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au 31 Mai 21 :
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Les Éphémères
Par Cloe Lockless
Harry Potter  -  Romance/Général  -  fr
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    Chapitre 3     Les chapitres     4 Reviews    
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Chapitre 1

 

 

1

 

 

 

« C’est fini, dit Neville.

- C’est fini, dit Ginny.

- Harry a réussi, dit Luna.

- C’est fini, dit Susan.

- On a réussi ! dit Neville, Harry a réussi !

- Il y a beaucoup de morts, dit Ginny.

- Où est Hannah, dit Susan. Où sont Ernie et Hannah ?

- Le château est plein de ruine, dit Luna.

- J’ai envie de rire, dit Neville. Hannah est là. Nous avons gagné. J’ai envie de hurler que oui, enfin c’est fini ; mais il y a des morts…

- Est-ce que c’est vrai ? dit Ginny, je ne reconnais pas la main de Harry. La sensation de sa main dans la mienne est étrange. Je veux pleurer. Je n’arrive pas à croire que Fred soit mort. Il est là. Il est étendu juste là. On ne peut pas l’emmener.

- Hannah est là-bas, dit Susan. Un ancien élève que j'ai déjà vu porte le corps de Colin ; ça me dégoûte. Mais Hannah vient vers moi.

- McGonagall est près du Professeur Vector, dit Luna. Le professeur de runes est mort. Fred Weasley est mort. Lavande Brown est morte.

- Les corps sont rangés, dit Ginny. C’est une horreur de futur cliché d’Histoire – les brancards parallèles, les draps clairs, les têtes tournées. Il n’y a personne pour prendre la photo… Ça restera dans nos têtes.

- Neville a toujours son épée de Gryffondor à la main, dit Susan. Les gens se dirigent vers la Grande Salle – comme des fourmis. C’est fini.

- Je ris, dit Neville, Hannah et Ernie rient, je crois même qu’Ernie a les larmes aux yeux quand il tape du poing sur la table pour que de la bouffe apparaisse, qu’on retrouve notre Grande Salle.

- Je n’ai pas trop le cœur à manger, dit Ginny, mais le verre de jus de citrouille entre nos mains est presque comme un retour au Poudlard d’avant, avant les Carrow. Maman ne s’arrête pas de pleurer, Remus et Tonks, George – Charlie est encore là-bas.

- Harry est épuisé, dit Luna. Je voudrais pouvoir m’isoler aussi. Alors je tends la main vers le plafond, comme s’il y avait un Énormus à Babille. Le temps se couvre.

- Il y a un sursaut dans la foule, dit Susan, tout le monde se retourne. Mais ce n’est que Luna. Certains rient, d’autres la regardent en silence, tout le monde ne l’a pas entendue.

- Harry est parti, dit Luna. Je ne veux pas rester sous les Volatiles. Bill Weasley me croise à la porte. Je lui souris. Il me sourit. Il reste les jumelles Patil dans le hall, autour du corps de Lavande.

- C’est fini, dit Blaise. Daphné, Théo et les autres doivent bien être quelque part. Les couloirs sont de nouveau déserts. Je n’en pouvais plus des Carrow. Et de Snape. Et de Crabbe et Goyle et Malfoy, de l'Armée de Dumbledore et de la stupidité sans fond des Rafleurs. Un fantôme me croise. Où est Peeves ? Lovegood est là. Qu’est-ce qu’elle veut…

- J’ai trouvé Blaise Zabini, dit Luna, dans le couloir du premier étage, près des salles de classe : il n’a pas dû s’enfuir avec les autres. Je lui dis « … ». Il ne répond pas. Il ne devrait pas s’aventurer trop loin : les escaliers sont démolis, des choses tombent des murs. Papa.

- Elle me prend la main, dit Blaise, elle m’entraîne vers le grand escalier de marbre pour redescendre, comme si on nous menaçait. Mais lâche-moi !

