Bonjour à tous
Ça y est, c’est la fin de Rancœur d’une pierre précieuse… Merci à tous pour votre lecture ! Faites moi part de vos impressions quant à cette fin via les reviews, si le cœur vous en dit.
CHAPITRE 5
La sueur perle à grosses gouttes sur la nuque du plus jeune Malefoy.
Il est là.
Le maître lui fait face, avec ce rictus mauvais qu’il arborait toujours avant que… Non, il ne peut pas penser à cela, pas maintenant, pas alors qu’il vient de passer un moment magnifique avec un jeune brun qui les inspecte du regard, avec cette contracture des mâchoires, ces yeux fulminant de rage, tremblant de colère. Néanmoins, Drago Malefoy ne peut réprimer un frisson.
Ledit rictus n’a jamais, jamais été synonyme de bon moment. Et à en croire la lueur particulièrement malsaine qui brille dans les yeux rouges qui le scrutent, cela risque d’être pire que tout…
Ce n’est qu’au raclement de gorge de son père que le blond réalise que le Lord n’est pas venu seul. A vrai dire, presque tous les Mangemorts présents au Manoir se trouvent ici rassemblés, dans les quelques mètres carrés de la cellule réservée au Survivant. Alors, sentant le poids de tous les regards posés sur lui, Drago Malefoy n’a d’autre choix que d’incliner la tête en direction de Lord Voldemort.
-Maître.
-Drago.
Prononcé par le Lord d’un ton doucereux et absolument dérangeant, le simple prénom de son fils manque de retourner l’estomac de Lucius Malefoy. Et cette impression semble partagée par un homme entravé au mur d’en face, qui, en se débattant avec hargne, rappelle, inconsciemment, sa présence à l’ensemble de l’assemblée. Plus de la moitié lui lance un regard étonné, comme si le châtiment promis à Lucius et Severus avait plus de valeur que la mort imminente du Survivant.
Même Voldemort arque un sourcil étonné –Potter grimace en reconnaissant l’expression typiquement Malefoyenne- avant de sourire davantage encore.
-Tellement pris dans mes préparatifs, (à ces mots, les deux inculpés blêmissent), j’en aurais presque oublié Monsieur Harry Potter, qui nous fait, à nouveau, l’honneur de sa présence. Monsieur Harry Potter, donc, qui devait, si mes souvenirs sont bons, être tué par mon jeune Drago, ici présent.
La rage dans les yeux du Survivant semble avoir décuplé en un dixième de seconde. Deux prunelles. Deux flammes destructrices dans une émeraude en fusion. Lui qui ne s’était jamais attaché à la nature des mots, voit son envie de vivre ravivée par l’emploi d’un simple adjectif possessif. Etonnant.
Ses mots ont eu l’effet escompté, Voldemort le voit. Aussi poursuit-il sa tirade avec un sourire en coin.
-D’ailleurs, pourquoi n’est-ce pas encore fait, trésor ? Non pas que je t’en veuille, mais nous avions d’autres choses de prévues, cette après-midi…
La terreur lisible dans les yeux de l’héritier Malefoy n’égale que de peu le dégoût et l’horreur que reflètent ceux de Rogue et de Lucius. Quant à Potter, il ferme les yeux. Très fort.
-Tu sais à quel point je t’apprécie pour tes nombreuses qualités, Drago. Néanmoins, il te manque deux choses essentielles : l’indifférence et l’obéissance. Peut-être est-ce dû à ton âge, ou du moins partiellement. Mais il n’y a pas de pardon pour Lord Voldemort, et très peu de secondes chances. Au vu de tes bons et loyaux services à mes côtés, j’ai décidé, malgré ton cruel échec quant au meurtre de Dumbledore et à ton inactivité depuis plus de huit heures, de te laisser le choix.
Ou tu appliques ma volonté et tu abats Potter, ici et maintenant, mettant fin à une histoire qui n’a pas lieu d’être –car je ne suis pas prêteur, Potter. Ou alors, tu persistes dans cette voie sans issue, tu refuses de le tuer de ta main, et tu me regardes mettre à mort, non seulement ton Sauveur raté, mais aussi ton père et notre cher Severus. Et alors, après quelques Doloris, tu me supplieras de t’achever, n’ayant plus de raison de vivre. Mais je ne te tuerais pas. Parce qu’il faut t’apprendre, Draco. Que l’Amour n’a pas lieu d’être quand on peut être fort. Et tu te repentiras d’avoir aimé des années durant. Parce qu’on n’oublie jamais. Demande à ton parrain…
Draco Malefoy avait toujours eu la peau pâle. Parfois il fut blême. Mais à l’instant présent, il est purement et simplement blanc.
