Note : Univers : Manga Original. Ne prend en aucun cas compte ou personnages de TLC/G/ND. Et aussi, vous connaissez cette douce mélodie du "Papa zeus a redonné vie à tout le bataclan ?" Bah, c'est le cas.
Chapitre I : Exhortation
Elysion.
Le paradis. Une plaine vaste, chatoyante, recouverte de diverses fleurs. Quelques temples abandonnés jonchaient les innombrables chemins serpentant tout le domaine. Quelque part, nichés entre quelques colonnes effritées par le temps, deux temples érigés depuis les temps mythologiques abritaient en leur sein les fils de la divinité primordiale de la nuit. Ha, cette douce nuit inexistante dans cette contrée. Car, oui, le jour ne s'achevait jamais là-bas. Il n'y faisait jamais froid. Jamais trop chaud. Une douce brise se soulevait de temps à autres pour balayer d'un souffle discret les quelques pétales ou feuilles éparpillées ça et là.
Dispersées au quatre coins de cet univers, les délicates nymphes dansaient, chantaient ou marchaient comme si elles volaient à quelques centimètres du sol. Leur peau immaculée comme leur robe reflétait toute la douceur qu'elles pouvaient émettre. Et ce n'était ni pour leur colère ou leurs caprices que les dieux avaient décidé de leur attribuer ce domaine. Non. C'était tout simplement car elles représentaient une certaine vertu. Et, aussi, elles avaient cette tendance à remplacer toute surveillance complexe, car dès que leurs yeux si tendres se posaient sur un être infâme ou simplement ne méritant pas cette place si privilégiée qu'était Elysion, leurs cordes vocales suffisaient à réveiller tout les morts de l'autre côté du mur des Lamentations.
Et cela, les jumeaux ne pouvaient plus le supporter !
Ce n'était pas si compliqué pourtant à comprendre. Ils avaient pris leur temps. Ils les avaient toutes convoquées dans l'immense salon du temple du dieu de la Mort. Au début, elles s'étaient mises à hurler de joie, complètement hystériques, pensant que les jumeaux allaient leur proposer un concert (Thanatos jouant de la lyre et Hypnos…En fait, il changeait si souvent d'instrument que cela en devenait ridicule selon son frère argenté). Non. Chut. Ce n'était pas cela. Du tout.
Alors, avec le plus grand calme qu'ils possédaient (pour un des deux, ce n'était pas grand chose, il fallait l'avouer), les dieux jumeaux avaient parlé d'une voix douce :
« Mais, bordel, qu'est ce que vous ne comprenez pas dans « visite de routine des spectres » ? »
Car oui. C'était une obligation maintenant. Hadès en avait décidé comme cela. Chaque semaine, le vendredi ou le samedi, un des spectres rapprochés du seigneur Hadès venait à Elysion. Pour quoi faire ? Ça, les jumeaux l'ignoraient totalement. Par trois fois seulement, les spectres étaient venus. Par trois fois, les nymphes avaient piqué une crise de nerfs (une avait même brisé une amphore sur le crâne de Rune). Par trois fois, Thanatos avait plaqué sa main sur son visage, fait quelques pas devant la scène qui s'était offerte à lui avant de soupirer, de balayer une mouche invisible devant lui et de retourner « bouder » dans le fond de son temple. Par trois fois, Hypnos, d'un calme plus qu'olympien, avait remis les choses dans l'ordre non sans rédiger une liste de châtiments qu'il allait infliger à son frère pour l'avoir lâchement abandonné. Par trois fois, les spectres avaient donné des parchemins rédigés par Hadès - que les jumeaux avaient entassés quelque part sans même y poser un seul regard - avant de faire une révérence jusque par terre et de partir via le portail ouvert par le maître des Enfers. Et pour clôturer l'aventure de ces visites, par deux fois, Hypnos avait dû jouer l'air d'Orphée au piano en allegro. Et la dernière fois, il s'était contenté de laisser échapper un long soupir d'exaspération, d'envoyer à la cueillette de marguerites quelques nymphes avant de maugréer quelques choses à propos de « frère indigne qui ne faisait pas grand chose ».
