Le lendemain matin, Juvia se sentait à peine mieux. Elle avait eu une nuit agitée, et sa résolution ne la peinait que plus encore. Lorsqu’elle en avait fait part à ses amies, les deux magiciennes n’avaient pas osé protester, conscientes de combien cette décision lui coutait et ne souhaitant pas alourdir sa peine. Aussi, bien que rendues tristes par la décision de celle que l’on surnommait la femme de la pluie, elles ne pouvaient que l’encourager dans sa voie en priant pour que celle-ci se remette de ce départ, cet abandon qu’elle avait à nouveau l’impression d’infliger à ses amies. D’abord Fairy Tail, ensuite Lamia Scale, Juvia se sentait de plus en plus coupable, d’autant plus que son cœur était l’unique responsable de tous ses malheurs, et la jeune fille était bien décidée à ne plus se laisser amadouer par un autre disciple d’Ul, deux ayant largement suffit à contribuer à sa douleur. C’est le ventre noué et les larmes au coin des yeux qu’elle arriva à la guilde ce jour-là. Elle avait repéré Lyon à une table et comptait lui parler en tête-à-tête sitôt qu’elle aurait fait part de sa résolution au reste de la guilde.
La magicienne évita le regard de Lyon et s’avança vers la maitresse de Lamia Scale pour que celle-ci fasse une annonce en bonne et due forme concernant le départ de Juvia. Lorsqu’ils l’apprirent, tous ses nouveaux amis allèrent la voir, la prenant dans leurs bras, lui souhaitant bonne chance, se promettant de se revoir au plus vite, attendant avec impatience son retour à Lamia Scale et lui assurant qu’elle y serait toujours la bienvenue.
De son côté, Lyon avait le regard dans le vide. Il avait eu beau espérer de tout son cœur que la conclusion de cette aventure serait tout autre, il savait et redoutait au fond de lui-même que la jeune fille se décide à partir, comme elle l’avait prévu depuis longtemps, bien qu’ayant toujours repoussé la date de son départ. Malheureux, le mage de glace sortit de la guilde pour prendre l’air et se remettre les idées en place. Il savait que Juvia le rejoindrait bientôt pour lui dire au revoir.
Les cousines Brendy avait soutenu Juvia toute la matinée, la dure épreuve qui attendait celle-ci étant trop difficile à garder sur les épaules d’une seule personne. Cependant, quand la mage de l’eau se dirigea vers la sortie à la suite de Lyon Vastia, Cherry et Shelia comprirent qu’il valait mieux les laisser seuls.

-       Alors tu t’en vas, n’est-ce pas ? Questionna Lyon, dos à Juvia qui venait d’arriver. Au fond, j’aurais du m’en douter.

Juvia n’osa pas s’approcher. Elle était à deux mètres de l’homme qu’elle avait embrassé deux jours plus tôt mais elle ne pouvait pas faire un pas de plus. Elle gardait les yeux obstinément fixés sur le dos de son interlocuteur, comme si c’était à son dos qu’elle s’adressait, et pas vraiment à lui.

-       Juvia est tellement désolée, murmura-t-elle, à nouveau émue aux larmes. Juvia aime beaucoup Lyon-sama, mais les sentiments de Juvia pour Lyon-sama et Gray-sama sont trop confus, c’est pourquoi elle doit partir, pour faire le vide dans sa tête.

Quand Lyon se retourna enfin, il souriait.

-       Ne pleure pas Juvia, tu es tellement plus belle quand tu as le sourire aux lèvres. J’espérais une autre réponse de ta part mais ça n’fait rien, prends tout le temps dont tu as besoin, et si un jour tu décides de revenir vers moi, je serais-là.

