Partie 03
Nous sommes en route vers le meilleur club de la place, selon les dires de ma colocataire. Durant ce trajet, Je médite sur le fait que je déteste n'avoir aucun souvenir de mes anciennes « vies ». Sinon, certaines choses me paraitraient tellement plus faciles à accomplir. Tout à l'heure, le simple fait de me retrouver devant ma trousse à maquillage à faillit me faire perdre tous mes moyens. Non mais, c'est quoi l'idée aussi ! Un coffre immense avec trois étages de toutes les couleurs possibles d'ombre à paupière, de gloss plus brillants les uns que les autres, de crayons à yeux etc. Comment je suis supposée me retrouver là-dedans ? J'ai opté pour le simple et discret, ce qui m'a d'ailleurs valu un petit commentaire de Léti qui a relevé le fait sur le coup. - Nous y voilà ! - Ah cool ! Je sais pas pourquoi je répète ça sans cesse, peut-être parce que c'est ce qui est le plus facile à répondre et qui demande la moins de fausse joie de ma part. C'est comme si le mot en lui-même est considéré comme l'émotion. Pas besoin d'avoir l'air content, le terme le fait à notre place. - Tu vas voir, c'est vraiment le meilleur endroit pour les petites reines du « dance floor » que nous sommes. Reines du quoi ! De mieux en mieux. Est-ce que c'est supposé vouloir dire que je vais devoir me donner en spectacle sur une piste de danse ça ? - Il a l'air d'avoir beaucoup de monde, dis-je en voyant la file d'attente qui s'étend sur plusieurs mettre depuis l'entrée principale. - Oui, mais ça avance super vite habituellement, dit-elle en ajustant un peu son décolleté pour mieux laisser voir son immense... Enfin bref, son contenu. Il suffit d'avoir le non argument pour passer, ajouta-t-elle en me faisant un clin d'œil. - D'accord, je l'espère, il fait un peu frisquet dehors. - Allons voyons, c'est quoi ces manières de fillettes. Depuis quand madame Sandy s'inquiète de la file d'attente ? Ah quelle surprise ! Voilà le trio qui vient d'arriver à son tour alors que nous venons à peine de prendre part à cette dite file. - Qu'est-ce qui vous amène ? - Mais toi ! - Blague ? - Mais oui, c'est Léti qui nous a lancé l'invitation tout à l'heure. Tu croyais quand même pas que ta beauté rayonnait jusqu'à chez moi ! Un vrai petit bouffon celui-là. Je ne suis pas certaine de devoir prendre cela comme une insulte ou non. - Non, peut-être pas jusqu'à chez vous. Mais sûrement assez pour se rendre jusqu'à chez Hayden ! À ce nom, tout le monde regarde en direction du stationnement où une petite auto verte vient de prendre place. Le jeune homme blond de la veille en sort habillé chiquement.
Oh... je ne me demande plus pourquoi je rougis de la sorte. La plupart des filles le suivent des yeux alors qu'il se dirige vers nous. Plusieurs d'entre elles nous lancent même des regards d'envie à moi et Léti. C'est à croire qu'il est le monsieur populaire de la place.
Je fais quoi ? Suis-je supposée ressentir cet étrange impression en sa présence ? Est-ce que ça fait parti du personnage que j'incarne. Cela serait bien la première fois qu'une telle chose me serait imposée. Il me semble que l'on m'a toujours dit que tous sentiments ne seraient pas de mise lors de nos missions pour éviter tout trouble psychique. Les chasseurs doivent rester impassibles et surtout sans parti prit pour qui que ce soit. Nous n'avons pas de temps à perdre avec la futilité de l'amour ou autre. Nos missions sont plus importantes que tout. Nos vies ne sont tournées que vers celles-ci.
- Salut tout le monde ! - Hello Hayd ! Ça va mon vieux !, lui dit Mathis en lui présentant la main. - Oui, pas mal ! Ses yeux se lèvent sur moi. Je me sens alors hideuse. J'ai l'impression que j'aurais dû mettre un peu plus de gloss et d'ombre à paupière, que les couleurs de mes vêtements ne vont pas de paire avec celles de mes sous-vêtements qui sont pourtant invisible. Je me demande même si ma petite robe mauve satiné est de mise pour l'évènement. Mais qu'est-ce que c'est que ça ! - Et toi, Sandy, les brioches vont toujours aussi bien ? - Oui, dis-je d'une voix de deux ou trois teintes plus aigüe que la normale. - J'ai parlé de votre petite boutique à quelques collègues du bureau. Je crois bien qu'ils vont aller y faire un tour bientôt. - Ah c'est vraiment cool. C'est gentil de ta part de nous envoyer de nouveaux clients, s'exclama Léti qui a réellement l'air contente de la nouvelle. Quoi ? Moi, je suis là à me morfondre sur place comme une jouvencelle et lui, il me parle de mes brioches et de clients ? Et pourquoi ça me frustre autant d'ailleurs ? Suffit ces questions stupides, j'ai autres choses à faire et beaucoup plus importantes à m'occuper.