C'était samedi soir, même si la conception de « soir » à Elysion était aussi existante que celle de la logique de la déesse Athéna. Ils avaient eu la visite plus tôt dans la journée de Rhadamanthe arborant des cernes qui avaient donné un haut-le-cœur au dieu du Sommeil. Bon sang, le juge ne dormait-il jamais ? L'Anglais avait chuchoté quelque chose par rapport à un anniversaire. Visiblement, le seigneur des Enfers voulait faire une petite fête pour célébrer l'anniversaire de…
…Attendez une seconde ? Depuis quand Hadès se souciait il de ces choses aussi futiles qu'étaient les anniversaires ? Ha oui, la dernière visite au Mont Olympe pour se faire taper sur les doigts par son frère cadet (qu'on se le dise, Zeus était le dernier de la liste des rejetons de Rhéa !) lui avait laissé quelques séquelles. Notamment celle de vouloir « dorloter son armée d'amour à lui tout seul ».
Alors, oui, sans doute, les anniversaires faisaient partie de ces niaiseries. Tout comme ces fêtes populaires qu'étaient Halloween ou Noël ! La dernière en date ? Cette idiote de fête où le maître du royaume des morts avait trouvé très amusant de parsemer tout le domaine de lapins en chocolat ou de cloches. Comment elle s'appelait déjà cette fête ? Plaque ? Laques ? Claque ! Non. Ce n'était pas cela. Et de toute manière, les jumeaux avaient passé leur temps à jouer à chat. Oui. Les jumeaux divins jouaient à CHAT. Mais pas de la manière douce. Pas de la manière que toute personne normalement constituée le ferait. Non. Ils avaient pris pour cible Valentine, Gordon, Gigant et Eaque. Premièrement, ils repéraient la cible. Deuxièmement, un des deux s'en approchait. D'un geste qui se voulait extrêmement doux - entendez par là pour Thanatos, d'un baffe digne d'Aldébaran contre l'épaule et pour Hypnos, une caresse aussi motivée qu'Orphée quand ce dernier devait jouer une marche funéraire - , ils touchaient la cible en criant à tue-tête : CHAT ! Et troisièmement, tandis que la cible analysait la situation (Voyons, si je ne réagis pas j'ai deux solutions : soit je meurs instantanément, soit je dors pour dix siècles. Et si j'ose jouer, je n'ai aucune chance), les jumeaux riaient en se téléportant d'un bout à l'autre des Enfers. Quand l'épaule d'Eaque rencontra la main droite du dieu de la Mort, il avait d'abord senti ses os se déboiter. Se massant la zone si douloureuse, son cerveau avait alors assimilé ce qui s'était produit. D'un regard désespéré à Rhadamanthe, il avait demandé silencieusement ce qu'il était censé faire. La Wyverne avait répondu d'un bras tendu, l'index pointé sur les deux dieux gloussant, que OUI, le piaf devait rentrer dans le jeu.
Les jumeaux n'étaient pas censés être les bras droits du si puissant Seigneur des Enfers ? N'étaient ils pas censés représenter le chaos, la terreur et tout un tas de trucs du même acabit ? Au lieu de jouer à ces choses puériles, ils auraient pu au moins chercher le grand lapin en chocolat blanc qu'avait caché Minos dans la sixième prison ! Non mais franchement ! Les Enfers n'étaient plus ce qu'elles étaient !
