Chapitre 12

Janvier - La pensine

Dans le présent, 1er Janvier, 17 heures, Square Grimmaurd

- Tu dis toujours que je ne suis pas drôle, mais pour une fois on s'est bien amusés !

Harry ouvrit lentement les yeux. Il tourna la tête et se retrouva face à un Neville endormi, la bouche ouverte, la respiration lente. Il esquissa un sourire amusé.

Oh ma tête !

Il fit une grimace de douleur et tendit le bras pour attraper sa bouteille d'eau.

Par Merlin, où est cette satané potion anti-gueule de bois ?

Neville et lui avaient déjeuné, parlé un peu de la soirée - et Harry avait été rassuré de voir qu'il n'était pas le seul à avoir des trous noirs - puis étaient partis se recoucher. Neville avait sa propre chambre d'amis Square Grimmaurd, mais sans avoir besoin de se concerter, il s'était endormi dans la chambre d'Harry. Et le brun lui en avait été extrêmement reconnaissant : un vrai ami sait quand l'autre a besoin de compagnie.

- Je dis juste que tu as eu la main un peu forte sur le rhum, Mione, c'est tout ! Répondit Ron.

Par Salazar, pourquoi Ron criait-il dans sa tête ?

- Hé bien la prochaine fois ce sera toi qui le prépareras ! Au lieu de critiquer, tu te coltineras les préparations et c'est moi qui viendrais râler si tout n'est pas parfait ! Répliqua la voix suraiguë d'Hermione.

Le Gryffondor se redressa dans son lit, inquiet. Hermione avait l'air vraiment furax.

Depuis son réveil à l'infirmerie, Harry avait remarqué que Ron et Hermione se parlaient peu et semblaient même s'éviter. Il se souvenait à peine du début de leur histoire, après la guerre, mais il savait au fond de lui que ses amis étaient amoureux : c'était évident, et ils l'étaient déjà bien avant la Bataille Finale.

Neville marmonnait des trucs dans son sommeil et le brun retint un sourire moqueur.

Puis il fronça les sourcils. Ron et Hermione devaient sacrément s'engueuler pour qu'il les entende de sa chambre.

- C'est juste que tout le monde était sacrément bourré, tu l'as bien vu ! Beugla la voix de Ron.

- Peut-être que tout le monde a trop bu de punch ! Peut-être que tout le monde ne sait pas gérer sa consommation d'alcool ! Cracha Hermione.

- Qu'est-ce que tu insinues ? Demanda le roux.

- Rien !

- Tu penses que je bois trop ? Fit la voix de Ron.

- Je pense que tu bois souvent !

- Tu penses que je sors trop ? Siffla Ron.

- Je pense que tu sors beaucoup !

- Et bien moi je pense que tu ne sors pas assez !

- Et bien moi je pense que tu as oublié qu'on avait les ASPICs à la fin de l'année !

La voix d'Hermione était beaucoup trop aiguë. A la limite de l'hystérie.

- Hé bien moi je pense que tu as oublié tout ce qui n'était pas les ASPICs !

- Hé bien moi... Commença la brune.

- Hé bien moi je pense que j'en ai marre de sortir avec une fille qui trouve un livre plus intéressant que moi ! La coupa Ron.

- Peut-être que j'en ai marre de sortir avec un mec dont la seule ambition dans la vie est de battre Dean au Piccolo (1) ! Fit la voix tranchante de sa meilleure amie.

Harry retint sa respiration. Un long silence suivit cette déclaration.

- Peut-être qu'on n'est pas si semblables, finalement, fit la voix tremblante d'Hermione.

Le Survivant n'osait pas bouger. Peut-être que dans quelques secondes, tout allait redevenir comme avant. Peut-être que Ron et Hermione étaient fatigués et que les mots dépassaient la pensée. Peut-être qu'ils allaient rire, s'excuser et s'embrasser.

Il entendit une porte claquer et un gémissement de douleur. Il se leva, enfila un sweat-shirt, et descendit quatre à quatre les escaliers. Dans le salon se tenait un Ron hébété.

Harry franchit la distance qui les séparait et le prit dans ses bras.

Putain de merde.

oooo

Dans le présent, 10 Janvier, Pré-au-lard

Le jeune homme la toisait de haut en bas, les lèvres serrées. Il ne dirait rien tant qu'elle ne lui poserait pas de questions, comme toujours.

Le Docteur Morgane Mur soupira et son esprit vagabonda jusqu'à la petite Weasley, à qui elle avait de nouveau prescrit des anti-dépresseurs, plus puissants cette fois-ci. Elle détestait ces médicaments moldus qui plongeaient les gens dans une sorte de coma où il n'y avait plus de douleur, certes, mais plus de joie non plus.

Mais Ginevra avait frôlé l'hospitalisation d'urgence en Octobre et Molly Weasley était venue avec elle lors des consultations qui avaient suivi. Morgane s'était retrouvée au pied du mur : il fallait que la petite finisse son année à Poudlard. Il fallait qu'elle la finisse et qu'elle parte faire ses études quelque part, qu'elle sorte de cette école où son frère aîné était mort. Et pour obtenir ses ASPICs elle devait aller en cours. Et pour aller en cours elle devait avoir un corps en état de tenir le rythme. C'était pour ça que Morgane avait signé l'ordonnance. Parce qu'elle ne voulait pas la retrouver dans son cabinet l'an prochain.

Elle ne savait pas si elle avait fait le bon choix. Elle avait étudié la psychologie, bien sûr. Fait des stages, bien sûr. Mais l'âme humaine reste insondable ; ce qui marche pour une personne ne marche pas pour une autre. Chacun doit trouver son propre moyen de guérir.

Le cas du jeune homme qui venait lui faisait face était très différent. Alors que Ginny tentait vainement de s'en sortir en s'auto-persuadant (sans grande efficacité, certes) qu'elle pouvait continuer à vivre comme avant, le jeune homme qui lui faisait face, lui, semblait avoir accepté sa tristesse.

Il était une boule de douleur lors de la première consultation ; un adolescent pas encore adulte mince, tremblant, rongé par le chagrin. Mais au fur et à mesure, il avait recommencé à manger, à dormir, et son corps portait moins les séquelles du traumatisme qu'auparavant. Alors Morgane avait cru avoir réussi à lui donner le courage, les clefs pour se reconstruire. Ou du moins l'envie de se battre. Mais elle s'était trompée et le jeune homme qui lui faisait face n'était plus un adolescent effrayé ; aujourd'hui, c'était un jeune homme au regard dur, aux traits marqués, aux yeux rongés par la haine. Morgane était inquiète : la douleur faisait faire des choses terribles aux gens.