Grâce au magnifique décolleté de mon amie, nous sommes vite entrés et nous voilà accoudés au bar en attente de notre commande. Je déteste prendre de l'alcool. Je ne me rappelle rien de mes autres missions ou presque, mais j'ai l'étrange impression qu'il ne faut pas que j'en prenne. Je me contente donc d'une boisson gazeuse ce qui fait bien rire Mathis. Je vois pas ce qu'il y a de drôle là-dedans. Encore un qui doit croire que pour avoir du plaisir, il faut boire. Ah les jeunes ! - Hey dis, tu viens danser, me lance Léti qui saute littéralement d'un pied à l'autre tellement elle a hâte. Quel autre choix j'ai ? - Oui, pas de problème, je te suis. Et nous nous dirigeons vers cette piste de danse déjà bondée. On se fait une petite place tout près des immenses colonnes de son et mon amie se met à danser de manière plutôt sensuelle. Je ne sais pas trop si je dois l'imiter ou non, je n'en ai pas vraiment l'envie non plus, mais d'après elle, je suis de ce type de personnes qui adorent danser. Reste à trouver quelle genre de danse il s'agit au juste.
- Aller, qu'est-ce qui se passe, on dirait que t'as oublié comment on fait, me dit-elle après quelques minutes. Si elle savait à quel point elle est proche de la vérité elle ne me ferait pas ce sourire moqueur. - Mais comment pourrait-elle oublier une chose pareille. Elle, la divine, la sublime reine de la piste, s'écria alors Mathis en venant nous rejoindre. - J'ai pas tellement la forme ce soir, désolée. - Allons donc ! Laisses-toi envahir par le rythme de la musique !, me cria Léti au travers le brouhaha ambiant. - Et voilà le beau blond qui s'amène par ici ! Je me retourne subitement pour voir Hayden qui tente de se frayer un chemin au travers la foule dense pour nous rejoindre.
Subitement, je n'ai plus du tout le goût de danser. La piste me semble suffocante et j'ai grande envie d'aller prendre l'air, même si nous venons à peine d'entrer. - T'es toute rouge San. T'es sure que ça va ? - Oui, pas de problème. Et il arriva près de nous avec son habituelle sourire. - Vous ne m'avez pas attendus ? - On ne savait pas que tu comptais rester avec nous, argua Mat avec un ton beaucoup trop brusque pour la situation. Faites qu'il y ait un démon prêt à bondir sur nous, faites qu'un démon soit là ! Je n'aime pas du tout le sentiment de stupidité intense dans lequel je mijote en présence de cet homme. Je ne veux qu'une chose, sortir d'ici au plus vite.
Mais qui est cette fille qui s'approche de nous avec son décolleté encore plus plongeant que celui de Léticia, avec ses jambes beaucoup trop longues pour être naturelles et son visage tellement maquillé qu'elle ressemble à une Barbie ? Et qu'est-ce qu'elle fait là à se pendre au cou d'Hayden ? - Hayd, ça fait un bail. Qu'est-ce que tu viens faire dans un trou pareil ? Je la déteste déjà la mademoiselle avec ses cheveux blonds, ses cils trop longs, sa taille parfaite et ses grands yeux bleus et brillants. Sa petite voix stupide est tout aussi désagréable qu'elle. Je n'arrive pas à comprendre ce que mes compagnons peuvent faire là à baver, non discrètement, sur elle comme des chiens sur un os. - Je suis venu m'amuser un peu. - Oh chouette alors ! Oh eurk, quelle est cette expression là ! Peut-elle avoir l'air encore plus niaise ? - Tu viens danser avec moi ? demande-t-elle en s'accrochant à son bras avec un sourire naïf. Je vis Léti pincer les lèvres et relever le nez. Sa manière à elle de désapprouver ce genre de comportement. - Oh, c'est déjà ce que je fais ici, non ? - Oui, mais viens avec moi et mes copines, on est un peu plus au centre. C'est pas mal plus cool là-bas, tu vas voir. Ça veut dire quoi ça ? - Je suis venu avec eux, donc je vais rester. Oups, mademoiselle ne semble pas très contente de la réponse. Visiblement, elle s'attendait à tout sauf à un refus de sa part. - Mais... pourquoi ? Ok, ses yeux de biche m'écœurent au plus haut point. Si je ne me retiens pas, je lui met mon poing dans la figure.
