Ma vie n'est qu'un long fil. Ou un fin muret, tout dépend de la vision de la personne. Des fois, je marche dessus, insouciante. Le confort de se sentir en sécurité, que rien ne peut vous atteindre, vous tuer. Certaines fois, je suis obligée de tendre mes bras afin de m'équilibrer et la sécurité s'effrite, le doute s'installe. Le plus effrayant reste. Les jours où le pied, droit ou gauche, peu importe, glisse. Le vide se fait trop proche, les ténèbres qui semblent accueillantes en apparence griffent tout ce qui est à leur portée. Mes bras en souffrent, ma poitrine et mon ventre aussi. Seul mon visage résiste à l'oppression, du moins mon masque reste solide. Toutes mes peurs remontent, elles me tirent les entrailles, le cœur... Derrière mon masque, mon visage se crispe de douleur, des larmes coulent de mes paupières rabattues, roulent sur mes joues comme des larmes de rasoir.

Une mélodie. Une mélodie que j'adore. Elle retentit dans tout cette espace, faisant reculer les ténèbres, réparant mes doigts ensanglantés à force de m'être retenue au fil. Puis des voix. D'abord la voix qui accompagne la douce musique. Puis une voix féminine, tantôt douce, tantôt sévère, mais toujours aussi agréable à mes tympans qui m’enlève le masque, sèche mes larmes et décrispe, grâce à de voluptueuses caresses, mon visage. Puis un garçon parle, et cette voix soigne mon cœur, soigne la plaie de cet organe vital. Il prononce des mots doux dans un français assez pitoyable. Cette voix, mêlée à la première, me relève. Maintenant, tout mon torse est sauvé, seules mes jambes restent dans le vide.
D'autres voix, elles aussi agréables à l'ouïe, m'aide à me relever complètement. Je me retrouve avec une clope à la main. Je suis sauvée, mais la fin du fil approche et, quand j'y arriverais, il faudra sauter.