Appartement de Mr Harry Potter (et de Mr Draco Malfoy), 13h40:
Ce rustre, ce salopard, cet ignoble petit con l'avait quitté. Tout simplement. Passant du coq à l'âne. D'un diner aux chandelles à l'annonce du divorce. Et il était parti. Tout simplement, ignorant ses appels, refusant même de le regarder. Il l'avait quitté sans un regard en arrière. Tout simplement. Harry ruminait ces pensées depuis bientôt deux semaines. Deux longues semaines sans avoir vu Draco. Eux qui ne supportaient pas de ne pas se voir juste le temps d'un week-end. Et le temps, contrairement à ce que l'on dit, n'avait en aucun cas suffit à apaiser son chagrin et sa rancœur. Bien au contraire, sa haine profonde et sa détresse charnelle ne faisaient que se développer, sournoisement tapies au fond de son cœur. Il avait atteint le fond du gouffre et ne faisait que creuser un peu plus sa tombe. Oh, si seulement cette métaphore pouvait être vraie, se dit-il. Il avait juste envie de mourir. Non pas de partir loin, de fuir la situation actuelle ou de dormir pendant un laps de temps indéterminé, non, il avait envie de fuir cette vie, qui n'était déjà plus vraiment la sienne sans cet être à ses côtes. Draco était son monde, et sans lui il ne voyait plus réellement où il pourrait survivre. Car c'était de cela qu'il s'agissait désormais. Survivre, en terre inconnue. Longtemps durant son enfance et son adolescence il avait cherché sa place dans la société, dans le monde, et malgré toutes les remarques possibles à propos de son importance capitale, du fait qu'il était un héros (et blablabla pensa-t-il) il n'avait jamais complètement réussi. Ne sachant sur quel pied danser, il avait tout simplement vécu, accueillant les bons moments comme les mauvais et évitant de se poser trop de questions qui demeureraient sans réponses. Et puis un jour, quelque chose d'improbable se passa.
-Je ne me sentais pas à l'aise dans ce monde. Comme si je n'étais pas fait pour lui. Je le fuyais, essayant de ne pas trop m'attacher aux gens autour de moi, trop effrayé à l'idée de les perdre et de me sentir encore plus seul. J'avais depuis longtemps perdu espoir. Et puis, j'ai ouvert enfin les yeux. Je l'ai trouvé. La perle rare. Un paria comme moi en somme. Un incompris, essayant de s'épanouir malgré la présence permanente de son nom, de sa condition et de son père au dessus de lui. Le monde ne nous suffisait pas. Toujours à la recherche d'autre chose. Toujours à en vouloir plus. Ce plus, pour ma part, quand j'ai enfin compris, c'était lui. Mon monde, mon univers, c'était lui. La place que j'avais tant cherchée, était en lui. J'osais par moment, lorsque je baissais la garde, espérer que c'était le cas pour lui aussi. C'est ce qu'il me montrait, de sa manière maladroite. Il n'était pas doué avec l'expression des sentiments, n'ayant jamais été habitué à une telle chose. Alors il préférait agir avec son corps, avec ses yeux, pour faire parler son cœur. Mais désormais, j'ai la très sérieuse impression que je me suis trompé sur toute la ligne. Je n'étais, je ne suis rien pour lui. Un passe temps, dont on se lasse à force.
Harry venait de ruminer dans son coin, encore une fois. Des murmures, encore des murmures. Au début, Hermione n'y faisait pas vraiment attention, n'y prêtait qu'une oreille distraire, se disant que son ami ne faisait que parler tout seul, et que ce ne devait pas être si important. Mais rapidement elle avait compris que sans le vouloir, celui-ci mettait son cœur à nu.
-Ne dis pas n'importe quoi Harry ! Tu deviens ridicule ! Bien sûr qu'il t'aimait—Hermione avait fini par accepter de parler de Draco et de tout ce qui gravitait autour, au passé, ayant clairement compris qu'essayer de faire garder espoir à son ami ne servirait à rien, si ce n'est à le faire un peu plus souffrir—Tu étais tout pour lui ! Sa vie avait enfin un sens. Il était comme un petit garçon apeuré, perdu dans un labyrinthe et tu est arrivé un jour, lui montrant la voie.