- Comment allez-vous aujourd'hui ? S'enquit-elle.

- A votre avis ?

- Est-ce que vous rêvez encore de lui ?

Il la regarda, agacé.

- Toutes les nuits. Et j'en suis heureux. Ne pas rêver de lui serait comme l'oublier. Salir sa mémoire.

- Que fait-il dans vos rêves ?

- Rien de spécial. On est heureux. Il est vivant.

- Comment vous sentez-vous au réveil ?

- Comme une merde. Comme tous les jours depuis qu'il est mort.

- Avez-vous reconsidéré vos envies de... vengeance ? Votre désir de faire un métier lié au Procès des Mangemorts est-il toujours aussi présent ?

- Oui.

- Et... ce livre de nécromancie dont vous m'avez parlé ?

- Je ne vous en ai pas parlé, dit-il en lui jetant un regard noir. Vous vous êtes imposé dans mon esprit.

- Avez-vous abandonné ce... projet ? C'est dangereux... très dangereux de vouloir sauver ce qui est mort.

Le jeune homme lui jeta un regard moqueur.

- Quand bien même. Vous ne pourriez en parler à personne, n'est-ce pas ? Vous avez fait un serment inviolable.

Le Docteur Mur ferma les yeux, épuisée. Oui. La douleur pouvait faire faire des choses folles aux gens.

ooooo

Dans le présent, 12 Janvier, Poudlard, Bibliothèque

Hermione leva lentement la tête de son parchemin, courroucée. Quelqu'un venait de faire trembler la table ! Et dire qu'elle avait presque terminé de... Son regard se radoucit quand elle vit que l'importun était son meilleur ami.

- Oui, Harry ? Chuchota t-elle en jetant un regard nerveux à Mme Pince.

- Je peux te parler ? Demanda le jeune homme.

- Je t'écoute.

Le brun haussa un sourcil étonné face au ton distant de sa meilleure amie.

- Tu t'es coupé les cheveux ?

La jeune fille hocha la tête en passant la main dans sa tignasse coupée au carré la veille.

- Les entretenir était une perte de temps, répondit-elle avec lassitude.

- Et parler à Ron, c'est une perte de temps ?

Elle soupira.

- Ecoute, Harry... Tu sais que j'aime Ron. Je l'aime vraiment. Mais là ce n'est pas possible. Il sort tout le temps, il passe son temps avec son frère et Lee à faire les quatre cent coups... Encore s'il s'embarquait tout seul dans ses bêtises, ça irait, mais moi je ne peux pas aller à toutes ces soirées, à tous vos entraînements, à tous vos matchs.

- C'est bon Mione, on sait que tu as les examens et tout, mais des fois il faut souffler un peu quand même ! "Après l'effort, le réconfort !" Chuchota Harry, un peu agacé.

- Encore faudrait-il avoir fournit le moindre effort !

Le brun fronça les sourcils.

- Que veux-tu dire ?

- C'est juste que parfois Ron se contente d'aller en cours, mais ses devoirs sont faits un peu trop vite si tu veux mon avis... Il ne prend pas le temps d'y réfléchir et de rédiger correctement. Ses copies ressemblent un peu à des feuilles de brouillon !

Harry soupira longuement et massa ses paupières. Il était vrai que parfois, Ron prenait ses devoirs un peu à la légère. Mais ça le concernait lui et uniquement lui, s'il voulait rendre des copies un peu brouillons, Hermione n'avait rien à dire là-dessus. On ne passait pas les ASPICs en binômes qu'il sache !

- Il ne pensait pas ce qu'il disait, fit-il d'une voix lasse. Il était fatigué, en décuve... va lui parler et tout rentrera dans l'ordre.

Hermione secoua la tête, les larmes aux yeux.

- Ça faisait un moment que ça n'allait plus, tu sais, lâcha t-elle dans un souffle.

- Je sais, répondit Harry en évitant soigneusement son regard. Mais vous ne pouvez pas vous séparer comme ça. C'est trop con.

- J'étais malheureuse, affirma la brune. Et lui aussi. On ne se comprenait plus.

- Ça arrive de ne pas se sentir heureux dans son couple. Mais ça fait partie des choses.

Tu ne te rends pas compte de la chance que tu as.

- Je n'ai pas le temps, là, Harry, trancha la jeune fille.

- Tu es sérieuse ? Siffla son meilleur ami.

Je donnerai n'importe quoi pour avoir quelqu'un qui m'aime comme Ron t'aime.

- Pour le moment, je dois me consacrer entièrement à mes études.

- Tu es sérieuse ?!

Elle hocha la tête lentement.

- Tu lui manques, cracha le brun, indigné.

- Il me manque aussi. Mais peut-être que c'est mieux ainsi, Harry. Peut-être qu'on était trop différents.

- Tu ne te rends pas compte de la chance que tu as, Hermione, soupira Harry en s'éloignant.

oooo

Dans le présent, 13 Janvier

Il sortit de son lit en titubant. Il accéléra le pas, sentant la bile monter. Mais il n'eut pas le temps d'atteindre la cuvette des toilettes ; prit d'un haut le cœur, il porta ses deux mains sur son estomac et vomit par terre.

En sanglotant, il se laissa glisser contre le mur, jusqu'au sol, et se prit la tête dans les mains.

Lancer un oubliette demandait une grande puissance magique. Une puissance qu'il n'avait pas. Il en avait lancé trois en l'espace d'une semaine, donc deux à la même personne. En dépossédant Harry de ses souvenirs, il s'était dépossédé d'une partie de son âme. Il en rêvait maintenant toutes les nuits : ce flux d'énergie qui l'avait quitté, qui s'était glissé hors de son corps pour disparaître dans les limbes.

Parfois, j'aurais préféré mourir avec toi.

oooo

Dans le présent, 15 Janvier, Poudlard

Draco s'était réveillé avec une boule dans ventre. Comme tous les jours depuis ce putain de Nouvel An. Il avait fait un rêve mais il ne s'en souvenait pas. Comme tous les jours depuis ce putain de Nouvel An. Il avait prit une douche chaude et s'était branlé, mais ne s'était pas senti satisfait. Comme tous les jours depuis ce putain de Nouvel An. Il s'était habillé avec soin et était parti déjeuner, mais n'avait rien pu avaler d'autre qu'un thé. Pas de si bon matin. Pas depuis ce putain de Nouvel An.

