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Aladin, Mozenrath et les sorciers
Par Aqat
Harry Potter  -  Action/Aventure  -  fr
7 chapitres - Complète - Rating : T (13ans et plus) Télécharger en PDF Exporter la fiction
    Chapitre 2     Les chapitres     0 Review    
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Duo d'amour dans le désert

— “ Aladin ? ”, glapit une voix décalée dans les aigus à force de surprise, mais qui ne permettait aucun doute sur l’identité de son détenteur. Il y eut un silence, puis Mozenrath se reprit. Chacun de ses mots dégoulinait de mépris et d’acide ; à l’arrière-plan perçait néanmoins ce que le héros identifia avec une note d’incertitude. “ J’aurais dû m’en douter, vu la poisse que tu me portes... Il fallait que les premiers pékins qui passent dans ce trou perdu soient ta carpette mangée aux vers et toi ! Dégage de là, maintenant ; ta carcasse m’étouffe... ”

L’aurore de moins en moins distante décida que le moment était propice pour darder les premières de ses salves. La portion de désert où se trouvaient aux prises les deux ennemis brillait dorénavant d’une lueur rosée mâtinée de mauve. Le lys pâle du visage de Mozenrath accentuait le bronzage d’Aladin, ou, selon le point de vue auquel on se plaçait, l’incarnat sombre du voleur contrastait avec la pâleur maladive de son adversaire, si violemment que celui-ci ne semblait pas vivant. Ses lèvres en particulier affichaient un glacis bleu pâle de moribond. Ses cheveux de jais eux-mêmes s’échappaient de sa coiffe en mèches graisseuses et emmêlées, lesquelles choquaient tant elles tranchaient sur le maintien irréprochable qui était l’ordinaire de Mozenrath.

Aladin vola un regard appuyé au garçon couché sous lui. Il avait eu raison et quant à son intuition et de le trouver fort en deçà de son niveau : indubitablement, Mozenrath était faible. Les ossements de son bras droit lui faisaient l’impression d’être de verre, à ce point de décoloration auxquels ils étaient arrivés. Quant au visage du Maître des Sables Noirs, il avait l’air mangé par ses yeux, et hâve et émacié et tremblant et livide...

— “ Allah me damne, tu as une tête de déterré ! Je suis désolé pour la perte de ton gant ; je ne pensais pas que ça porterait à conséquence, en dehors de te mettre hors circuit. Ecoute, si c’est ça qui te rend malade, je peux demander à Génie de le ramener... ”

Le sorcier réprima un rire névrotique. Les poussées qu’il exerçait afin d’écarter Aladin de la douleur solide qui lui servait de poitrine, n’aboutissaient à rien ; il allait falloir quémander, en priant pour que le plus irritant de ses soucis consentît à lui accorder cette faveur sans désirer en savoir davantage. Déjà que sa Némésis faisait mine de s’inquiéter sérieusement à son propos — la peste fût de son apparence. Pourquoi l’aube s’était-elle levée à cet instant précis ? Mais le mal était fait. Aladin savait, ou se doutait. Sa colère, Mozenrath pouvait l’assumer ; ce n’était pas comme s’il était sans expérience en la matière. Mais son intérêt, authentique de surcroît... Il valait tellement mieux, pour l’un et l’autre, qu’ils en restassent à leur inimitié mortelle... Le magicien ferait tout afin que leurs relations demeurent à ce stade-là. Il suffirait qu’il s’avère au dernier degré imbuvable ; et si ce n’était pas le gamin qui craquait, l’un ou l’autre de ses pieds plats d’amis ou l’ersatz de princesse, dont Mozenrath se demandait pour quelle raison ils ne se trouvaient pas présentement aux côtés d’Aladin, finirait bien par avoir un geste impardonnable ou par se fendre d’une parole malheureuse à laquelle réagir. D’ici là, Xerxès serait de retour en compagnie de Mamelouks en nombre..

— “ Ne dis pas de bêtises ”, rétorqua-t-il en dirigeant son meilleur air assassin dans les yeux du héros. “ Tu as pu constater qu’il me reste de la magie... Si tu voulais bien t’écarter, je serais ravi de t’accorder une revanche. ”

L’intéressé se déplaça sur son torse de l’air de réserver sa réponse, malgré l’ébauche de sourire qui parait son visage et l’éclair amusé au fond de son regard.

