Chapitre 1 : le départ
Le Seigneur des Ténèbres était mort, détruit par le Balafré. La lutte avait été sans merci, de nombreuses personnes étaient mortes et ce dans les deux camps. Le temps était désormais à la reconstruction et au recueillement pour les familles. Drago Malefoy était de ceux-là, ses parents étaient morts durant la bataille finale. Les Aurors lui avaient rendus leurs corps, sans un mot, sans chercher à l'arrêter pour ses actions durant la guerre. Il les avait mis dans le caveau familial, là où ils reposeraient à jamais avec plus de vingt générations de Malefoy. Personne n'était venu à l'enterrement mais cela ne faisait rien à Drago. Le jeune homme était d'humeur glaciale, rien ne le touchait désormais. Il avait pris conscience d'une chose : rien ne le retenait en Angleterre, ou du moins, plus rien. Le jeune sang-pur n'avait jamais eu d'amis, que des fréquentations intéressées, plus de familles... il n'avait que son grand manoir lugubre et le vieil elfe de maison.
En fin d'après-midi, le jeune homme alla dans le bureau de son père. C'était une pièce sombre, le sol en vieux parquet foncé grinça sous ses pieds. Il marcha jusqu'au fauteuil émeraude de son père et s'y installa. Quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrait pour laisser passer deux silhouettes de petites t ailles. Drago reconnut son elfe de maison et un des gobelins de Gringotts. Ses yeux gris fixèrent l'elfe s’avancer lentement.
« -Maître... ce Gobelin souhaite vous parler des dernières volontés du Seigneur Lucius.
-Qu'il avance.
-Bonsoir, jeune Drago Malefoy. Votre père voulait que vous sachiez plusieurs choses s'il devait lui arriver malheur.
-Je vous écoute.
-Monsieur Malefoy vous avait réservé une place à l'école prestigieuse de Salem, aux États-Unis. Il pensait vous mettre à l'abri de tous soucis si l'honneur de la famille devait s'assombrir. Le lycée de Salem a été avertit de votre situation, nous savons tous les deux que vous ne pourrez pas retourner à Poudlard, l'année prochaine. Nous n'attendons que votre ordre pour faire transférer votre or à la banque centrale de Danvers.
-Danvers ? Et où vais-je vivre en attendant la rentrée scolaire ?
-Le lycée de sorcellerie possède un grand internat où quelques étudiants vivent toute l'année. Le directeur nous a certifié qu'une chambre vous attendait. Toutes les formalités ont été faites, vous pouvez partir quand vous le souhaitez.
-Et le manoir ?
-Votre père pensait que vous le vendriez sûrement...
-Pouvez-vous vous en occuper ? Ce manoir mérite un bon propriétaire... quelqu'un d'aussi noble que son cœur...
-Ces vieilles pierres auront le meilleur acheteur possible. »
Drago hocha la tête, il savait que les gobelins tenaient toujours paroles. Il était aussi certain que son manoir trouverait preneur à un excellent prix. Le gobelin lui fit signer plusieurs papiers puis il quitta le manoir Malefoy peu de temps avant le dîner. Drago demanda à son elfe de faire son plat préféré, le rôti traditionnel du dimanche que l'elfe réussissait à la perfection. Nous n'étions que mardi mais Drago savait que c'était son dernier dîner, son dernier repas préparé avec soin par son vieil elfe de maison. Il savoura chaque bouchée, une larme silencieuse glissa même sur sa joue. Ce manoir où il avait grandit, cet elfe qui l'avait accompagné tout au long de sa courte vie. Il alla se coucher le cœur lourd, une page se tournait pour lui mais aussi pour toute l'histoire de sa famille. L'exode ou le rêve américain l'attendait demain.
Le lendemain matin, Drago se leva tôt. Il avait mal dormit et une longue journée l'attendait. Sans même attendre l'arrivée de son petit-déjeuner, apporté par son elfe de maison, il attrapa un grand sac de voyage ensorcelé et le jeta sur son lit. Sans un mot, le jeune homme ouvrit ensuite son imposante armoire et prit tous ses vêtements pour les ranger dans son sac sans fond. Il lui fallut une demi-heure pour ranger et vider toutes ses étagères et sa penderie. L'avantage de son sac enchanté était sa légèreté malgré sa grande capacité de contenance. À peine eut-il finit de faire son sac que le vieil elfe de maison entra, portant à bout de bras le plateau du petit-déjeuner.
