois ! "
Je me sentis rougir et me levais. Je prétextais aller faire ma toilette pour lui échapper. J'étais terriblement mal à l'aise.
Devant le miroir j'arrêtais de sourire et je soupirais en me prenant la tête entre les mains. Pourquoi rien ne se passait comme d'habitude ? D'habitude voir Alexandre ne me gênait pas, rien ne se passait, alors pourquoi maintenant cela avait-il changé ?
Je relevais la tête et me regardais. Je ne voyais qu'une fille paumée face à moi. Je soupirais et attrapais ma brosse à dents ; après tout, la vie continue.
Je retournais dans la cuisine retrouver Luciana mais je me figeais lorsque je vis Alexandre, nonchalamment appuyé contre le mur, une tartine dans la main. Il releva les yeux et me sourit.
Il portait un col roulé blanc qui le mettait en valeur avec un jean foncé un peu large. Il était vraiment beau. A ce moment là Benjamin et Delphine entrèrent dans la cuisine, suivis de Christophe et SOnia.
" Tout le monde est prêt alors, lança Luciana, on peut y aller. "
Nous sommes sortis dehors, le froid me glaçant le visage.
Rapidement je me suis habituée à la température. Le soleil se reflétait sur la neige, faisant briller des milliers de paillettes sur le sol, les arbres et dans le ciel. Nous avons commencé à avancer le long d'un chemin vers la forêt qui entourait la maison. Tout était calme autours de nous et seul le chant de quelques oiseaux perturbaient le silence. Nous étions maintenant entourés d'arbres et la lumière qui filtrait des arbres était douce.
Soudain je poussais un cri. Quelque chose de froid m'avait frappé la nuque et glissait dans mon dos. Je me secouais dans tous les sens pour faire sortir la neige de mes vêtements. Derrière moi j'entendis Ben rire. Je rigolais à mon tour en attrapant rapidement de la neige sur le sol pour la lui lancer. Bientôt la forêt se transforma en champ de bataille sur lequel la neige volait et les rires fusaient. Je courrais me mettre à l'abri d'un bosquet pour échapper aux assauts glacés. Je riais, regardant dans mon dos pour être sûre de ne pas être suivie. Je me retournais et me stoppais net. Devant moi, Alexandre était accroupi au milieu d'un tas de boules de neige. D'un signe il m'intima de me taire et me fit signe d'approcher en riant silencieusement. J'étais bien obligée alors je vint me baisser à côté de lui. Il m'indiqua un trou dans les branchages et me dit de regarder à travers. J'hésitais quelques instants en lui lançant un regard interrogateur mais d'un signe de tête il me convint. A quelques mètres de nous, Benjamin et Delphine approchaient, se lançant mutuellement de la neige. A côté de moi j'entendis un petit rire et vis Alexandre attraper une boule dans chacune de ses mains. Je comprenais mieux son rire sadique. D'un geste il m'indiqua d'en prendre aussi puis il parla doucement.
" A trois on y va! Tu es prête ? "
Mon cœur s'emballa une fois de plus dans ma poitrine et je ne pu qu’acquiescer de la tête, aucun son ne sortant de ma bouche.
D'un coup il se leva et s'élança vers son frère et sa sœur. Je le regardais quelques instants, observant son dos et le regardant courir avant de le rejoindre. Delphine poussa un cri lorsque l'une des boules d'Alexandre la frappa. Nous lancions nos munitions sur eux et avant qu'ils puissent riposter Alexandre m'attrapa par la main et m'entraîna derrière lui.
" Viens, cria-t-il d'un voix puissante. "
Malgré mon cœur battant la chamade et mon corps brûlant, je ris avec lui, priant pour qu'il ne me lâche pas la main.
Lorsque nous avons ralenti, à bout de souffle, Alexandre laissa sa main dans la mienne. Elle était grande et chaude et bien qu'elle soit un peu rugueuse je la trouvais douce. Pendant que nous courrions, il me tenait fort pour ne pas me lâcher mais maintenant il avait desserré son étreinte et elle était plus tendre. Je resserrais un peu plus la main pour sentir plus encore son contact et faire comprendre à Alexandre que je ne voulais pas qu'il la laisse - qu'il me laisse. Il se tourna vers moi d'un air interrogateur mais lorsqu'il vit que je rougissait il sembla comprendre car il resserra son étreinte. A mon tour je souris.
