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Pardon maman
Par Saintemew
Saint Seiya  -  Humour/Drame  -  fr
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Chapitre IV : Fraternisation

Cube ne cessait de marmonner, l'oreiller sur la tête, qu'il devait rester calme. Non et non. Il ne cédera pas à la tentation. Ce n'était pas comme si Sylphide du Basilic était en train de ronfler depuis deux heures maintenant dans la pièce d'à côté. Ce n'était pas comme si Myû parlait dans son sommeil, dans une autre chambre. Et pour le peu que le cubain comprît, le spectre du Papillon faisait éloge des ailes si magnifiques d'une de ses Fairys. Laquelle ? Cube en avait strictement rien à faire !

Non, non. Tout cela était dans l'imagination du spectre. Du moins, il s'en convainquait sinon il allait en perdre la tête. Et pour un dullahan, c'était peu dire.

Il devait se lever dans trois heures. La Harpie l'avait réveillé pour une histoire de réunion d'urgence le lendemain matin en soulignant le fait que les dieux jumeaux étaient partis des Enfers. Elle ne pouvait pas tout simplement mettre un mot en dessous de la porte comme toute personne normalement constituée aurait fait ? Non, bien sûr. Ce serait trop demandé. Comme ce serait bien trop demandé de construire des murs plus épais que le tissu ornant les jambes des femmes chevaliers.

Cube jeta son oreiller au loin de dépit avant de s'asseoir sur le bord de son lit et de prendre son visage entre ses mains.

Il était tout aussi surpris que ses compères de la réaction du dieu Hadès à cette petite fête. Le dullahan avait aussi noté que les jumeaux ne semblaient pas du tout apprécié la situation. Ils avaient fait la tête toute la soirée. Le spectre aurait pensé qu'ils allaient leur mener la vie dure comme ils aimaient le faire tout le long de la journée. Au lieu de cela, le dieu de la Mort s'était contenté de remercier et de partir en trombe non sans oublier sa moitié qui avait l'air aussi ébahie que l'assistance.

Ce n'était pas la première fois que les jumeaux réagissaient étrangement. Pourtant, même si cela leur arrivait de se disputer avec le seigneur Hadès, cela passait généralement par des éclats de voix de plus en plus hauts jusqu'à ce que le Sommeil finît par plaquer sa main sur la bouche de son frère, de présenter ses excuses en son nom, de s'incliner plus bas que terre et de partir à Elysion en amenant par les ailes l'Argenté non sans promettre au dieu des Enfers que cela ne se reproduira plus. Foutaises, bien entendu. Cube ne cessait d'assister à des véritables règlements de compte entre les jumeaux et son maître. D'ailleurs, il était intéressant de notifier que c'était toujours Thanatos qui s'énervait et toujours Hypnos, soupirant, qui le calmait de toutes les manières possibles. Les motifs des disputes étaient tout aussi absurdes. Bien sûr, le spectre ne comprenait pas à chaque fois de quoi ils parlaient. Pour le peu qu'il pût comprendre, cela avait toujours quelque chose à voir avec la gestion des Enfers. Hadès reprochait aux jumeaux de ne pas assez s'impliquer tandis que l'Argenté répliquait que ce n'était pas leurs affaires et qu'ils avaient autre chose à faire justement que de souhaiter la bienvenue aux âmes ou à astiquer la gamelle de Cerbère. Dans le meilleur des cas, le Sommeil arrangeait le problème. Dans le pire des cas, les jumeaux partaient bouder une semaine avant de revenir comme si de rien n'était. Et Hadès ne faisait que soupirer et oublier tout cela.

Donc, pourquoi cela ne serait-il pas le cas encore aujourd'hui ? Parce que Hadès avait simplement craqué ? Peut-être que les jumeaux étaient partis se défouler à la surface avant de revenir les ailes entre les jambes et de promettre de promener le chien des Enfers un peu plus souvent.