« -Willy a préparé des muffins aux baies sauvages pour le jeune maître. Willy a aussi fait le thé préféré du jeune maître.
-Merci, Willy. Pose ça sur le bureau.
-Willy peut faire quelque chose d'autre pour le jeune maître ? » demanda timidement l'elfe.
« -Tu pourrais ranger les affaires de mes parents dans le grenier, le futur acquéreur ne doit pas être obligé de voir nos souvenirs. J'enverrais peut-être quelqu'un les reprendre un jour, en attendant range-les et ferme le grenier avec un sort de la famille.
-Le jeune maître souhaite-t-il vraiment quitter le manoir ? Willy pensait que vous pourriez le garder, les prendre avec vous...
-Ma vie n'est plus en Angleterre, Willy. Et tu es bien trop vieux pour que je t'emmène aux États-Unis. Je préfère que tu finisses ta vie entre ces murs.
-Willy promet de prendre toujours soin de votre demeure. Le nom de votre famille restera à jamais gravé dans ces pierres, jeune maître. »
L'elfe s'inclina ensuite puis disparut dans un « Pop » sonore. Drago sourit tristement, il savait que Willy allait bientôt avoir soixante dix ans, un âge honorable pour un membre de son espèce mais très avancé. Oui, Willy était bien trop vieux pour quitter maintenant ce manoir. Il était né ici et mourrait ici, reposant comme tous ses ancêtres avant lui dans le sous-sol. Drago soupira en se posant sur la chaise de son bureau. Le gobelin lui avait expliqué que des sorciers américains viendraient le chercher à dix heures piles, il était neuf heure et demie.
Après avoir pris son petit-déjeuner, Drago alla prendre une douche bien chaude. Il ne s'y attarda pas. Après s'être soigneusement séché, il enfila un pantalon noir et une chemise blanche avant de prendre sa robe de voyage. Il sortit ensuite de sa salle de bain personnelle pour prendre son sac et descendre dans le hall.
Là, Willy l'attendait avec le gobelin de la veille. Il le salua poliment puis lui demanda s'il avait commencé à chercher un potentiel acheteur. Le gobelin sourit malicieusement avant de déclarer qu'il avait une petite idée après avoir sélectionner quelques riches sorciers. Drago hocha la tête, ravi de cette nouvelle.
« -Et pour le voyage jusqu'à Salem ?
-Tout a été pris en charge dans la nuit. Les américains utiliseront un Portoloin International, vous serez dans votre nouveau lycée en une dizaine de minutes.
-Bien. Qui connaît la vérité sur ma vie en Angleterre ?
-Seuls vos professeurs seront au courant, ils m'ont certifié que le garçon avec qui vous serez dans le dortoir ne poserait pas trop de question. »
Le gobelin fut interrompu par plusieurs bruits de transplanage. Deux silhouettes se dessinèrent à quelques mètres de l'imposante porte d'entrée restée ouverte. Tous deux portaient des robes noires avec un écusson représentant un phénix aux plumes enflammées. Ils étaient bien trop âgés pour être des élèves, Drago les identifia donc tout de suite comme des enseignants. Ils saluèrent le gobelin puis se tournèrent vers le jeune homme. Le plus grand des deux, le plus charismatique aussi, prit la parole :
« -Bonjour, monsieur Malefoy. Je suis Abel, votre futur professeur de Potion. Enchanté.
-Bonjour, professeur. Vous êtes pile à l'heure...
-Veuillez m'appelez Abel, la politique du Lycée de Salem veut que les enseignants et les élèves s'appellent seulement par leurs prénoms ou leurs surnoms officiels. Voici mon collègue, Noah : il enseigne l'art de la Botanique. »
Drago détailla les deux enseignants. Abel était blond, ses cheveux tombaient jusqu'à ses épaules et il portait un bouc doré et pointu. C'était plutôt un bel homme, imposant par sa prestance et son assurance. L'autre, Noah, était visiblement d'origine amérindienne. Ses cheveux étaient plus longs qu'Abel, réunis par un ruban rouge pour former une queue de cheval lisse glissant entre ses deux omoplates. Ils avaient l'air tous les deux très décontractés et Drago en était assez surpris.