Nous marchions toujours, mais doucement. Aucun de nous deux ne parlait, j'entendais juste le souffle d'Alexandre à côté de moi et sentais sa main dans la mienne. Puis il s'arrêta et regarda autour de nous avant de sourire. Son sourire était doux et il illuminait son visage. Il se retourna vers moi, de la malice plein les yeux.
" On fait un bonhomme de neige ? "
Je ris, surprise. Malgré sa carrure, sa force et tout ce qu'il dégageait, il avait toujours une âme d'enfant. J’acquiesçais, contente de découvrir une nouvelle facette de sa personnalité.
Il lâcha ma main et je sentis le froid la mordre doucement. Mais peu importait car je restais avec lui. Il commença à faire rouler une petite boule qui devint plus grosse au fil de ses allers et retours. Pendant ce temps je m'occupais de chercher des bâtons pour lui faire des bras. Je trouvais quelques baies rouges que je ramassais pour faire une bouche et deux belles pommes de pin pour les yeux. Galvanisée par mes trouvailles je retournais près de la clairière. Alexandre avait maintenant fini la base et tentait de hisser une boule de la taille d'un ballon de basket par dessus. Quand il eut réussi il se tourna vers moi et sourit de toutes se dents. J'approchais et je déposais tout ce que j'avais dans les bras à ses pieds. En peu de temps nous avions fini de lui dessiner un visage et bientôt il se retrouva avec deux bras sur les côtés. J'enlevais mon bonnet et le posais sur sa tête. Nous avons reculé pour admirer notre chef d’œuvre. Pas mal, il avait même une bonne tête. Le froid engourdissait mes doigts alors je les frictionnais en soufflant dessus. Alors, avant que je comprenne ce qui se passait Alexandre me prit les mains et les entoura des siennes avant de se pencher et de les porter à ses lèvres. Il souffla doucement dessus et un tourbillon de chaleur les enveloppa. Je le regardais, prenant conscience pour la première fois de toute la force et la sensualité qu'il dégageait. Les yeux mi-clos, il était d'une beauté à couper le souffle. Il releva les yeux et nos regards se croisèrent. Il se releva doucement, abandonnant une de mes mains pour remettre une mèche derrière mon oreille. Sa main glissa sur ma mâchoire et l'autre se glissa imperceptiblement dans mon cou. Il avança doucement jusqu'à ce que nos souffles se mêlent. Je le regardais attentivement, sachant ce qui allait arriver mais profitant le plus possible de cette attente langoureuse.
Soudain de grands cris retentirent et Alexandre releva la tête. Derrière nous Delphine et Christophe courraient pour échapper à de nouvelles attaques. Qu'allaient-ils penser quand ils nous verraient ainsi ? Je me reculais brusquement alors qu'Alexandre se décalait juste pour les voir arriver. Il détourna la tête, surprit de mon geste et alors que sa main restait en suspend après que j'ai écarté mon visage il me sourit et attrapa ma main. Ce fut mon tour d'être surprise mais je n'allais sûrement pas protester ; sans que je ne sache pourquoi je ne souhaitais pas rompre ce contact.
Alors que tout le monde se précipitait vers nous, Alexandre qui n'avait pas l'air gêné le moins du monde, resserra sa main dans la mienne. Soudain une boule de neige nous frôla. Elle nous loupa de peu et Alexandre se mit à rire et voulu s'élancer vers le reste de sa famille. Cependant je ne bougeais pas. Le spectacle de leur famille si heureuse ensemble me rappelait que la mienne était loin et combien j'étais seule. Le vide que je ressentais me faisait souffrir. Soudain la main d'Alexandre me releva le menton et ses yeux plongèrent dans les miens. Comme par magie mes soucis semblèrent s'évaporer, il ne restait plus que lui et moi. Il me fit alors un rapide bisou sur la joue et s'élança vers les autres en courant. Je le regardais, ne pouvant détacher le regard de son corps. Arrivé près de Christophe, il se protégea d'une nouvelle attaque et bientôt ils riaient et se lançaient de la neige dessus. Malgré moi je souris, contente d'être parmi eux. Au bout de quelques secondes Luciana, Sonia et Delphine sont venues me rejoindre, histoire de se mettre à l'abri des lanceurs de neige. De loin nous regardions les garçons se battre et se rouler au sol. Peu à peu le soleil sortait du couvert des arbres et faisait miroiter la neige. Le paysage autour de nous était magnifique et je profitais un maximum de ce moment de rêve. Puis au bout de quelques minutes Luciana nous proposa de rentrer. Je jetais un coup d’œil à ma montre et constatais qu'il était déjà midi et demi. Comme s'il avait attendu le signal, mon estomac se mit à gargouiller. Delphine fila appeler les garçons qui accoururent. Je n'osais pas regarder Alexandre, je me demandais toujours quelle était la signification de son geste ; pourquoi était-il si gentil d'un seul coup ? Beaucoup de choses se bousculaient dans ma tête et je me sentais perdue.