Blanc. La couleur des anges, et des nuages au paradis, songe Harry Potter. Il avait toujours su que son heure viendrait tôt ou tard, et que jamais il ne gagnerait face au Seigneur des Ténèbres. Et encore moins si jeune...
L’idée que ce soit Drago qui le tue le réconforte, un peu. Au moins les Doloris lui seront-ils épargnés…
-Accio Baguettes de Lucius et de Severus. Au cas où l’un de vous tenterait un acte inconsidéré… Il s’agit là de votre seul châtiment, messieurs. Estimez-vous en heureux….
Draco, nous attendons.
Alors, lentement, Draco Malefoy lève sa baguette. Ses doigts, moites, s’agrippent fermement à l’aubépine.
C’est lui ou c’est tous. Je ne peux pas tout perdre. Je ne peux pas les perdre...
Il lève alors les yeux vers celui qu’il pointe. Sa cible.
C’est un véritable torrent d’émotions qui se déverse alors dans les méandres de son esprit. Réduire à néant son point d’ancrage, n’est-ce pas, quelque part, s’autoriser la noyade ? Se suicider…
L’idée du suicide l’effleure. Et puis il réalise que cette idée est stupide. Ce n’est pas en se détournant qu’on devient un héros.
« Le héros, c’est celui qui surprend tout le monde en faisant l’inverse de ce qu’on attend de lui », avait dit Potter.
Tous s’attendent à ce qu’il échoue. A nouveau. Alors, pour la première fois de sa vie, Drago Malefoy décide d’être un héros. Sa prise se raffermit sur sa baguette.
L’argent accroche désespérément l’émeraude, dans un dernier adieu. Le petit sourire triste qu’affiche le Survivant l’aurait fait douter si ses prunelles n’avaient pas eu cet air de défi. A cet instant, Drago sait qu’ils pensent tous les deux à leur conversation d’il y a quelques heures. Des héros.
L’idée qu’ils songent tous les deux à la même chose au même instant met étrangement mal à l’aise le blond. Un souvenir, lointain, d’une complicité passée. Et esquissée à nouveau, quelques heures auparavant, dans une cellule vide… Pour la première fois, il se surprend à se remémorer des moments futiles, comme une sortie commune à Pré-au-Lard un soir d’octobre, quatre ans auparavant –Potter avait même une feuille morte coincée dans la capuche de sa robe- ou un cours de divination où leur fou rire avait mis Trelawney hors d’elle.
Pour l’héritier Malefoy, revoir ces souvenirs, c’est contraster avec le gamin froid et distant qu’il avait toujours été. C’est accepter d’avoir des sentiments et de ressentir des émotions, aussi étranges soient-elles.
Peut-être est-ce ça, devenir un homme. Accepter de lâcher prise.
Alors, sa main tremble plus fort que jamais. Son corps est pris de soubresauts, les sanglots meurtrissent sa gorge dans une vaine tentative d’être refoulés. Ses yeux crient, son cœur pleure, il lutte en vain. Sa tête se secoue par spasmes alors qu’une litanie de mots insensés coule de ses lèvres.
Se noyant dans leurs larmes, ses yeux s’accrochent désespérément à l’émeraude rassurante… sa voie de salut.
Doucement, les lèvres lui faisant face articulent un « vas-y » muet, alors que Lucius Malefoy l’a crié, le visage ravagé par les larmes. Les ricanements qui s’élèvent de part et d’autre de la pièce se perdent dans le silence. Le moment est solennel. C’est un fait connu : les mises à mort fascinent.
Les yeux rivés sur une scène déchirante qui les ravit, aucun des Mangemorts présents ne remarque que Severus Rogue s’est lentement approché de Drago Malefoy.
Sa décision est prise depuis longtemps. Le Lord avait eu raison : il aime ces deux gamins. Le simple fait de l’admettre lui retourne l’estomac, mais celui de l’admettre maintenant lui retourne le cœur. Tant de temps perdu, gâché, envolé à jamais…
Mais il doit rester fort.