- Luna est avec Blaise Zabini dans le hall, dit Susan. Il proteste d’une voix forte, mais Luna continue son chemin. Il regarde. Les morts. Ceux qui viennent vers la Grande Salle. Il se tient le bras où Luna le touchait à l’instant.

« Il vient vers nous. »

 

*

 

« Colin est mort, dit Neville, Lavande est morte, Parvati à ses côtés est hystérique : Greyback lui a arraché la gorge. Mme Pomfresh essaie de la calmer, Padma est là. Le Professeur Lupin et sa femme…

 

« Le corps de Rogue a été retrouvé. On prépare déjà l’enterrement de ceux dont les familles sont présentes, tous nos héros de guerre, nos camarades de classe, de résistance ; près de la tombe de Dumbledore, hors de l’École, juste à l’extérieur de Pré-au-Lard ou sur le chemin qui mène au village, entre les arbres,… on hésite encore. Les statues gardiennes se sont remises en place. On n’a pas rouvert les dortoirs – personne ne veut y dormir – tout le monde est à Pré-au-Lard, dans les auberges, ou sur des lits de camp dans la Grande Salle, à l’infirmerie, dehors, dans le parc. Il a plu tout à l’heure, maintenant le jour revient. Il y a eu une exécution sommaire : un Rafleur ou un Mangemort qui n’avait pas pu s’enfuir. Un Auror l’a simplement abattu. Les Malfoy ont été arrêtés. Harry, Hermione et Ron sont revenus nous parler, un peu, mais de tout sauf de ce qu’ils ont fait, pour l’instant, il y a trop de choses à reconstruire dans le château.

- L’enterrement a lieu dans deux jours, dit Susan. Peut-être trois, pour ceux qui ne sont pas rapatriés dans leur famille. Certains professeurs, très peu d’élèves ; les décisions ne sont pas toutes prises. Hannah est restée, nous sommes tous restés. Ma mère est venue, le père d’Hannah, Ernie reviendra pour les funérailles.

- Des Guérisseurs et des Médicomages sont venus de Ste-Mangouste, dit Ginny. Fred sera enterré avec notre famille, près de chez nous. L’enterrement a lieu après-demain. George ne va pas bien.

- Je reste ici, dit Luna.

- Un hibou frappe à la fenêtre, dit Dennis, un hibou brun. On ne s’attendait pas à avoir de nouvelles si vite. Colin est parti hier, ou avant-hier, je n’ai encore pas dormi de la nuit. Maman a peur : pourquoi Colin n’est pas revenu s’il nous écrit ? Je dois ouvrir la fenêtre. Je ne vois que des cadavres d’oiseaux.

- L’École est un très grand champ de ruines, dit Luna, on ose à peine entreprendre de dégager les décombres. Les statues intactes ont regagné leurs alcôves, d’autres jonchent le sol. Plus loin, le lac s’étend sous un ciel gris.

- Harry vient avec nous, dit Ginny. Hermione et Ron ne se lâchent plus. Harry est avec moi. Bill est parti retrouver Fleur. Ils ont fait au visage de Fred un air sérieux qui ne lui ressemble pas. On ne nous laisse pas le temps de faire le deuil.

- Maman a hurlé, dit Dennis. Papa me serre l’épaule trop fort et me presse de questions, la lettre de McGonagall à la main, même si c’est encore moi qui la tiens : Colin est mort, je le savais, je le savais quand il nous a quittés ; il me demande ce qu’on va faire, il ne sait pas ce que c’était que cette guerre – qu’est-ce que j’en sais moi ?

- Ma mère est d’une froideur extrême, dit Blaise. C’est comme si rien ne s’était passé.

- C’est à moi d’écrire à l’École, dit Dennis, pour demander comment on peut s’y rendre : Papa, Maman et moi. Ou au moins à Pré-au-Lard. Est-ce que mes parents peuvent aller jusque là ? Je sais qu’il y a des barrières. Maman me dicte, elle parle, sanglote par-dessus mon épaule – comment veux-tu que j’écrive ? Il y a encore quelques jours, nous étions quatre. Nous étions quatre et protégés.

