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Pardon maman
Par Saintemew
Saint Seiya  -  Humour/Drame  -  fr
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Perdition

S'il y avait bien une chose dont le spectre de la Harpie pouvait se vanter au sein des Enfers était bien son envie de servir son supérieur hiérarchique sans même demander son reste. Dès que la Wyverne émettait l'hypothèse d'envoyer quelqu'un à un endroit exécrable pour une tâche tout aussi ignoble que recevoir la bave de Cerbère après qu'il eut mangé sa gamelle, Valentine se mettait au garde à vous. Même si c'était pour dire aux jumeaux d'Elysion que le seigneur Hadès réclamait leur présence pour régler un problème au sein de son royaume — même s'il fallait l'avouer, cette configuration était aussi rare que la Vierge daignant ouvrir les yeux — le chypriote, sans même claquer des genoux, déambulait dans les couloirs menant aux cuisines (car les jumeaux squattaient quelque fois cet endroit, surtout s'ils avaient entendu dire que Queen s'occupait du dîner). Après quelques minutes à observer les dieux jumeaux en train de s'empiffrer de tartes ou autres gâteaux, la Harpie remplissait son devoir de messager.

Ce n'était pas pour autant que les rejetons de la déesse de la nuit daignaient se bouger le surplis. Ça, il n'y avait rien à faire pour cela. Et ce n'était ni Pandore palissant dangereusement à chaque fois que ses chaussons frôlaient le même sol que ceux qu'elle avait libérés — même si dans son esprit, elle était persuadée qu'ils étaient tout à fait capables de sortir par eux-même et qu'ils passaient le plus clair de leur temps à dormir dans la dite boîte; ni les juges des enfers dont la principale préoccupation était de classer, si on pouvait le dire, les âmes dans les prisons; ni même le pauvre Orphée qui devait jongler entre regard noir de Pharaoh et regard plus complaisant de Gigant; ni même ce pauvre Rune dont les oreilles se souvenaient encore de l'horrible mélodie jouée par Hypnos ayant substitué la lyre de son frère tout cela pour une histoire de ronflement que la divinité ne pouvait pas supporter chez le spectre susnommé qui changeraient quelque chose à la volonté divine des jumeaux aux yeux glaciales de se bouger leurs fesses quand leur dit supérieur depuis les temps immémoriaux leur demandait de déplacer un orteil de la trajectoire que les deux frères avaient décidé.

C'était sans doute pour cela que, malgré toute sa volonté et la motivation qu'il pouvait donner, Valentine n'était absolument pas certain de régler cette situation. Et même si, par un quelconque miracle, il arrivait à localiser les jumeaux — pour peu qu'ils eussent décidé de changer carrément de galaxie — il était convaincu qu'ils ne l'écouteraient pas, quitte peut-être à l'endormir pour deux ou trois semaines si le dieu du Sommeil se montrait clément en assommant son adorable frère pour éviter qu'il n'écartèle la Harpie.

Néanmoins, le chypriote n'avait aucune envie de voir son chef se morfondre ou encore faire les cents pas dans son bureau comme il devait le faire en ce moment même. Alors, même s'il devait ramper, s'agenouiller, danser sur un pied ou s'ouvrir les veines, Valentine fera tout ce qui était en son pouvoir pour retrouver Docteur Faucheur et Mister Dodo. Pour ce qui était de parlementer avec eux, il verra cela plus tard. Et s'il devait chanter pour que les jumeaux reviennent, cela poserait un sérieux problème. En effet, il était de notoriété publique aux enfers que le chypriote avait le don de même agacer Phlégyas quand il s'agissait de pousser la chansonnette. Le spectre du Lycaon avait même voulu l'assommer avec sa perche. C'était bien entendu sans compter Hadès, ayant trouvé la voix de la Harpie si merveilleuse, avait ordonné de le laisser dans sa prestation. Ce fut à partir de ce moment-là que même Charon avait commencé à se poser des questions sur les goûts artistiques de son seigneur et maître. Les jumeaux dont la présence avait été un hasard ce jour-là dans la salle du trône — Thanatos ayant envie de provoquer quelques sueurs froides à une poignée de spectres — s'étaient contentés de se boucher les oreilles et de traverser la salle de part en part comme si de rien n'était.