Il le doit, en hommage à l’homme qui lui a fait confiance, un peu moins de vingt ans auparavant, en le désignant comme parrain. Il le doit en hommage à une jeune fille rousse, aimée plus que de raison, et morte par sa faute. Il le doit enfin, en hommage à ce grand blond au regard éperdu et à la main tremblante, et en hommage à cet autre, l’entravé au regard fougueux, le guerrier aux mains liées.
Severus Rogue a conscience des conséquences futures de son acte. Qu’il perdra toute estime, sympathie ou même indifférence. Il devra y renoncer, redescendre plus bas que terre et lâcher sa suprématie.
Peut-être est-ce ça, être un homme. Accepter de lâcher prise.
En observant le jeune Malefoy ne serait-ce qu’une demie seconde, il est évident qu’il ne parviendra jamais à achever Harry Potter. C’est la constatation que fait son père alors que les larmes roulent sur ses joues. Quoi de plus tragique, pour lui, que de voir son fils enrôlé dans une guerre qui n’est pas la sienne, pion malmené d’un combat vain qui lui arrache le cœur, à lui plus qu’à n’importe qui d’autre. Lucius Malefoy réalise alors qu’il va mourir.
Il s’en fiche. Ce ne sont pas, ce ne sont plus les idéaux pour lesquels il s’était battu jadis. Pour Drago, tuer Potter, ce serait se tuer lui-même. Le poids des remords le dévasterait… Il imagine son fils, constamment hanté par le souvenir glacé d’un Potter imaginaire. Il frissonne… La mort est un choix préférable.
Le temps semble suspendu dans la cellule exigüe.
Le silence ambiant n’est brisé que par les sanglots des Malefoy et la respiration des Mangemorts. Quant à Severus Rogue, il pose une main réconfortante sur l’épaule de son filleul. Pour la dernière fois…
Il parvient à capter l’attention de Potter, qui hoche gravement la tête avant qu’il ne puisse esquisser un geste. L’échange a duré moins d’une seconde, le visage de Potter s’est à nouveau tourné vers Malefoy.
C’est le moment d’être un homme, Severus.
Alors, doucement, Severus Rogue recouvre la main tremblante de son filleul de la sienne. Les Mangemorts ricanent devant cette étrange preuve de tendresse. Mais le Maître des Potions n’en a cure. Il murmure des paroles réconfortantes à l’oreille de Draco tandis que son regard de jais accroche l’émeraude sur le visage du fils de Lily Evans.
Lentement, le cœur au bord des lèvres et les larmes ruisselant sur ses joues, Severus Rogue agite doucement la baguette de Drago Malefoy pour le guider, comme un certain Harry Potter avait aidé des dizaines d’élèves à produire le sortilège du Patronus dans la Salle sur Demande, lors de sa cinquième année.
Avec un long mouvement du poignet, la voix rouée par l’émotion, il prononce dans un souffle :
-Avada Kedavra.
Et lorsque le sort le frappe en pleine poitrine, un « Je t’aime » suraigu s’échappe des lèvres de Potter. Un « Je t’aime » qui aurait pu aussi bien appartenir à Harry qu’à Lily. Alors, tant Malefoy, les yeux écarquillés, que Rogue, les traits tirés, tentent de happer le dernier éclat des émeraudes.
Le corps du blond s’affaisse au même rythme que celui du Survivant. Affalé au sol, il fixe avec une haine indescriptible Rogue. Le dégoût, le mépris, l’amertume, la rancœur.
Si l’émeraude s’était ternie, tout était de sa faute.
Les pierres précieuses n’ont-elles pas toujours suscité la convoitise des hommes ?
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Maintenant seul dans la cellule, Rogue, le visage inondé de larmes, se raccroche désespérément au cadavre dont les yeux sont toujours grand ouverts. S’agrippant à la robe rapiécée du sorcier vaincu, fixant son visage, il murmure :
« C’est comme te perdre une seconde fois… »
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Voilà la fin de Rancœur… J’espère que vous aurez aimé ce chapitre final - ou du moins que vous ne me frapperez pas - et que cette fiction vous a plu. A bientôt ! ;)
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