- Il y a du vent, dit Ginny, et nous y sommes. Le temps passe effroyablement vite. Nous tenions sa main déjà froide. Nous voilà déjà tous autour de sa tombe, cernés de vent. George ne cesse de répéter « mais comment tu as fait, comment tu as fait ». Sa main sursaute devant lui, comme s’il voulait le sauver.

- Le manoir n’a pas bougé depuis Noël, dit Blaise. Elle était là comme aujourd’hui, les yeux rivés sur un parchemin, tasse de thé entre trois doigts, du même geste que lorsqu’elle agite une coupe de vin clair devant sa bouche aux rallyes, aux cocktails… La violence est dans cette tranquillité.

- À l’Hôpital Ste-Mangouste, on nous demande ce qu’on veut faire, dit Dennis. Colin pourra être ramené ici dans quelques heures. Maman et Papa pensent qu’il aurait voulu être enterré là-bas, n’est-ce pas ? Il adorait Poudlard.

- Nous préparons le thé pour Andromeda Black, dit Ginny. Elle ne viendra pas aux funérailles officielles pour s’occuper de Teddy, et Remus et Tonks seront enterrés demain. Cela l’inquiète de laisser sa maison. Les expressions autour du thé sont usées. L’aiguille de Fred semble cachée sous toutes les nôtres groupées ici, au même endroit.

- Cela a plus de sens, dit Dennis, oui, mais que dire alors aux cousins, à grand-mère toujours au bord du commérage, à grand-père qui désapprouve toujours ? Il faudra le veiller ici, l’enterrer deux fois, plusieurs personnes vont venir…

- Harry avait presque oublié l’attaque du Terrier, dit Ginny. Il n’a pas su l’angoisse de la maison rangée après la bataille. On ne peut pas ressentir ce sentiment-là deux fois. »

 

« On enterre Snape avec les honneurs, dit Luna. La cérémonie a lieu près de la tombe de Dumbledore, où il y a suffisamment de place pour tous se rassembler. C’est Kingsley Shacklebolt qui parle pour lui : ni McGonagall, ni Harry n’ont voulu le faire. Des mots pour rétablir l’histoire de tout ce qu’il a fait pour nous depuis le début.

- Un discours sur la Justice, dit Susan. Un rappel que rien n’est encore fini, et qu’il nous faut à présent reconstruire. C’est un membre de l’Ordre du Phénix. Il va devenir Ministre.

- Il me tient par la taille, dit Ginny. Nous sommes debout au premier rang et Shacklebolt parle. Je sais que je pourrais tomber.

- Maintenant McGonagall s’adresse à nous en tant que nouvelle directrice, dit Neville. Elle rend hommage à l’AD et aux cinquante qui sont tombés pendant la Bataille Finale ; à Harry et à nous tous et aux familles qui se sont battues ; aux familles des nés-moldus et aux victimes des persécutions ; à toutes celles qui ont perdu des proches. Poudlard redeviendra le lieu d’instruction et de vie qu’il a toujours été. Enfin, les cercueils sont acheminés jusqu’à la cour de la Cabane Hurlante. Je fais léviter celui d’un camarade Poufsouffle. Les noms sont saufs dans nos mémoires – Jamie Dorny, Eloise Midgen, Ritchie Coote – nous ne les oublierons pas.

- Je reste derrière, dit Susan. Je reste pour Lavande. Je reste pour Hannah qui aimait beaucoup son professeur de Runes. Je reste pour l’AD, je reste pour clore l’AD, je reste parce que c’est ma place. Mais je n’irai pas plus loin. Le soleil est brûlant entre les bouffées de vent et les nuages ; ils ne pouvaient pas choisir plus glauque comme endroit. La Cabane Hurlante ne fait aucun bruit mais les fantômes à présent sont réels.

- Voilà Papa dans le couloir de l’hôpital, dit Luna. On l’y a retenu après l’avoir sorti d’Azkaban : le contact des Détraqueurs l’a rendu un peu instable. Cela se dissipe. Mon petit Papa. Il sent la mort mais aussi la poudre de pimprenelle, l’odeur de chez nous. Il aurait eu sa place parmi nous, à la cérémonie de Poudlard.