« -Le Portoloin va bientôt s'activer, navré de devoir couper court à votre dernier moment chez vous mais nous devons nous préparer.
-Bien sûr, laissez-moi juste le temps de donner mes dernières consignes à Willy.
-Okay, on a encore deux minutes, faites vite. » déclara Abel alors que Drago se tournait déjà vers son elfe de maison.
« -Willy, j'ai été ravi de tous tes services. Si je pouvais, je te donnerais un vêtement mais je sais que tu tiens trop à ce manoir pour accepter la liberté. Prend soin du manoir et veille bien à ce que le futur propriétaire respecte ces lieux.
-Oui, jeune maître. Willy gardera le manoir jusqu’au bout, vous manquerez à Willy. »
Drago posa sa main pâle sur la tête ridée de l'elfe puis il rejoignit les deux enseignants américains. Noah, le botaniste, sortit de sa cape un gant de base-ball. Drago fixa le Portoloin un instant puis il sera contre lui son sac alors que sa main libre s'avançait vers l'objet magique. Il ferma les yeux avant même que sa peau ne touche le Portoloin. Il sentit Abel poser sa main sur son épaule alors qu'une seconde après, son ventre était tiré vers l'avant. Le voyage en Portoloin international était comme avec un standard, sauf qu'il était bien long. Mais contrairement à ses nombreux voyages avec un tel système, Drago perdit de sa grâce et se retrouva au sol lorsque le Portoloin les déposa sur leur lieu d'arrivée.
Drago était nauséeux mais il se releva vite, aidé par les deux sorciers d'outre Atlantique. Après un moment de latence, il regarda tout autour de lui. Ils étaient sur une colline verdoyante, qui surplombait un ensemble de bâtiments fait de briques rouges. Le lycée était fait de plusieurs blocs à seulement trois étages au grand maximum. Tout était harmonieux, paisibles, agréable à regarder. Le vent se souleva doucement et fit virevolter quelques poussières et feuilles.
« -L'esprit du vent salue ton arrivée, Drago Malefoy.
-L'esprit du vent ?
-Mon peuple croit aux esprits de la nature, ses forces de la nature que les yeux des « visages pâles » ne voient pas. C'est de bon augure pour toi, le vent fait danser la terre.
-Peut-être pourrais-tu laisser notre jeune ami un peu tranquille, tu as toute l'année pour raconter tes légendes ? Venez, Drago. Nous allons vous montrer le dortoir des garçons. »
En chemin, les deux hommes expliquèrent le fonctionnement du Lycée de Salem. Les étudiants de dernière année étaient libres de rentrer à l'heure qu'ils voulaient et pouvaient suivre les activités de nombreux clubs (botanique, artistique, littéraire, sportif...) dans la limite de notes raisonnables. Tout comme à Poudlard, les lycéens pouvaient se rendre au village voisin : Salem Village, lieu mythique connu dans le monde entier comme étant la réplique exacte du lieu où se produisit le jugement de nombreuses sorcières. Il y avait aussi une équipe de Quidditch, qui affrontait régulièrement les écoles sorcières de New-York, Chicago, Los Angeles et Seattle. Drago apprit alors que le garçon avec qui il allait loger était l'un des trois poursuiveurs de l'équipe.
Les trois bâtiments principaux du lycée formaient un grand « U » autour d'un petit étang naturel. Le plus imposant était celui qui abritait les salles de cours. Le dortoir des garçons était à droite de ce dernier et faisait face à celui des filles. Abel déclara que Drago irait visiter le bâtiment des cours avec ses camarades du dortoir. Ils allèrent directement jusqu'à la chambre où le jeune anglais vivrait durant son année scolaire. L'intérieur du bâtiment ressemblait à un gigantesque appartement de garçon célibataire. Au premier abord, on aurait dit que seul le chaos régnait dans cet endroit mais à y regarder de plus près, Drago remarqua que chacun y avait sa place et cela était bien plus organisé qu'il n'y paraissait.