En fin de compte, que pouvaient faire les spectres dans cette situation à part attendre ? Car même s'ils apprenaient la position des deux frères, qui leur disait qu'ils allaient sagement revenir ? Cube en était certain : au mieux, ils se retrouveront transformés en oreillers, au pire..Au pire, il ne savait pas. Attendre, c'était pour lui la meilleure solution.

Ou alors, décortiquer le reptile d'à côté avant de calciner l'insecte de l'autre.

Passablement énervé, Cube se leva d'un bond avant de sortir de sa chambre, portant juste un pantalon noir. Il ferma doucement derrière lui avant d'arpenter le couloir faiblement éclairé par des torches. Un peu de marche lui fera du bien.

Il déambula de couloirs en couloirs jusqu'à arriver aux cuisines. Bon, quelque chose pour se caler l'estomac l'aidera peut-être à trouver le sommeil. Il ouvrit un des portes à double battant avant de s'engouffrer dans une pièce lugubre et faiblement éclairée.

Le spectre s'arrêta net. Il n'était pas seul. Il cligna plusieurs fois des yeux pour tenter de distinguer la silhouette se trouvant à quelques pas de lui, assise à la table, le dos tourné. Il s'approcha d'un pas lent, ses chaussures claquant contre le sol marbré de la pièce. La personne ne daigna même pas se retourner, l'ignorant complétement. Quand Cube fut à moins de deux mètres, il comprit qui était cette personne avant de se raidir, presque paralysé. Il voulut faire demi-tour discrètement pour disparaître aussi vite qu'il était venu. Il fit un pas en arrière tandis que la personne tourna légèrement la tête vers lui.

Et dans la faible lueur des torches, Cube du Dullahan découvrit le visage sinistre du dieu des Enfers. Et pour une des rares fois dans sa vie, le spectre ne savait plus ce qui était le plus effrayant pour lui : Hadès ou les souris. Parce que les souris, il fallait le dire, c'était des petites saletés.

Ce ne fut pas agenouillé dans la boue sous une pluie battante que Thanatos se réveilla ce matin-là mais allongé dans un lit « presque confortable ». Presque, si on pouvait oublier le fait qu'il portait toujours son surplis. Son dos le faisait énormément souffrir. Cachées dans une toge couverte de boue, les ailes divines de la Mort n'étaient pas du tout ce que l'on pouvait qualifier de « douillet ». Outre le fait que ces trucs des plus extravagants — pour ne pas dire « ne ressemblant pas à grand-chose » — l'empêchaient par moment de marcher tranquillement dans son propre temple. Faire tomber des objets sans y prêter attention était monnaie courantes quand le jumeau avait l'audace de ne pas revêtir sa toge, au grand dam des nymphes, passant quelque fois toute la journée à suivre leur dieu à la trace pour remettre les objets à leur place ou à fondre en larme. Cela dépendait de l'état de l'objet après le passage de l'Argenté.

Au moins son frère, lui, avait des plumes de paon. Et ces choses prenaient, certes, beaucoup de place mais en hauteur. Il ne paraissait pas plus large que haut, lui. Bon, il était de notoriété publique que le dieu du Sommeil avait la fâcheuse tendance à cogner contre les lustres avec ses extensions de surplis. Cela n'arrivait pas souvent puisque tous les plafonds du palais du dieu Hadès ou ceux des temples d'Elysion étaient à une hauteur plus que raisonnable. Bon, il restait le cas des portes. Même sans leur surplis, cela avait toujours été un problème pour les jumeaux. Leur taille voisinant les deux mètres leur avait toujours porté préjudice. Par contre, cela était plus qu'avantageux quand il s'agissait d'impressionner — ou plutôt d'effrayer — les spectres ou même Pandore. Certes, certains spectres leur arrivaient presque à la tête (par exemple Rhadamanthe qui n'avait que trois ou quatre centimètres de moins que les jumeaux). Ou même les dépassaient : Gigant du Cyclope et le spectre du Golem pour ne citer qu'eux. Cependant, il n'était pas certain que ce fût une question de prestance, de taille, de surplis qui rendait les dieux jumeaux si effrayants. Sans doute l'imprévisibilité du dieu de la Mort. Ou peut-être le fait que personne ne sût vraiment ce que pensait le dieu du Sommeil, caché derrière un masque glacial.