- Il nous faut soutenir Luna à notre tour, dit Ginny. Dans les couloirs bondés, retrouver une force d’ancrage, mais je sens Harry, Hermione et Ron mal à l’aise ; plus mal à l’aise que des amis qui ne savent pas bien où se mettre.

- Il y a quelque chose de cassé, dit Luna. Il faut que je reconnaisse que c’est en petits morceaux.

- On ne me forcera pas à le voir, dit Dennis. Je reste à la porte. Sur ma petite chaise d’attente dans le couloir je me replie ; les patients et les proches parents défilent, et je m’emplis du va-et-vient douloureux. Je ne veux pas le voir. J’ai assez donné. Les pas sur le sol du couloir, le bruit des robes des Guérisseurs et des Médicomages qui claquent, la ligne horizontale des brancards qui passent très près – ils ne me toucheront pas. Je tombe dans le lac et le raconte à mon frère, tout fier, je porte le manteau énorme du garde-chasse. Je suis seul et mon frère n’a jamais existé. »

 

*

 

« Ma mère est une danseuse hors pair, dit Blaise. Ses gestes sont précis et coupants, ses sourires et sa façon de tenir les verres impossibles à ne pas regarder ; elle passe entre les mailles du filet comme s’il n’y avait rien. Il n’y a guère qu’une fois où je l’ai vue se baisser, et c’était à ce Noël dernier, battant légèrement en retraite pour ne pas se mouiller, comme si elle savait la chute de Voldemort malgré tout inéluctable et qu’elle préparait d’avance ses alibis – l’idée de guerre, ici, a une fin.

« On ne peut rien lui reprocher. Les maris qui composent sa légende sont invisibles, ses amants dont tout le monde sait l’existence, je n’en ai presque jamais vu aucun. Je sais qu’elle détruit, je sais que l’argent rentre dans ses comptes comme s’il avait toujours été là, que nous sommes riches d’héritages multiples comme de dignes sang-purs. Je sais qu’elle aime les anneaux d’or et les diamants, la vaisselle rare et certaines tentures précieuses, mais jamais je ne l’ai vue dépenser elle-même. Elle se fait toujours tout offrir.

« Alors ce soir, alors qu’elle s’apprête à se rendre à la première soirée officielle depuis la fin de la guerre, au milieu des résistants, des incontournables, elle trouvera sa place, comme tous ceux sur qui l’Histoire n’a pas de prise, que seuls le temps, l’âge, l’usure, peut-être, délogeront ; elle ira assister aux procès qu’il faut, m’emmènera à ceux qui comptent, ceux que je veux voir, si je le demande, traversera la répression sans heurts parce que la politique n’est jamais qu’une perturbation provisoire, répétée, et qu’elle est immortelle ; elle tirera peut-être, en passant, un peu sur les mailles du filet qui nous enserre mais d’un geste voulu, sans lâcher sa coupe d’hydromel coupé de rhum et de joyaux de grenade ; elle la soulèvera pour moi, peut-être, si je souhaite la suivre…

 

- Après mai, puis juin, enfin, l’été s’installe, dit Neville. Grand-mère m’écoute énormément. Hannah m’écrit presque tous les jours : Justin est revenu, il a écrit à Ernie et ils vont tous se revoir bientôt – « j’espère te revoir bientôt » – quand Susan voudra bien sortir de sa tanière… Il y a donc dans ses lettres Justin, Ernie, les silences épisodiques de Susan, le quotidien avec son père, qui depuis l’année dernière a laissé la maison dans un état lamentable ; c’est ce qu’elle a vécu de pire depuis la peur à l’École sous les Carrow : à présent que la guerre s’éteint, sa mère n’est réellement plus là.

