Mémoires... Finalement, c'est vague. Mémoire de qui, mémoire de quand ? Oui, j'ai rien d'autre à dire : mais ça remplit !
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Elle dansait, tournait et riait en admirant les premiers flocons qui tombaient, accompagnant ses pas sans jamais s'arrêter. S'il avait pu, il serait resté là des heures à l'admirer. Si elle était restée, aussi.
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Monsieur Helgo !
Une voix le tira de son sommeil. Tentant d'émerger le plus vite possible, il eut à peine le temps d'ouvrir les yeux pour voir la boulette de papier arriver. Il la prit entre les deux yeux, ce qui lui permit de se réveiller plus vite.
Il me faudra ajouter encore une fois "Dort en classe" à votre dossier... Maintenant, si nous pouvons poursuivre...
Il n'aurait pas dû veiller si tard hier... En fait, même s'il ne l'avait pas fait, il se serait sûrement endormi. Les cours de monsieur Mayser étaient d'un ennui mortel. Bien sûr, il n'était pas le seul à dormir. Mais tout prof, bon ou mauvais, a ses têtes.
En même temps, Mark s'en était douté. Après deux semaines à s'endormir un cours sur deux, l'enseignant était venu vers lui et l'avait prodigieusement sermonné. Quelques jours plus tard, en rendant les résultats du premier devoir, tous avaient pu admirer son self-control : il n'aimait pas cet élève, mais son résultat était excellent. Il n'avait plus qu'à espérer qu'il n'en soit pas ainsi tout au long de l'année. Bien sûr, son espoir avait été vain.
Finalement, la deuxième sonnerie retentit, mettant fin à deux heures d'atroce carnage. Près de la moitié de la classe avait été décimée par la passionnante histoire de France. Et pour les survivants, point de répit : contrôle sur le chapitre terminé la semaine à venir. Il sortit de la salle, son sac sur l'épaule, et se dirigea vers la sortie.
A dix-sept ans, il se sentait déjà blasé par le système éducatif. Et les récits de sa sœur sur les études supérieures ne lui donnait pas envie d'en voir plus. Pour autant, il n'avait pas trop de choix : il ne restait plus grand-chose de possible à faire avec un simple bac. L'éternel attroupement devant le portail de sortie l'obligea à sortir quelques instants de ses pensées. Il fallait éviter de se faire bousculer, de se retrouver coincé, sans possibilité d'avancer à proximité de la rue que tous attendaient de retrouver depuis plus de huit heures déjà. Il parvint sans trop de mal à se faufiler jusqu'au trottoir, puis à filer à contre-sens du flot. Avant de rentrer, il voulait se trouver un coin tranquille où paresser.
Il arriva sur une place presque vide, où la fontaine - complètement gelée après plusieurs jours de températures légèrement négatives - avait été décorée d'une unique guirlande. Il se posa sous un porche, à l'abri du vent, et regarda les passants défiler. Certains pressés, trop même - Noël approchait, forcément - d'autres moins. Quelques uns même s'arrêtaient quelques instants pour contempler les pièces prisonnières de leur gangue aqueuse. Ils échangeaient parfois un regard, souvent rien. Les gens de cette ville n'étaient pas vraiment bavards, voire carrément muets.
Il souffla sur ses mains pour essayer de les réchauffer, les frotta. Malgré l'épaisseur de ses gants, le vent parvenait à s'infiltrer. Après dix minutes à essayer - sans succès - de les réchauffer, il se leva. Il ne pouvait pas vraiment traîner, sans quoi sa mère s'inquiéterait. En quittant la place, il aperçut une jeune fille qui y arrivait, par une rue adjacente. Leurs regards se croisèrent et elle lui sourit. Le geste était simple, mais le prit au dépourvu. Malgré tout, il parvint à lui rendre ce sourire avant de passer derrière un bâtiment.
L'intérieur de l'appartement était d'autant plus accueillant qu'il se faisait sans choc thermique : il devait d'abord passer par la cage d'escalier qui, si elle était plus chaude que l'extérieur, restait à des températures basses. Et, au fur et à mesure qu'il montait, l'effort le réchauffait, de sorte qu'en arrivant au troisième étage et en ouvrant la porte il ne sentit aucune différence. Il dit rapidement bonsoir à sa sœur, avachie devant le poste de télévision, puis passa dans la chambre de ses parents pour dire à sa mère qu'il était rentré. Elle l'accueillit avec un grand sourire, lui demandant quelques détails sur sa journée. Pour autant, il n'eut pas à faire de long résumé, et elle le libéra rapidement. Il entra dans la chambre qu'il partageait avec sa sœur, grimpa sur la mezzanine et entreprit de commencer à travailler. Après quelques dizaines de minutes, il avait fini de relire la leçon d'histoire - ce qui serait bien suffisant pour assurer bien plus que la moyenne - et commençait donc à regarder les exercices prévus pour le lendemain. Il soupira avant de s'y attaquer.