— “ Je t’ai connu plus adroit menteur ”, furent ses mots pendant qu’il s’écartait de lui. “ Que tu le veuilles ou non, tu n’es pas dans ton assiette ; je reviendrai à l’attaque aussi longtemps que tu ne m’auras pas convaincu qu’il est sage de te laisser seul. A ce propos, qu’as-tu fait de ta vieille anguille puante ? Autant je peux me montrer de bonne composition avec toi, autant elle me tape sur le système ! Si elle se montre, elle finira farcie au beurre, des câpres dans la gueule ! ”

Les osselets terminant la main morte de Mozenrath cliquetèrent avec un son sinistre tandis que le garçon mimait le geste d’étrangler quelqu’un. Une fascination malsaine maintenait rivé le regard d’Aladin sur cette poigne décharnée, puissante mais ô combien fragile dans l’état actuel de son propriétaire ; il eut à peine la vague conscience qu’il basculait son poids sur ses jarrets pour ensuite rouler de côté, offrant au magicien l’occasion tant convoitée de se relever.

Ce dernier ne fut pas long à profiter de l’aubaine. Ses doigts squelettiques esquissaient toujours leur mouvement de strangulation, mais machinal et qui s’apparentait plutôt, dorénavant, à un geste stéréotypé comme en ont les gens nerveux ou qui se cherchent une contenance. Quand il s’en aperçut, Mozenrath escamota derechef son bras rebelle au sein des replis de sa manche, le bouillonnement de sa cape se répandant par dessus. Il s'humecta ses lèvres craquelées d'une langue qu'Aladin fut soulagé de découvrir rose et bien vivante, se fendit ensuite d’un sourire à l’adresse de son adversaire trop chanceux, et, avec une promptitude confondante, toute sa personne recouvrit en un tournemain son horripilante maîtrise.

— “ J’en ai autant à ton service à propos de ta fourrure en poil de ouistiti ”, laissa-t-il tomber. “ Sauf que moi je ne lance pas des paroles en l’air. Cependant, attendu que tu as viré ton gros derrière de mon auguste personne, considérons-nous quittes. Adieu ; je ne te retiens pas. ”

Il n’avait pas mis un mètre entre Aladin et lui qu’il se trouva, pour la seconde fois en moins d’un quart d’heure, étendu de tout son long dans le sable, un corps souple et musclé plaqué contre le sien, et une paire d’yeux furibonds suspendue à une main de distance de sa face glacée. Jamais le mendiant d’Agrabah ne s’était enhardi autant, dans sa sainte rage — ni personne depuis Destane ; il lui crachait son haleine littéralement dans les narines. Mozenrath perçut le reliquat de sa magie qui tourbillonnait dans son ventre ; la violence des forces enchantées que sa propre nature mystique, combinée à son apprentissage sous la férule du ci-devant plus terrible enchanteur que le monde ait porté, scellait à l’intérieur de ses cellules, hors de tout contrôle de sa part, grondait à un point qui intimidait le jeune homme plus encore qu’il n’en était ravi. Cette fois, sa Némésis en serait quitte pour lui payer d’un coup la somme des frustrations, des quolibets et des blessures infligées par ses soins à l’amour-propre du sorcier...

— “ Je t’ai dit que tu ne t’en tirerais pas avant de m’avoir fourni une explication satisfaisante ! ”

La voix d’Aladin qui l’apostrophait lui fit s’entailler la langue en refermant sa bouche par réflexe : intimidante et froide et... blessée ? Depuis quand le punk des ruelles extériorisait-il des sentiments vulnérables vis-à-vis de son plus irréductible adversaire ? Il ne fallait surtout pas que Mozenrath se laissât émouvoir, raisonnait-il en tâchant de s’abstraire de l’expression chagrine avec laquelle Aladin le scrutait sans diminuer d’un pouce l’étau sur ses bras et jambes. Sa magie s’était pratiquement concentrée dans ses phalanges décaties ; c’était au pire des cas une affaire de minutes, une, deux peut-être, avant qu’elle ne s’en épanchât en mortelle décharge...