« J’écris à Harry et Ginny – Hermione et Ron sont partis retrouver les parents d’Hermione en Australie et Harry ne va pas mal. L’atmosphère n’est pas au mieux au Terrier, comme on peut l’imaginer. Luna m’écrit me disant qu’elle va retourner à Poudlard aider à la reconstruction si elle le peut – que je devrais venir – elle a déjà prévenu Flitwick et McGonagall. Aucun commentaire sur son père à part « Papa va bien, mais je ne peux pas rester ». Peut-être que j’irai, moi aussi.

- J’aborde les grilles du parc, dit Luna. Un Auror réclame mon identité d’une voix excédée : il me fait décliner qui je suis, ce que je viens faire ici, la zone est interdite au public. Mais Flitwick m’aperçoit au loin : Luna Lovegood, une élève. La directrice est au courant de sa visite et entrez, entrez, comment allez-vous… Il m’invite à le suivre comme si nous étions de très vieilles connaissances et qu’il voulait me montrer la petite maison de campagne qu’il aurait acquise récemment et serait en train de restaurer : ils travaillent en ce moment à reconsolider les barrières anti-moldus et celles de transplanage, qui se sont beaucoup affaiblies quand le Château a commencé à régénérer ses murs. Sa voix est celle des belles années, des premiers Alohomora. Le professeur de Sortilèges ne peut s’empêcher de me montrer un endroit précis de la façade nord où l’on sent particulièrement bien l’ancienne magie à l’œuvre. C’est comme une vieille créature.

« J’écris à Neville, je n’ose pas écrire à Ginny. Je lui écris tout de même. McGonagall a l’air droite mais épuisée – comme si le Château avait fait d’elle sa nouvelle source. Les traits de son visage sont plus marqués que jamais. Les quelques Aurors qui sont là l’agacent. On ne l’a jamais autant vue sous sa forme de chat rôder dans les couloirs.

- Luna m’écrit, dit Ginny. C’est comme si elle n’avait jamais quitté Poudlard. Ici tout va bien. Harry est parti chez Andromeda Tonks voir son filleul et la voir elle, mais je n’ai pas pu, pas voulu, je ne sais pas, je n’ai pas voulu sortir. Je me traîne, entre ma chambre où j’apprécie le silence, les vieilles choses – un ours d’un de mes frères que j’ai volé, une odeur familière – et le salon, la cuisine avec Maman ; je croise parfois George dans les escaliers mais il ne me parle pas.

« Je me demande comment va son père. Harry voulait de ses nouvelles. Il m’a raconté ce qui s’était passé cet hiver, mais, quoiqu’il en soit, il a passé des mois à Azkaban, ce n’était que pour Luna. Elle est retournée à Poudlard si vite. Moi je ne pourrais pas.

- Mon père va pouvoir revenir d’exil, dit Susan. Ma mère s’active et me presse les joues – ses paumes tremblantes, ses lèvres froides – il m’a fallu six jours pour oser enfin réinvestir ma chambre. Les malles bouclées à la hâte et les sacs restent le long du mur de l’escalier, dans le passage, repoussés régulièrement d’un coup de pied de ma mère, suscitant des remarques vives quasi quotidiennes « Susan ! … » C’est moi. Oui c’est moi Maman. Le sol est violent sous mes jambes.

- Les repas sont très silencieux, dit Dennis. La tante et la petite cousine sont venues à l’enterrement et il a fallu jouer la mascarade une dernière fois : il est mort dans un accident de voiture. Je me mets à pleurer quand je pense « Colin, comme les parents d’Harry Potter, la même mascarade. » Grand-père et grand-mère qui savent ont insisté pour venir nous voir, une fois. Il n’y avait rien à dire.

- Hermione et Ron sont en Australie, dit Ginny. Les nouvelles sont sporadiques et écrites à deux mains, écriture fine en dessous de la mal soignée, ou l’inverse. La première fois, c’est Ron qui nous raconte que tout ne s’est pas tout à fait bien passé : Hermione tient bien son caractère de quelque part et l’histoire est très, très longue à expliquer. Elle y est allée toute seule. La deuxième fois, c’est Hermione qui commence, « tout va bien, je suis contente que Ron soit là, nous sommes allés dans une communauté sorcière près de Canberra… ». Elle attend des nouvelles de ses parents. Ici tout va bien. Bill et Fleur sont passés pour deux jours. Les Delacour nous parlent à la cheminée.