…Et donc. C'était encore un anniversaire. Bon. Soit. En tout cas, les jumeaux étaient certains d'une chose : c'était ni celui d'Hadès, ni celui de l'hystérique jouant de la harpe tout en se goinfrant de marshmallow recouvert de miel. C'était plus loin dans l'année. De plus, comme ce n'était pas celui de leur dieu, ils pouvaient très bien être abonnés absents à ce ridicule attroupement dans la grande salle. Même s'il fallait se l'avouer, quand le jeune Allemand Queen s'occupait de la cuisine, cela valait le coup de déserter Elysion quelques heures pour se remplir l'estomac. Après tout, ils en avaient un peu ras le bol du miel, du nectar ou de l'hydromel ! Bon sang, le dernier gâteau à la banane sur son lit de crème fraiche de l'Alraune était tout simplement divin ! Oui…aussi… les jumeaux pouvaient faire apparaître de la nourriture sous les yeux ébahis de l'assistance. Sauf qu'il y avait un léger problème. Un tout petit problème tout mignon tout plein. D'un, les plats étaient infectes - on avait beau être divin, cela n'enlevait pas tout..comme la capacité à être une quiche en cuisine. Et de deux, les effets secondaires à la nourriture. Celle d'Hypnos, bien entendu, rendait somnolant. Celle de Thanatos ? Non, elle ne tuait pas. Non, elle ne rendait pas violent. Naaaaaon, elle ne rendait pas prétentieux.
…Non plus ! Perdu !
Rune s'était penché sur la tarte aux framboises du dieu de la Mort. C'était qu'elle avait pourtant l'air si délicieuse ! Et il avait mordu dans une part, tout en épargnant sa belle toge recouvrant son surplis. Passé la surprise du gout, Rune avait avalé d'une traite. Hadès avait cligné des yeux. Rhadamanthe avait baillé. Eaque avait donné un coup de pied à Minos pour qu'il arrête de mater les fesses de Valentine. Que diable, un peu de tenue !
Le Balrog, tandis que Sylphide était entrain de passer sa main devant son visage pour s'assurer que tout allait pour le mieux, avait senti son estomac défaillir. Qu'est ce que c'était ? Une simple nausée ? Non, pire que cela. Cette conviction que les organes vitaux allaient s'ouvrir en deux. Rune s'était écroulé de tout son long sur la table avant d'être attaqué par des spasmes. Et, devant toute l'armée du seigneur Hadès, Orphée et le clébard à qui on oubliait tout le temps de remettre des croquettes, Rune de Balrog s'était mis à vomir. Cela aurait pu être un simple moment tellement habituel pour les humains - surtout les lendemains de cuite, les fins de soirées - si, là où avaient touché les restes de l'estomac du second de Minos…n'avaient pas poussé…des rosiers ? Des rosiers de couleur ocre. Des rosiers si majestueux que même Aphrodite des Poissons aurait des remords à tailler pour utiliser les fleurs en combat. Et tandis qu'Hypnos s'était vu attaquer par une crise de démangeaison au niveau du cuir chevelu, Hadès s'était penché vers ces si beaux rosiers, avant de s'exclamer :
« Qu'elles sont jolies, ces orchidées ! »
…Oui, effectivement. Les fleurs et le dieu des Enfers, bon… Personne n'avait cherché à comprendre ou à le reprendre.
Une soirée d'anniversaire, donc. Qu'avait dit Rhadamanthe exactement déjà ? Le dieu du Sommeil avait déjà oublié. Qu'importe, le doré avait le précieux parchemin entre ses doigts pâles. Et tandis qu'il pénétrait dans le petit coin reculé du temple de son frère, il déplia le message. C'était une écriture bouclée, parfaitement lisible, sur papier blanc. L'écriture de Pandore. Le dieu jumeau avait à peine lu la première phrase, que, le nez dans le parchemin, il ne fit pas attention où son divin pied se posa. Il perdit l'équilibre, lâcha le parchemin qui s'envola dans les airs. La pièce, petite et carré, était composée de deux fauteuils douillets se faisant face. Entre ceux-ci, une table basse où était posé une cruche d'eau et deux verres sur un plateau opale. Le sol était recouvert d'un joli tapis rouge foncé. Le mur à droite de la porte arborait des armoires remplies à ras bord de livres divers. En face de cette même porte, une cheminée à feu ouvert où des flammes crépitaient doucement entre deux grosses buches. Thanatos et sa nature frileuse ! Deux gros pulls par-dessus le surplis et on n'en parlait plus !