-Mais il s'est clairement foutu de ma gueule ! Le caractère légèrement bipolaire de Harry, que ses amis connaissaient si bien, qui le poussait d'ordinaire à aller d'une humeur à son extrême sans avoir le temps de dire quoi que ce soit, avait tendance à ne s'orienter que vers la colère ces temps-ci. Aucune joie, aucune bonheur. Il passait ainsi d'un état léthargique, à une fureur impossible à canaliser—Et Merlin savait que la seule personne douée pour le faire à peu près bien, n'était pas présente—effrayant la jolie brune.
-Tu veux bien arrêter trois secondes ? Le fait qu'il ne t'aime plus—encore un aspect qu'elle avait accepté d'admettre, mais seulement devant Harry, car en réalité elle était persuadée du contraire, et avait déjà commencé à enquêter de son côté—ne veut pas forcément dire qu'il ne t'aimait pas avant.
-Soit. Harry s'enferma alors dans un silence bougon, regardant rageusement la pendule au fond de la pièce, comme si celle-ci était l'unique responsable.
-Soit ? Et depuis quand tu t'arrêtes à ce simple mot ?
-Depuis que… Oh bordel, Hermione ! Tu veux bien arrêter de toujours tout savoir sur moi ?
La pointe d'humour du brun amusa légèrement la jeune femme. Mais cette allégresse s'enfuit bien rapidement, la queue entre les jambes, à la vue des larmes roulant sur la peau couleur peau d'épice de Harry. Cela lui faisait mal. Elle ne supportait plus de voir son ami se désagréger un peu plus chaque jour. L'expression sur son visage lui gela le cœur.
-Non, tu sais bien que non. Je suis ton amie ! Je sais tout de toi. Ton nez que tu plisses lorsque tu retiens un fou rire, ton regard fuyant lorsque tu veux pleurer mais que tu considères, pour une raison inconnue, que tu ne dois pas, tes sourcils que tu fronces lorsque tu es résigné. Je lis en toi comme dans un livre ouvert. Et que ça te plaise ou non,… et bien… je m'en fous, voilà !
Harry rit un instant, avec de se rendre compte que ce simple son lui écorchait les tympans. Il ne pouvait plus rire maintenant sans que cela ne paraisse étrange. Il repensait aux nombreuses soirées qu'ils avaient passées tous les quatre, lui, Draco, Hermione et Ron. L'appartement était alors empli de doux sons de pure joie, innocente et pure. Désormais, il ne restait plus que les fantômes belliqueux de ces souvenirs trop vite envolés. Des bribes de bonheur ondulant à travers la poussière qui virevoltait entre les rayons de soleil. Imprenables, intouchables, mais pourtant toujours là, à le narguer tranquillement. Sourdement le chagrin se dilua dans ses veines. Il était en manque de Draco. Il s'était abandonné corps et âme à son bel amant, jusqu'à atteindre le point de non-retour. Avant de pouvoir pleinement sans rendre compte, il était trop tard. Le chemin tortueux qu'il avait emprunté s'était refermé et il n'avait pu qu'avancer un peu plus dans la folie, un peu plus dans la passion, un peu plus dans la dépendance. Se rendant accro à en pleurer les longues nuits de solitude. Et désormais, la plus pure des drogues s'était envolée. Il se sentait souillé comme un camé aux bras recouverts de traces de piqures de seringue. Cependant, les cicatrices de ces injections de sentiments brûlants n'étaient pas visibles de l'extérieur. Seul son cœur était abimé. Comme toujours, il fallait protéger les apparences. Il y était habitué. Pendant trop longtemps il avait sans cesse refoulé ses émotions et ses blessures. Que ce soit les pleurs engendrés par les coups de son oncle moldu, la peur occasionnée par Voldemort, ou la douleur de la perte d'êtres chers.
-Qu'est-ce que tu fais ? La peur s'était mise à irradier d'Hermione par tous les pores de sa peau, quand elle l'avait vu se lever et se diriger vers la porte d'entrée.
-Je sors, faire un tour. C'est une bonne chose non ?
-Je suppose… Evite de rester dehors trop longtemps, vu ton état. Je ne tiens pas à devoir te récupérer sur le trottoir comme sur avant hier. Merlin Harry ! Tu t'es quand même pris un poteau en pleine tête. Et tu refuses toujours de m'expliquer comment tu as pu en arriver là.