Il s'était tenu en retrait pendant une semaine, se demandant si Harry Connard Potter allait révéler à tout le monde qu'il l'avait prit le jour du Nouvel An.

Est-ce que Potter avait pris son pied en racontant à ses chers amis que lui, Draco Malfoy, s'était fait prendre comme une chienne alors que Potter n'en avait rien à foutre, qu'il s'était servi de lui pour son petit cul, vu qu'il n'était jamais revenu dans la chambre, comme il l'avait promis ?

Et Draco avait crié. Et Draco avait aimé ça. Et Draco en avait redemandé. Et Draco avait attendu, longtemps, allongé sur le lit défait. Il l'avait attendu, en fixant la porte. Et son sourire s'était fané. Et il s'était senti sale et con. Et il avait comprit que Potter s'était foutu de sa gueule.

Et quand il avait comprit que l'autre connard ne reviendrait pas, il avait fixé avec amertume les trois photos d'eux. Et sans savoir pourquoi, il les avait glissées dans la poche de son pantalon, alors que tout son être lui criait de les brûler.

Depuis quand es-tu un sentimental, Draco ?

Et malgré lui, même s'il voulait faire du mal à Potter, défigurer Potter, taper Potter, faire saigner Potter, il ne pouvait s'empêcher de le trouver bandant.

Petit cul sublime de connard. Cheveux ébouriffés de connard. Chemise mal boutonnée de connard. Petit sourire de connard. Magnifiques yeux verts de connard.

Il se rendit en cours de potion le cœur lourd. Il doubla Potter qui plaisantait avec ses amis comme si de rien n'était. Comme si Draco ne l'avait pas vu nu. Comme si ses mains n'avaient pas parcouru son corps. Comme s'il n'avait pas senti sa bite en lui.

Sors de ma tête, connard.

ooooo

Dans le passé : 2 Mai 1998, jour du 3e rendez-vous entre Harry et Gabriel

Au final, la compagnie de Potter n'était pas si déplaisante. Bien sûr, il y avait tout un tas de sujets à éviter : les origines sang-de-bour... moldues de sa mère, les origines moldues de sa meilleure amie, le compte en banque de Weasley, le physique de Weasley, les habits de Weasley, le QI de Weasley, enfin bref Weasley en général, Weasley-Femelle, Lupin, sa chère tante Bellatrix Salope Lestrange, son Père et ses idéaux.

Leurs conversations étaient comme un champs de mine : un moment d'inattention et tout explose. Et Potter qui babillait comme un enfant le soir de Noël... mais Draco, lui, faisait attention à ce qu'il disait – il faisait toujours attention à ce qu'il disait-.

Draco ne s'était jamais ennuyé avec Potter : il y avait toujours une réplique acerbe à lui lancer, toujours une remarque à faire sur les dents de Granger, l'accoutrement de Weasley. Toujours une mauvaise blague à lui faire, toujours un nouveau moyen de faire de sa vie un enfer. D'effacer ce petit sourire niais de sa sale face de balafré.

Bordel, on est à Poudlard, pas chez les Bisounours, Potter. Tes parents sont morts, ton parrain est mort, un psychopathe nombriliste te voulait mort et a tué la moitié des élèves de cette école alors pourquoi es tu si heureux ? Pourquoi aimes-tu encore la vie, pourquoi veux-tu encore te battre ?

Mais Draco ne s'était jamais senti en agréable compagnie avec Potter. Il n'avait jamais eu le sentiment de lui parler comme l'on parle à un ami. Cependant, faire des petits plans pour aider le Gryffondor à attraper le moldu dans ses filets, ça rappelait vaguement les soirées passées avec Blaise à chercher des pour attirer les filles dans son lit , ou pour se faire pardonner d'une fille – Blaise n'étant pas de nature très fidèle – ou pour convaincre Théo (le plus sage de la bande) de les aider à faire un sale coup aux Poufsouffles ou, mieux, aux Gryffondors.

Finalement, cette mission "gagner l'amitié de Potter" n'était pas si désagréable.

2 Mai 1998 – Soir du 3e rendez-vous entre Gabriel et Harry

Gabriel posa son verre et lui adressa un immense sourire. Un sourire franc, sincère, spontané.

Il est beau, songea Harry. Vraiment beau. Beau au réveil, beau quand il dort, beau quand il boit, beau quand il mange.

Mais pas beau comme Malfoy.

Tout était facile avec Gabriel. Il acceptait tout d'Harry : ses peurs, ses envies, ses joies, ses hésitations. Ils ne se disputaient jamais.

Pas comme avec Malfoy.

Ils pouvaient parler de Ron, Hermione, Luna, Neville. Gabriel ne se moquait jamais de Luna même si Harry lui racontait en détails – sans le côté magique, bien entendu – toutes les fois où ils s'étaient regardés, décontenancés, à cause d'elle. Gabriel voyait toujours le bon côté des choses, des gens. Il n'était jamais négatif et méchant.

Pas comme Malfoy.

Ils pouvaient rire de tout et de n'importe quoi. D'un rire franc, mélodieux.

Pas comme les ricanements de Malfoy.

Il le désirait bien sûr : il était beau, grand, musclé, bien habillé malgré ses airs de Je-sors-du-lit. Les deux fois où ils s'étaient embrassés, il avait remarqué qu'il avait les lèvres douces et tendres.

Pas comme les lèvres gercées d'avoir craché trop de venin de Malfoy.

Harry avait mis cartes sur tables avec Gabriel, qui avait accepté de se laisser séduire. Il n'y avait pas de secrets, pas de non-dits entre eux. Ils ne jouaient pas au chat et à la souris.

Pas comme avec Malfoy.

Dans un éclat de rire, Gabriel posa sa main sur l'épaule d'Harry. Il sentait les agrumes.

Pas comme...

Sors de ma tête, bordel.

o

3 Mai 1998, Square Grimmaurd

Harry faisait ce rêve toutes les nuits depuis que Malfoy avait dormi chez lui pour la première fois. Il était en boîte de nuit à Berlin, c'était le mois de Novembre. Il aurait dû être près de Ginny. Il auraît dû être près d'elle. Mais elle dansait quelque part sur la piste et il ne la cherchait pas.

Il était un peu saoûl et se contentait d'écouter la musique. Et de fixer sur ce mec qui dansait un peu plus loin. Il laissait son regard parcourir la nuque blanche, la chemise qui laissait deviner un dos musclé, les mains longues et pâles. Il regardait la lumière traverser la chevelure blonde, presque blanche.