Valentine se posait quelque fois cette simple question : le sanctuaire était-il aussi étrange que les Enfers ? Est ce que les chevaliers d'Athéna eux-aussi avaient quelques fois du mal à comprendre celle qu'ils étaient censés protéger ? A en croire quelques messages qu'ils recevaient de l'extérieur, c'était plutôt calme. Cependant, le spectre était certain que les chevaliers n'avoueront jamais qu'eux non plus n'arrivaient plus à savoir sur quel pied danser. Les divinités étaient vraiment des êtres étranges.

Et TRES caractériels.

Pour le peu qu'il avait vu d'eux, le spectre avait remarqué que dés qu'un des jumeaux se retrouvait tout seul, il devenait terriblement susceptible ou colérique. Même le Sommeil. Markino en avait fait les frais. Tandis que Hypnos contemplait le fleuve d'Archeron d'un air réveur, le minuscule spectre à lance s'était approché de lui. Juste…curieux de connaître les raisons de sa présence aux enfers. Ou peut-être était il là en train d'attendre qu'un spectre vienne le servir ?

Peut-être avait-il parlé trop fort. Peut-être avait-il dit quelque chose de travers dans cette phrase « que faites-vous tout seul ici, Seigneur Hypnos ? ». Peut-être que le Sommeil en manquait justement, de sommeil. Peut-être était-ce la pleine lune ou même la nouvelle. Peut-être avait-il mangé chinois alors qu'il préférait la cuisine italienne. Peut-être était-ce cet éternuement. Peut-être que son surplis le serrait trop fort au niveau des hanches. Quoi qu'en fût la raison, cela ne changeait rien au fait que Markino s'était retrouvé transformé en statue de pierre à un mètre de la divinité. La statue était restée pas plus d'une semaine, le temps que les autres spectres s'inquiètent de l'absence de leur compère. Hadès s'était contenté de rendre la liberté à Markino en lui demandant par la suite pourquoi il avait eu envie d'imiter Eurydice. Le spectre n'avait pas répondu tout de suite, cherchant ses mots, tentant de comprendre ce qu'il avait bien pu se passer. Le mystère autour de cette affaire était resté un long moment au sein des Enfers avant d'être balayé par une affaire bien plus importante : qui avait bien pu utiliser la brosser à cheveux de Pandore ?

En tout cas, par deux fois, Valentine frappa à la porte du bureau de Rhadamanthe. Et par un ordre on ne pouvait plus éloquent en deux mots, la Harpie sursauta :

« Va dormir ! »

Le spectre ouvrit la porte sans avoir été invité et pénétra dans une pièce carré dont les deux meubles occupant l'espace clos étaient un bureau au bois ébène et une bibliothèque sur la droite avec d'innombrables dossiers menaçant de se suicider sur le sol marbré. La Wyverne était assise derrière le bureau, un stylo en main — il n'y avait que cet idiot de Rune pour utiliser encore des plumes —, les yeux posés sur l'intrus. Le chypriote avala sa salive, inspira un grand coup (aussi grand que s'il avait dû dire à Minos qu'Eaque venait de se tordre la cheville) avant de déclarer d'une voix neutre :

« Seigneur Rhadamanthe, je me propose pour cette mission. »

La Wyverne ne cligna pas des yeux, reposa le stylo sur la feuille se trouvant devant elle avant de se caler un peu plus dans son fauteuil. Valentine attendit dix secondes, puis vingt, puis quarante…puis peut-être deux cents trente-neuf. L'anglais tapotait son bureau du bout des doigts, sans sourciller. Avec une certaine délicatesse, il rejoignit les mains avant de poser sa tête dessus.

« Je veux dire…heu, balbutia Valentine, sentant le sol se dérober sous ses pieds. Vous savez, les jumeaux…Je veux bien…les chercher… »

L'anglais poussa un long soupir avant de poser ses bras sur le bureau et de répliquer :

« Valentine, je connais ton dévouement. Le problème est qu'ils peuvent être vraiment n'importe où et surtout là où on ne les cherchera pas.

