Cela faisait maintenant une dizaine de jours que les cousines Brendy s’étaient décidées à partir en mission. Shelia étant une mage de rang S, c’est une S-Quest que les deux magiciennes avaient choisi, ayant un besoin assez important d’argent vu qu’elles n’étaient que peu parties de la guilde depuis l’arrivée de Juvia. Celle-ci n’étant pas un membre à part entière de la guilde, elle n’avait pas pu les accompagner et était donc restée à Lamia Scale. De son côté, Jura avait rejoint le conseil des Mages Saints pour discuter de certains problèmes auxquels étaient confrontés les mages du royaume de Fiore
Ce conseil avait été créé à peine quelques semaines avant le départ de la mage d’eau de Fairy Tail et avait pour but de mettre en commun les forces de ceux qui étaient suffisamment puissants et suffisamment sages pour porter ce titre honorifique en cas de problème majeur. A ce moment-là, le groupe s’était réuni pour discuter d’une éventuelle attaque contre la guilde Tartaros, considérée comme la plus puissante de l’Alliance Baram, qui commençait à se manifester en causant de graves dégâts dans différentes villes du pays. Le conseil des Maitres de guilde avait également statué sur ce point là, et les deux regroupements commençaient à envisager des représailles contre Tartaros.
Avec deux de ses entraineurs et amis absents, Juvia passait le plus clair de son temps avec Lyon, mais elle savait que c’était trop demandé de le garder à la guilde aussi souvent et essayait donc de le forcer à faire quelques missions chaque semaine, même si celles-ci n’étaient pas trop difficile, juste pour qu’il puisse changer un peu d’air en partant travailler.
A cause de ça, même si Juvia s’était fait d’autres amis à Lamia Scale, elle passait le plus clair de son temps seule, et en particulier le soir lorsqu’elle rentrait à la maison Brendy, désormais vide de toute autre présence. Et chaque moment de solitude était une torture pour elle.

Le premier soir, elle avait réussi à plus ou moins s’occuper pour ne pas penser à des choses tristes, mais dès qu’elle fut arrivée dans son lit, elle ne put s’empêcher de repenser à ses amis de Fairy Tail. Depuis qu’elle avait quitté sa famille, elle avait réussi à ne jamais se laisser trop emporter dans ses souvenirs, mais maintenant qu’elle n’avait personne à ses côtés pour lui changer les idées, elle ne pouvait s’empêcher d’avoir des remords. Elle repensait à l’horrible manière dont elle s’y était prise pour annoncer à Erza, Lucy, Levy, Lisanna et Mirajane son départ, et elle s’en voulait énormément d’avoir tant manqué de courage. Encore aujourd’hui, elle savait qu’elle n’aurait pu faire autrement, mais c’était plus fort qu’elle, elle ne pouvait pas s’empêcher de s‘en vouloir.
Et par-dessus tout, elle pensait à Gray. Gray qui lui avait apporté le soleil, Gray dont elle était encore, malgré son départ, éperdument amoureuse, Gray à qui elle ne pouvait s’empêcher de penser chaque fois qu’elle voyait Lyon. Gray, ce garçon froid à qui elle avait ouvert son cœur et qui lui avait fermé le sien.

Chaque moment passé dans ses pensées était d’une souffrance incroyable, et Juvia se demandait tous les jours si elle avait fait le bon choix. Bien sûr, elle était heureuse au possible de ses mois passés à Lamia Scale, de ses nouvelles rencontres, des amitiés qu’elle avait forgé en ce lieu, et l’idée de partir à l’aventure l’enthousiasmait vraiment, mais au plus profond d’elle-même, elle hésitait à rentrer.

Un jour, alors que son esprit était tourné vers sa guilde qui lui manquait et que la pluie tombait averse à l’extérieur malgré elle, Lyon était venu la voir chez les Brendy, se doutant qu’elle était responsable du mauvais temps. Il n’avait pas eu besoin de dire grand chose qu’elle se confiait déjà à lui, ayant un besoin vital d’épancher sa peine. Elle lui parla de Fairy Tail, de ses amies, de comment elle les avait abandonné, et dans un élan de courage et de tristesse, elle avait même décidé de lui parler des raisons qui avaient motivé son départ.

-       C’était à cause de Gray-sama, murmura-t-elle, comme si elle en avait honte.

-       Gray ? Qu’est-ce qu’il a fait encore cet idiot ?

-       Juvia doit dire quelque chose à Lyon-sama, mais il ne faut pas qu’il soit blessé ou vexé, ni qu’il se moque de Juvia. Lyon-sama veut bien le promettre ?

Lyon soupira, ayant peur de la révélation de Juvia, mais acquiesça.