- Je n’y vais pas, dit Neville. Il est temps plutôt d’aller à l’aile Janus Thickey, seul. Bénéficiant de mon statut, je peux entrer dans le couloir en responsable. Mais ça n’a pas de sens. »

 

*

 

« La fenêtre est restée ouverte, dit Ginny. Le jour se lève en traits brisés sur mon mur, par l’entrebâillement de la fenêtre. Je vais la refermer. Il est six heures et demie. Harry dort. Soudain, je n’ai plus sommeil. Je pourrais sortir en cachette comme je le faisais petite, je pourrais revenir juste avant qu’il ne se réveille, me rendormir quand il se lève, comme ça, je serais un peu seule. Je sens sa chaleur. Son dos est à portée de main.

« Tout le monde dort. Il est très tôt, la maison est comme elle l’a toujours été lorsqu’elle m’appartenait à moi seule, quand je sortais voler sur les balais de mes frères ; je les ai tous essayés ; j’ai toujours préféré le balai de Charlie, ou de Fred, mais dans la pénombre et le calme je ne veux que celui de George.

« L’air dehors est à pleurer après ces journées interminables, il y a des traînées rouges au dessus des collines noires et des champs. Je tourne autour du pommier. Je vois les gnomes. Et soudain je plonge, attrape celui-là et remonte pour le jeter de toutes mes forces, je manque de tomber. Je me pose, le gnome est là derrière le buisson. Reviens ici, connard ! Je vais te crever !

« Je ne veux plus voler ; le bois me brûle comme si je n’y avais plus touché depuis des mois, des années, je voulais juste voler. Le salon est resté calme, mais dur. George est sur le canapé. Il m’a fait peur. Dans le foutras de plaids et de rayons oranges, je ne l’avais pas vu. Il n’a pas pu dormir dans sa chambre et il me regarde. Il voit que j’ai son balai à la main. Il me dit « tu as volé ». Je lui dis « un peu ». Il me demande si je veux voler, il s’est redressé brusquement. Je l’accompagne au placard et il prend le balai de Fred, le visage entièrement vide.

« Nous sortons voler. Je me demande si cela peut marcher. Nous sortons voler tous les deux : la protection de mes secrets d’enfance revient.

« Mais je vois George partir. Je le suis, mais lui ne me suit pas quand je tourne. Je le vois se poser dans le champ et jeter le balai devant lui. J’ai peur.

« Je n’y arrive pas, me dit-il. Il s’accroche à moi comme je ne l’ai jamais vu. Moi aussi j’ai mal, mais je voudrais lui rendre Fred. « Qu’est-ce que je vais faire ? »

« Ce matin, l’enveloppe m’attend dans la cuisine.

- La lettre de Poudlard est arrivée, dit Dennis. Déjà en août, presque mi-août – elle aurait dû arriver bien avant. Je l’avais presque oubliée. Il n’y en a qu’une et elle est adressée à mon nom : Dennis Crivey, En raison des événements récents et de la politique du Collège pendant l’Occupation, vous n’avez pas pu mener à bien votre quatrième année de scolarité. Nous vous proposons donc de reprendre votre scolarité en quatrième année, ou bien de passer les examens de contrôle qui seront organisés courant septembre pour les élèves qui souhaitent rattraper certaines évaluations. Vous pouvez si vous le souhaitez conserver votre place dans le dortoir de vos anciens condisciples ou être transféré dans le dortoir de vos futurs camarades de classe. Pour cela, veuillez nous faire part, par retour de hibou, etc, etc. Bien cordialement, Minerva McGonagall, Directrice.