Néanmoins, une chose était certaine : la Mort avait démontré qu'elle n'en faisait qu'à sa tête. Encore une fois.

L'Argenté n'écoutait personne à part lui-même. Il n'écoutait même pas son propre frère. Il était conscient que son excès de confiance avait eu des répercussions plus que malheureuses. C'était le premier à se faire enfermer dans cette fichue boîte à chaque guerre sainte. Son frère suivait quelques heures plus tard. Des jours voire des années de mises au point en découlaient. C'était toujours les mêmes reproches, les mêmes arguments, les mêmes promesses. Ils finissaient par s'isoler dans un silence pesant jusqu'à leur délivrance. Ce n'était pas faute d'avoir essayé de se remettre en question. Le Sommeil approuvait le fait qu'il devait se rendre plus souvent sur le champ de bataille, même s'il détestait ça, pour prêter main forte à son frère. Ce dernier avait tout aussi conscience que foncer dans le tas ne servait pas toujours à quelque chose. Coopération et réflexion. Ce n'était pas si compliqué en fin de compte. Pourtant, à chaque fois, les mauvaises habitudes reprenaient leurs droits. Thanatos n'écoutait pas, tuant tout ce qui était sur son passage tandis que Hypnos restait derrière à réfléchir à un plan pour ne pas commettre de mort inutile.

Cette nuit-là, pourtant, aurait dû faire comprendre au dieu du Sommeil que le combat était parfois inévitable. Il n'avait pas cherché à s'enfuir ou à faire une farce à son jumeau. Juste un lièvre passant par là. Et à quatre ans, même pour un dieu, cet animal galopant vers la lisière du bois était la plus belle des tentations. Alors, tandis que son frère cherchait un moyen pour le rejoindre dans le jardin par la petite fenêtre, le Sommeil se mit à courir, sans prêter attention à la direction empruntée.

L'herbe lui caressant la plante des pieds, les yeux rivés sur l'animal à longues oreilles, le dieu du Sommeil s'engouffra dans le bois. Il courut de plus en plus vite, essayant tant bien que mal de gagner cette course. Il longea la rivière où il avait passé quelques temps plus tôt dans la journée avec sa mère. Sa toge se prit à maintes reprises dans les branchages des arbustes au niveau de ses genoux.

Après quelques minutes qui lui parurent des heures, le souffle haletant, le Sommeil s'arrêta. Il jeta un regard autour de lui : des arbres dont les branches semblaient toucher le ciel étoilé, des ronces aux épines menaçantes, le sol boueux et salissant ses pieds ainsi que ses mollets.

Le Doré n'avait aucune idée de l'endroit où il se trouvait. Il ne voyait plus la rivière ni même le toit de la maisonnette où il habitait. Il porta son doigt en bouche, essayant de contenir les larmes qui montaient irrémédiablement. Il fit quelques pas au hasard, espérant apercevoir quelque chose qu'il connaissait pour le guider. Il ne prêta même pas attention au lièvre mangeant tranquillement près d'un buisson. Il ne lui fallut pas plus d'une minute avant d'éclater en sanglot, à deux doigts d'hurler à pleins poumons tandis que son jumeau, de l'autre côté, en faisait de même.

Il ne fallut longtemps aux cris et aux pleurs des dieux jumeaux pour atteindre les cieux ainsi que parvenir aux oreilles de la divinité primordiale de la Nuit. Elle abandonna les Cieux sur le champ avant d'apparaître près de la maisonnette. Elle aperçut la petite silhouette de Thanatos pleurant à chaudes larmes près du grand chêne avant de le rejoindre au pas de course, sa toge blanche et ses longs cheveux noirs voletant derrière elle.

Le dieu de la Mort ne fit même pas attention à la voix de sa mère ni même au fait qu'elle s'était agenouillée devant lui, lui ébouriffant les cheveux d'un geste affectueux.