-       Juvia est amoureuse de… de Gray-sama.

-       Tu sais Juvia, je ne t’en voudrais jamais, même si j’avoue ne pas trop te comprendre sur ce point-là. J’aurais préféré être celui vers lequel ton cœur était tourné, mais je survivrais malgré ça. Même si, ajouta-t-il en grognant, je ne vois absolument pas ce qu’il a de mieux que moi.

-       Oh mais ce n’est pas ça ! Juvia aime beaucoup Lyon-sama, il ne faut pas qu’il pense le contraire ! Gray-sama n’est pas mieux que Lyon-sama, il est juste différent, et ce que Juvia aime en lui n’est pas forcément présent chez Lyon-sama, finit-elle à voix basse, gênée de parler aussi librement de ses sentiments avec le « presque frère » de celui qu’elle considérait comme l’amour de sa vie.

Lyon la regarda dans les yeux. Il savait depuis longtemps que ses sentiments n’étaient pas réciproques, mais se l’entendre dire était autre chose. Il enviait Gray, et en même temps il lui en voulait de ne pas avoir su garder le rayon de soleil qu’était Juvia. Cependant, malgré les paroles de Juvia, il avait noté dans son attitude qu’elle n’était plus aussi distante qu’autrefois. A son arrivée à Lamia Scale, il avait d’abord pensé à essayer de la conquérir, puis s’était ravisé en se disant que, si elle était malheureuse au point de quitter sa guilde, ce n’était peut-être pas le meilleur moment pour l’embêter comme ça. Au fur et à mesure du temps passé en sa compagnie, elle avait commencé à s’ouvrir, à ne plus le voir de la même manière. Il lui arrivait de sentir le regard de la jeune femme sur lui quand il lui tournait le dos, comme si elle était étonnée elle-même de leur proximité, mais il avait également compris qu’elle avait plus confiance en lui maintenant. Et il en était heureux. Même si leur relation n’évoluait pas plus, il aurait au moins gagné une amie merveilleuse avec qui il arrivait de plus en plus à parler de tout et n’importe quoi. Son plus beau souvenir était une après-midi qu’ils avaient passé ensemble, à rigoler, tout simplement. Juvia, d’ordinaire si réservée, avait littéralement explosé de rire en réponse à une blague qu’il avait faite, et leur complicité n’en avait été que renforcée.
C’est tous ces sentiments, l’amour, l’amitié, la compréhension, la complicité, la reconnaissance, et surtout un message, « je serais là pour toi, quoiqu’il arrive », qu’il mit dans son regard. Et contre toute attente, alors qu’il commençait déjà à se faire à l’idée que leur relation ne serait jamais que fraternelle, amicale, Juvia s’avança vers lui, comme hypnotisée par tout ce qu’il avait introduit dans ses yeux, et l’embrassa.

C’était la première fois de sa vie que Juvia embrassait quelqu’un, et elle ne pensait pas qu’un baiser pouvait être aussi doux et aussi fort à la fois. D’abord étonné, Lyon n’avait pas réagi, mais passé le coup de la surprise, il se reprit en prenant la tête de Juvia entre ses mains pour l’approcher encore plus de lui. Ni l’un ni l’autre n’étaient vraiment conscients de ce qu’il se passait, et ni l’un ni l’autre n’avaient pourtant envie de mettre fin à ce moment. Quand enfin, à bout de souffle, Juvia s’éloigna, elle avait une expression horrifiée sur le visage. Elle avait toujours pensé être amoureuse de Gray, et voilà qu’elle venait, intentionnellement, d’embrasser le frère de celui-ci. Elle ne savait pas quoi en penser, elle ne savait pas ce que cet instant avait représenté pour Lyon, et elle ne savait même pas ce qu’il représentait pour elle. Les yeux embués par les larmes, elle s’enfuit dans sa chambre.
Lyon, ne revenant pas de ce qui venait de se passer, et ayant bien remarqué à son départ que Juvia avait cette même incompréhension, se dit qu’il valait mieux lui laisser le temps d’y réfléchir d’elle-même. Il repartit vers Yuan-Ti, le dortoir de la guilde, se demandant comment une telle chose avait pu arriver alors qu’elle venait clairement de lui dire qu’elle n’était pas amoureuse de lui. Un sourire béat s’afficha sur son visage avant qu’il ne se reprenne en se disant que cela n’avait certainement rien signifié pour elle. Le fait de ne pas savoir le rendait fou, mais il savait qu’elle non plus n’y comprenait probablement rien, expliquant les larmes sur son visage. Quand il avait remarqué qu’elle commençait à pleurer, il avait failli la suivre avant de se raviser, se sachant la source du problème.