- Il me faut bien mettre les pieds chez moi à un moment ou à un autre, dit Luna. L’enveloppe contenant la lettre et la liste des fournitures scolaires m’est remise en main propre par la Directrice. Ils me gardent ici autant que je veux, mais ils n’ont plus besoin de moi. Il faut que je parte. Je peux ramener Papa de Pré-au-Lard et nous réinstaller à Londres. Mais on me chasse.

- J’ai fini, dit Susan. C’est à moi de prendre les décisions et plus jamais je n’aurai à y retourner. Plus jamais.

- Hermione va retourner à Poudlard avec moi, dit Ginny. On lui aurait donné ses Aspics d’office mais on ne la refera pas. Il me faut les miens. Il faut continuer, finir pendant que Ron et Harry partent en formation d’Aurors. Il manque du monde. Ils ne pourraient pas rester les bras croisés derrière une table d’école alors qu’il y a tout à refaire. Je vais devoir retourner à Poudlard. Je ne suis pas allée aider Luna. J’ai passé toutes les vacances avec Harry, à aider Maman, à tuer le temps…

- Nous revoici tous ensemble au Chaudron Baveur, dit Susan. Hannah, Ernie, Justin et Susan, autour d’une bièraubeurre – dans la lumière d’or et le boucan, le fracas des verres et des conversations habituelles. Hannah, Ernie, Justin et Susan : les quatre qui auraient dû se marier entre eux, avoir beaucoup d’enfants, se retrouver comme nous nous retrouvons ici à quarante ans, à cinquante ans, pour se remémorer notre bonne vieille jeunesse…

« Justin n’a pas du tout changé, Ernie a quelques cheveux blancs, trop pour ses dix-sept ans, mais il sourit, déjà ivre de bonheur – Justin est là, je me demande ce qui s’est passé. La guerre m’étouffe. Hannah me dit tout va bien se passer et me presse la main. Nous soulevons les bières. Nous trinquons à notre santé, à nous, à la vie qui continue, après tout.

« Ernie s’est inscrit en formation de médicomage, Hannah et Justin retournent à Poudlard – le sourire léger, un peu triste de Hannah, le bref silence autour de Justin. J’ai eu mes Aspics en Histoire de la Magie et en Métamorphose, Ernie a contacté Slughorn pour les siens. Moi ? Je ne sais pas, j’irai sans doute faire du Droit au Ministère si c’est possible. Oui, les inscriptions doivent être ces jours-ci.

- La sorcière déjà visiblement excédée, à seulement neuf heures et demie du matin, me prend le formulaire des mains, dit Blaise. Elle le parcourt du regard, cochant, rayant des cases, poussant un rire bref de temps à autre – « Maison ? » demande-t-elle. Je n’aime pas sa voix. Je réponds « Serpentard ». Un bref regard par-dessus les verres coupés de ses lunettes, dignes de feu Dumbledore ; elle a un spasme au coin des lèvres et hoche la tête. Garce. Sa mine s’inscrit dans ma mémoire avec une très grande clarté.

- Maman franchit la porte de la chambre de Colin, dit Dennis. J’entends son souffle comme lorsqu’elle soupirait devant le désordre qu’il laissait, mais je ne peux pas avancer. Il y a des livres à reprendre. Le Livre des sorts et enchantements niveau 4 est dans ma chambre depuis l’hiver dernier déjà, mais j’ai continué des options ; et puis il faut bien faire quelque chose de son matériel de potions. Je l’entends buter sur quelque chose et étouffer un cri, ou renverser un bouquin, je ne sais pas, mais ça suffit…

- L’ordre s’est un peu rétabli à Sainte-Mangouste, dit Neville, et la deuxième visite sans grand-mère m’angoisse moins que la première. Ils ont donné à ma mère une nouvelle camarade de chambre. Mon père s’est attaché à l’angle opposé à la fenêtre et se met à geindre quand on cherche à l’en déplacer. Il me paraît dérisoire d’essayer de leur raconter mon projet pour les mois à venir, alors je reste à l’extérieur de la salle de jour, je leur explique en pensée le cursus, le grognement désabusé de grand-mère, Harry, Ron et moi partons suivre un entraînement accéléré, nous continuerons à nous battre pour réparer, nous assurer que ça ne recommencera pas, je n’ai pu passer aucun Aspic mais le petit Ordre de Merlin qui trône sur la commode est plus efficace que n’importe quel O en Défense contre les Forces du Mal, Potions, Botanique. Vous seriez fiers de moi, vous serez fiers de moi, j’ai très sincèrement l’espoir que tout ira mieux.