— Justement. Je peux déjà quadriller le secteur, non ? déclara le chypriote. Il faut bien commencer quelque part. »

Rhadamanthe passa sa main sur son visage d'un geste las avant de murmurer :

« Ils sont capables de se cacher dans un endroit où on aura déjà fouillé. Ils sont omniscients. C'est bien là le souci. Dès qu'ils sauront que nous les cherchons, si ce n'est pas leur volonté de revenir, ils se cacheront. Ils continueront leur petit jeu. »

Valentine se gratta derrière la tête. La situation semble vraiment plus complexe qu'il le supposait. Peut-être qu'ils devaient simplement attendre qu'ils reviennent par eux-même ?

« Qu'en est-il du seigneur Hadès ? Voulut savoir le spectre de la Harpie. »

Comme toute réponse, l'anglais contempla le stylo posé près d'une grande feuille blanche immaculée. Le comportement du dieu des Enfers avait vraiment été très étrange après la disparition des jumeaux. La colère qui l'avait gagné ne ressemblait pas à cette colère qui l'animait quand quelque chose le contrariait ou tentait d'être en travers de son chemin. C'était autre chose. Et pour avoir fait pleurer Pandore…

La Wyverne ne voulait même plus y penser. Cela avait dû être une simple soirée où les jumeaux auraient eu toute la bénédiction des Enfers pour être de mauvais humeur. Une simple petite soirée à déguster des petits plats, à respecter le protocole. Peut-être à chanter, à réciter des poèmes ou à danser à l'honneur des dieux. Qu'est ce qui s'était passé exactement ? Qu'est ce qui avait été de travers dans cette fête ? Même avant que cela n'eût commencé, les jumeaux avaient une tête d'enterrement. L'anglais avait beau retourné toutes les informations dans tous les sens, il ne comprenait vraiment pas d'où venait le problème. Du moins LEUR problème, aux dieux jumeaux. Et Hadès s'était enfermé dans ses appartements. Non pas à Elysion comme on pourrait le croire depuis la Terre mais bien dans son palais, au dernier étage. Et personne, ni même Pandore, avait le droit de le déranger. Et le juge était persuadé que même sous menace de destruction du monde, le dieu ne bougerait pas. Même pas une simple plume. Tout comme les frères divins, il sortira de ce lieu quand il le daignera. Pour le moment en tout cas, personne — et certainement pas la dragonne — n'ira le déranger. Sauf peut-être s'il voulait un peu de compagnie.

Rhadamanthe se mit à réfléchir à toute vitesse. Peut-être qu'il tenait quelque chose. Peut-être qu'il devrait envoyer un de ses spectres…celui que le seigneur Hadès appréciait le plus…Non. Mauvaise idée. Il manquerait plus que la divinité le garde auprès d'elle et que le dit spectre s'en retrouve comme prisonnier. Compte tenu de l'état de Pandore, c'était presque suicidaire de lui demander. Peut-être devraient-ils simplement laisser couler ? Peut-être que le dieu du royaume des morts allait se calmer tout seul. Peut-être que même les jumeaux reviendraient par eux-mêmes avant de retourner embêter les nymphes ou faire peur à l'armée qu'ils devaient diriger aux côtés du frère du dieu Zeus.

Et tout cela ne serait que mauvais souvenir.

Pourtant, le spectre de la Wyverne était certain d'une chose : quoiqu'il eût pu se passer exactement dans la tête des divinités, cela ne pouvait pas être simplement le résultat d'une fête d'anniversaire. Ou peut-être pas directement. Valentine partagerait bien cette pensée avec son supérieur s'il n'était pas en train de combattre le sommeil qui le gagnait de plus en plus.

La Wyverne se leva d'un bond, frappant de sa paume gauche le bureau, faisant sursauter la Harpie qui reprit totalement le contrôle sur sa fatigue.

« Je veux que, demain à la première heure, tu me convoques tous les spectres dans mon tribunal. Que les deux autres juges y soient aussi. On va faire ça dans les règles. »

Valentine cligna des yeux, perplexe :

« Que comptez-vous faire ? demanda-t-il d'une petite voix.