Et avant que la jeune fille n’ait le temps de réagir, il franchit la distance qui les séparait pour l’embrasser. Contrairement à la première fois où ni l’un ni l’autre ne réalisaient vraiment ce qu’ils faisaient, les deux mages s’embrassaient cette fois-ci en leurs âmes et consciences. Juvia ne savait pas si c’était une bonne ou une mauvaise chose, mais ce baiser était une sorte d’adieu, et tant lui qu’elle en avaient besoin. Lorsqu’elle finit par rompre le contact, elle était encore plus perdue, et son choix de quitter Lamia Scale lui paru de plus en plus évident. Lyon avait toujours le sourire aux lèvres, et il l’attira une dernière fois à lui pour la prendre dans ses bras. C’est comme si il lui avait dit deux fois au revoir, une fois à son amour, une fois à son amie, la seule différence étant que le premier avait plus des allures d’adieu que le deuxième.
Quand Lyon regarda la jeune fille qui s’en allait enfin, on avait l’impression qu’il redécouvrait le soleil et la pluie, qu’il était l’enfant à qui on montrait les merveilles qu’offre le monde mais à qui on refusait un jouet, qu’il était l’homme qui découvrait pour la première fois l’amour et que celui-ci lui était interdit. Il ne savait pas comment leur histoire finirait, si histoire il y aurait, mais ce qu’il ressentait pour la jeune fille était plus beau, plus pur que bien des histoires d’amour.

Juvia, un sac de voyage prêté par Shelia sur les épaules, marchait vers l’Ouest, bien décidée à découvrir Fiore. Après l’ascenseur émotionnel que son cœur avait vécu dans les derniers mois, ce retour à la nature lui faisait un bien fou et elle prenait un plaisir immense à vivre en ermite. Elle avait emprunté à Cherry et Shelia une carte de Fiore et se fiait au soleil pour savoir dans quelle direction aller. Sa première destination : Hydralia. C’était une ville à environ deux jours de voyage de Lamia Scale à pied, et quand elle avait lu ce nom sur la carte, elle avait tout de suite eu envie d’y aller. Cette ville était proche d’une rivière et était connue pour son immense aqueduc qui surplombait la ville. L’idée de se retrouver si proche de son élément enchantait Juvia, et c’est donc le cœur léger qu’elle traversait la forêt en direction d’Hydralia.

La jeune femme avait emporté avec elle suffisamment de provisions pour tenir jusqu’à sa première escale où elle achèterait ensuite à nouveau de la nourriture. En tant que mage aquatique, elle ne se déshydratait jamais et n’avait donc pas besoin de boire plus que nécessaire, chose très pratique vu le poids que pesait une simple bouteille d’eau. Quand la première nuit de voyage arriva, elle décida de faire son camp au pied d’un immense arbre qui lui garantirait de l’ombre quand le jour arriverait, pour être sûre de ne pas s’évaporer au soleil. Elle était un peu effrayée à l’idée de passer la nuit seule en forêt mais l’excitation la gagnait tout autant et l’adrénaline qu’elle avait lui laissait penser qu’à n’importe quelle heure de la nuit elle serait capable de se battre contre l’ennemi qui se déciderait à briser son sommeil.

Lorsqu’elle reprit la route le lendemain matin, Juvia était d’une humeur éclatante. Elle avait passé une excellente nuit et, alors qu’elle n’avait quitté Lamia Scale depuis qu’une journée à peine, se plaisait déjà énormément à expérimenter ce nouveau mode de vie. Pendant encore quelques heures, elle dut parcourir une plaine rocheuse avant de finalement arriver à cette rivière dont, disait-on, l’eau était plus pure que n’importe quelle autre eau du continent. En voyant cette étendue d’eau devant elle, elle ne put s’empêcher de courir, comme si le bonheur l’attendait au bout de sa course, pour finalement se jeter dans la rivière. L’eau était calme, fraiche, et le contact avec cet élément qui était le sien redonnait vie à Juvia. Elle se sentait prête à rester là pour l’éternité quand quelque chose d’autre attira son attention. L’aqueduc se tenait là, devant elle, comme un monument à sa gloire : elle était enfin arrivée à Hydralia.