-Je ferais attention aux poteaux aujourd'hui, ne t'inquiètes pas. Un nouveau rire artificiel.
Lorsque le brun referma finalement la porte derrière lui, elle avait poussé un profond soupir à fendre l'âme. Elle n'en pouvait plus. Cette situation était insupportable.
-Non mais tu te rends compte que ce petit batard l'a abandonné ? Et que cet abruti essaye de rire pour me rassurer ? Non mais franchement, à part filer la chaire de poule, je ne vois pas quel effet il essaye de produire avec son espère de bruit de gorge ! Oh, et tiens, je me mets à parler toute seule maintenant. Marre, marre, marre !
Harry se sentait bien mieux à l'extérieur. Le visage tourné vers le soleil, il emmagasinait le plus de vitamine D possible. Même s'il savait que ses amis vivaient 24h sur 24 avec pour le protéger et le réconforter, il n'en pouvait plus. Deux semaines qu'il faisait comme s'il allait bien, dans le meilleur des mondes. Merci bien ! Il ne voulait plus voir cet éclat de détresse au fond des yeux de Ron et Hermione à chaque fois que sa voix dérapait un peu trop dans les aigus, ou que ses mains tremblaient légèrement. Alors il souriait, riait, parlait. Sans l'aide des capsules de poudre de tentacula bolivienne, il ne pouvait pas tenir le coup. Privé de la drogue à l'état pur que représentait son ange blond, il s'était réfugié dans une autre plus dure, plus terrestre. Profitant de l'absence momentanée de ses deux baby-sitters, il avait filé dans l'allée des Embrumes, à la recherche d'un paradis artificiel. Et si cela ne fonctionnait pas à merveille, il arrivait tout de même à conserver un comportement plus ou moins normal. Encore et toujours les apparences. Harry n'en pouvait plus de toujours faire semblant. Il voulait s'écrouler, pleurer, hurler, crier des jours et des jours. Oh bien entendu, il l'avait fait les premiers temps, mais bien vite il s'était calmé face au désarroi de ses meilleurs amis. Il avait pu se laisser complètement aller quelques heures, mais cela n'avait pas suffit. Et il en gardait un arrière-goût amer dans la bouche. Lui, le célèbre Harry Potter, ne pouvait même pas craquer purement et simplement devant ses confidents de toujours. Alors il sombrait de l'intérieur. Comme une implosion, son âme se rétractait sur elle même.
C'est à ce moment qu'une espèce de harpie croisée avec une mouche lui sauta dessus.
-Rita Skeeter pour la Gazette du Sorcier Mr Potter, je vous dérange ? La femme n'avait pratiquement pas changé depuis le temps, la quatrième année à Poudlard, où tout semblait si simple et si futile pensa Harry. Toujours la même coiffure compliquée, les mêmes lunettes extravagante.
-Ah vrai dire…
-Charmant, charmant, mais asseyez vous, le coupa-t-elle en lui indiquant un banc à proximité.
Et voilà, c'est reparti, se dit Harry. Il ne savait pas trop pourquoi, mais il avait naïvement espéré que la presse le laisserait tranquille pour ce coup. Mais bien entendu, après avoir publiée maints articles sur le mariage fracassant, c'était impossible que les journalistes n'aient pas sauté sur l'occasion. A vrai dire, maintenant qu'il y pensait, le brun trouva cela étrange qu'ils aient mis deux semaines à venir le voir. Sûrement grâce à Hermione. Il se promit silencieusement de lui en toucher deux mots, et de la remercier dans le cas échéant.
-Oh par Merlin, vous faites peur à voir, réellement. Vous êtes tout débraillé. A croire que vous n'êtes pas sorti de chez vous pendant tout ce temps.
-C'est un peu le principe oui, vous savez, pour se remettre d'un divorce, siffla-t-il avant de rendre compte de son énorme gaffe, tandis que la plume à papotte habituelle de la journaliste courait déjà sur un morceau de parchemin, transformant sa phrase de quelques mots en un long paragraphe. Il pouvait clairement lire « des yeux voilés de désespoir », « une voix enrouée qui ne peut que répéter inlassablement, je l'aime tellement », ou bien encore « l'image d'un petit garçon qui aurait trop vite grandi ». Même si en somme, ces propos n'étaient pas loin de la vérité, il ne voulait pas réellement qu'ils apparaissent dans un long article larmoyant sur le pauvre Potter fou de chagrin.