— “ Et pour qui te prends-tu ? ”, contra-t-il dans des mouvements désordonnés dont la fin unique était de cacher à l’autre garçon combien il le troublait de par cette posture intime. Une clochette tintinnabulant aux confins de son esprit avait beau l’avertir qu’il se mentait ainsi à lui-même, il ne souhaitait rien entendre ; son moi conscient s’arc-boutait contre les sensations agréables qui naissaient au contact d’Aladin, arrimé à la certitude que Mozenrath avait de la nécessité absolue de détruire le basané. Sa proximité éveillait des émois depuis longtemps réprimés sous sa peau , la magie qui entourait son cœur à l’instar d’une gangue glaciaire refusait qu’il se souillât à ces feux, même innocents — surtout innocents. “ Nul ne me commande ! ”

— “ J’ai sous les yeux le résultat... ”, lui fut-il répondu avec une rancoeur à couper au couteau. Le malandrin s’était rarement montré aussi déterminé. “ Il est temps qu’on t’oblige à faire ce qui est dans ton intérêt ; pas celui de ton appétit de conquêtes, le tien propre. Ta santé ; ta survie. C’est décidé ; je te ramène à Agrabah ! Au programme des prochains jours : amitié, vie saine et cure de désintoxication magique. ”

— “ Tu vas y retourner seul ! ”

A la stupéfaction d’Aladin, le bras décati du sorcier repoussa celui de ses membres qui le maintenait à moitié enfoncé dans le sable. Des étincelles d’un noir bitumineux nuancé de reflets outremer allaient et venaient le long des ossements, le tout sur un rythme et avec une violence ne le cédant en rien aux démonstrations de puissance du gantelet magique. Mozenrath se redressa sur son autre bras et darda sa main crépitante de pouvoir sur son rival. Tapis, qui s’était interposé par la gauche, fut empêché d’atteindre son ami ; le halo qui incendiait les phalanges mortes du Maître des Sables Noirs était par trop intense — le compagnon d’aventures d’Aladin reçut une décharge qui le chassa vers l’arrière dans un chuintement de toile en flammes.

La mine abasourdie du héros se mua en déception, elle-même promptement chassée par la colère. Oubliant toute prudence, le voici se ruant sur Mozenrath au mépris des étincelles dont n’étaient pas avares les os de la main de ce dernier, dans l’excès de leur énergie.

Il eût été des plus facile au sorcier de décocher son attaque. Les quelques mètres que lui avait concédés Aladin, lorsque sa magie avait paru au grand jour, offraient une ample fenêtre de tir que la course du champion, obligé qu’il était malgré tout d’esquiver les étincelles aveugles, ne comblerait pas avant plusieurs secondes. Mozenrath hésitait cependant ; les signes distinctifs de la déception dont les traits d’Aladin s’étaient parés à l’instant où il avait compris la vanité de ses efforts pour amadouer le magicien, ébranlaient ce dernier. Envolée sa froide détermination à ne laisser quiconque, et l’engeance des rues la première, risquer d’écorner la pellicule de givre sous laquelle somnolait sa conscience ; aux orties son appréhension qu’Aladin, en persistant à réveiller en lui sa part bien naturelle de fragilité et de faiblesse humaines que moult années de maléfices n’étaient pas arrivés à inhiber complètement, ne le découvrît sous son jour véritable. La vérité crue et sans fard tenait en cette constatation : Mozenrath ne trouvait pas en lui le courage, ou la haine, de pousser son avantage jusqu’à son terme. Au lieu donc de foudroyer sa Némésis, le premier humain en un laps de temps considérable en qui il reconnaissant un être méritant de vivre et non une simple commodité bonne à jeter après usage ou une nuisance méritant l'extermination, le sorcier noir aspira une grande gorgée d’air et abattit son bras squelettique à toute volée.