…Des flammes ? Un parchemin volant ?
Les yeux d'or suivirent le parcours funèbre de la missive se dirigeant vers son terrible destin. Le bras droit du Sommeil se tendit pour caresser du bout des doigts l'objet tant convoité sans réussir à le saisir. Et tandis que la divinité perdit complètement pied pour se retrouver face contre terre, des doigts enfermés dans une protection argentée et noire s'emparèrent d'un geste vif le parchemin, le sauvant des flammes.
« Fais un peu attention où tu mets les pieds ! »
Hypnos posa les deux mains au sol avant de se hisser et de se retrouver de nouveau debout. Il lança un regard derrière lui, scandant chaque recoin pour découvrir ce qui avait osé faire trébucher les pieds du dieu du Sommeil.
« Thanatos, ça fait quarante-cinq fois au moins que je te demande de ranger tes cassettes vidéos ! »
Son jumeau cligna des yeux, perplexe. Quoi ? Il n'avait pas le droit de les mettre pêle-mêle à côté de la porte ? Bon, il était vrai qu'il avait dit qu'il allait les ranger. Mais c'était de bonne guerre ! Qui des deux s'était aussi bien vautré chez l'autre car ce dernier n'avait pas bien replacé un meuble après une crise de ménage passagère ? Ha oui, c'était aussi Hypnos. Il y avait aussi la fois où la chambre était si encombrée que le lit était inaccessible. Et c'était encore la faute de la Mort. Qui aurait cru que cette dernière avait un penchant pour les vaches en peluche ?
…Bon, il fallait l'avouer. C'était toujours le Sommeil qui se cassait littéralement la figure. Et une fois n'était pas coutume. Encore de la faute de son cher frère.
Hypnos dépoussiéra son surplis du bout des doigts au niveau de la robe recouvrant ses jambières - au vu de la longueur, pouvait on encore appeler cela une jupe ? - tandis que son frère parcourut du regard le parchemin.
« Nous avons le plaisir de vous informer…blablabla, fit-il d'une voix qui trahissait son désintérêt total. Ce soir à vingt heures dans la grande salle près de la serre blablablablabla…nous avons le plaisir de fêter l'anniversaire…QUOI ? »
Hypnos se rapprocha de son frère avant de lui arracher le parchemin des mains. Avec un sourire crispé, après avoir jeté un regard sévère à son jumeau, le Sommeil balaya le papier blanc des yeux. Au fil et à mesure de la lecture, son teint prit la même couleur que le support. Il releva la tête vers l'argenté. Ils s'échangèrent un regard qui voulait tout dire.
« Il est dit qu'on a été prévenu un mois à l'avance, fit remarquer Thanatos. J'ai rien entendu de tel ! »
…Hypnos tourna la tête vers la bibliothèque, roulant des yeux :
« Les autres parchemins, fit il le plus simplement du monde.
- De quoi ? ne comprit pas son jumeau, clignant des yeux, perplexe.
- Tu sais, les parchemins qu'on était censés avoir lu mais qu'en fait, on les a rangés dans un coin ? »
Thanatos leva les yeux au ciel avant de passer sa main sur son visage. Idiots divins. Il savait qu'il aurait dû y faire plus attention. Cependant, quelque chose clochait. Aucun évènement, aucune chose, aucune personne était capable d'échapper aux jumeaux sur cette terre. Ils étaient omniscients. Comment cette chose avait pu passer dans l'émail du filet ? Comment avaient ils été bernés ?