— Localiser. Enquêter. Comprendre. Résoudre, répondit simplement le juge avant de croiser les bras. »

Devant l'air ahuri de son lieutenant, l'anglais leva les yeux au ciel avant de laisser échapper un long soupir résigné :

« Va te coucher… »

Valentine salua la Wyverne avant de tourner les talons et de sortir du bureau. L'anglais se laissa tomber dans son fauteuil avant de frotter ses yeux d'un geste fatigué.

Il devait réussir. Il avait promis à Pandore.

Il retrouvera ces fichus jumeaux divins, même s'il devait y laisser une écaille. Et des écailles, ce n'était pas ce qu'il lui manquait.

Quoique…Une wyverne était-elle pourvue d'écaille ?

Sous une pluie battante, Thanatos courait à en perdre l'haleine, tenant son frère par le poignet gauche derrière lui. Le Sommeil avait dû mal à suivre le rythme effréné de son jumeau. Partir. Ils devaient partir. Loin. Aussi loin que pouvaient porter leurs jambes et leurs ailes.

« Thanatos, je t'en supplie…arrête-toi ! hurla Hypnos.»

L'Argenté jeta un œil par dessus son épaule, sans s'arrêter. Le visage de son frère était ravagé. La main de la Mort desserra son étreinte pour se faufiler jusqu'à sa jumelle avant que des doigts pâles ne s'entrelacent pour ne jamais lâcher prise.

Ils ne savaient pas où ils étaient. N'importe où sauf aux Enfers ou à Elysion avait pensé Thanatos. Etaient ils en Grèce ? En Allemagne ? En Occident ? Le temps était couvert de gros nuages noirs. La pluie glaciale tombait avec une volonté inébranlable. Ils couraient dans la lisière d'un bois. Le sol était boueux, quelque fois glissant. Plusieurs fois, Hypnos avait failli perdre l'équilibre. Mais son frère tenait bon. Ils devaient tenir bon.

Malgré ces bruits de pas humides, la Mort entendait encore ce qui l'avait rendu complètement folle.

Malgré le sang tambourinant à ses tempes, il l'entendait encore.

Jamais la Mort…Jamais le dieu de la Mort ne pouvait le supporter. Ce son infâme. Ce son insoutenable.

« Thanatos ! Je…commença le Sommeil qui ne sentait plus du tout ses jambes. Arrête ! »

Le pied droit de l'Argenté glissa, l'entraînant par la même occasion vers le sol brunâtre. Il s'étala de tout son long, recouvert des pieds à la tête de boue. Son frère tomba à genoux, les mains plaquées au sol. La respiration haletante, Thanatos se mit en appui sur ses mains. Il s'essuya le mieux qu'il le pouvait le visage d'un revers de gantelet avant de poser les yeux sur son jumeau.

Quel spectacle pathétique.

Genoux plaqués dans la boue, les bras le long du corps, la tête bancale, le dieu du Sommeil, celui qui avait le pouvoir d'endormir Zeus lui-même…Lui, qui était lié à jamais avec la Mort elle-même, lui aimé que par elle…Hypnos, le dieu aux cheveux dorés, au surplis étincelant, à la voix caressante et rassurante, sanglotait.

« Il l'a fait exprès… Il l'a fait EXPRES ! »

La Mort sentit quelques choses perler sur son visage avant de se rapprocher à quatre pattes de son jumeau.

« Nous avons le plaisir de vous informer qu'en ce jour de Juin…du treize Juin…Ce soir à vingt heures dans la grande salle près de la serre, vous nous avons le plaisir de fêter l'anniversaire des dieux jumeaux du Sommeil et de la Mort. Evènement exceptionnel aux Enfers ! Votre présence est grandement souhaitée ! Ne ratez surtout pas cela ! récita parfaitement Hypnos en levant les yeux vers les nuages. »

Thanatos passa ses bras autour du cou de son jumeau, collant sa joue contre la sienne.

« Il le sait. Il le sait qu'on est pas capable de lire dans son esprit…murmura la Mort. C'est comme ça qu'il nous a eu…

— Evènement exceptionnel…bredouilla Hypnos, les bras ballants.»