De son côté, Juvia pleurait à chaudes larmes. Dehors, la pluie qui s’était légèrement calmée avec l’arrivée de Lyon avait empiré, si bien que d’énormes flaques de boue recouvraient désormais le sol. Elle ne pleurait pas vraiment pour ce qui s’était passé, mais plutôt pour ce qu’elle, elle avait fait. Le geste en lui-même avait énormément plu à Juvia, elle n’avait jamais ressenti un tel sentiment de bonheur, pourtant elle ne pouvait s’empêcher de s’en vouloir, ayant l’impression de trahir à la fois Gray, pour qui ses sentiments avaient été inébranlables depuis le début, et à la fois Lyon à qui elle laissait de faux espoirs si elle ne voulait pas aller plus loin avec loin. Et elle ne voulait pas. Vraiment ? La jeune fille passa la moitié de la nuit à y réfléchir, avant de finalement tomber de fatigue aux alentours de quatre heures du matin. Elle avait du mal à mettre un nom sur ce qu’elle ressentait pour Lyon, et si elle savait que cela n’avait rien à voir avec ses sentiments pour Gray, elle se posait tout de même des questions. Depuis quelques jours, elle avait commencé à de plus en plus remarquer de similitudes entre les deux disciples d’Ul – hors le fait d’enlever ses vêtements pour un oui ou pour un non bien sûr. Certaines mimiques, certaines réflexions, certaines réactions de Lyon étaient exactement les mêmes qu’avaient Gray, si bien que Juvia avait parfois eu l’impression d’être de retour à Fairy Tail. La seule différence majeure entre les deux était la froideur de Gray qui n’était certainement pas un trait caractéristique de Lyon, très ouvert au contraire.

Chaque moment passé auprès de Lyon avait été un bonheur, et Juvia commençait à se demander si ce n’était pas ses ressemblances avec Gray qui avaient fait qu’elle l’appréciait autant.
Lorsque la magicienne se réveilla le lendemain, ses yeux étaient rouges et son cœur chamboulé. Elle passa la journée entière à ruminer sa tristesse chez les cousines Brendy, attendant leur retour pour le lendemain. Elle avait vraiment besoin d’un avis féminin avant de revoir Lyon ou d’espérer prendre une décision à son propos. Elle passa une très mauvaise nuit, incapable de trouver le sommeil malgré la fatigue qu’elle ressentait, et quand enfin Cherry et Shelia rentrèrent de mission, de bonne humeur mais épuisées, la forêt avait presque été inondée par le désespoir de Juvia.

-       Juv’, qu’est-ce qu’il s’est passé ? Demanda Shelia en entrant dans sa chambre en trombe. Tu vas bien ?

-       On dirait qu’il a plu pendant des semaines, il t’est arrivé quelque chose ? Ajouta Cherry, toute aussi secouée que sa cousine.

Juvia les regarda avec l’espoir débordant de ses yeux, comme si elle se raccrochait à une bouée pour ne pas sombrer. Dans un premier temps, elle se remit à pleurer, et les deux femmes aux cheveux roses passèrent plusieurs heures à essayer de la consoler. Quand elle fut enfin calmée, elle leur raconta ce qu’il s’était passé, bien consciente que Shelia allait probablement lui en vouloir.

-       Je ne suis pas amoureuse de lui, Juvia, la rassura sa nouvelle amie, consciente du dilemme que cela avait été pour la magicienne aquatique de parler de son expérience avec elle. Enfin, je n’en sais rien à vrai dire. C’est à la fois un grand frère et quelqu’un que j’aime énormément, et c’est difficile de placer des mots sur mes sentiments, aussi je comprends très bien ce que tu ressens. Est-ce que tu as pensé que c’était peut-être juste parce qu’il te fait penser à Gray que tu as éprouvé le besoin de l’embrasser ?

-       Juvia y a pensé oui, renifla la jeune fille. Mais contrairement à ce qu’on pourrait penser, Gray-sama et Lyon-sama sont quand même très différents. Et Juvia se demande si ce qui lui a plu n’est pas justement ce que Lyon-sama a que n’a pas Gray-sama. Juvia n’en sait trop rien.

Les cousines se jetèrent un regard triste. Elles savaient ce que les méandres de l’amour pouvaient infliger et compatissaient à toute la peine de leur amie. Les trois amies discutèrent longtemps des sentiments de Juvia, et celle-ci, bien que peinée par la conclusion qui s’imposait d’elle-même à son cœur, pris une deuxième fois une décision difficile : il était temps de quitter Lamia Scale. Combien de temps allait-elle encore se cacher des souffrances que l’amour pouvait créer ?