Luciole.
Moi, je n’ai jamais su raconter les histoires. Je ne suis pas comme toi, tu sais. Un seul de tes mots, et on est suspendu au dessus du ciel, à attendre, savoir qu’on va retomber, bientôt, mais s’il te plait, pas trop vite. Je n’ai jamais su parler moi. J’écris, un peu, c’est plus facile, de poser des mots sur le papier. Toi, tu racontes, et les gens sont à genoux, à tes pieds, et tu pourrais les écraser, moi le premier. Mais tu ne vois rien, parce que tu fermes les yeux, et je voudrais me jeter contre toi, et te crier de me regarder. Regarde-moi, ouvre les yeux et ne fais pas semblant.
Nos amis nous attendent, allons les rejoindre et ne les déçois pas. Je m’accroche à ton cou, et je me perds dans tes cheveux bruns, tu as voulu lui ressembler, je sais. Parfois, tes racines blondes apparaissent, et alors c’est un peu de toi que j’entrevois.
Tu poses tes lèvres sur les miennes, et tu te serres contre moi. Il y a ces sourires autour de nous « vous êtes beaux, tous les deux. Vous êtes heureux. » Et oui, heureux, on l’est, ou on essaie, n’est-ce pas ?
Tu me fais l’amour, mais tu ne supportes pas de rester près de moi, après. Tu pars, et tu t’assois contre le canapé, par terre – jamais dessus – enroulé dans sa vieille couverture, les yeux fixés sur la cheminée toujours éteinte. On ne fait jamais de feu, même en hiver, parce que tu détestes ça, ça te rappelle ton enfance, et les matins de Noël aux parfums des bûches qui flambent. Ca te rappelle surtout son rire de petit garçon, et ses yeux émerveillés, et toi, heureux de l’avoir près de toi. Vous vous êtes levés ensemble, vous avez dormi dans le même lit, si l’un de vous entendais le Père Noël, il n’avait qu’à réveiller l’autre. Mais ça n’a jamais fonctionné, vous dormiez toute la nuit, je le sais, tu me l’a raconté. Ce n’est pas de moi dont tu as besoin, Tom, tu le sais. Alors va le rejoindre, je te laisserais partir. Je vivrais sans toi, ou peut-être pas, après tout, mais on s’en fiche, ce n’est pas moi qui doit être heureux, dans cette histoire.
Va t’en, ne nous laisse pas devenir malheureux, on vaut bien plus que ça, toi et moi. Tu dis mon nom « Jude », comme si c’est moi qui m’en allais, et que tu me suppliais de rester. Mais c’est toi qui pars, et trois ans de ma vie vont s’envoler au dessus des nuages. C’est mieux comme ça, de toute façon, tu vas le retrouver, et c’est tout ce dont tu as besoin pour être heureux, ton frère. |