La chambre du jeune homme se situait au deuxième étage. La porte était close ; dessus, Drago aperçut deux cadres photos. Une photo d'un garçon portoricain, à la coupe iroquoise courte et avec des tatouages sur chaque côté du crâne, était glissée dans l'un d'eux. Drago fut surpris par cette photographie. Abel sourit avant d'annoncer qu'il s'agissait de Juan Carlos, dit Juice, le garçon avec qui il allait partager sa chambre.
« -Ne fais pas attention à son apparence, Juice est un bon garçon. Les photos nous servent de clés. Mets-toi bien devant. »
Incrédule, Drago obéit. Aussitôt, son portrait apparut alors dans le cadre vierge. Noah expliqua alors que pour entrer dans chaque chambre, il fallait être soit le directeur soit l'une des personnes photographiées ; l'enchantement était assez puissant pour que les buveurs de polynectar ne puissent pas usurper l'identité des étudiants.
« -On te laisse découvrir ton nouveau chez toi, Juice ne devrait pas tarder de revenir de son entraînement de Quidditch.
-On te voit pour le déjeuner. » dit Noah avant de partir avec Abel.
Une fois seul, Drago entra dans la chambre, qui se révéla être en réalité un véritable petit appartement. Tout était plutôt bien rangé, seule la présence de quelques objets étranges comme un grand rectangle noir posé à la verticale sur un meuble lui paraissait quelque peu étrange. Mais il y avait tout pour deux adolescents autonomes : un coin cuisine, une salle de bain et deux chambres modestes. La chambre de son colocataire était beaucoup plus en désordre que le reste de l'appartement. Drago ne fouilla pas dans ses affaires, préférant juste observer quelques photographies et des affiches représentant des motos. Perdu dans sa contemplation, Drago n'entendit pas la porte s'ouvrir ni Juice marcher jusqu'à la porte de sa chambre. L'américain se racla gentiment la gorge pour signaler sa présence. Drago sursauta et se tourna vers lui, se confondant en excuse.
« -Y a pas de mal, mec. Tu dois être l'anglais ?
-Drago.
-Moi c'est Juice. C'est cool que tu sois mon nouveau coloc', tu vas aimer la vie à Salem.
-J'espère. La vérité est que ce lycée diffère bien de Poudlard.
-Ouais, si tu le dis. Je te laisse déposer tes trucs, je vais prendre une douche. Le coach est terrible en ce moment, nous manque un gars comme poursuiveur dans l'équipe. A toute, mec. »
Le garçon était effectivement encore en tenue de sport, il s'éclipsa sous le regard stupéfait de Drago. Lui qu'on considérait comme le pensionnaire le plus snob de Poudlard, il était tombé sur son véritable contraire. Après s'être remis de sa rencontre avec Juice, Drago se dirigea vers sa chambre. Impersonnelle. Propre. Il posa son sac sur le lit défait puis utilisa un sort pour ranger toutes ses affaires dans les placards vides. Quelques minutes plus tard, de la musique retentit dans l'appartement. Curieux, il alla voir ce qu'il se passait dans le salon. Il vit alors Juice avec un petit objet dans la main, dirigée vers l'étrange rectangle noir cette fois animé par des images très réalistes.
« -Qu'est-ce que tu fais ?
-Je ne vis pas sans musique... c'est la plus grande chaîne de télé du pays.
-Télé ?
-Ouais, télé pour télévision...
-C'est un truc américain ?
-Euh... nan... oh, attend ! Tu serais pas un sang-pur ? Genre haute noblesse comme on en a qu'en Europe ?
-Tu m'as démasqué. » avoua Drago.
« -Arf... c'est moche ! Mais t'inquiètes, je vais m'occuper de ton éducation. Ça te dit que je te montre ton nouveau royaume, monsieur le prince anglais ? » plaisanta le jeune sorcier américain.
Appréciant de plus en plus le naturel et la joie de vie débordante de son nouveau camarade, Drago accepta de se laisser entraîner par ce punk porto-ricain, oubliant sa peine et la vie qu'il venait d'abandonner. |