Retourne toi. Laisse moi voir ton visage.

L'homme se retournait. Et Harry plongeait dans les prunelles orageuses.

Draco.

o

4 Mai, Square Grimmaurd

C'était la première fois qu'ils se voyaient sans prévoir de faire quoi que ce soit pour peaufiner le plan "Potter choppe son moldu". Ils se voyaient juste comme ça, juste pour se voir : Potter avait proposé un dîner en rougissant, et Draco avait dit oui. Il savait que Potty commençait à vraiment apprécier sa compagnie. Et avait été content de voir que son plan marchait à merveille. En même temps, qui résistait au charme des Malfoy ?

Draco s'assit et retint un sourire satisfait. Potter avait proposé un repas chez lui et avait sorti le grand jeu : dîner maison, table dressée proprement, dessert préféré de Draco. Il avait même donné un jour de congé à son elfe pour avoir un peu d'intimité.

Fais gaffe Potty, songea t-il, ça fait même pas un mois que j'essaie de conquérir ton amitié et t'es déjà dans mes filets.

Il remarqua quand même que Potter avait posé sur la table son vin préféré et, sans savoir pourquoi, il sourit.

Saint-Potter lui jetait des petits regards inquiets fort peu discrets. Draco adorait ce sentiment de puissance. Il prit son air le plus vulnérable et poussa un soupir affligé.

- Tout va bien, Draco ?

Saint-Potter. Toujours là pour sauver les âmes en peine.

- Ce repas est délicieux, merci, Po... Harry. C'est juste que... Non, laisse tomber, tu vas trouver ça bête.

- Non, dis-moi.

C'était trop facile.

- Ne te moque pas hein... C'est juste que mon père me manque, et que je suis inquiet pour lui.

Regard désolé typiquement Gryffondoresque.

- Je suis désolé, Draco. Tu sais que je cherche activement une solution.

Reniflement affligé – mais pas trop, sinon ce serait suspect-.

- Oui... Merci, Harry. Tu es vraiment gentil.

Trop bon trop con, oui.

Potty lui sourit gentiment et Draco, sans savoir pourquoi, se sentit coupable.

o

9 Mai 1998, Soir du 4e rendez-vous entre Harry et Gabriel

Draco s'ennuyait dans cette grande maison sombre. Potter partait souvent pour quatre ou cinq heures et le serpentard se demandait à chaque fois pourquoi il restait. Il aurait très bien pu passer le lendemain ou lui envoyer un hibou pour savoir comment ça s'était passé. Mais il restait.

Il se disait que c'était pour avoir l'occasion de gagner la confiance de Potter, faire soirée pyjama – Draco avait grimacé la première fois que Pansy avait utilisé cette expression moldue, non mais ces dégénérés ne savaient décidément pas se tenir - mais en réalité il avait envie d'entendre le compte-rendu à chaud, d'être le premier – et en fait le seul – à savoir.

Et Potter, avec sa confiance inébranlable en l'espèce humaine, le laissait sans l'ombre d'une hésitation. "Il y a des bières dans le frigo, la bibliothèque et la télévision sont à ta disposition. Ne vas pas dans la chambre de Sirirus", disait-il juste avant de claquer la porte. Et Draco traînait dans la maison de ses ancêtres, un livre à la main, impatient, agacé, voire même inquiet.

Il était sûr que Potter allait dire ou faire une bêtise et que le moldu allait partir en courant en se rendant compte qu'il était en face d'un type au physique franchement moyen, bigleux et balafré par dessus le tout. Et la dette de Draco serait toujours là, présente au fond de son cerveau, à peser comme un poids sur son cœur. Et tout ce travail aurait été gâché.

Draco s'était tenu pendant deux soirs, mais là, l'ennui était trop grand. Il monta quatre à quatre les escaliers – c'était peu digne d'un aristocrate, mais personne ne le voyait, non ? - et ouvrit doucement la porte de la chambre qui portait le petit panneau "Sirius Black, ne pas entrer sous peine de douleur intense". Un sourire mauvais orna son visage : Potter n'avait même pas prit la peine de fermer la pièce magiquement. Quel idiot. Trop bon trop con.

La pièce était plongée dans le noir et Draco laissa ses yeux s'habituer à l'obscurité. Heureusement, la lune était pleine ce soir et il distingua les meubles, les affiches, le bazar assez rapidement. Des tableaux posés sur le lit, contre le mur, attirèrent son attention. La toile était immense et le cadre doré.

Cinq personnes dormaient tranquillement dans les fauteuils de ce qui semblait être la salle commune des Gryffondors. Draco reconnu du premier coup James Potter, avachi dans le canapé, et sa femme, qui dormait en souriant étrangement. Il fronça les sourcils devant un Lupin plus jeune, sans cernes, sans marques de la guerre, et de sa femme aux cheveux roses – sa cousine - blottis l'un contre l'autre. Le dernier était un Sirius Black plus jeune, un Sirius Black qui n'avait pas connu Azkaban. Il dormait en serrant fort une bouteille de bière au beurre pas encore entamée contre lui, et Draco se demanda pourquoi Potter avait tenu à les faire représenter si jeunes.

Et puis il songea à la trace étrange sur le mur du salon et il se demanda pourquoi Potter ne voulait pas que les portraits voient Draco quand celui-ci venait Square Grimmaurd. Décidément, Potter n'était pas aussi honnête qu'il le croyait. Il avait, lui aussi, sa part d'ombre et de secrets.

Sans savoir pourquoi, Draco aima cette idée. Qu'il y avait une partie de Potter que personne ne connaissait, malgré l'acharnement de la presse à dévoiler chaque détail de la vie du Sauveur.

Il sortit de la chambre et referma la porte doucement. Son regard fut attiré par une lumière blanche qui s'échappait de la pièce au fond du couloir. Il l'ouvrit et se retrouva face à une pensine. Tiens, tiens... Voilà qui était intéressant. Quels souvenirs honteux Potter cachait-il ici ? Draco jubilait intérieurement. Première expérience sexuelle foireuse ? Première cuite foireuse ? Des rêves un peu chauds ? Des fantasmes inavouables ?

