Du côté de Fairy Tail, grâce au grand discours de Natsu sur Juvia qui reviendrait à la guilde, l’ambiance n’avait pas beaucoup changé d’avant son départ. Les mages de la guilde continuaient à se battre pour un rien, à boire comme des ivrognes et à rigoler de tout, mais il arrivait cependant qu’on remarque une petite lueur triste dans le regard de l’un d’entre eux quand celui-ci pensait que personne ne le regardait, et alors on se rendait compte que le départ de Juvia avait tout de même profondément touché son ancienne guilde.

Il y avait eu deux changements au QG.

Gajeel, bien qu’ayant affirmé que Juvia pouvait se débrouiller, était réellement triste du choix de son amie. Il savait qu’elle reviendrait, il savait aussi que ce qu’elle faisait, c’était pour son propre bien, mais dans un tout petit morceau de son cœur d’acier, il ne cessait de se répéter qu’elle aurait pu lui en parler avant de prendre une telle décision.

Depuis que Juvia avait plaidé en la faveur du dragon slayer pour que celui-ci intègre la guilde, les deux ex-Phantom, même si peu proches de ce temps-là, avait trouvé une compensation à leur ancienne guilde l’un dans l’autre. Même si à vue d’œil, ils ne paraissaient pas passer beaucoup de temps ensemble, chacun comprenait et connaissait chacune des décisions, chacune des paroles de l’autre. Pourtant, cette décision-là, même Gajeel n’y aurait jamais songé. Il savait ce qu’elle éprouvait pour Gray, il avait même accepté à plusieurs reprises de l’écouter en parler pendant des heures et des heures (« et Gray-sama est tellement beau, et Gray-sama est tellement gentil, et Gray-sama est tellement fort, et Gray-sama blablabla etc… », incroyable ce que cette fille parlait) mais ne pensait pas sa douleur si profonde.

Alors, pour combler le vide que son amie avait créé, il partait en mission. Chaque fois qu’il revenait de mission, il dormait quelques heures et repartait aussitôt. A ce train-là, il allait devenir riche sans même avoir le temps de s’en rendre compte. Cependant, même si tout le monde semblait croire qu’il ne restait jamais plus d’une nuit à la guilde par tristesse et si certains avaient même fini par se demander si il n’avait pas ressenti plus que de l’amitié pour Juvia, sa véritable raison de partir aussi souvent était qu’il voulait retrouver son amie. Il pensait qu’après tout ce temps loin de la guilde, Juvia aurait fini par partir de Lamia Scale et entreprendre son voyage, comme leur avait dit Makarov, et chaque jour, il partait dans un endroit différent, espérant retrouver son amie perdue. Il voulait la voir juste cinq petites minutes, savoir qu’elle allait bien, savoir qu’elle ne regrettait pas sa décision. Cinq minutes. Malheureusement, chaque fois il rentrait bredouille, raison pour laquelle il était si pressé de repartir le lendemain.

La seule au courant de cette raison était la petite Levy. Un jour, bien décidée à essayer de savoir si Gajeel était oui ou non amoureux de Juvia comme le suggéraient certains à la guilde, elle l’avait pris à part alors qu’il allait repartir en mission.

-       Pourquoi fais-tu ça Gajeel ? Tu sais que Juvia reviendra à la guilde un jour, ce n’est pas en enchaînant les missions que tu seras moins triste et que tu la feras revenir plus vite. Elle a fait son choix.

-       Je sais crevette, mais elle ne m’en a pas parlé.

Il soupira, ne pensant pas devoir un jour parler de ses état d’âmes avec Levy et continua :

-       Même si à Phantom on se connaissait pas trop, c’est une vraie pote Juv’, on se comprend super rapidement. Et je veux la revoir pour être sûr qu’elle a pris la bonne décision. Parce que quitter la guilde à cause d’une seule personne, ce n’est pas forcément une bonne décision, mais si elle est plus heureuse comme ça, alors tant mieux.