La Mort se dégagea doucement du Sommeil avant de lui secouer gentiment les épaules :

« C'est fini, maintenant. Il ne peut pas nous retrouver… »

Hypnos empoigna avec force les épaulettes de son frère ce qui lui fit perdre légèrement l'équilibre sur le coup, tout en continuant à fixer le sol :

« Maman est là, mes trésors…Maman vous protégera des vilains monstres…Parce que Maman est forte…Parce que Maman vous aime…, fit le Doré d'une voix sombre. Parce que Maman sait que vous n'êtes pas des vilains garçons… »

Les cheveux collés par la pluie sur le front, l'eau s'infiltrant dans le surplis, la boue implacable et salissant chaque parcelle majestueuse de son être, Hypnos était à deux doigts de la rupture. Il avait envie d'hurler à plein poumon, de repousser son frère au loin, de se rouler en boule dans un coin et ne plus en sortir, de frapper, de tuer tout ce qui se trouvait sur son passage. De détruire tout ce qui pouvait exister.

Les mains tremblantes, Thanatos retira les mèches dorées qui couvraient le visage de son jumeau qui avait une crise d'angoisse, la respiration haletante, le ventre noué, le cœur à deux doigts d'exploser.

« Thanatos, je…commença Hypnos en haletant, ne sachant plus se contrôler. Je suis désolé…C'est de ma faute…

— Ne dis pas ça, souffla son frère d'une voix qui se voulait rassurante.

—…Quand…Quand il s'est disputé avec maman…J'aurais dû…j'aurais dû… »

La Mort enlaça avec force les hanches de son jumeau contre elle avant de poser la tête contre son épaule.

« J'ai…j'ai ENDORMI ZEUS ! gémit Hypnos. Thanatos, j'ai endormi le dieu des dieux ! J'ai…Et j'ai pas été capable de protéger maman…J'ai pas été capable de…

— Nous étions jeunes, tenta l'Argenté.

— Mais nous étions des dieux à part entière ! Je ne peux pas….»

Thanatos ne trouva rien d'autres à faire que de le laisser sangloter dans ses bras. Il lui caressa gentiment le dos du revers de la main, lui donna des coups de tête affectueux, se serra un peu plus contre lui tandis que son homologue enfouit sa tête dans le cou de l'Argenté.

Quand Hadès vint ce jour-là, ce jour-là de Juin, Nyx sut qu'elle allait payer sa neutralité dans le schisme qui s'abattait au Mont Olympe. D'un côté les partisans pour Athéna, d'un autre côté ceux pour Poseidon, de l'autre…Hadès.

Le ton monta très rapidement entre les deux divinités. La Nuit fit bien comprendre qu'elle ne participera pas à cette guerre qu'elle jugeait grotesque. Que les ténèbres qu'elle apportait aux humains resteront toujours douces et paisibles. Que jamais elles ne serviront d'armes. Que jamais elles seraient synonymes de peur, de mort ou de destruction. Elle avait beau être une divinité primordiale, une des rares personnes à avoir la possibilité de dire non à Zeus ou une quelconque autorité sur lui, elle n'était pas une guerrière. Elle ne pouvait pas semer le chaos et la destruction sur Terre sous prétexte que les humains méritaient d'être châtié. Elle ne pouvait non plus se résigner à les protéger car elle avait des doutes sur la véracité des propos d'Athéna. Peut-être que le coeur des humains était vraiment impur. Peut-être qu'Athéna voulait aussi la Terre et que cette protection qu'elle semblait vouloir leur procurer n'était qu'une façade pour que les humains acceptent son règne. Nyx ne voulait pas savoir. Elle n'avait jamais voulu se ranger d'un côté ou de l'autre des dieux de l'Olympe. Elle s'était repliée dans une petite maisonnette à la lisière d'un bois avec les deux seuls enfants dont elle avait encore la possibilité d'élever en dehors de cette volonté de contrôler toute forme de vie sous prétexte qu'ils étaient des divinités. Et elle savait très bien qu'une personne étant capable de contrôler la Mort serait un tant soit peu dangereux. Surtout si elle n'était pas là. Surtout si sa présence en tant que mère ne pouvait plus apaiser le caractère de son jumeau d'argent. Elle ne voulait pas que ses enfants deviennent des machines de guerre, au service d'un dieu aussi ridicule que Hadès. Qu'il fasse des enfants et qu'il les mène à la guerre ! Qu'il ne vienne pas chercher ceux des autres.