Il contempla les fioles étiquetées avec attention puis jeta un regard inquiet par dessus son épaule. Bon, Potter n'en saurait rien. Et puis mince, Draco lui rendait quand même un sacré service avec cette histoire de moldu ! Il avait bien le droit de s'amuser un peu.

o

10 Mai 1998, Square Grimmaurd

Harry se réveilla en grognant. Il souleva la couette et jeta un regard mauvais à son érection. Il ne savait pas ce qu'il se passait avec ses hormones en ce moment, mais s'il pouvait arrêter de rêver de Malfoy, ça l'arrangerait. Il n'avait plus 15 ans, bordel.

Sors de ma tête, connard.

o

16 Mai 1998 – Soir du 5e rendez-vous entre Harry et Gabriel - Square Grimmaurd

Draco hésita à retourner dans la pièce de la pensine. Ce qu'il avait vu la dernière fois l'avait hautement troublé et il n'était pas arrivé à se sortir cet idiot de Potter de la tête.

C'était très rare que Draco Malfoy se sente mal à l'aise et encore plus rare qu'il éprouve des remords. Pourtant c'était ces deux émotions qui l'avaient envahi – oui, envahi était le mot, elles avaient envahi son cœur et son esprit – lorsqu'il s'était retrouvé dans le salon des moldus de Potter, à regarder un Harry Potter malingre et mal fagoté se faire copieusement insulter par le petit gros qui semblait être son cousin et servir à manger au très gros monsieur qui semblait être son Oncle.

Potter avait été adulé dans le monde sorcier, n'importe quelle famille aurait été heureuse de l'accueillir. Alors quelle mouche avait donc piqué Dumbledore pour qu'il le mette ici avec ces... ces gens qui n'avaient visiblement pas d'âme ? - Et Draco savait de quoi il parlait, il avait été élevé au Manoir Malfoy-.

Mais le deuxième souvenir avait été encore plus bouleversant. Draco n'avait jamais été à l'aise avec les sentiments, mais voir la réaction désespérée de Potter lorsque son parrain était passé derrière l'Arcade au Ministère de la Magie ne l'avait pas mis mal à l'aise. C'était pire, ça lui avait donné envie de s'arracher le cœur. Ce qui était peu dire car les Malfoy n'ont pas de cœur.

Reprends toi, Draco. C'est Harry Connard Potter. Ce mec n'est pas à plaindre. Il n'y a qu'à voir toutes les filles à ses pieds et les mères de famille prêtes à l'adopter. Il dirait aimer baiser les chèvres que les gens lui donneraient leur bénédiction.

Draco avait essayé de vagabonder à travers des souvenirs plus joyeux mais il était tombé sur Potter et Granger dans une tente, et Granger était larmoyante et sale, et Potter était triste et fatigué, et Weasley n'était pas là, et l'atmosphère était pensante et sombre. Et Draco en avait eu assez.

Aussi lorsque que, ce soir là, Draco plongea dans la pensine, il essaya d'évoquer des souvenirs heureux. Potter n'avait pas le droit d'être vulnérable. Tout s'était effondré dans la vie de Draco alors Potter n'avait pas le droit de devenir sympathique. Draco devait pouvoir continuer de le manipuler et de se servir de lui allègrement sans éprouver aucun remord.

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Il était dans une boîte de nuit moldue. La belette femelle – Draco se fustigea mentalement. Weasley. Appelle la Weasley. Potter déteste que tu l'appelles la belette et tu veux que Potter soit ton ami, alors appelle la Weasley – se déhanchait joyeusement au rythme de la musique et quelques mètres plus loin, Potter se tenait debout, comme un idiot, le regard dans le vide. Draco ricana. Saint-Potter, aussi classe qu'un hippogriffe bourré.

Il se rapprocha du Gryffondor et tenta de voir à quel point il était déchiré. Mais finalement, Potter ne regardait pas dans le vide. Il fixait quelque chose, ou plutôt quelqu'un, avec une étrange fascination. Draco fronça les sourcils. Il regarda autour de lui et son regard se posa sur un homme grand, aux cheveux blonds presque blancs, qui se déhanchait avec grâce sur la piste. Un putain de Norvégien sûrement.

Draco se tourna vers Potter qui bavait presque.

- Reprends toi Potty, t'es ridicule là ! Ce type ne t'arrive même pas à la cheville ! Souffla t-il au souvenir.

Il se rapprocha du Survivant. Potty sentait bon. Draco ne savait pas que les souvenirs sentaient bon. Ses prunelles vertes étaient plus sombres et le Serpentard se demanda si c'était à cause de l'alcool ou du désir.

Sans savoir pourquoi, Draco avait envie d'arracher Potter à cette contemplation pour le forcer à le regarder, lui.

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Le souvenir changea et Draco regarda autour de lui. Ils étaient dans un bar moldu – soucis d'anonymat, sûrement – et Weaslaide – non, Ginny – venait de se lever de la table pour se diriger vers le bar. Elle avait l'air d'assez mauvais poil et Draco ne pu retenir un petit sourire devant l'air affligé de Harry. Mais il remarqua que Potter ne couvait pas du tout la rouquine du regard, comme du temps de Poudlard. Au contraire. Il regardait dans la direction opposée.

Draco fronça les sourcils et suivit le regard de Harry. A l'autre bout de la salle, un serveur grand, blond, à l'air revêche disposait des pintes de bière-au-beurre sur une table.

Encore un.

- Bon sang, Potter. Stop la fixette. Dis-lui à la rouquine que tu aimes les mecs !

Mais le Harry du souvenir continuait de fixer le serveur. Draco s'agaça quand il remarqua la lueur de désir au fond des yeux verts.

- C'est quoi ton problème avec les blonds, Potty ? Grogna t-il. En plus celui-là tire une tête de trois mètres de longs ! Les soirées doivent être sympa avec lui !

Il ressortit de la pensine de fort mauvaise humeur.

o

22 Mai 1998 – Soir du 6e rendez-vous entre Harry et Gabriel

Square Grimmaurd

Il n'aurait pas dû retourner là-dedans. A chaque fois, ce qu'il voyait l'obsédait franchement pendant plusieurs jours, voire même pendant la nuit. Après ça, il n'arrivait pas à se sortir Potty de la tête. Il n'arrivait pas à digérer toutes les émotions, toutes les informations que lui transmettaient ces souvenirs. Il n'arrivait pas à les faire coller avec l'image qu'il avait de Potter : celle d'un petit con balafré, sauveur des veuves éplorées et des orphelins, aimé de la population sorcière, Grand Sauveur pénible et inconscient.

Draco soupira. Il venait de passer dix minutes avec Mini-Potter dans sa chambre -enfin, son placard à balai- et l'atmosphère était trop étouffante pour le Serpentard.