Heureusement, le tout ne fut pas très long. Une fois le côté scolaire terminé, il sortit d'un tiroir son livre du moment - un roman qu'il avait lu plus jeune, au CDI du collège, et qu'il avait trouvé lors d'une brocante - et chercha le marque-page. Celui-ci restant introuvable après plusieurs secondes, il soupira et reposa le livre sur sa table de nuit. Finalement, il allait dormir jusqu'au dîner. Là, au moins, il espérait ne pas être déçu.
Même routine le lendemain - se lever, aller jusqu'au lycée, suivre les cours en tentant de ne pas s'endormir, prendre des notes, manger avec ses amis, ... - mais cette fois sans le cours d'histoire et surtout avec la promesse de deux jours tranquilles : le week-end. Comme chaque vendredi, il se surprit à se demander pourquoi les élèves, pourtant fatigués de leur longue semaine de cours, semblaient avoir plus d'énergie ce jour-là en particulier. Lui était tout aussi amorphe que les autres jours. Il n'attendait qu'une chose : la sonnerie de 17h05. Ah, non ! Le prof de maths avait une conférence à 16h30 et n'assurerait donc qu'une heure sur deux : il aurait donc une heure de plus à traîner dans les rues. En espérant qu'il ne gèlerait pas sur place.
Il y avait plus d'un avantage à sortir avant les autres. Déjà, bien sûr, celui d'avoir à supporter moins de cours. Mais surtout, cela permettait de ne pas avoir à subir la cohue de la sortie. De fait, il eut tout le loisir de rester dans ses pensées de sa sortie de la classe jusqu'à la place de la veille. Là, il se mit sous le même porche.
Il ne savait pas trop pourquoi il était revenu là. Certes, la veille n'était pas la première fois qu'il venait mais il allait rarement deux jours de suite au même endroit. Il réfléchit un instant, avant de sourire : il espérait sûrement revoir la fille qui lui avait souri. Les chances étaient minces, mais son inconscient avait décidé que c'était suffisant. Il allait donc attendre. Après moins d'une heure replié sur lui-même - les températures étaient légèrement remontées, mais on frôlait le zéro ! - il sentit quelque chose de froid se déposer sur sa nuque. De l'eau comprit-il, en passant sa main sur une petite gouttelette. Mais lorsqu'il releva la tête, il vit que quelques flocons commençaient leur lente descente vers le sol. S'il se mettait à neiger sérieusement, il ne pourrait pas rester.
Mais, alors qu'il s'apprêtait à se lever, il la vit. Elle arrivait de la même rue qu'hier - probablement la rue où elle habitait d'ailleurs - en courant. Il put la détailler un peu plus que la veille : son visage était rond, enfantin, sentiment renforcé par deux couettes brunes vers l'arrière du crâne qui volaient derrière elle. Elle devait être plus jeune que lui - 16 ans certainement, peut-être un peu moins - mais il n'était pas sûr : ces couettes faisaient tellement juvéniles ! Comme pour contraster, elle était plutôt grande, un peu plus d'un mètre soixante-dix. Et elle dansait, tournait et riait en admirant les premiers flocons qui tombaient, accompagnant ses pas sans jamais s'arrêter. S'il avait pu, il serait resté là des heures à l'admirer. Si elle était restée, aussi.
* * *
Quelques minutes seulement après son arrivée - minutes qui lui avaient paru durer quelques secondes au plus - une femme avait crié dans la rue d'où elle était venue. La jeune fille fila, après un dernier regard pour les flocons. Mark regarda sa montre : il ne pouvait se permettre de rester plus longtemps. Il n'aurait plus qu'à revenir le lendemain, à espérer qu'elle serait là aussi. Pour le moment, il ne connaissait que son prénom - du moins le supposait-il - que la femme avait crié. Alice.
Ce soir-là, il ne travailla pas, rêvassa la plus grande partie de la soirée devant la télévision avec sa sœur. Il ne remarqua même pas le sourire espiègle de sa mère quand elle lui demanda, à l'heure du repas, comment s'était passée sa journée.
Il ne connaissait pas cette Alice, mais il était déjà stupidement amoureux.
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MON DIEU ! J'ai écrit quelque chose de choupinou... ! C'est même encore plus dégoulinant de mièvrerie que le chapitre précédent...
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