Aladin perçut la traînée sombre de l’attaque plutôt qu’il ne la vit. L’air frigorifié claqua sur sa gauche, le déportant avant que la détonation ne le couchât au sol comme fétu. Ses dents avaient claqué à grand fracas, entre la brûlure de l’atmosphère soudain portée très en dessous du zéro, contre laquelle ses membres supérieurs à peu près nus étaient sans protection ; la réception brutale de ses genoux contre les grains de sable glutineux et gelés ; enfin la difficulté surhumaine qu’il éprouvait à ramener dans ses poumons l’air expulsé sous le coup de la surprise et dont la masse subitement poisseuse répugnait à reprendre le chemin de sa trachée. L’expression affichée par Mozenrath le déconcerta, lorsqu’il se fût remis sur son séant ; soit le brun richement habillé avait le triomphe modeste — car Aladin venait de découvrir qu’il ne pouvait concrétiser son désir de bondir sur le sorcier pour lui dire sa façon de penser ; en effet, il était lentement aspiré en direction du point visé par ce dernier, et avec lui le sable, sous les rides concentriques dont se plissait le terrain attiré par la magie —, soit Mozenrath regrettait soudain ce qu’il avait commis. Son visage rompu aux airs cruels et à la morgue s’était effrité en un réseau de lignes formant un masque soucieux ; la façon dont ses yeux évitaient ceux du héros constituait une première à elle seule. Il marqua un pas en arrière. Sa cape amplifiait ses mouvements sur une tonalité qui avait peu à avoir avec son habituelle emphase ; plusieurs mèches couleur corbeau dégoulinaient hors de sa coiffe, poisseuses torsades raides contre son front séreux — plus que jamais, le Seigneur des Sables Noirs s’apparentait à un défunt récent — ou à un vivant en sursis.

Dans le dos d’Aladin, la traction s’accrut violemment. Le seul fait de rester en appui sur ses coudes alors qu’il rampait afin de ne pas être brossé trop vite sur le champ de forces obscures à l'oeuvre derrière ses jambes, consumait le peu de vigueur que sa respiration pesante était en mesure d’insuffler à ses muscles. Les sifflements de bas aloi qui montaient derrière lui eurent raison de sa volonté de ne pas quitter Mozenrath du regard, et ce fut un Aladin partagé entre sa colère persistante envers le sorcier en raison de son coup bas et l’intérêt inexplicable, mâtiné de sollicitude, que la fragilité de son rival lui inspirait, qui jeta un œil vers le résultat du maléfice.

Une lentille de brume opalescente, violette sombre, balafrait le panorama ocre et rose du désert. Son rebord extérieur irradiait des flammes noires dépourvues de fumée ; l’intérieur, large et dilaté, s’ourlait de poussière mordorée, légèrement plus claire, dont la texture tourbillonnait sur elle-même à vitesse réduite pour circonscrire une image immobile et ondulante à la manière d’un mirage. Large ainsi qu’un dromadaire, comme il le parut à Aladin, celle-ci représentait, une fois stabilisée, un coin de ville encore baigné sous la lueur nocturne. Ruelles borgnes plongées par l’étroitesse oblongue des façades dans une nuit épaisse ; une mosquée reconnaissable à l’or de sa coupole vert-de-grisée par la lune, le faîte de ses minarets en arrière-plan ; par endroits les trouées clairsemées des souks, la silhouette efflanquée de dattiers, les mats porteurs de la toile des caravansérails dont on devinait la silhouette géométrique — l’aperçu qui s’étalait devant les yeux du garçon convenait à n’importe laquelle des cités du désert. Puis une trépidation brouilla l’image. Ce fut d’abord aux teintes les plus vives de s’étioler : la dorure amarante de la coupole qui virait au noir, les jeux des rais de lune dans les arêtes des tours et des poteaux qui tournaient à la poix ; ensuite, les lignes, les formes et les surfaces abandonnèrent leur consistance. Une fois que la totalité de la couleur et des contours de la cité eut cédé la place, comme sur un portrait détrempé le fusain cloque, se délite et s’estompe, petit à petit de grosses taches montèrent à la surface que délimitait en son sein la lentille magique. Une bâtisse brillamment irradiée par une lune énorme paraissait lentement à la vue. Les formes en étaient massives et trapues, mais d’une manière bien autre que la palais d’Agrabah ou la forteresse de Mozenrath — point ici de dômes, de toits bulbeux, ainsi que des rondeurs tant prisées de l’architecture islamique. Les murailles se dressaient hautes et raides au contact de tours ou de poternes à la raideur impeccable ; les corps de logis projetaient vers les nues leurs fronts carrés entrecoupés de créneaux en haut desquels le pointu des toits et la rigidité grimaçante des gargouilles défiait la nuit de leurs verticales acérées. L’impression provoquée par l’ensemble était d’une solidité et d’une lourdeur extrêmes.