« Post Scriptum : Si vous vous demandez comment diable le seigneur Hadès a-t-il pu mijoter cette soirée dans votre dos sans que vous vous en doutiez – car il est évident que vous n'ayez aucunement lu les derniers messages des spectres qu'on vous avait envoyés – peut-être que si, dans un élan de considération et de bon sens, vous aviez fait un tant soit peu plus attention à ce qu'il se passait outre Elysion voir outre les jupes des nymphes, vous auriez pu soumettre une demande de refus d'organiser cette fête, lut doucement Hypnos tandis que son frère écarta les doigts se trouvant sur ses yeux pour regarder le doré. Maintenant, considérez cela comme un ordre de premier plan. Et même si je ne vous commande pas, je vous demanderai au nom de mon frère et de mes juges de vous magner le train divin à cette fête. Sinon, il est fort probable que, dans un élan de générosité, nous décisions de renvoyer quelques nymphes – en fait toutes - à l'Olympe pour que vous découvriez le plaisir de faire la vaisselle.
- Sympa, la Pandore…maugréa la Mort, en s'accoudant au petit muret en bois de la cheminée. Rappelle-moi, pourquoi je ne l'ai pas tuée, elle ?
- Tu l'as déjà tuée une fois, rectifia calmement le Sommeil. Et je t'ai même disputé.
- Ha oui. C'est vrai, fit son vis-à-vis avant de soupirer hypocritement. Une si grande perte ! Comment ai-je pu l'oublier ? »
Hypnos soupira, froissa le parchemin avant de le balancer dans le feu. Le parchemin disparut presqu'aussitôt. Le dieu aux cheveux argentés tapota du bout des ongles le muret, réfléchissant longuement. Après quelques minutes de silence, alors qu'Hypnos prenait place dans un des fauteuils avant d'enlever son diadème, le poser à ses pieds et de prendre son visage entre ses doigts frêles, la Mort étouffa un raclement de gorge derrière sa main droite.
« On pourrait juste…s'enfuir comme si on n'avait rien vu ? suggéra Hypnos en s'accoudant sur ses genoux.
- Et on pourrait juste se retrouver sans servante aussi..., fit remarquer son frère, qui, de toute évidence, n'aimait pas du tout cette perspective.
- Ce n'est pas si grave de se débrouiller tous seuls, fit le Sommeil, en se voulant rassurant. »
Thanatos, le coude droit sur le muret, la tête posée et enfouie dans sa main, répliqua :
« C'est vrai. Je range si bien le temple sans les nymphes. Tellement bien que personne ne se prend les pieds dans…
- Ça va ! coupa sèchement son frère.
- Et sans parler de la nourriture ! Entre des passer mes journées à dormir sur place ou à vomir des plantes, j'ai que l'embarras du choix !
- Thanatos…
- Sans parler de…
- THA-NA-TOS !
- QUOI ? »
Le jumeau doré se leva de son siège avant de croiser les bras sur sa poitrine.
« Très bien, déclara-t-il d'une voix sûre. Nous avons une demi-heure devant nous. Une petite demi-heure pour nous préparer mentalement à cette épreuve. Nous sommes des dieux, n'est ce pas ? Nous sommes capables d'outrepasser cette ridicule soirée.
- Personnellement, en une demi-heure, je peux être sur un des anneaux de Saturne, avoua la Mort en examinant ses ongles. Je dis ça, je dis rien…
- Thanatos, soupira doucement son jumeau avant de secouer la tête. »
Aussi soudainement que le tonnerre qui craquait en ce moment-même au-dessus du sanctuaire d'Athéna, Thanatos se releva d'un bond.
« Et si on transformait toutes les nymphes en bouton de chemisier, qu'on les rassemblait dans une boîte et qu'on la mettait dans le pilier central du sanctuaire sous-marin ? Comme ça, le seigneur Hadès ne pourra pas nous les enlever ! proposa Thanatos en tapant triomphalement son poing droit dans sa main gauche. »
Comme toute réponse, Hypnos cligna par quatre fois des yeux, se demandant par quel miracle les neurones qui parcouraient le cerveau de son jumeau étaient apparentés aux siens. Et surtout, comment les multitudes de connexion avaient bien pu émettre une telle idée.