Il était parti. Lui, son frère, son jumeau l'avait abandonné.

Thanatos voulait juste que Hypnos se fît gronder par sa mère. C'était tout. Et maintenant, c'était lui qui était puni en se retrouvant tout seul.

Et si son frère avait été dévoré par un des monstres mythologiques ou des animaux qui traînaient près de chez eux ? Et si Hypnos était parti pour toujours et ne souhaitait même plus lui parler ou jouer avec lui ?

Nyx prit délicatement Thanatos dans ses bras, essayant de calmer ses pleurs le mieux qu'elle le pouvait en chantonnant ou en le berçant doucement. L'enfant sanglota de plus belle avant de s'agiter dans tous les sens, donnant des coups de pieds dans la déesse, gardant ses mains fermées sur les yeux noyés de larmes.

La Nuit faillit tomber en arrière sous les assauts de son fils. Elle lui ordonna d'une voix ferme de se calmer, ce qui redoubla l'hystérie de la Mort. Tout ce qu'avait cette dernière en tête était la disparition de son frère. Ou plutôt son abandon pur et simple.

Thanatos se tut soudainement. Il cligna ses yeux argentés rougis par les larmes tandis que sa mère lui arbora un sourire affectueux. La Mort agita ses bras, désigna du doigt quelque chose derrière la déesse. Cette dernière jeta un œil par-dessus son épaule avant d'apercevoir son deuxième jumeau, débout près d'un buisson, sa toge déchirée de toute part, un lièvre apparemment endormi dans les bras.

Nyx déposa Thanatos sur le sol avant que ce dernier n'accoure vers son frère. Hypnos semblait ailleurs, les joues rosies par les larmes, regardant fixement sa mère. Il ne savait pas exactement comme il avait réussi à endormir l'animal qui s'était éclipsé à quelques mètres de lui près de la rivière. Il ne savait pas non plus pourquoi un homme en armure sombre était entrain de tenir l'animal par les oreilles, un sourire sardonique arborant son visage.

Le Sommeil n'avait pas compris pourquoi cet homme lui avait jeté l'animal dans les bras, en lui déclarant que les dieux avaient autre chose à faire que de poursuivre des créatures inférieures. Et avant que l'être en armure eût pu approcher le Doré, celui-ci avait vu sa mère descendre des Cieux. Et, sans y réfléchir à deux fois, le Sommeil s'était mis à courir en suivant la direction de la lumière de sa mère, le lièvre dans les bras.

Nyx ramena les deux petites divinités dans leur chambre avant de prendre l'animal et d'expliquer qu'il fallait le relâcher car ce n'était pas « gentil » de le garder contre son gré (Nyx craignait surtout que ses jumeaux décidassent de créer un refuge pour animaux chez elle). Hypnos ne fit pas attention aux paroles de sa mère, trop occupé à tenter d'attraper son frère courant dans tous les sens, en riant comme si tout ce qui s'était passé cette nuit s'était déjà évaporée de sa mémoire.

La Nuit soupira, laissant ses enfants jouer à « Chat » tandis qu'elle se dirigea vers le jardin, le lièvre dans les bras.

Elle s'arrêta net. Quelque chose clochait. Elle examina l'animal sous tous les angles à la lumière de la lune avant d'étouffer un petit cri de surprise.

Le lièvre ne dormait pas : il était tout simplement mort.

Etait-ce Thanatos qui l'avait tué par inadvertance en s'agitant dans tous les sens quand il avait vu son frère revenir ? Pour la divinité primordiale, il n'en était pas autrement.

…Ou peut-être ? Nyx soupira avant de secouer la tête. Elle s'imaginait des trucs, c'était tout. C'était tout à fait possible que l'animal fût mort de mort naturelle dans les bras de son fils…même s'il semblait en parfaite santé.

Thanatos était le dieu qui contrôlait à la Mort. Lui et lui seul pouvait arracher les vies des êtres sans les toucher.

Du moins, la divinité primordiale l'espérait.

 
 
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