Aladin était au seuil de déclarer son fait à Mozenrath — le sorcier s’était emmêlé les pinceaux ; cela ne ressemblait en rien à Agrabah ! — quand une seconde trépidation se fit jour au sein de la lentille. Le palais inconnu disparut en une grosse cloque indistincte, ramenant les images de la cité endormie.

Lorsque son regard revint sur Mozenrath, le jeune homme pâle avait battu en retraite de plusieurs mètres ; ses épaules affaissées lui composaient un dos rond, quasiment une bosse. Les courants virulents qui brassaient l’air tout autour de la lentille agitaient ses riches vêtements, les pans de son turban plat et ses cheveux filandreux avec un manque complet de décorum. Les flots d’étoffe adhéraient à la silhouette qu’ils étaient supposés habiller en accusant la maigreur et la sécheresse de son corps ; sous leurs claquements raides, les lacets des bandelettes auxquelles se réduisait le tricot de corps du sorcier, attiraient l’œil par leur similitude avec une momie. Que se passait-il donc, s'interrogea Aladin ? Il s'était ratatiné, par rapport à leurs deux corps à corps de fraîche date ; cela allait plus loin qu'une simple perte de masse physique, en l'espèce musculaire. L'enveloppe charnelle de Mozenrath se fripait.

— “ Tu l’as cherché ”, fut le commentaire que le sinistre mage força hors de ses mâchoires contractées. “ Ce rayon était fatal, mais je me suis contenté d’ouvrir un portail vers Agrabah. Allah sait pourquoi j’ai consacré mes ultimes parcelles de pouvoir à te sauver la mise... Adieu. ”

A mesure qu’il parlait, la succion de croître et les vents de s’envigorer. Les ridules dans le sable avaient augmenté jusqu’à devenir des houles géologiques. La froideur mordante dont la caresse enveloppait le dos d’Aladin témoignait aussi éloquemment de la proximité du portail que le triplement au moins de la distance le séparant de Mozenrath. Le découragement déferla sur le héros. A quoi bon lutter ? Il ne faisait aucun doute que le passage l’avalerait à brève échéance... Ses paupières recouvraient ses yeux, les nerfs actionnant ses phalanges finissaient de s’engourdir — si vraiment il s’agissait d’Agrabah, il valait probablement mieux qu’il s’en retournât là-bas, quand bien même cela signifiait revenir à Jasmine et à la vie parfaite planifiée par celle-ci...

C’était compter sans son plus opiniâtre allié. Déboulant de nulle part, Tapis surgit à la hauteur du garçon qu’il chargea sur son dos des ‘doigts’ contrefaits de ses pompons avant, pour aussitôt avaler l’espace droit devant eux. L’élan de l’item enchanté compensait, et largement, la force d’aspiration du portail. Ils étaient pratiquement arrivés devant la forme lancée dans une course effrénée de Mozenrath. Aladin comprit que la chance ne lui serait pas accordée deux fois. Il signifia par signes à Tapis de redescendre, et, faisant pendre le haut de son torse hors de sa monture, il captura nettement les épaules du magicien. La carpette prit derechef de la hauteur.

— “ On n’en a pas fini ! ”, s’exclama-t-il entre ses dents, entre les respirations profondes qu’il prenait à chacun de ses efforts pour hisser Mozenrath à ses côtés.

— “ Débile profond ! Fiente de chameau ! De toutes les choses stupides à faire, c’est le bouquet ! Attends que j’aie récupéré mes pouvoirs... ”

Les insultes de ce dernier étaient moins furibondes qu’effrayées. Aladin voulut lui faire comprendre qu’il ne le lâcherait pas, quitte à basculer dans le vide lui-même, or il n’en eut pas le loisir. Moitié arrachant dans son ascension le bras d’Aladin, moitié tirant de sa poigne squelette sur les fibres de Tapis, l’intéressé mit quelques secondes au mieux à s’installer devant le voleur. Son souffle très court émettait des sonorités caverneuses ; une sueur aux relents de mort aigre s’élevait de sa forme que les parements de sa cape et de son habit de cour, pris dans le vol rapide de la carpette, assimilaient à une chauve-souris. Aladin dut empêcher un poing tremblant mais bien ciblé de venir s’écraser sur sa face. Il répliqua avec un de ses rictus. Les paroles qui allaient suivre furent stoppées sur ses lèvres par un signe impérieux de la main décharnée.