Le petit garçon pleurait dans ses rêves et appelait sa mère, encore et encore. Et plus sa voix affolée s'élevait dans le noir, plus le cœur de Draco se serrait. Il ne pouvait rien faire pour aider ce petit garçon. Parce que maintenant Harry était grand et que Draco ne savait pas consoler les gens.

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Le souvenir changea. C'était à Poudlard, en sixième année, et Harry était sous la douche. Draco regarda autour de lui, interloqué, puis se souvint que personne ne pouvait le voir. Potter se douchait seul, les autres étaient visiblement partis.

Putain, tu caches bien ton jeu, Potty, songea t-il en fixant les épaules musclées du Gryffondor.

Quand il avait aidé Potter à s'habiller pour son rendez-vous, celui-ci était en caleçon mais Draco avait fait bien attention à ne rien regarder – parce que bon, il savait se tenir, quand même !- et que Potter avait l'air déjà assez mal à l'aise comme ça. Et Draco ne voulait pas que Potter soit mal à l'aise. Il voulait qu'il soit son ami.

Il laissa son regard parcourir les bras puissants, le dos musclé, la chute de rein, puis plus bas, le...

o

Le souvenir changea. Draco, étonné, comprit qu'il était de nouveau dans la boîte de nuit moldue, celle du souvenir qu'il avait vu la semaine dernière. La même musique passait en fond et Potter fixait de nouveau le grand blond qui dansait.

Soudain, celui-ci se tourna. Et Draco se trouva face à son propre visage. Enfin... le visage qu'il avait avant la guerre. Plus juvénile, moins marqué. Son faux-lui avait les yeux un peu embués, comme s'il avait trop bu, ou trop fumé.

Je ne suis jamais venu ici, songea t-il.

Il regarda autour de lui. Mais le décor n'était pas net, tout semblait... Vaporeux.

Je suis dans un rêve.

Le Potter du rêve continuait de fixer Draco comme s'il allait le dévorer.

Pourquoi est-ce que Potter rêve de moi ?!

o

Le souvenir changea. Draco tourna sur lui-même. Ils étaient dans un café moldu et Potter était assis à une table avec un grand type qui parlait fort avec un accent à couper au couteau.

- Allez Harry ! Ça fait trois jours qu'on n'est pas sortis ! Et puis je sais que tu en as envie !

Harry éclata de rire. Il avait l'air heureux. Et serein. Aucune trace d'inquiétude, de haine, d'angoisse sur son visage. Aucune trace de la guerre.

Draco haussa un sourcil. Il ne l'avait jamais vu comme ça, à part avec Granger et Weasley.

On s'offre du bon temps avec des inconnus, Potty ?

- Gabriel, dois-je te rappeler que tu as un cours de civilisation demain à 8 heures tapantes ? Le sermonna gentiment Harry.

Tiens, tiens. Gabriel. Mais c'était donc lui le moldu de Potter. Draco l'observa avec attention. Il était grand, baraqué. Il sortait visiblement du lit car il portait encore la trace de l'oreiller sur la joue, ses cheveux étaient en bataille et ses yeux encore un peu endormis. Il s'étira et son t-shirt se souleva légèrement, dévoilant un ventre pâle et musclé. Le Serpentard jeta un coup d'œil à Potter qui contemplait, éberlué, cette petite parcelle de chaire comme s'il allait se jeter dessus et la couvrir de baiser. Draco renifla dédaigneusement en jetant un regard noir au moldu. S'étirer comme ça en public. Aucune pudeur ce type. Bon, il avait un beau visage. Des cheveux blonds cendrés qui tombaient en joyeuses boucles sur ses yeux bleus rieurs, une jolie peau pâle, un beau nez, des lèvres gourmandes.

- C'est bon, je me mettrai au fond de l'amphi et je dormirai discrètement ! Insista le moldu en souriant.

Harry secoua la tête avec indulgence. Au fond de ses prunelles, Draco vit briller une lueur d'amusement et de désir.

Il fronça les sourcils et lança un regard noir au moldu. Quel connard ce type.

- Il te dit non, du con ! Siffla Draco entre ses dents. Tu parles pas anglais ou quoi ?

Il détailla la tenue du moldu insistant. Un cachemire gris clair, un pantalon noir de bonne qualité, des clarks marrons en cuir. Comme Draco aujourd'hui.

Le Serpentard fulminait. Ce mec lui ressemblait sans lui ressembler, et c'est sur ça que Potter bavait ? Il vit de nouveau Potty fixer l'autre con comme s'il allait le dévorer et serra les dents.

- Réveille toi Potter, siffla t-il. Ce mec ne te veut pas. Pas comme ça.

Pas comme moi.

o

Le souvenir changea de nouveau. Il était dans un petit appartement moldu – bon sang, il faudrait qu'il rappelle à Potty qu'il était un sorcier un de ces jours – et Potter et l'autre con dormaient tranquillement. Draco jeta un coup d'oeil à l'horloge. 11H du matin.

- Bravo, Potty ! Ricana t-il. On s'offre de bonnes grasses mat' à ce que je vois !

Mais il arrêta de rire lorsque le Harry du souvenir se tourna dans son sommeil et passa un bras autour du moldu en soupirant de bien-être.

o

Le souvenir changea encore. Cette fois-ci il se trouva dans la rue. Potter était ivre mort et chantait joyeusement une chanson sur une sorcière qui entretenait des mœurs légères avec sa baguette. Le moldu le soutenait et riait aux éclats. Ils avaient l'air heureux.

- Allez Harry, avance un peu !

Ce mec avait une voix insupportable. Draco songea avec amertume que Potter devait trouver son accent mignon. Les goûts de Potter laissaient vraiment à désirer.

- On rentre à la maison Gaby ? Fit Harry d'une voix pâteuse.

A la maison ? Gaby ?

- Chez moi ? Oui, on n'est pas loin. Enfin, si tu te décides à mettre une jambe devant l'autre, répondit Gabriel Connard Moldu.

- Réveille toi Potty ! Grogna Draco. Ce type se sert de toi, t'es bourré !

Mais le Harry du souvenir n'entendait rien et il semblait que ce soit plutôt lui qui se serve de Gabriel parce que la seconde d'après, il posait ses lèvres sur celles du moldu.

Draco, les yeux écarquillés, regardait avec un mélange de fascination et de répulsion les deux adolescents enlacés. Il observait les langues qui se mélangeaient, les corps qui se rapprochaient, les mains qui se baladaient.