-       Donc, tu essayes de la retrouver en fait, c’est ça ? demanda la petite magicienne, rassurée. Tu sais, je peux t’aider si tu veux. Moi aussi je vais faire plein de missions, et si un jour je tombe sur Juvia, je lui dirais de venir te voir à un endroit qu’on définira ensemble au moins pour quelques heures ou quelques jours. Qu’est-ce que tu en penses ? Parce qu’il ne faut pas que tu enchaines les missions comme ça Gajeel, tu vas finir par t’épuiser et tu vas en subir le contrecoup. Un jour, tu seras tellement fatigué que tu te feras avoir par un monstre auquel tu aurais tenu tête en temps normal, et tu mourras. Alors je t’en prie, laisse-moi t’aider, finit Levy en chuchotant presque, réellement touchée par la fatigue et la détresse de son ami.

Gajeel, ne sachant pas quoi répondre, n’avait qu’une manière de montrer à Levy sa gratitude. Il s’approcha et la prit dans ses bras, la serrant contre son corps chaud. La jeune fille se mit à rougir, heureuse qu’il ne puisse pas voir son visage, collé contre son torse, mais était contente qu’il ait accepté sa proposition. Le dragon slayer avait vraiment besoin de repos. Puis, au fond d’elle, elle était vraiment rassurée que Gajeel n’ait évoqué aucun sentiment amoureux entre lui et Juvia.

Le deuxième changement à la guilde, ou plutôt l’absence étrange de changement, était dans l’attitude de Gray. Erza savait que le départ de Juvia l’affectait plus qu’il voulait bien l’avouer et, sans qu’il s’en rende compte, l’observait toujours du coin de l’œil pour vérifier s’il allait bien. Mais au plus grand étonnement de la mage chevalière, Gray ne montrait pas le moindre soupçon de tristesse. Pire, ou mieux selon le contexte, il avait rarement semblé aussi heureux depuis qu’il était à la guilde.

Natsu, lui aussi inquiet de comment aurait pu se sentir son ami, passait le plus clair de son temps à le chercher pour qu’ils se battent et lui faire oublier l’absence de Juvia.

Un jour, Natsu était allé voir Erza qui, il le savait, avait toujours le regard concentré sur le mage de glace.

-       Il a l’air de plutôt bien s’en être remis, tu ne trouves pas ? Je pensais qu’il irait plus mal que ça.

-       Je ne sais pas, répondit l’autre, confuse. C’est vrai qu’il semble assez heureux mais je ne comprends pas, il ne devrait pas ! Bien sûr, je suis heureuse qu’il aille bien, rectifia-t-elle, mais je ne comprends pas.

-       Peut-être qu’il a réussi à surmonta ça seul ?

-       Ou peut-être que ce n’est qu’un masque d’émotions. Ce soir, on le suit !

Natsu regarda son amie comme si elle avait perdu la raison, puis sourit. Lui aussi souhaitait comprendre le comportement étrange de son meilleur ami.

Le soir, ils attendirent que Gray parte du QG et le suivirent discrètement jusqu’à chez lui, pensant qu’il dissimulait le réel mal-être qui l’habitait. Cependant, tout au long du trajet, Gray avait le sourire aux lèvres, comme s’il lui était physiquement impossible d’être malheureux. Ce n’est qu’au moment où il passa le pas de sa porte que son visage se crispa. Ses amis restèrent dehors, près d’une fenêtre pour l’observer, et ce qu’ils virent était pire que prévu. A peine rentré chez lui, le mage de glace avait l’air de venir d’affronter la mort. Son visage s’était décomposé, des larmes perlaient au creux de ses yeux sans toutefois parvenir à en tomber et quand il se laissa tomber sur le canapé, on aurait dit qu’il était incapable de faire le moindre mouvement, comme si toute vie l’avait quittée.

Erza s’éloigna pour être sûre que Gray ne les repèrerait pas.

-       Je n’arrive pas à y croire. Ca fait presque un mois qu’elle est partie et autant de temps qu’il nous cache combien il va mal ! Je vais le voir, conclut-elle, décidée.

Natsu allait protester mais son amie était déjà partie. Elle entra en trombe dans l’appartement et Gray eut à peine le temps de se relever et de se créer un sourire qu’Erza lui avait déjà sauté dessus et hurlait à s’en faire exploser les poumons :

-       Pourquoi tu te caches Gray ? Pourquoi ne pas nous avoir dit combien tu allais mal ?

-       Je ne suis pas faible ! Je n’ai pas le droit d’être faible. Je n’ai pas le droit d’être triste, et je n’ai pas le droit d’être blessé.