- La maison semble avoir changé de taille, dit Ginny. Je suis la dernière à vivre ici – avec Ron, avec Hermione et Harry qui nous tirent plus loin dans la vie que Fred ne connaîtra pas. J’ai une sorte de sœur au retour d’Hermione – je subis les reconfigurations une à une quand Charlie s’en va, quand Ron revient, quand Harry et lui repartent et que l’on est entre filles, quand je me retrouve seule avec Harry, avec Papa sans George, et avec George sans Fred… Même le retour de Percy paraît obscène. Une douce illusion de scènes d’avant : Maman nous prépare le thé, je prépare le thé pendant que Maman reste assise, Papa prépare le thé, et Percy esquissera le geste, voudra s’assurer que je suis là et que je ne lui en veux pas, qu’il ne manquera pas d’autre moment important de la famille. On lui a pris Fred à l’instant où il revenait – Fred qui lui avait donné l’absolution. Je n’entends les mots qu’il a reproduits à l’enterrement que maintenant. Je crois que j’ai déjà cessé de grandir.

- J’ai épuisé toutes les ressources pour m’occuper, dit Dennis. Dans une semaine, je devrai retourner au Collège, prendre le Poudlard Express et affronter mes anciens camarades, sans savoir qui sera là. Tout le monde a survécu sauf Colin ; il n’y a pas d’autres morts. Maman me demande si je n’ai besoin de rien, s’il nous faudra retourner dans le quartier sorcier car ils travaillent lundi, et qu’il faut prendre le train. Ma malle est déjà presque prête : toutes les affaires sont autour et je n’ai plus rien à faire que de tout mettre en ordre, lentement, en commençant par les bords. Maman voudrait m’aider. Mais mon petit compas d’astrologie l’emplit d’horreur.

« Le couloir me paraît long. Pour la deuxième fois seulement depuis juin, j’ouvre la porte de la chambre de Colin. Maman a fait un peu la poussière. Il y a des trous dans les étagères mais elle n’a pas refait le lit. Il manque du linge par terre… Cette fois, j’entre. Je ne suis pas assailli par la silhouette électrique de mon frère qui veut me montrer ses toutes nouvelles photos. L’appareil est posé sur le bureau. Il me l’avait fait essayer, une fois. Il voulait que je le prenne en train de lire son tout premier livre de Potions avec un air sérieux. Et on le voit jeter des regards anxieux et pétillants vers l’objectif comme s’il me disait « c’est bon ? c’est bien cadré ? tu as appuyé ? »

« Le cliché est en bas.

« J’avais neuf ans. J’espérais être un sorcier aussi.

« Je me souviens. La courroie passe banalement autour de mon cou. Il reste encore une ou deux photos à prendre. Alors je prends la chambre.

« Puis je la prends une deuxième fois. »

 

 

 

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« La mort sous le pommier », c’est le nom que cette contraction, cette rigidité garderont toujours pour moi. Il y avait là des nuages qui flottaient, pâlement gris ; et l’arbre impitoyable ; l’arbre implacable à l’écorce d’argent ciselé. Ma vie palpitait en vain… Je ne pouvais passer outre. Il y avait un obstacle. Je me suis dit : « Je ne puis pas surmonter cet obstacle incompréhensible. » Et les autres passaient outre. Mais nous sommes tous accablés, tant que nous sommes, par la malédiction des pommiers, par l’arbre impitoyable que nous ne dépasserons pas.

 

« Neville », Virginia Woolf, Les Vagues.

(Traduction de Marguerite Yourcenar.)

 

 
 
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