Il entendit Potter gémir de plaisir et sentit clairement son sexe se tendre.

o

Le souvenir changea encore. Il était dans un putain de bar moldu – encore un – et un Potter bourré pleurait – oui, il pleurait- dans les bras de Saint Gabriel Moldu.

- Elle n'a rien dit, Gaby. Rien du tout. Aucune question, aucun reproche. Elle a juste fait ses valises et elle est parti.

Draco serra les poings quand il vit le Moldu du souvenir souffler des paroles réconfortantes à l'oreille Potter et commander deux autres vodka.

- Tu crois qu'il n'est pas assez bourré comme ça, connard ? Siffla t-il.

- Tiens, Harry. Bois ça. Ça va te réchauffer, dit le moldu gentiment.

Mais le Harry du souvenir secoua la tête et laissa échapper un gémissement. Il se rapprocha lentement de son moldu et posa les lèvres sur les siennes.

Draco sortit de la pensine de fort mauvaise humeur. Il se dirigea à grand pas vers l'entrée, prit sa veste et sortit de la maison en claquant la porte.

oooo

Dans la rue :

Draco avait changé d'avis. Potter n'avait pas besoin d'amis. Potter en avait plein, des amis. Il en avait plein, et ils étaient tous plus gentils, plus sympathiques, plus sociables, plus courageux que Draco.

De plus, l'amitié de Potter ne lui suffirait pas. Il n'avait pas envie de partager Potter, et encore moins avec Gabriel Connard Moldu. Ce que voulait Potter, c'était un amant. Il avait de la chance, Draco était justement disponible.

Quinze minutes plus tard, au restaurant

Harry éclata de rire. Gabriel lui racontait la suite de leur dernière soirée à renfort de grands gestes et vidéos prises avec son portable. Harry avait dû rentrer tôt ce soir là, parce que Malfoy avait exigé qu'il soit sur Oxford Street à 10 heures tapantes pour changer ses lunettes – qu'est-ce qu'elles avaient, ses lunettes ? - mais il n'était pas plus déçu que ça parce que même s'il adorait faire les quatre cent coups avec un Gabriel bourré, la compagnie de Malfoy n'était plus aussi désagréable qu'à Poudlard. Il avait changé. Il faisait vraiment des efforts pour mener à bien les termes de son contrat.

Parfois, Harry, amusé, voyait qu'il prenait sur lui pour ne pas s'énerver. Mais à part quelques petites piques, rien de venimeux ne sortait de la jolie bouche de Malfoy. Ahem... de la bouche de Malfoy.

Harry avait renoncé à séduire Gabriel au bout du troisième rendez-vous. Le blond était, jusqu'à nouvel ordre, hétéro, et Harry avait décidé que leur amitié était trop importante pour risquer d'être abîmée par un refus ou un geste de trop.

Il avait cru être amoureux de Gabriel – il l'avait vraiment cru-. Comme il avait cru que Ginny et lui, c'était pour la vie...

Il le désirait bien sûr. Harry avait dix-huit ans et il désirait beaucoup de choses. Gabriel était beau. Pas beau comme Malfoy, qui était d'une beauté hautaine, une beauté de glace, une beauté à couper le souffle. Une beauté qui faisait mal. Gabriel était beau, gentil, doux... on avait envie de se blottir dans ses bras, de goûter ses lèvres sucrées.

Mais il avait continué leurs rendez-vous. Il avait continué à s'habiller comme s'il allait rencontrer la reine-mère et continué à l'inviter dans des restaurants moldus. Et Gabriel avait accepté que Harry ait renoncé à lui. Simplement, sans un mot. Comme il avait accepté que Harry essaie de le séduire. Il semblait à Harry que Gabriel accepterait tout de lui, qu'ils seraient toujours amis quoi que le brun puisse lui dire ou lui faire. Gaby hausserait juste les épaules en disant "c'est juste une nouvelle expérience que nous offre la vie".

- Dis-moi, Harry, tu m'as caché que tu étais célèbre ?

Le Gryffondor se sentit rougir.

- Hein ? Quoi ? Bredouilla t-il.

- Non je dis ça parce qu'il y a un type qui te fixe, là-dehors. Et il a l'air furax ! Haha !

Le brun se tourna et croisa les prunelles orageuses d'un Draco Malfoy visiblement très énervé. Il sentit son estomac se serrer et se leva à grandes enjambées, le rire de Gabriel dans son dos.

- Qu'est-ce que tu fiches ? Souffla t-il en frissonnant sous l'air glacé alors que la porte d'entrée se refermait derrière lui.

L'autre le toisa de haut en bas en levant un sourcil.

- Rien, répondit-il avec un sourire narquois.

- Quoi ? Mais pourquoi es-tu venu jusqu'ici ? Demanda Harry, incrédule.

Malfoy était indécent avec sa chemise blanche. Il avait prit soin de ne pas la boutonner jusqu'au bout et Harry pouvait apercevoir un petit bout de peau blanche. Il se demanda si ce serait inapproprié qu'il se jette sur cette clavicule nacrée et qu'il se mette à la couvrir de baiser.

Il sursauta quand Malfoy alluma une cigarette. Il était tranquillement appuyé contre le mur, à le regarder narquoisement, comme s'il ne venait pas du tout de se comporter comme un psychopathe, à l'épier par la vitre du restaurant.

Ce type est taré, songea Harry. Bandant, mais taré.

Et il se gifla mentalement pour cette pensée.

- Je venais voir comment ça se passait avec ton... moldu, répondit l'autre d'une voix traînante en souriant.

Il souriait comme s'il allait se jeter sur lui et le mordre, mais il souriait quand même.

- Et t'as pas trouvé d'endroit plus discret pour te planquer ? Demanda Harry en secouant la tête.

Malfoy porta la cigarette à ses lèvres et Harry se demanda comment il pouvait être jaloux d'une putain de cigarette.

- Ne critique pas mes méthodes, Potter. C'est moi le spécialiste, tu te rappelles ?

Les prunelles de Potter étaient sombres, comme dans la pensine lorsqu'il matait l'autre connard, et Draco se demanda avec un petit pincement au cœur s'il était excité par le moldu alcoolique qui s'enfilait son verre de vodka comme si c'était de l'eau à l'intérieur du restaurant.

Avec lui, les yeux de Potter étaient sombres, certes, mais plutôt de colère.

- Bon, répondit finalement Harry au bout d'un moment. Tu veux entrer ? Tu veux venir avec nous ?