-Je ne pense pas avoir dit ça.
-Oh, mais ne vous inquiétez pas pour la plume. Toujours aussi suspicieux n'est-ce pas ? Comme durant votre deuxième année d'études, lorsque que vous étiez champion de Poudlard. Hahaha, vous me faites rire Harry ! Je peux vous appeler Harry bien entendu ? Après tout, nous avons vécus tellement de choses ensemble !
-J'étais en quatrième année et il y avait aussi Cédric Diggory pour nous représenter.
-Oh des broutilles tout ça, peu importe, dit-elle, oubliant à l'instant la remarque du brun, en faisant un geste évasif de la main. Ce qui est important pour l'instant ce sont vos émotions, vos sentiments. Comment vous sentez vous par rapport au divorce ? Vous y attendiez vous ? Comment cela s'est-il passé ? Et pourquoi avoir faire une chose aussi inhumaine envers le sauveur de l'humanité ?
La femme posa ainsi des questions pendant une dizaine de minutes, auxquelles Harry ne répondait pas.
-Ouh, mais c'est que vous êtes bougon ce matin !
-Je pense juste que… laissez tomber.
-Mais dites moi au moins une chose voyons ! Comment voulez-vous que je fasse un article décent moi ?
-Je ne vais vous dire qu'une seule chose. Et retenez la, imprégnez vous en. Quel est votre moment préféré de la journée ?
-Euh… Visiblement elle n'était pas habituée à ce qu'on lui pose des questions, et encore moins une aussi pathétique que celle là, pensa-t-elle. Elle avait toujours fonctionné dans des conversations à ses uniques.
-Moi c'est le matin, vous savez, quelques secondes avant qu'on ne se réveille, lorsqu'il n'y a pas la pression du monde sur nos épaules, cette peur de décevoir les gens que l'on aime, de faire des mauvaises rencontres, ce moment est magique, magnifique. Et bien cela fait deux semaines que je n'ai même plus ce petit moment de soulagement. Voilà, je vous ai tout dit. Faites en ce que vous voulez.
D'un bond félin il se leva du banc, et après un dernier regard désolé vers Rita Skeeter qui semblait abasourdie par ce qu'elle venait d'entendre—même sa plume s'était arrêtée d'écrire fiévreusement—il se dirigea vers un petit magasin avant de retourner discrètement chez lui, espérant ne pas tomber sur un autre journaliste. Car s'il avait été relativement poli avec la vieille chouette, il ne le serait pas avec d'autres journalistes intéressés seulement par les ragots et les potins. C'était cela quand on était un tant soit peu célèbre. Toujours des rumeurs, toutes plus ridicules les unes que les autres. Ils en avaient assez de ces mensonges et de ces personnes qui s'amusaient à dire le plus d'idioties à son sujet. Ca le rendait malade. Sa relation avec Draco avait été tenue secrète au début. Tous deux craignant les réactions du monde sorcier. Et puis, poussés par leurs amis respectifs, ils avaient fini par se montrer au grand jour. Les réactions étaient mitigées au début. Certains criant au scandale, d'autres avançant le fait que c'est magnifique de voir deux emblèmes des anciens camps opposés enfin unis. Comme le signe d'une réelle paix, d'une entente cordiale. Rapidement les articles peu élogieux avaient laissé la place à des acclamations enthousiastes. C'est ainsi que leur mariage avait fait le plus grand bonheur des sorciers du Royaume-Uni et d'Europe. Tous y voyaient le signe de la grande réunification des peuples. Que penseraient-ils désormais ?