En découvrant la ville qui s’étendait devant ses yeux, Juvia eut l’impression de revivre, comme si toute sa vie l’avait menée vers cet endroit. A chaque coin de rue, une fontaine éblouissait la vie. Au dessus des maisons, l’aqueduc laissait parfois s’échapper quelques gouttes de perlée qui, avec le soleil qui éblouissait la ville, créaient parfois des arcs-en-ciel. Presque tous les bâtiments étaient couverts de murs d’eau et de murs végétaux qui les rendaient encore plus somptueux.  On pouvait même apercevoir à travers toute la ville l’incroyable cèdre japonais qui surplombait Hydralia de toute sa hauteur depuis la place centrale de la ville.
La jeune fille avançait à travers les rues d’Hydralia, comme hypnotisée par ce que ses yeux lui montraient, si bien qu’avant même de s’en rendre compte, elle percuta quelqu’un.

-       Juvia est tellement désolée, elle était perdue dans sa contemplation de la ville et ne vous a pas remarqué ! Juvia ne vous a pas blessée au moins ? Demanda-t-elle soucieuse à la femme qui l’aidait à se relever.

-       Ne t’en fais pas, tu m’as à peine effleurée. Moi non plus je n’ai pas fait attention, j’étais pressée et je ne regardais pas où j’allais. D’ailleurs, ajouta-t-elle après un instant, il faut vraiment que j’y aille. A plus !

Juvia, qui était en train d’épousseter ses vêtements, n’eut même pas le temps de lui dire au revoir que la femme était déjà partie. Peut-être la recroiserait-elle plus tard et aurait-elle la possibilité de lui faire de véritables excuses, en attendant elle devait trouver une auberge pour la nuit. Après avoir parcouru diverses rues de la cité, elle s’arrêta finalement devant un bâtiment, le Dewdrop, un bar-restaurant qui disposait de quelques chambres où elle espérait bien pouvoir trouver une place pour la nuit.
Quand elle entra, elle eut l’impression d’être de retour à Fairy Tail. L’ambiance qui régnait au bar lui rappelait la bonne humeur constante de son ancienne guilde et un sentiment de nostalgie la parcourut. Alors qu’elle se sentait sur le point de se mettre à pleurer, quelqu’un la bouscula et elle se retrouva soudain à terre pour la deuxième fois de la journée. Lorsqu’elle se retourna, elle vit la même jeune femme sur laquelle elle était tombée pendant l’après-midi.

-       Ben dis donc ma belle, je crois qu’on est faites pour se tomber dessus toi et moi ! Je suis désolée, c’est de ma faute cette fois-ci, sourit-elle en tendant sa main à Juvia qui l’attrapa pour se relever.

-       Ce n’est pas grave, vous n’avez pas à vous inquiéter, Juvia était encore dans la lune, elle aurait pu vous éviter autrement.

-       C’est bizarre ta manière de parler de toi à la troisième personne, mais bon j’imagine que ça te donne un petit truc en plus. Kiyomizu, enchantée. Et toi c’est Juvia si j’ai bien compris, c’est ça ?

Juvia rougit. Elle était tellement habituée à parler de cette manière qu’elle ne s’en rendait même plus compte. Même à Fairy Tail ou à Lamia Scale, personne ne lui avait jamais fait remarqué et elle n’avait donc pas cherché à changer.

-       Enchantée Kiyomizu, Juvia est ravie de faire votre connaissance. Et oui, ça doit paraître bizarre quand on ne connaît pas Juvia, mais elle a pris l’habitude de parler ainsi, alors elle aurait probablement du mal à se débarrasser de cette habitude, tenta-t-elle d’expliquer, comme si elle était en faute.

-       Oh non, ne te méprends pas, ce n’était pas un reproche ! Je trouve ça plutôt mignon moi. Bon, j’imagine que si le destin nous a fait nous rencontrer deux fois en si peu de temps, c’est qu’il doit y avoir une raison, alors que dirais-tu de partager ton repas avec moi pour ce soir ? Si tu n’as rien d’autre de prévu bien évidemment.

-       Juvia est partante !

Les deux femmes prirent une table et s’installèrent l’une face à l’autre. Au début, Juvia était un peu intimidée, ne sachant trop que dire à cette personne dont elle ne connaissait que le nom. Mais Kiyomizu était une personne très ouverte, et bientôt, Juvia se sentit à l’aise avec elle. Elles commencèrent par échanger des banalités, puis bientôt une profonde complicité s’installa entre les deux jeunes femmes.