-       Et pourquoi ? Demanda Natsu qui avait du mal à comprendre

Que son ami soit triste, c’était normal. Qu’il tente de le cacher, ça l’était aussi. Qu’il dise qu’il n’avait pas le droit d’être triste, ça il ne comprenait pas.

-       Elle a pris sa décision, et ce choix elle l’a fait à cause de moi. C’est moi qui l’ai blessée Natsu, c’est moi qui l’ai faite quitter la guilde. La seule qui devrait avoir le droit à la tristesse, c’est elle, certainement pas moi. Je me dois d’être fort et d’affronter mon erreur avec courage.

-       C’est le truc le plus débile que t’aies jamais dit. Et pourtant, c’est pas évident, vu tout ce que tu racontes ! Non mais qu’est-ce qui te prend Gray, bien sûr que t’as le droit d’être triste ! C’était ton amie, c’était quelqu’un que tu appréciais énormément, si elle part, tu as le droit d’être triste ! Tout le monde l’est, mais nous au moins on essaye de reconstruire notre vie, et pas d’avoir l’air bien en permanence pour ne pas paraître faible et finir par chialer quand on est tout seul. Tu dis que tu n’as pas le droit d’être triste, mais prétendre d’être heureux quand tu es à la guilde et pleurer en rentrant chez toi, ce n’est pas ce que j’appelle ne pas être triste. Si tu as besoin de pleurer, pleure, si tu as besoin de t’énerver, énerve toi, si tu as besoin de parler, parle mais tu dois faire tout ça avec nous, tes amis. A quoi bon avoir des amis si ils ne peuvent même pas nous aider au moment où on en a le plus besoin ? Alors à partir de maintenant, si tu es triste, tu n’as pas à le cacher. Un jour, tu verras, ton sourire sera un vrai, mais tes sourires de façade et ton masque sur le visage ne t’aideront pas à aller mieux. Alors arrête tes conneries, et va mieux !

Gray était étonné. Depuis qu’il connaissait Natsu, celui-ci avait souvent eu de grands discours sur l’amitié et son importance, mais jamais ses paroles n’avaient autant touché le mage de glace qu’en ce jour. Il sourit, se rassit, et leva la tête vers ses amis.

-       Je suis désolé. Merci.

Erza sourit à son tour, rassurée. Elle n’aimait pas que Gray se ressasse encore le départ de Juvia mais préférait qu’il souffre avec eux que sans eux. Au moins, elle ferait tout son possible pour l’aider à surmonter cette épreuve. Elle savait ce que c’était de voir une des personnes auxquelles on tient le plus au monde partir sans promesse de retour. Elle secoua la tête. Ce n’était pas le moment de penser à Jellal, elle devait aider son ami.

Loin de là, au QG de la guilde de Lamia Scale, Juvia était inconsciente des tourments qui habitaient son meilleur ami et l’homme qu’elle aimait. Elle était toujours triste quand elle repensait à Fairy Tail et encore plus au frère adoptif de Lyon, aussi elle essayait d’y penser le minimum en s’occupant au maximum. Cependant, malgré le manque qu’elle ressentait pour son ancienne guilde, cette guilde d’adoption où elle avait passé le dernier mois la comblait tout autant de bonheur. Les gens qu’elle fréquentait étaient tous tellement gentils avec elle, chaque jour elle passait une bonne partie de la journée à s’entrainer avec Lyon ou Jura, Shelia ayant profité de leur retour pour recommencer les missions et ainsi renflouer ses poches. Chaque jour était une nouvelle aventure et elle aimait sa vie actuelle. Cependant, elle savait qu’elle ne pouvait pas s’attarder éternellement à Lamia Scale. Elle n’était pas membre de la guilde et ne pouvait pas y rester en tant qu’invitée jusqu’à la fin de ses jours. Elle avait décidé de rester quelques jours de plus, deux semaines au maximum, avant d’enfin entreprendre un voyage à travers Fiore. Elle savait que grâce à ses entrainements, elle serait suffisamment forte pour résister à à peu près n’importe quelle attaque et ne craignait pas l’inconnu. Et même si elle aimait son nouveau foyer et que l’accueil qu’elle y avait reçu était bien au-dessus de ses espérances, elle avait hâte de partir à l’aventure.