C'est fatigué qu'Harry se laissa tomber sur le canapé qui s'écrasa un peu sous son poids, dans un bruit de vieux ressorts. Draco avait toujours critiqué ce vieux canapé, clamant qu'ils avaient largement les moyens de s'en acheter un neuf. Et pourtant, ils l'avaient gardé. Il ajoutait une touche d'ancien et de cosy dans le salon au mobilier ultramoderne. Quand Hermione le découvrit deux heures plus tard, plongé dans un roman moldu, un cendrier plein à côté de lui, elle hésita entre lui hurler dessus pour se détruire la santé avec de telles cochonneries ou tout simplement s'asseoir sur un fauteuil et regarder un Harry apaisé. Elle ne savait, heureusement pour elle et pour le brun, que son ami était shooté grâce aux effets prodigieux de la plante exotique. Ce n'est qu'au moment où elle comprit que celui-ci avait les yeux fixés sur la même page depuis une demi heure et qu'un mégot de cigarette tenait en équilibre instable entre ses doigts, qu'elle commença à douter. Doucement elle se rapprocha de lui, et se positionna de façon à voir ses yeux. Ceux-ci étaient vitreux et injectés de sang. Glacés et sans expression.
-Harry ? Ca va ? Harry ? Harry ! HARRY ! Elle avait beau le secouer de toutes ses forces, il était aussi passif qu'une poupée de chiffon. Mais qu'est-ce que tu as encore fait ?
Hôpital Sainte Mangouste, 21h12:
-C'était une très bonne décision de l'emmener tout de suite ici Mlle Granger. Grâce à vous il ne subira aucune séquelle.
-Merci ! Vraiment, merci. Je peux vous demander maintenant ce qu'il a bien pu prendre ? Je n'ai pas compris. Il était bien dans l'après midi. Et puis je rentre le soir et il… et il…
-Une drogue puissante, issue de racines d'une tentacula originaire d'Amérique du sud. Elles sont séchés, puis broyés. La poudre obtenue est enfermée dans des capsules scellées magiquement, afin de renforcer l'action des narcoleptiques. Il en avait avalé une bonne dose. Et ce n'était pas la première fois apparemment. Je pense que sa réaction, ce soir, était due à un rejet puissant de son métabolisme.
-De la drogue ? Mais non ! Enfin je veux dire, sauf votre respect, ce n'est pas possible. Il ne peut pas avoir pris de la drogue, nous avons été avec lui tout le temps depuis 15 jours. Et puis c'est Harry ! Il n'a pas besoin de drogue. Il fume de temps en temps, mais ça n'a rien à voir. Non, non ce n'est pas possible…
-Avez-vous noté des comportements étranges ? Une soudaine apathie, ou un certain détachement ?
-Je… En y réfléchissant bien, en connectant les diverses réactions de son ami depuis deux semaines, elle comprit. Et la vue du soudain éclat de lucidité dans ses yeux fit sourire le vieux médicomage.
-Je vois avouer que oui. C'est vrai que… Vous êtes au courant pour son récent divorce ? Enfin, il n'est pas encore prononcé, mais soit. Il était mal au début, très mal. Et puis de jour en jour, nous l'avons vu remonter tout doucement la pente. Rien de spectaculaire, mais tout de même, il avait l'air mieux. Je me sens tellement stupide. Pourquoi je n'ai pas remarqué que c'était trop beau pour être vrai ? Je n'arrive toujours pas à y croire. Pourquoi aurait-il fait ça ?
-Vous savez, dans certains moments de désespoir profond, on a parfais l'impression que plus rien ne pourra jamais nous sauver, alors on tend désespérément la main pour éviter de se noyer. Il se trouve que dans certains cas, cette aide vient de substances, ö combien dangereuses, mais tellement réconfortantes pour l'esprit humain. Ne le blâmez pas.