-       Juvia est une mage, Kiyomizu a-t-elle également des pouvoirs ?

-       Eh oui, c’est d’ailleurs pour une mission que je suis venue dans le coin !

-       Oh, Kiyomizu n’aura pas de problème si elle passe la soirée avec Juvia ?

-       T’en fais pas, je l’ai finie cette après-midi, fit-elle avec un clin d’œil pour sa nouvelle amie. Tiens je ne t’ai pas demandé, tu fais partie d’une guilde ?

Juvia rougit.

-       Juvia appartenait à Fairy Tail.

-       Fairy Tail, rien que ça ? La grande classe dis donc ! Mais j’imagine que si tu dis ça au passé c’est que tu n’y es plus ? T’as eu envie de partir au grand air, profiter un peu de ta vie, c’est ça ?

-       Entre autres choses oui, lui répondit la jeune fille aux cheveux bleus, gênée de ne pas dire la vérité à ce sujet.

Parler de Fairy Tail et Lamia Scale était devenu trop dur pour elle, et elle ne se sentait pas encore prête à aborder le sujet avec une parfaite inconnue.

-       Et Kiyomizu fait-elle partie d’une guilde ?

Juvia se sentit bête. Si Kiyomizu recevait des ordres de missions, elle faisait obligatoirement partie d’une guilde.  Et cela voulait également dire qu’elles ne pourraient pas rester très longtemps ensemble, l’appartenance à une guilde donnant certaines obligations.

-       Pas du tout ! Rigola la magicienne aux cheveux bleus/verts. Jamais fait partie d’une guilde, jamais ferais partie d’une guilde ! J’aime la liberté, et pour rien au monde je ne voudrais perdre ce privilège !

-       Mais comment fait Kiyomizu pour recevoir des missions alors ? Je croyais que seules les guildes pouvaient obtenir des ordres de mission.

-       C’est ce que j’ai longtemps pensé aussi, mais il existe un endroit, à Crocus, connu d’à peine une poignée de mages, où des missions sont envoyées pour les MSG, les Mages Sans Guilde. Comme nous ne sommes pas nombreux et que, sans vouloir me vanter, vivre en solitaire forge le mental et la magie, ce qui nous rend bien plus puissants que certains mages de guildes officielles, la plupart des missions envoyées à cet endroit sont des missions plutôt difficiles et donc plutôt bien payées, ce qui permet de vivre correctement malgré le peu de travaux qui nous sont proposées. Mais on évite de trop en parler, sinon les mages qui ne se plaisent pas chez eux seraient tentés de devenir des MSG, et nous serions beaucoup trop nombreux, finit-elle en souriant.

Juvia se sentait touchée. Que cette magicienne qu’elle connaissait à peine lui raconte quelque chose qu’elle avait pour habitude de tenir secrète lui faisait vraiment plaisir, même si elle ne savait pas trop ce que cela signifiait. Elle observa plus en profondeur sa nouvelle amie, la détaillant avec soin, essayant de deviner quelle magie elle pourrait pratiquer. Entre Fairy Tail et Lamia Scale, elle s’était rendue compte qu’il était plutôt aisé de connaître la magie de quelqu’un juste à partir de son apparence et de sa façon d’être, et depuis elle se plaisait à mettre une magie sur le visage de chaque mage qu’elle rencontrait. Kiyomizu était très belle, ses longs cheveux mêlant le bleu turquoise et le vert d’eau étaient attachés en une queue de cheval haute qui descendait jusqu’au milieu de son dos, et ses yeux bruns presque dorés à la lumière pétillaient de joie et de bonne humeur. La magicienne avait vraiment fière allure, et alors que Juvia allait s’attarder sur sa manière de s’habiller, elle remarqua quelque chose, un détail tellement infime qu’elle avait failli passer à côté, mais un détail pourtant crucial. Dans le sourire franc et sincère de Kiyomizu, des canines plus longues que la moyenne dépassaient de ses lèvres. Kiyomizu était une dragon slayer.