Malfoy écarquilla les yeux et le regarda comme s'il venait d'annoncer qu'il avait envie de changer de sexe.

- Non, non. Je vais rentrer chez toi. Je t'attends là-bas.

Harry haussa les épaules, lui tourna le dos et retourna à l'intérieur de restaurant. Il s'assit à sa place, les mains un peu tremblantes.

- Qui c'était ? Demanda Gabriel en souriant.

- Un mec de ma classe, répondit Harry un peu énervé.

Connard d'allumeur de merde. Venir jusqu'ici à moitié à poil avec ce temps et se tenir devant lui avec son petit sourire sexy – non, son sale sourire arrogant ! - et lui sous-entendre que c'était lui qui se comportait comme un cinglé quand il lui avait proposé de venir avec eux.

Connard de cinglé bandant.

Gabriel observait en sirotant sa vodka le dos de Malfoy qui s'éloignait. Soudain, il écarquilla les yeux et esquissa un sourire.

- C'est lui, Harry, dit-il.

- Quoi lui ? Grogna le Gryffondor.

- C'est lui le mec que tu cherches des yeux partout quand on sort en boîte. C'est de lui que vient ton obsession des grands blonds aux yeux clairs.

Le russe lui fit un grand sourire soulagé.

- Tu l'as trouvé, dit-il. C'est pour ça que tu as renoncé à essayer de me séduire. Je suis heureux pour toi.

- T'es malade ? Je n'obsède pas sur ce type ! Arrête la vodka tout de suite ! S'indigna Harry.

- Oui, oui, marmonna Gabriel en souriant toujours.

ooooo

22 Mai 1998, deux heures plus tard

- Alors ?

Harry se laissa tomber sur un fauteuil. Il avait trop mangé et Gabriel avait insisté pour lui payer des verres pour le "détendre après cette rencontre avec son fantasme". Il était fatigué et le comportement étrange de Malfoy – qui s'était montré sympa ces dernières semaines, pourtant – l'avait un peu secoué.

- C'était sympa, dit-il.

- Vous vous êtes embrassés ?

Le ton était dur, tranchant. Harry leva les yeux et rencontra deux prunelles grises qui le toisaient.

- Oui, mentit-il.

- Alors pourquoi tu ne l'as pas ramené ici ? Railla Malfoy.

- Comment ça ?

- Fais un effort Potter...

Le brun rougit et évita soigneusement le regard du Serpentard qui le toisait, goguenard.

- Tu le désires, ce mec ? Tu le veux dans ton lit ? Tu veux lui faire les fesses ?

- Je ne savais pas que les aristocrates avaient un vocabulaire si fleuri, répliqua Harry, le gorge sèche.

- Tu vas te contenter d'une relation platonique ? Tu sais que je ne me suis engagé à t'aider que jusqu'en Juillet, n'est-ce pas ? Parce qu'à ce rythme là...

- On n'est pas tous aussi... portés sur la chose que toi, marmonna Harry en le foudroyant du regard.

- Bon... Répondit Draco en haussant un sourcil. Quand vous êtes embrassés, c'était comment ?

Imaginaire.

- Euh... Bien ? Hasarda Harry.

- Je me répète, mais : fais un effort, Potter. La langue, pas la langue ? Les bras, ou ça ? Collés à quel point ?

- Euh... Plutôt comme ci comme ça... Marmonna Harry en faisant des grands gestes avec ses bras. *

- Plaît-il ? Fit Draco, blasé. Bon, montre moi !

- Quoi ? Répliqua Harry, interloqué.

- Embrasse moi ! Montre moi comment tu embrasses.

- Hors de question ! Répondit le Gryffondor.

- Potter, ne fais pas la vierge effarouchée, montre moi bon sang ! Par Merlin, comment veux tu que je connaisse l'étendue de mon travail si je ne sais même pas ce qu'il faut que je fasse ?

- ...

- Quoi, t'as peur d'aimer ça ? Railla Draco.

- Dans tes rêves, Malfoy !

- Allez !

- Ne t'approche pas de moi ! S'écria Harry en reculant.

- Promis, je me moque pas !

- Tu pars déjà du principe que ce sera lamentable !

- On a peur, Potter ? *

- Tu aimerais bien !

Et Harry s'approcha et apposa un minuscule baiser du bout des lèvres sur celles du blond. C'était le baiser le plus chaste qu'il n'ait jamais donné, même Dudley devait embrasser Tante Marge au moins deux fois plus longtemps.

- C'est ce que tu appelles un baiser, Potter ? Laisse-moi deviner, le portrait de Fol Oeil t'a dit que tout le monde mettait du poison sur ses lèvres ?

- Désolé si tu ne m'inspires pas plus que ça !

- Ecoute, on n'a pas d'autre cobaye sous le bras, c'est moi ou t'attends que Kreattur revienne !

- BEURK ! Hurla Harry.

Soudain, il sentit un corps contre le sien, un souffle dans son cou.

- Promis, tu aimeras ça, murmura Draco à son oreille.

Et ses lèvres se posèrent doucement sur celles du brun et Harry cru que ses jambes allaient le lâcher. Il était envahit - non, terrassé - par des sensations inconnues, sublimes et violentes, douces et terribles.

Il sentait le visage du blond contre les siens, ses mains dans ses cheveux, dans son cou, dans son dos, sur ses hanches... Malfoy était partout, contre son torse, dans ses cheveux, dans sa bouche, dans sa tête.

Dans son putain de cœur.

Harry se sentait enivré, comme si sa soif de Draco ne pourrait jamais être rassasiée. Malgré lui, il gémit de plaisir. Puis il gémit une seconde fois quand les lèvres du blond furent arrachées aux siennes. Il ouvrit les yeux, prêt à en demander plus.

- Voilà, Potter, quand tu veux ! Railla Draco en s'affalant négligemment dans 'son' fauteuil. Bon, tu es prêt à entendre mon compte rendu et mes conseils ? Prends note, je ne vais pas me répéter !

Harry se mordit les lèvres. En effet, il avait aimé ça.

oooooo

(1) Le Piccolo, c'est un jeu d'alcool

* Il est comme si, comme ça : Kaamelott mouahha.

* On a peur Potter ? Tu aimerais bien ! (Harry Potter et la Chambre des Secrets, le film)

Voilà :) Il n'y a pas beaucoup de scènes au présent, j'espère que le Draco jaloux et le Harry qui se rend compte qu'il fantasme sur le blond sont convaincants :)

N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez.

Plein de bisous !