« Pourquoi…en bouton de…chemisier ? demanda lentement Hypnos, gardant son air ahuri.
- Parce que c'est la seule chose que je suis sûr de ne pas me gourer dans le processus de transformation, expliqua Thanatos, étrangement sombre, avant de se retourner, de se coller au muret et de cacher sa tête dans ses bras. »
Hypnos arbora un sourire timide avant qu'un souvenir ne lui vienne en mémoire…
Ils avaient quel âge à ce moment-là ? Peut-être dans la dizaine. Jouer ensemble était leur activité préférée tandis que leur douce mère leur préparait un gouter. Et là, alors que Thanatos venait d'éviter cette main jumelle qui devait l'attraper, alors que le couteau de la belle déesse de la nuit coupait des pommes en petits morceaux identiques dans une assiette sur la grande talle de la cuisine, Hypnos tapa avec cette même main hasardeuse dans le grand vase posé sur une étagère, près de la porte d'entré. Et, tandis que la pluie martelait contre les vitres de la petite maison recluse, le vase s'écroula sur le sol, se brisant en mille morceaux. La belle déesse posa violemment le couteau contre la table en bois, en fit le tour avant de gifler l'enfant aux cheveux dorés. Hypnos porta sa main droite sur sa joue enflée, les yeux embués. Ce n'était pas de sa faute. Thanatos l'avait évité. Sa main avait continué sa route et boum ! Et pourquoi pleuvait il, les obligeant ainsi à jouer à l'intérieur ? La déesse aux longs cheveux noirs, aux yeux ébène sans pupilles, habillée de blanc, désigna du doigt autoritaire le chemin vers la chambre des jumeaux. Message reçu. La tête baissée, penaud, le doigt en bouche, Hypnos s'en alla. Thanatos, les joues gonflées par la fureur, les poings serrés, contempla le reste du vase. Si l'objet avait pu être vivant, il était évident que le dieu de la Mort, même enfant, l'aurait tué. Cinq fois au moins. La déesse de la nuit maugréa quelque chose avant de reprendre le découpage des pommes, d'un geste se révélant énervé.
Assis sur le bord de son lit, Hypnos, l'index en bouche, faisait aller ses jambes. Quelques instants plus tard, tandis que le dieu du Sommeil observait sans y prêter attention les innombrables fissures serpentant le mur blanc de sa chambre, la petite porte sur sa droite s'ouvrit pour y laisser pénétrer son jumeau. Ce dernier porta son index devant sa bouche, invitant sa moitié à ne pas faire de bruit.
Quand leur mère les envoyait dans leur chambre de cette manière, il était interdit pour l'autre jumeau d'y aller. Une punition était une punition. Sauf que la déesse Nyx n'était pas dupe. A peine Thanatos avait il pris place à côté de son frère qu'elle débarqua dans la pièce avant de placer ses poings sur les hanches et d'arborer un air assez sévère pour faire pâlir Zeus. La Mort et le Sommeil s'échangèrent un regard avant de se tourner ensemble sur la figure maternelle. Hypnos murmura un « désolé » qui fut étouffé par l'index mâchouillé depuis tout à l'heure. La belle déesse laissa tomber les épaules dans un soupir résigné. Elle se rapprocha des enfants avant de s'agenouiller devant eux et de les prendre contre elle.
Une divinité primordiale était capable de beaucoup de choses. C'était une des seules personnes à avoir une quelconque influence sur le dieu des dieux. Pourtant, si la Nuit devait confesser une faiblesse, c'était bien celle-là : cette incapacité à en vouloir à quelqu'un.