— “ Ne t’es-tu pas demandé, rat de basse-fosse, si nous ne serions pas trop lourds avec moi à ton bord ? Bien sûr que non ! Résultat, on va tous se payer le portail. Je l’ai fait trop puissant ; le passage va être mouvementé. Suis mon conseil : agrippe ce que tu peux et tiens-y ! ”

— “ Mais de quoi parles-tu ? Nous sommes pratiquement hors d’atteinte ! ”

— “ Vraiment ? Alors ta vue est aussi mauvaise que ton goût vestimentaire... ”

La main humaine du magicien désignait le sillage du Tapis. Le courant d’air créé par son vol était tombé à zéro ; à bonne distance du sol, en lieu et place de l’orée du désert vers laquelle Aladin les supposait lancés, les sables vitrifiés par le froid dardaient leur front déchiqueté. Tous les efforts de l’artefact ne les avaient pas emmenés, ses passagers et lui, à plus d’une dune et quelque, deux en comptant large, du paysage enclos dans la lentille. Et cette dernière gagnait sur eux. En y regardant mieux, ils avaient bel et bien pris une confortable avance sur le portail mais moins que le héros ne l’avait cru, et du fait qu’il exerçait une aspiration plus puissante que jamais, le maudit sortilège paraissait davantage en passe de les rattraper qu’eux de lui échapper.

Sans crier gare, une poigne volontaire coucha le jeune homme à plat ventre. Son réflexe lui fit enfoncer ses doigts au sein de la masse soyeuse et s’arrimer aussi fermement que possible. Comme si cela ne devait pas suffire, le poids de membres anguleux et fermes porta sur le milieu de l’échine d’Aladin. Le contact électrisa les fins cheveux à la base de sa nuque, comme il se poussait inconsciemment au plus près de son camarade d’infortune.

Ce fut une secousse, après quoi, avec la violence d’un troupeau d’éléphants chargeant en sens contraire, la fine équipe se vit franchir en marche arrière la totalité du chemin parcouru ces dernières secondes. S’il n’y avait eu Mozenrath, Aladin le comprit, il se fût sans nul doute envolé de Tapis. Un jet de pierre, moins peut-être, les séparait désormais du seuil de la lentille. Son ami à pompons redoublait d’efforts ; ses fibres distendues au delà de leur résistance craquaient sous la texture laineuse de ses motifs tandis que, mètre après mètre, il s’éloignait à nouveau de la menace magique. Ses passagers étaient affreusement ballottés.

Une barre de contrariété ajoutait une strie supplémentaire au front du jeune homme pâle. Ses doigts à l’os luisant se donnaient l’air de battre la mesure, ce qui était rien moins qu’absurde en la circonstance. Tout au moins jusqu’à ce qu’ils ne se fussent refermés et appesantis sur l’une des épaules d’Aladin. L’aigu de leurs phalanges terminales entamait l’épiderme du champion à l’instar de fines aiguilles, douleur cuisante quoique fugace. A l’évidence, Mozenrath avait sur le cœur quelque chose qui ne se résolvait pas à sortir de sa gorge.

— “ Tu ne vas pas aimer ”, commença-t-il enfin, en évitant le regard d’Aladin ; “ je crois que j’ai commis une erreur en convertissant mon rayon en un sort de délocalisation. L’aura magique m’apparaît différente, pas seulement trop intense... Si nous passons le portail, j’ignore ce qui est susceptible de nous arriver. J’espère que ta confiance en ce rebut mité est bien placée... ”