Non. Il ne touchera pas à ses jumeaux.

Les jumeaux restèrent un long moment collés l'un à l'autre dans la boue. Thanatos jetait des coups d'oeil aux alentours, à l'affut du moindre danger, tout en caressant du bout d'un doigt la longue chevelure dorée de son jumeau. Les sanglots de ce dernier semblaient s'estomper tandis que la pluie continuait à tomber inlassablement. La Mort n'arrivait pas à savoir où ils se trouvaient en ce moment. Encore la preuve qu'il était seulement capable de contrôler la douce faucheuse et que le reste était plutôt une épreuve dominée par le hasard. Il avait juste voulu qu'ils partent le plus loin possible. Et les voila dans un bois, trempés — même s'ils possédaient encore leur surplis, dans la boue. Enlacés.

Aussi loin qu'ils pouvaient se souvenir, les jumeaux n'avaient jamais été très friands des démonstrations affectives. Même celles de leur mère pouvaient paraître une véritable torture. Ils aimaient son contact, sa douceur et tout ce qu'une mère pouvait apporter. Des câlins pour des câlins, ils ne supportaient pas.

Ce n'était pas Thanatos qui se plaindrait des moments où Hypnos se collait à lui le soir lors de violent orage parce que l'argenté ne voulait pas reconnaître qu'il avait peur. La Mort avait peur de rien. Il n'avait jamais eu peur.

Même pas de la fois où Hypnos avait disparu.

C'était une journée de printemps comme toutes les autres. Leur douce mère avait opté pour un pique-nique tranquille au bord d'une rivière. Les jumeaux âgés de peut-être quatre ans — aucun des deux ne s'en souvenait vraiment — avaient les pieds dans l'eau, les yeux rivés sur les poissons allant ça et là, nageant entre les cailloux.

Thanatos tendit les bras vers un, essayant de l'attraper de ses doigts frêles. Tout ce qu'il réussit à faire était d'éclabousser son frère. Les cheveux trempés, le Sommeil secoua la tête avant de se jeter sur son frère pour le pousser dans l'eau. La Mort l'évita, laissant son jumeau tomber de tout son long dans la rivière. L'Argenté tira la langue en direction d'Hypnos qui s'agenouilla, l'eau lui arrivait jusqu'à la poitrine mouillant sa belle toge blanche aux contours dorés avant de se mettre à pleurer à chaudes larmes, ses petites mains collées à ses yeux monochromes. Son frère, penaud, se rapprocha de lui pour le consoler. Il posa sa main droite sur le sommet du crâne. A ce contact, Hypnos lui saisit le poignet et l'entraîna dans l'eau avant de se relever, de tirer la langue et de partir clopin-clopant vers sa mère assise dans l'herbe près du bord de la rivière. Trempé jusqu'aux os, Thanatos exprima une moue de colère, les sourcils froncés. Très bien. Le Sommeil l'avait défié.

Après un goûter et une histoire racontée que la Mort n'avait même pas daigné écouter — plus intéressée par sa vengeance que par sa mère, Nyx décida que c'était l'heure de rentrer. Tenant la main du Doré dans sa main gauche, et l'Argenté dans la droite, la divinité primordiale, un sourire d'une douceur inégalée, se mit mis à marcher en direction du bois. Durant une bonne partie du voyage qui devait les mener vers la petite maisonnette, les jumeaux se défièrent du regard. Tout cela n'était qu'un jeu. Du moins, cela était dans l'esprit du Sommeil.