La chambre de l'hôpital Sainte Mangouste était doucement éclairée par les lampadaires de la rue. Les murs d'un blanc cassé s'illuminant subtilement étaient recouverts d'ombres mouvantes. Les arbres se balançaient tranquillement à l'extérieur. Tout était calme. Trop calme, se dit Hermione. Harry était profondément endormi, calme et serein entre les draps de lin beige. La jeune femme se mit à pleurer en silence, le front contre la vitre, les yeux regardant au loin. C'était trop dur. Trop dur de voir son ami s'enfoncer toujours plus dans un désespoir latent. Trop dur de ne pouvoir rien faire en le regardant s'éloigner de cette chienne de vie. Elle avait toujours admiré le courage d'Harry. Il voulait toujours protéger le plus de personnes possible et se sentait coupable à la mort d'un inconnu. Mais à ce moment, complètement perdue dans un monde qu'elle ne connaissait plus, elle se demanda qui prenait soin de lui. Pourquoi la souffrance existait-elle ? Pourquoi le mauvais sort s'abattait-il toujours sur les personnes qui méritent le plus d'être heureuses ? N'y avait-il donc aucune justice ? Au final, malgré la mort de Voldemort et l'incarcération de bon nombre de mangemorts, les mauvaises personnes gagnaient toujours. Dans un sens, s'il n'avait pu le tuer, le Seigneur des Ténèbres s'était arrangé, inconsciemment, pour faire souffrir Harry. Même lorsque tout se passait pour le mieux entre lui et Draco, il lui arrivait encore trop souvent de se réveiller en pleine nuit, en proie à un cauchemar. A chaque assassinat, d'un moldu ou d'un sorcier, il s'inquiétait et semblait porter la croix du genre humain. La vie n'était pas juste, non. Mais il n'était pas possible de modifier le passé. Ce qui était fait était fait. Et il fallait faire avec maintenant. N'en pouvant plus, elle finit par s'écrouler et pleurer en de longues plaintes tranchantes comme une lame. Les yeux embués de larmes, elle ne remarqua pas que Harry était réveillé depuis le début et qu'il avait tout vu. Son amie avait fini par craquer elle aussi. Pourquoi faut-il que je n'apporte que la désolation et le chagrin autour de moi, pensa-t-il amèrement. Il irait mieux, oui, sa décision était prise. S'il ne pouvait aller bien pour lui même, il le ferait pour les personnes autour de lui. Il ne voulait plus les rendre triste. Ce divorce ne les concernait pas. Il n'avait pas à en souffrir. Se levant aussi rapidement qu'il le pouvait—sa tête lui faisait horriblement mal et les murs semblaient tournoyer légèrement autour de lui—il s'approcha d'Hermione. La prenant dans ses bras, il s'excusa encore et encore tandis qu'elle pleurait à chaudes larmes, s'agrippant à lui. Ils passèrent ainsi une partie de la nuit, dans les bras l'un de l'autre. Essayant de se faire pardonner mutuellement, pleurant contre l'épaule de l'autre. Finalement, aux petites heures de l'aube, ils se mirent à rire, d'un rire franc et joyeux.
-On se comporte vraiment comme des gosses non ? dit Hermione entre deux sanglots.
-Légèrement, oui… Je suis désolé.
-Tu n'as pas à l'être. C'est normal que toute cette histoire te chamboule. Qui ne le serait pas. Promet moi juste de ne plus toucher à ces cochonneries. Je veux bien fermer les yeux sur la cigarette, mais pas sur les drogues. Et si je m'accrocher à toi pour être sure que tu ne feras pas d'autres bêtises, je le ferai.
-Oh mais je n'en doute pas. Ne t'inquiètes pas, je ne recommencerai pas. Ce n'est pas bon de s'enfermer dans une bulle, en ignorant la réalité, car elle finit toujours pas nous rattraper. Et c'est encore plus douloureux. Je pense qu'il vaut mieux affronter les problèmes sur le moment, plutôt que de les mettre de côté en priant pour qu'ils nous laissent un peu de répit. J'ai essayé cette technique, elle ne marche pas. Au moins maintenant je sais ce qu'il faut faire.
-Promet moi j'ai dit !
-Okay, okay, je promets. Croix de bois, croix de fer.
Ils se mirent à rire de plus belle et l'arrivée d'un Ron complètement éberlué par la scène qui se déroulait sous yeux ne fit qu'augmenter leur allégresse. Celui-ci, après les avoir copieusement traité de « gros malades complètement bipolaires » alla chercher trois cafés. En prenant chacun un, ils s'assirent cahin-caha sur le lit.
-Harry James Potter, tu ne recommenceras plus jamais ça. Tu m'as bien entendu ?
-Oh pour l'amour de Merlin Ron, le rôle de parent qui essaye d'asseoir son autorité ne te va vraiment pas. Laisse ça plutôt à Hermione. Elle se débrouille mieux.
-Mais… Mais je t'emmerde jeune homme ! |