L’intéressé s’était permis un coup d’œil en arrière. La lentille et son image qui fluctuait du paysage de la ville endormie à l’étrange et froide citadelle toute de verticales constituée, les pressaient à plusieurs longueurs dans une traînée d’étincelles violettes dont l’impact sur le vide désertique suscitait congère après congère sur la plaine gelée qui autrefois ondoyait comme seul sait faire le sable. L’aveu consenti par Mozenrath ne pouvait guère surprendre Aladin, parvenu pour sa part à semblable conclusion ; par contre, que sa Némésis faite pétrie d’orgueil s’abaissât à exprimer, mieux qu’un regret, des paroles de contrition, flattait un organe profondément niché dans sa poitrine. Aladin avait chaud, de cette sorte de chaleur qui rend fébrile et euphorique. Sa main droite chercha la main gauche de son voisin, qu’elle recouvrit et serra avec tendresse. Un cahot plus intense que les autres drossa les deux jeunes gens l’un au contact de l’autre, presque joue contre joue ; le pompon arrière gauche de Tapis s’était détendu en un tournemain, soutenant Mozenrath dont la surprise avait empêché les réflexes de fonctionner et qui s’était retrouvé les jambes suspendues dans les airs. L’item pouvait n’y rien entendre à l’espèce d’osmose que ses passagers expérimentaient depuis un certain temps, il n’en percevait pas moins l’importance que le Maître des Sables Noirs était en train de prendre aux yeux d’Aladin et cela lui suffisait. Quant aux souffrances qui taraudaient son corps tissé, il les encaisser sans broncher, conscient qu’au cas où sa résistance et sa capacité au vol outrepasseraient leurs limites, Aladin gardait chande de survivre et de demander au Djinn qu'il le resuscitât, lui.

— “ Aussi longtemps que ce n’est pas mortel ”, répliqua le héros, “ aucune raison de se mettre à désespérer. Tapis me préoccupe davantage ; il ne résistera pas longtemps : ou c’est très vite le grand plongeon ou il va se déchirer et on se rompra le cou. ”

— “ Quel choix, vraiment... Mais toi aussi, tu avais besoin de me mêler à ça ! Je prenais mes jambes à mon cou, lorsque tu as décidé que tu devais me kidnapper. ”

— “ Avec ta mine de déterré, cela paraissait la chose à faire ; je dirais mieux : un acte de charité ! Quant au reste, qui est-ce qui a invoqué cette saleté, pour commencer ?! ”

— “ Oh ! ça va ; tout le monde peut se tromper... On y va quand je dis ‘une’ ? ”

— “ Okay. ” Le sourire d’Aladin se fana. La paume de sa main libre avait cessé de se faire griffe dans les poils épais formant l’échine dorsale de la carpette ; à présent, elle les flattait comme on le fait d’un vieil ami. “ Tu as entendu, copain ? Tu ne vas pas nous abandonner maintenant. ”

L’artefact réagit en ondulant de plaisir. L’angle de sa course s’infléchit, et, sitôt le mot d’ordre échappé des lèvres de Mozenrath, il exécuta une série de loopings de plus en plus serrés qui l’amenèrent dans une trajectoire à angle aigu directement en visée de l’image enclose dans le portail. Le phénomène de succion compensé par la décélération autorisait le contrôle du piqué, aussi Tapis et ses voyageurs furent-ils en capacité de stopper tout à l’ultime seconde. Leur chute dans le centre de la lentille ensorcelée se produisit de ce fait quasiment au ralenti.

Le mirage hésitant entre ville inconnue et forteresse hautaine céda la place à un vertige de lumières et de sons discordants. Tous trois chutaient dorénavant à une vitesse vertigineuse, au sein de ce chaos psychédélique où les yeux croyaient entendre à force d’être sollicités en dehors de leur spectre et où leur ouïe se figurait y voir tant les bruits étaient impossibles à assimiler comme tels. Les plis emmêlés dans leurs jambes de la carpette privée de masse, donc hors d’état de se maintenir en apesanteur, s’avéraient la seule et unique donnée sensorielle de laquelle les garçons pouvaient être assurés ; pour le reste, c’était indescriptible, aux limites de la confusion mentale. Mozenrath hurla brièvement ; son bras squelette s’était fait aspirer dans un étau, mais la douleur était repartie qu’il ne s’était pas encore avisé de quoi au juste elle avait été faite.

La sensation des deux alliés qu’ils s’abîmaient hors de leur corps et de leur âme prit fin ainsi qu’elle s’était immiscée : soudainement. Il y eut un grondement, et ensuite des chocs sourds tandis qu’ils atterrissaient avec la lourdeur de poids morts contre un sol inhospitalier.

 
 
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