Beaucoup plus tard, alors que Nyx était partie remplir son devoir de déesse de la Nuit, Thanatos sortit de son lit pour aller réveiller son frère qui dormait à poing fermé, le doigt en bouche. Il le secoua jusqu'à obtenir un grognement. Le Sommeil attrapa son coussin avant de le lancer sur son frère pour qu'il le laisse tranquille. La Mort saisit au vol le coussin, le jeta un peu plus loin avant de s'emparer du bras de son frère et de le tirer très fort vers lui pour le faire lever. Résigné, le Sommeil s'assit au bord de son lit avant de bailler à s'en décrocher la mâchoire et de se frotter les yeux. Thanatos se dirigea vers la porte de la chambre, se mit sur la pointe des pieds pour attraper la poignée avant d'ouvrir d'un coup précis. Le Sommeil se laissa glisser sur le sol, à moitié réveillé et suivit son frère sans se rappeler qu'ils n'avaient pas le droit de quitter leur chambre pendant les absences de leur mère. De toute manière, ils n'allaient pas loin n'est ce pas ?

Arrivés à la porte d'entrée de la maisonnette, Thanatos tira un coup sec sur la poignée sans la faire bouger. Evidemment, Nyx les avait enfermés. Hypnos bailla pour la dixième fois au moins de la soirée tandis que son frère se dirigea vers la fenêtre de la salle où ils se trouvaient. Il se mit sur la pointe des pieds pour tenter d'agripper la poignée. Sans succès. Le Doré vint près de lui et, sans prononcé un mot, ils se regardèrent ensuite la fenêtre. Thanatos fit la courte-échelle à son frère qui se hissa jusqu'à la poignée avant d'ouvrir grand la fenêtre. La Mort donna le dernier coup de pouce pour que son jumeau se hisse complètement sur le rebord de la fenêtre. Avant même qu'il eut le temps de réagir, le Sommeil tomba de l'autre côté, la tête la première. Il ne se fit pas vraiment mal, juste quelques égratignures sur les genoux. Thanatos tenta de suivre son frère. Rien à faire. Il n'arriva pas à se hisser sur le rebord. Il eut rapidement l'idée de prendre une des chaises de la cuisine et de l'utiliser pour sortir. Il n'eut alors aucune difficulté à suivre le chemin de son frère. Il se laissa tomber gracieusement sur ses pieds nus. L'herbe lui chatouillait entre les orteils. Instinctivement, la Mort porta son doigt en bouche et regarda autour d'elle.

Le grand jardin derrière la maison. Que de l'herbe. Un grand chêne où se reposait quelque fois leur mère tandis qu'ils jouaient ensemble près d'elle. Plus loin, les arbres du bois se dessinaient dans l'obscurité de la nuit.

Et Thanatos se rendit compte qu'il était tout seul.

Il jeta des coups d'oeil à gauche, à droite, courut d'un côté à l'autre. Rien. Hypnos avait tout simplement disparu. Une boule d'angoisse se forma dans le ventre de la petite divinité. Il voulait jouer avec son jumeau dehors et dire à sa mère que c'était le Doré qui avait eu cette idée. Comme cela, elle le punirait lui. Une vengeance simple. Il n'avait pas voulu se retrouver tout seul, comme cela.

Et si quelqu'un l'avait enlevé ? Et s'il s'était fait dévorer?

D'une voix frêle, Thanatos appela sa moitié. Il se mit à marcher vers le grand chêne, l'index en bouche. Après plusieurs minutes sans réponse, la Mort se mit dos contre l'arbre avant de laisser couler des larmes et de recommencer ses appels.

Tout seul. Il était bel et bien tout seul. Il détestait cette sensation. Et il continuera à la détester à l'âge adulte. Et cette angoisse grandira d'année en année pour devenir son plus pire cauchemar. Hypnos n'en saura rien. Il continuera à lui faire la morale devant les autres chevaliers d'Athéna avant de partir et de le laisser seul. Il continuera à lui dire qu'il était assez fort pour se débrouiller seul.

Seul.

Le Sommeil avait trouvé un moyen d'abandonner la Mort, sa moitié, son frère.

Et, tandis que le vent se levait, Thanatos laissa échapper un cri d'effroi, les joues baignées de larmes.

Tout seul.

Il était simplement tout seul.

 
 
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