- Hey dégage la pimbêche, il veut pas aller avec toi et c'est tout. Est-ce si dur à comprendre ? dit alors Léti en perdant patience. - Quoi, comment m'as-tu appelé ? lança mademoiselle toute outrée. - T'as très bien entendu, maintenant fait un bout vite si tu veux pas que ce soit moi qui te fasse déguerpir en vitesse. - Des menaces ! Tu crois que j'ai peur parce que ton cul fait quatre fois la largeur du mien peut-être ?! Oh, ça commence à chauffer là. On me dirait que c'est elle le démon que je le croirais. La fumée lui sort presque des oreilles et en forçant un peu la donne, ce sont les cornes qu'on va voir apparaitre. Dommage, si tel serait le cas, je me ferait un vilain plaisir de m'en débarrasser. Je rêve où c'est à moi que les cornes vont finir par pousser si je continus à avoir ce genre de réflexions. - Et tu vas voir qu'un gros cul ça écraser les cure-dents dans ton genre en un rien de temps. Je te le dis une dernière fois : fou le camp ! - Hey les filles, c'est pas le temps de faire un bagarre, lança Mike en venant se poster entre les deux. - Attendez au moins qu'on apporte la boue ou le jell-o, c'est comme vous préférez ! ajouta Mathis en riant. Ah les hommes, si attirants mais si... stupides à la fois !
Bon je fais quoi ? Je les laisse venir aux coups ou je m'en mêle. La première option est tellement plus tentante, mais la raison doit toujours primer sur tout. - Aller Léti, laisses-la. On en a rien à faire d'elle. - Et toi, poufiasse, mêles-toi pas de ça. Et là, la raison, elle passe où ? - Je te conseille de ne rien ajouter à ta charmante insulte ! - Sinon quoi ! - Oh, tu ne me parles pas de mon gros cul à moi ? - ... - Mais je peux toujours te présenter mon gros poing ! dis-je en le brandissant juste sous son nez. - Si tu crois que j'ai... - Bon ça suffit là ! Hayden venait de se mettre entre nous pour de bon. - Les filles, c'est quoi ces manières là. Vous n'allez quand même pas vous disputer pour rien. - Grosse vache, cria la blonde par-dessus l'épaule du jeune homme. - Ouff, une magnifique preuve de maturité que tu nous fais là. - J'ai dit stop ! Le pauvre homme semblait au bord du découragement. Je me demande à quel âge ces enfantillages prennent fin habituellement. Je me serais attendu à autre chose en venant ici ce soir. Je ne savais pas qu'ils envoyaient les enfants dans les clubs quand les garderies fermaient. Je me retins bien de ne pas dire tout haut cette pensée même si elle me faisant rire intérieurement. Il sera toujours temps de la répéter à Léti quand nous serons de retour à la maison. - Vas-t'en Mélissa ! - Quoi !? - Aller, t'as pas ta place, on s'amusait bien. Viens pas foutre la merde où il en a pas. Je t'ai dit que je restais avec eux. Merci pour l'invitation tout de même, mais je ne changerai pas d'avis. - Pourquoi tu dis ça. C'est la grosse épaisse avec sa petite connasse qui... Il leva les yeux au ciel accompagné d'un profond soupir. Elle finit par comprendre qu'il n'allait pas céder pour son regard de biche attristée. Elle s'en alla rejoindre ses amies plus loin et se contenta de nous faire des signes vulgaires de dans leur coin. Est-ce que les humains sont tous aussi stupidement guidés par leur jalousie où c'est seulement quelques cas isolés ?
Je suis assise sur l'un des immenses blocs de ciments dans le stationnement du club. J'ai laissé Léti et les gars continuer à faire la fête seule. Je suis venue prendre l'air pour mieux m'entendre penser et essayer de remettre les choses en place dans ma tête. J'ai le regard intensément fixé sur mes mains et je me demande encore comment ça se fait que je vis autant d'émotions. Gène, jalousie, haine, frustration... Je ne me rappelle jamais grand-chose de mes missions précédentes, mais je sais que je ne suis pas supposée en ressentir comme ça. Un chasseur se doit d'avoir tous ses sens libres et en alertes pour sentir la présence d'un quelconque démon à proximité. Quand nous revenons dans l'intemporel, c'est pour y faire le vide complet, un processus d'oubli et de purification.
Les sentiments et émotions pourraient convertir un chasseur et le rendre mauvais sans que les archanges ne s'en rendent nécessairement compte à temps. Un chasseur perverti pourrait déséquilibrer le cours de choses et bouleverser l'univers des humains si tel est son désir et qu'il a la ruse de passer sous le nez des archanges assez longtemps pour arriver à ses fins. C'est pourquoi l'on nous protège en bloquant cette partie du cerveau qui habituellement sert de répertoire d'émotions pour les humains. Nous sommes quasiment placides. Seule la rationalité doit primer et nous servir.
Cette mission, qui m'a été confiée, m'a tout l'air d'être des plus étranges. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi je suis livrée ainsi à moi-même. Il me semble que Joël aurait dû m'en glisser mot lorsqu'il est venu me voir la dernière fois. Si tout cela est arrangé avec les hauts dirigeants, pourquoi ne suis-je au courant de rien. Et si ce n'est pas un arrangement, pourquoi personne ne s'en rend compte ? Ne sommes-nous pas supposés être sous haute surveillance ? Regardés jour et nuit afin de déceler le moindre petit pépin, la moindre petit anomalie ou erreur ? C'est complètement illogique ce qui m'arrive en ce moment et, en quelque sorte, ça me fait peur. |