-Fuar, -prononça Valas d’un ton presque inaudible, encore immobile dans l’intersection arrondie-, couvre mes arrières je vais inspecter l'endroit...Et ne t'approche pas du corps.
Le jeune homme si bien dénommé par Valas obtempéra comme à l’accoutumée, sur ses gardes et aux aguets. Attristé par la mort de son ami, le visage de Fuar devenait aussi blafard que le blanc de ses yeux. Quant à Valas, il tournait autour du corps, recherchant un indice, digne d’un grand spécialiste. Gisait au sol un cadavre sanguinolent, d’où émanait une odeur fétide. Bien qu’il portait encore le nom de Jess, le corps inanimé était dépourvu de tête. Celle-ci était sauvagement dispersée en divers monceaux de cervelle, éparpillés ça et là sur la scène de crime. Appétissant, non ? Valas, surprit par tant de cruauté, conclu que celui ou celle qui l'avait tué devait être un monstre tyrannique et sans âme.
Une flaque d’hémoglobine commençait à sécher sur le sol rocheux et des éclaboussures imprécises de sang indiquaient à Valas qu'il y avait eu un combat acharné. Un combat à mains nues. Il aperçut sur la veste de Jess, une perforation semblable aux dégâts d’une lame bien aiguisée. Un couteau, l’homme avait dû succomber suite à la blessure d’un couteau. Vu la taille du trou, il émit l’hypothèse que ce soit un couteau de chasse. Valas fut ensuite attiré par de la poussière prenant la forme de la semelle d’une chaussure marquant sa veste. La trace laissée par la semelle plutôt étroite lui permit de déduire qu'une femme l'avait attaqué. L’asphalte maculé de sang encore frais indiquait que le meurtre avait eu lieu récemment.
Il était un homme doué pour dissimuler la fournaise de son courroux, égarant même le peu d’humanité qui lui restait. Valas connaissait les moindres immondices que la mort pouvait semer sur son sillage, déguisée d’un voile éphémère qui faisait d’elle une adversaire redoutable pour l’horloge du temps.
Il remarqua au loin l’ébauche de pas rougeâtres se perdant dans la pénombre ; les mêmes traces de semelle que sur le buste de Jess. Il suivit celles-ci, s’enfonçant dans l’obscurité en faisant bien attention de ne pas marcher dessus. Il s’arrêta près de la dernière trace et l’observa de plus près, méticuleux. Toute aussi fraîche, le criminel n’était pas loin. Valas s’aperçut alors que les traces s’arrêtaient brusquement non loin du corps, dans une ruelle plus sombre que les plus noires ténèbres. Valas, frémissant par le vent soudainement froid, retourna vers Fuar qui tournait autour de l'intersection en gémissant, les yeux inondés de larmes brûlantes :
-Fuar, prends le corps, on le ramène à la maison. Affirma-t-il d’une voix tragiquement monocorde.
-Très bien…Répondit Fuar en se dirigeant vers le corps inerte.
Des nuages commençaient à faire leur apparition à l’horizon, assombrissant l’azur du ciel comme pour accompagner le drame qui s’était produit. Le jeune homme emporta le corps en réprimant un haut le cœur abominable avant de suivre Valas qui se précipitait déjà sur le chemin de « la maison ». |