Nous marchions vers la maison quand une frise légère se leva et fit voler mes cheveux, me les renvoyant en plein visage. Soudain je me rappelais que j'avais laissé mon bonnet sur notre bonhomme de neige et je me stoppais, prête à retourner le chercher.
" J'ai oublié mon bonnet, m’exclamais-je, j'y retourne, continuez sans moi, je vous rejoins. "
Ils allaient repartir quand Alexandre se mit à courir en arrière.
" J'y vais ! Me lança-t-il en s'élançant dans le lointain. "
Luciana me regarda un instant mais je lui dis de rentrer avec les autres, j'attendrais Alexandre. Elle me fit un sourire et ils reprirent la route de la maison. Rapidement ils disparurent au coin d'un virage et je me retrouvais seule. Je regardais autour de moi, ne sachant pas quoi faire et m'interdisant de penser encore à Alexandre. Décidément sa gentillesse m'étonnait, qu'espérait-il en échange ? Je fus interrompue dans mes réflexions par des bruits des pas venant vers moi. J'entendais Alexandre courir mais je ne tournais pas la tête, ne voulant pas le regarder et surtout pour éviter son regard. Peu à peu il ralentit et il arriva à côté de moi en marchant. J'entendais sa respiration encore haletante mais à ma grande surprise il ne bougea pas. Je me rendis compte que quelque chose se pinçait dans mon cœur, pourquoi ne bougeait-il pas comme d'habitude ? Pourquoi ne me touchait-il pas ? Alors ce fut moi qui me tournais. En prenant mon temps, les yeux rivés au sol, je me tournais vers lui. Je voyais ses chaussure, face àmoi, mais je n'osais pas encore relever les yeux, qu'est-ce qui avait changé ?
C'est alors que je sentis quelque chose sur ma tête. Alexandre me remettait mon bonnet. Je relevais les yeux et restais le souffle coupé. Jamais je n'avais vu Alexandre avec une telle expression. Il avait la tête légèrement penchée sur le côté et ses yeux exprimaient une douceur infinie. Sur ses lèvres un léger sourire était posé alors qu'il me regardait. Tout son visage était comme éclairé, il était plus beau que jamais. Lui aussi me détaillait et lentement nos visages se rapprochèrent l'un de l'autre. Nos souffles se mêlaient et pour une fois, Alexandre non plus ne semblait as se contrôler. Il avait l'air d'hésiter. Pourquoi ? Croyait-il que je n'en avais pas envie ? Je ne l'aurais pas laissé faire si je ne le voulais pas. Alors c'est moi qui agit. Je déposais mes lèvres sur les siennes. C'était un baiser timide, il me le rendit doucement, comme s'il ne voulait pas me brusquer. J'aimais cette retenue, penser qu'il faisait attention à moi me rendait heureuse. Puis, aussi doucement que ce baiser avait commencé, nous nous sommes séparés. Alexandre me regardait, anxieux, mais je lui souris timidement, un peu gênée. Après tout c'est moi qui avait commencé à l'embrasser. Lorsqu'il vit mon sourire il se détendit et son visage s'éclaira. Il m'attrapa la main et d'un coup il m'entraîna vers la maison. Je ris et bientôt son rire se mêla au mien.
Rapidement la maison fut visible à nos yeux. Nous ralentirent à peine et Alexandre s'engouffra directement par la porte, sans un regard en arrière. Moi je m'arrêtais une seconde. Fallait-il dire à tout le monde ce qui ce passait ? Je décidais de me lancer, on verrait bien par la suite. J'arrivais dans la cuisine mais seule Luciana y était, s'affairant à préparer le repas. Je m'asseyais alors et la regardais. Un sourire idiot me restait collé aux lèvres et rien n'aurait pu l'en décrocher. J'étais sur mon petit nuage, il me semblait que l'avenir qui s'ouvrait à moi serait radieux. |