D'un geste rempli de tendresse, Nyx caressa les cheveux dorés de son fils avant de tapoter le sommet du crâne du second – même si elle avait raconté plus d'une fois que ce fut Thanatos qui vit le jour en premier. Et avec un grand sourire que seule les mères aimantes pouvaient arborer, elle prit ses jumeaux dans chacun de ses bras avant de regagner la cuisine.
Thanatos sauta des bras de sa mère pour aller se positionner devant le reste du vase jonchant le sol. Il examina un moment les débris. Il était un dieu, par vrai ? Réparer les objets aussi insignifiants était dans son ressort. Même s'il était tellement jeune. Avant même qu'il ait pu considérer la chose, Nyx tourna la paume de sa main libre vers le haut. Une aura blanchâtre enveloppa le bout de ses doigts. Dans un silencieux ballet, les pièces amoncelées du vase se positionnèrent les unes sur les autres, formant petit à petit à nouveau la forme de l'objet. Thanatos observa, médusé, l'index en bouche, le spectacle qui s'offrait à lui. Hypnos se cala contre la poitrine de sa mère, la tête en dessous de son cou. Nyx caressa des bouts des doigts la chevelure dorée tandis que Thanatos passa à table, les yeux scotchés sur le vase reconstitué.
Le soir venu, quand leur mère partait recouvrir le monde de son manteau ténébreux, les jumeaux somnolaient dans leur lit respectif. Thanatos dormait dans celui contre le mur où se situait la porte. Son frère, celui se trouvait bien entendu de l'autre côté, contre le mur d'en face. Le jeune dieu du Sommeil tapotait ses draps, comme s'il cherchait quelque chose. Il souleva sa couverture jusqu'au-dessus de la tête avant de la rabaisser violemment. Frustré, il se leva de son lit avant de s'agenouiller et de regarder par-dessous. Thanatos, la tête sur le côté, un œil à demi ouvert, observa les agissements de son frère. Ce dernier tendit le bras avant de tirer avec force. Il ne fallut pas plus de quelques secondes avant que le doré soit propulsé en arrière, tenant fermement quelque chose dans la main droite. Il atterrit au milieu de la chambre tandis que Thanatos se plaça assis au bord du lit avant de se frotter les yeux de sommeil. Son jumeau contempla sa trouvaille avant de la jeter au loin, de porter ses mains au niveau des yeux et pleurer à chaudes larmes. L'argenté posa les yeux sur l'objet abandonné de la sorte : un ourson en peluche dont le bras gauche était quasiment arraché. Quelques coutures tenaient encore le tout. C'était la peluche préférée de son frère. Thanatos tapota affectueusement le sommet du crâne de son jumeau. Ce dernier releva timidement ses yeux rougis des mains. Le dieu de la Mort imita alors parfaitement sa mère, quelques heures plus tôt. Paume tournée vers le ciel, aura blanchâtre qui se mit à tournoyer autour de la peluche. C'était un dieu, pas vrai ? Comme sa mère. Alors, il réparera l'objet si précieux pour son jumeau. Parce que c'était comme ça. C'était comme ça que devait se comporter un frère.
La peluche prit une étrange couleur bleu pâle avant d'imploser, libérant dans toutes la pièces des boutons. Des boutons à coudre…des boutons de chemisier. Des rouges, des bleus, des verts, des dorés, des brunâtres, des noirs…Tous tombèrent lourdement sur le sol avant de rebondir, de courir plus loin encore. Thanatos prit une expression franchement désolée, mettant sa main droite derrière la tête. Hypnos se leva, tendit les mains pour tenter d'attraper quelques boutons, les yeux remplis d'étoiles, sourire espiègle au coin des lèvres. Le dieu de la Mort se mit lui aussi à sourire avant d'agripper les mains de son frère et de tourner en cercle avec lui dans la pièce, tandis que les boutons continuèrent à tomber et à rebondir dans leur infernale danse.
Et dans cette petite maison reculée du Mont Olympe, les rires des dieux jumeaux enfants résonnèrent pendant un long moment. |